du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 16 juillet e chambre Audience publique du 27 juin 2013

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Transcription:

Tribunal administratif Numéro 30866 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 16 juillet 2012 2 e chambre Audience publique du 27 juin 2013 Recours formé par Madame..., contre une décision du ministre du Travail, de l Emploi et de l Immigration en matière de police des étrangers JUGEMENT Vu la requête inscrite sous le numéro 30866 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 16 juillet 2012 par Maître Martine Lauer, avocat à la Cour, inscrite au tableau de l Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Madame..., née le. à. (Monténégro), de nationalité monténégrine, demeurant actuellement à. Lentz, tendant à l annulation d une décision du «Ministre des Affaires Etrangères» du 3 juillet 2012 portant retrait de son autorisation de séjour en qualité de membre de famille et lui ordonnant de quitter le territoire luxembourgeois ; Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 14 décembre 2012 ; Vu les pièces versées en cause et notamment la décision attaquée ; Le juge-rapporteur entendu en son rapport, ainsi que Maître Réguia Amiali, en remplacement de Maître Martine Lauer et Monsieur le délégué du gouvernement Jean-Paul Reiter en leurs plaidoiries respectives à l audience publique du 24 juin 2013. En date du 4 janvier 2010 Madame... contracta mariage avec Monsieur... à. au Monténégro. Le couple s installa au cours du mois d août 2010 au Grand-Duché de Luxembourg, où Monsieur... se vit délivrer une autorisation de séjour en tant que travailleur étranger. Madame... se vit quant à elle délivrer une autorisation de séjour en qualité de membre de famille le 6 septembre 2011, autorisation valable du 21 juillet 2011 jusqu au 12 juin 2013. Par courrier du 14 mars 2012 le ministre du Travail, de l'emploi et de l'immigration, ci-après désigné par «le ministre», informa Madame... qu il envisageait de lui retirer son autorisation de séjour en qualité de membre de famille, au motif qu elle ne remplissait plus les conditions pour bénéficier d une telle autorisation de séjour, en raison du divorce prononcé entre elle et Monsieur... en date du 16 décembre 2011. Le ministre l informa par ailleurs que la commission consultative des étrangers sera saisie pour avis avant la prise de la décision portant retait de l autorisation de séjour et qu elle sera invitée à se présenter devant ladite commission. 1

Madame... fut entendue par la commission consultative des étrangers en date du 10 mai 2012. Le même jour ladite commission rendit un avis arrivant à la conclusion que Madame... continuait à remplir les conditions de l article 70. (1) a) de la loi du 29 août 2008 et qu il n y avait par conséquent pas lieu de lui retirer son titre de séjour en application de l article 75, point 1 et 2 de la loi précitée. Par décision du 3 juillet 2012, le ministre, déclara ne pas se rallier à l avis de la commission consultative des étrangers et retira à Madame... son titre de séjour en qualité de membre de famille en application de l article 75, point 2, paragraphe (1), point 1 de la loi modifiée du 29 août 2008 sur la libre circulation des personnes et l immigration, ci-après désignée par «la loi du 29 août 2008», tout en lui ordonnant de quitter le territoire dans un délai de trente jours. Ladite décision adressée au litismandataire de Madame... est fondée sur les motifs et considérations suivants : «En date du 14 mars 2012 j'ai informé votre mandante que j'avais l'intention de retirer son titre de séjour conformément aux articles 75, points 1. et 2. et 77, paragraphe (1) de la loi modifiée du 29 août 2008 sur la libre circulation des personnes et l'immigration. Par la suite votre mandante a été invitée à se présenter devant la Commission consultative des étrangers qui s'est réunie le 10 mai 2012 pour faire valoir ses arguments. La Commission conclu dans son avis que votre mandante continue actuellement à remplir les conditions fixées à l'article 70, paragraphe (1), point a) de la loi du 29 août 2008 précitée et qu'il n'y a pas lieu de lui retirer le titre de séjour en qualité de membre de famille. J'ai le regret de vous informer que je ne me rallie pas à l'avis de la Commission. Madame... continue certes à remplir les conditions fixées à l'article 70, paragraphe (1), point a) de la loi du 29 août 2008 précitée alors qu'elle a interjeté appel contre le jugement de divorce prononcé au Monténégro, cependant, votre mandante et son époux n'entretiennent plus de vie conjugale effective et les conditions fixées à l'article 75, point 2. de la même loi sont remplies. Dans ce contexte, je me permets d'attirer votre attention sur le fait que Monsieur... m'a informé par courrier du 4 août 2011 qu'il désire que le «visa» dans le chef de son épouse ne soit plus prolongé et qu'elle se trouvait au Monténégro. Ce courrier fût confirmé en date du 15 septembre 2011 par le mandataire de l'époux de votre mandante qui m'informait «qu'à sa sortie de prison, mon mandant exclut toute reprise de vie commune avec sa femme et entamera une procédure de divorce dès que les conditions légales seront réunies». Il est de plus à retenir que votre mandante, désirant que le divorce soit prononcé au Luxembourg, ne s'oppose pas au divorce en soi. Conformément à l'article 77, paragraphe (1) de la loi du 29 août 2008 précitée, donc en tenant compte des faits que les liens familiaux entre votre mandante et son époux ne sont pas solides, que votre mandante est entrée sur le territoire luxembourgeois le 27 août 2010, qu'elle ne témoigne pas d'une intégration dans la société luxembourgeoise et que ses attaches familiales, culturelles et sociales avec le Monténégro sont solides, le titre de séjour en qualité de membre de famille est retiré à Madame..., en application des articles 75, point 2. et 101, paragraphe (1), point 1. de la loi du 29 août 2008 précitée. 2

Par conséquent, étant donné que votre mandante n'est plus en possession d'une autorisation de séjour pour une durée supérieure à trois mois, son séjour est considéré comme irrégulier, conformément à l'article 100, paragraphe (1), point c) de la loi du 29 août 2008 précitée. Au vu des développements qui précèdent et en application de l'article 111, paragraphes (1) et (2) de la loi du 29 août 2008 précitée, votre mandante est obligée de quitter le territoire dans un délai de trente jours après la notification de la présente, soit à destination du pays dont elle a la nationalité, le Monténégro, soit à destination du pays qui lui a délivré un document de voyage en cours de validité, soit à destination d'un autre pays dans lequel elle est autorisée à séjourner. À défaut de quitter le territoire volontairement, l'ordre de quitter sera exécuté d'office et elle sera éloignée par la contrainte. Veuillez noter que conformément à l'article 113 de la loi du 29 août 2008 précitée les recours ne sont pas suspensifs. Madame... est invitée à se présenter, munie de la présente et du titre de séjour, auprès des guichets de la Direction de l'immigration afin de restituer le titre de séjour qui lui a été délivré. Afin que Madame... puisse quitter l'espace Schengen en toute légalité, je suis néanmoins disposé à lui accorder un visa qui couvrira la durée de son voyage de retour au Monténégro. ( )». Par requête déposée au greffe du tribunal administratif le 16 juillet 2012, Madame... a fait introduire un recours tendant à l annulation de la décision ministérielle précitée du 3 juillet 2012. Dans la mesure où ni la loi du 29 août 2008, ni aucune autre disposition légale n instaurent de recours au fond en matière de décisions portant retrait d une autorisation de séjour, seul un recours en annulation a pu être introduit contre la décision ministérielle déférée, qui est encore recevable pour avoir été introduit dans les formes et délai de la loi. A l appui de son recours, la demanderesse reproche au ministre de lui avoir retiré son autorisation de séjour en tant que membre de famille sur la seule base d un courrier adressé par son mari au ministre, dans lequel son mari annoncerait qu au moment de sa sortie de prison il n envisagerait plus de vivre avec elle. La demanderesse rappelle à ce sujet qu aux termes de l article 215 du code civil les époux seraient tenus de vivre ensemble. Elle estime plus particulièrement que la procédure de divorce entre elle et son époux, pendante au Monténégro serait sans valeur juridique au Grand-Duché de Luxembourg dans la mesure où le jugement de première instance ayant prononcé le divorce en question serait frappé d appel et serait en tout état de cause dépourvu de valeur juridique au Luxembourg à défaut de décision d exequatur dûment coulée en force de chose jugée. La demanderesse souligne encore qu elle résiderait toujours au domicile conjugal et elle affirme ne plus avoir d attaches au Monténégro, étant donné qu elle aurait tout quitté pour suivre son époux au Luxembourg. A titre subsidiaire, la demanderesse estime remplir les conditions énoncées à l article 17 (3) de la loi du 29 août 2008 suivant lequel le divorce du citoyen de l Union européenne n entraînerait pas la perte du droit de séjour des membres de sa famille si des situations particulières auraient mené au divorce notamment lorsque la communauté de vie aurait été 3

rompue en raison d actes de violence domestique subis. Le délégué du gouvernement estime que même si le jugement de divorce prononcé entre Madame... et Monsieur... ne pourrait pas faire l objet d une exequatur au Luxembourg puisque Madame... aurait interjeté appel contre ledit jugement, il démontrerait néanmoins que la désunion existant entre les époux serait irrémédiable. Ladite désunion serait encore accentuée par le fait que Monsieur... aurait déclaré ne plus vouloir vivre avec Madame... à sa sortie de prison et par le fait qu il aurait demandé que la prolongation du visa soit refusée à son épouse. Le délégué du gouvernement affirme encore que le divorce, n entraînerait pas la perte du droit de séjour des membres de la famille, notamment si le mariage a duré au moins trois ans avant le début de la procédure judiciaire de divorce dont un an au moins au pays. Le début de la procédure de divorce importerait donc en la matière et non pas la date du jugement de divorce, voire la date de transcription ou de l exequatur du jugement de divorce. Or, en l espèce, la procédure de divorce aurait débuté à un moment où les époux...-... n auraient été mariés que depuis un an et quelques mois de sorte que la condition prévue à l article 17 (3) 1 de la loi du 29 août 2008 ne serait pas remplie. Le délégué du gouvernement ajoute que la condition énoncée par l article 17 (3) 3 de la même loi, disposant que le divorce, n entraîne pas la perte du droit de séjour des membres de sa famille si des situations particulièrement difficiles auraient exigées le divorce, telle que la rupture de la communauté de vie en raison d actes de violence domestique, ne serait pas non plus remplie en l espèce. A l audience publique le délégué du gouvernement a ajouté que l article 17 de la loi du 29 août 2008 ne serait pas applicable en l espèce, étant donné qu il ne porterait que sur le droit de séjour des membres de la famille d un ressortissant de l Union européenne et qu en l espèce, Monsieur..., de nationalité monténégrine, ne serait pas un ressortissant de l Union européenne, de sorte qu en l espèce, les articles 70 et suivants de la loi du 29 août 2008 auraient plutôt vocation à s appliquer. Aux termes de l article 70 (1) de la loi du 29 août 2008 : «(1) Sans préjudice des conditions fixées à l article 69 dans le chef du regroupant, et sous condition qu ils ne représentent pas un danger pour l ordre public, la sécurité publique ou la santé publique, l entrée et le séjour est autorisé aux membres de famille ressortissants de pays tiers suivants: a) le conjoint du regroupant; ( )». Aux termes de l article 75 de la même loi : «L entrée sur le territoire luxembourgeois peut être refusée et le séjour du membre de la famille peut être refusé, et, sans préjudice de l article 101, le titre de séjour peut être retiré ou refusé d être renouvelé lorsque: ( ) 2. le regroupant et les membres de sa famille n entretiennent pas ou plus une vie conjugale ou familiale effective, sans préjudice de l article 76; ( )». A titre liminaire, force est au tribunal de constater que les parties en cause se rejoignent pour dire que Madame... remplit les conditions fixées à l article 70 (1) a) de la loi du 29 août 2008, étant donné que même si le divorce a été prononcé entre Madame... et Monsieur... par un tribunal monténégrin, ce jugement n était pas encore coulé en force de chose jugée à la date de la prise de la décision déférée par le ministre, à savoir au 3 juillet 2012, de sorte qu à cette date Madame... était toujours à considérer comme le conjoint de Monsieur... au sens de l article 70 (1) a) de la loi du 29 août 2008. 4

Toutefois, les parties en cause sont en désaccord sur la question de savoir si Madame... et Monsieur... entretiennent toujours une vie conjugale effective au sens de l article 75, 2) de la même loi et partant sur la question de savoir si le ministre a valablement pu se baser sur ledit article 75, 2) pour procéder au retrait du titre de séjour de Madame... La loi du 29 août 2008 ne consacre pas de définition de la notion de «vie conjugale effective». Les travaux parlementaires à la base de ladite loi ne permettent pas non plus de dégager une définition de la notion de «vie familiale effective», dans la mesure où ils se limitent à préciser que le titre de séjour obtenu en tant que membre de famille peut être retiré «en cas de rupture de la vie commune» 1. De même, la directive 2003/86/CE du Conseil du 22 septembre 2003 relative au droit au regroupement familial, transposée en droit national par la loi du 29 août 2008, ne fournit pas de définition de la notion de «vie familiale effective», mais se borne à consacrer à son article 16 le droit pour les Etats membres de retirer le titre de séjour d un membre de la famille, notamment, lorsque le regroupant et les membres de sa famille n entretiennent pas ou plus de vie conjugale effective. En l absence d une définition légale, il y a dès lors lieu d apprécier l effectivité de la vie conjugale à travers une analyse factuelle et concrète. En l espèce, indépendamment du fait que Madame... ait continué à occuper le domicile conjugal pendant la durée d emprisonnement de Monsieur... et qu elle ait interjeté appel contre le jugement de divorce prononcé par le tribunal de. (Monténégro) en date du 16 décembre 2011, le tribunal est amené à constater, eu égard à la demande en divorce introduite par Monsieur... et à la déclaration de ce dernier suivant laquelle il n aurait plus l intention de rejoindre son épouse et de vivre avec elle à sa sortie de prison, qu il y a une forte désunion entre les époux...-... et qu ils n entretiennent plus de vie conjugale effective. Il s ensuit que le ministre a valablement pu retirer son titre de séjour à Madame... sur base de l article 75, 2) de la loi du 29 août 2008, sans commettre une erreur manifeste d appréciation. Les conclusions qui précèdent ne sont pas énervées par le moyen de la demanderesse suivant lequel le ministre n aurait pas pu lui retirer son titre de séjour en tant que membre de famille puisqu elle remplirait les conditions de l article 17 (3), 3) de la loi du 29 août 2008, qui dispose que : «Le divorce, l annulation du mariage ou la rupture du partenariat du citoyen de l Union n entraîne pas la perte du droit de séjour des membres de sa famille ressortissants de pays tiers, si une des conditions suivantes est remplie: ( ) 3. des situations particulièrement difficiles l exigent, notamment lorsque la communauté de vie a été rompue en raison d actes de violence domestique subis; ( )». En effet, c est à bon droit que le délégué du gouvernement affirme que ledit article 17 (3) 3) n est applicable qu au citoyen de l Union européenne ainsi qu aux membres de sa famille bénéficiant d un titre de séjour en raison du regroupement familial et qu en l espèce, Monsieur..., de nationalité monténégrine, n est pas un ressortissant d un Etat membre de l Union européenne, de sorte que l article 17 (3) 3) de la loi du 29 août 2008 ne lui est pas applicable en l espèce. L article 76 de la loi du 29 août 2008, s appliquant aux membres de famille du ressortissant de pays tiers, dispose, certes, de manière analogue à l article 17 de la même loi, 1 doc. parl. n 5802, V commentaire des articles, p. 76, ad article 75 5

que : «(1) Dans la mesure où les membres de la famille n ont pas reçu de titre de séjour pour d autres motifs que le regroupement familial, un titre de séjour autonome, indépendant de celui du regroupant, peut être délivré dans les conditions de l article 79, au conjoint, ( ) au plus tard après cinq ans de résidence ou lorsqu une rupture de la vie commune survient et résulte: ( ) lorsque des situations particulièrement difficiles l exigent, notamment lorsque la communauté de vie a été rompue en raison d actes de violence domestique subis. ( )». C est toutefois à juste titre que le délégué du gouvernement affirme qu il ne ressort d aucun élément du dossier que la communauté de vie des époux...-... aurait été rompue en raison d actes de violence domestique. Ainsi, si la demanderesse fait valoir que le demandeur aurait été condamné à une peine d emprisonnement en raison d actes de violence domestique commis à l égard de son enfant et de son ex-épouse, il ne ressort d aucun élément du dossier que la vie conjugale de Monsieur... et de Madame... aurait été rompue pour des motifs similaires de sorte que le moyen afférent est à rejeter. Il suit de l ensemble des considérations qui précèdent que le recours est à rejeter pour ne pas être fondé. Par ces motifs le tribunal administratif, deuxième chambre, statuant à l égard de toutes les parties ; reçoit le recours en annulation en la forme ; au fond, le déclare non justifié, partant en déboute ; condamne la demanderesse aux frais. Ainsi jugé par : Françoise Eberhard, vice-président, Anne Gosset, juge, Olivier Poos, attaché de justice, et lu à l audience publique du 27 juin 2013 par le vice-président, en présence du greffier Monique Thill. Monique Thill Françoise Eberhard Reproduction certifiée conforme à l original Luxembourg, le 27 juin 2013 Le greffier du tribunal administratif 6