Maladie cœliaque : la place des autoanticorps dans le diagnostic et le suivi

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Maladie cœliaque : la place des autoanticorps dans le diagnostic et le suivi European Autoimmunity Standardization Initiative (EASI) groupe France Georges CHYDERIOTIS, Emmanuel CLAUDEL, Nicole FABIEN, Lucile MUSSET, Nils-Olivier OLSSON, Bach-Nga PHAM

Maladie cœliaque Sommaire 1. Epidémiologie................................ 3 2. Aspects cliniques.............................. 5 3. Physiopathologie............................. 7 4. Biologie....................................... 8 EASI Groupe France remercie : Le Professeur Alain LACHAUX (1) et le Professeur Hugues ROUSSET (2) pour leur participation à l analyse critique de ce document. (1) HFME, Hôpital Femme Mère Enfant, LYON (2) Service de Médecine Interne, Centre hospitalier Lyon-Sud, LYON 2

La maladie cœliaque est une entéropathie auto-immune liée à une intolérance au gluten se développant sur un terrain de susceptibilité génétique. Cette maladie est caractérisée par une inflammation de la muqueuse intestinale responsable d une atrophie villositaire totale ou subtotale. 1. Epidémiologie La maladie cœliaque touche surtout les populations d'europe du nord, les pays du Maghreb, l Australie et les Etats-Unis. En revanche, elle est très rare en Asie et en Afrique sub-saharienne. Cette maladie a deux pics de fréquence avec classiquement une révélation dans l'enfance, le plus souvent entre six mois et deux ans, après l'introduction du gluten dans l alimentation (farines pour nourrissons contenant du gluten, pâtes, pain ), ou à l'âge adulte, le plus souvent entre 20 et 40 ans. Les formes à révélation tardive, après 65 ans, ne sont cependant pas exceptionnelles. Considérée comme rare, la prévalence de la maladie doit être réévaluée. En effet, la majorité des sujets cœliaques sont soit asymptomatiques, soit peu symptomatiques, soit présentent des symptômes atypiques. La prévalence exacte de la maladie cœliaque reste inconnue en France. Chez l enfant, elle est estimée, pour les formes symptomatiques, à 40 cas pour 100 000 enfants. Celle des formes silencieuses ou asymptomatiques, déterminée par les tests sérologiques, est plus élevée soit environ 330 cas pour 100 000 enfants. Chez l adulte, la prévalence globale est estimée à 150-260 cas pour 100 000 adultes, d après les données de deux études séro-épidémiologiques réalisées entre 2000 et 2002. D autres études épidémiologiques menées dans plusieurs pays ont permis d estimer à deux millions le nombre total d individus atteints de maladie cœliaque en Europe (cf. Tableau). Concernant l incidence annuelle de la maladie cœliaque en France, plusieurs enquêtes prospectives chez les enfants dans différents départements, représentant environ la moitié de la population française, ont permis de déterminer des chiffres de 1 pour 1 731 à 1 pour 4 865 enfants. 3

Maladie cœliaque Prévalence de la maladie cœliaque (déterminée sur des données cliniques et histologiques) Pays Finlande Suède Norvège Danemark Royaume-Uni Irlande Allemagne Suisse France Italie Chez les enfants Pour 100 000 enfants 1000 (7-10 ans) 1300 * * 990 813 * * 40-100 330-500 (< à 13 ans) 1060 (6-14 ans) Chez les adultes Pour 100 000 adultes 350-2000 95-530 333 250 1000 330-1492 191 1000 150-260 180-689 Espagne Afrique du Nord * : non publié * 142-250 260-370 Les premiers signes cliniques apparaissent avant l âge d un an dans 73 % des cas. Le diagnostic est réalisé avant l âge de deux ans dans 58 à 77 % des cas. Le sex-ratio de la maladie cœliaque chez l enfant serait de 1. Chez l adulte, la maladie cœliaque est 2 à 3 fois plus fréquente chez la femme. Il existe un risque accru de maladie cœliaque chez les apparentés au premier degré de patients atteints de maladie cœliaque (5 à 10 %), les patients diabétiques de type I (3,6 à 6,2 %), et les patients atteints d autres maladies autoimmunes : thyroïdite (3 %), cirrhose biliaire primitive (2 %). Ce risque accru est lié au terrain génétique de prédisposition aux maladies dysimmunitaires. * 4

2. Aspects cliniques Le diagnostic de cette affection se fait à tout âge. Les symptômes peuvent être la conséquence de l atteinte digestive avec une malabsorption de nutriments et de vitamines, ou être en relation avec le syndrome dysimmunitaire responsable d atteintes extra-digestives. Les manifestations cliniques diffèrent d un patient à l autre. Trois formes cliniques sont rencontrées : asymptomatique, strictement silencieuse dépistée sur des données biologiques ou histologiques; paucisymptomatique ou subclinique ; symptomatique, classique de la maladie. Les formes asymptomatiques ou paucisymptomatiques sont plus fréquentes que les formes symptomatiques. La sévérité des symptômes n est pas nécessairement proportionnelle à l importance des lésions de la muqueuse intestinale, un patient ayant une atrophie villositaire totale pouvant être asymptomatique. Chez le nourrisson, la symptomatologie la plus classique associe diarrhée chronique avec malabsorption et signes de malnutrition plus ou moins sévère. L anorexie est quasi constante. Les vomissements sont fréquents. Dès lors que le gluten a été introduit dans l alimentation, tout ralentissement de la croissance pondérale doit faire évoquer le diagnostic de maladie cœliaque. Chez l enfant, les symptômes sont trompeurs, car la diarrhée est souvent au second plan. Des troubles digestifs à type de douleurs abdominales, des vomissements, une constipation peuvent être ainsi observés. Parfois, seuls une fatigabilité, un simple retard de croissance ou pubertaire, voire des manifestations extra-digestives peuvent être notés (voir paragraphe ci-après). Chez l adulte, le diagnostic de maladie cœliaque est facile lorsqu il existe des signes cliniques digestifs (diarrhée chronique avec stéatorrhée et douleurs abdominales), mais beaucoup plus difficile lorsque les symptômes sont mineurs, ou liés à des manifestations extra-digestives. 5

Maladie cœliaque Les manifestations extra-digestives secondaires au syndrome de malabsorption sont : l anémie (carence en fer, folates, vitamine B12) ; le retard de croissance ou pubertaire chez l enfant ; les douleurs ostéo-articulaires en rapport avec une ostéopénie et une ostéoporose (déficit en vitamine D et en calcium) ; les manifestations neurologiques telles que la neuropathie périphérique (déficit en vitamines B12 et B1) ; les manifestations musculaires telles que les crampes musculaires ou la tétanie (déficit en magnésium et en calcium) ; l amaigrissement voire la dénutrition (malabsorption de la majorité des nutriments), avec parfois œdème (perte protéique et notamment d albumine) ; la fatigabilité (hypokaliémie et déplétion en électrolytes) ; les saignements et hématomes (déficit en vitamine K), etc Les manifestations extra-digestives probablement non secondaires au syndrome de malabsorption, observées dans les formes atypiques de la maladie, sont : les désordres neurologiques (dépression, épilepsie, migraine, etc ) ; la dermatite herpétiforme ; les perturbations du bilan hépatique (augmentation des transaminases notamment) ; les troubles de la reproduction (infertilité, aménorhée, fausses couches à répétition, etc ) ; l aphtose ; la néphropathie à IgA ; la myocardite ; l alvéolite hémorragique ; l arthrite, etc Enfin, la maladie cœliaque peut être associée à d autres maladies extra-digestives, maladies auto-immunes spécifiques d organe (diabète insulinodépendant, thyroïdite auto-immune, cirrhose biliaire primitive, etc ) ou maladies 6

auto-immunes systémiques (lupus systémique, maladie de Gougerot-Sjögren, etc ) notamment. Le diagnostic formel de maladie cœliaque est établi avec la mise en évidence sur les biopsies duodénales d'une atrophie villositaire totale ou subtotale accompagnée d'une hypertrophie cryptique, et d'une infiltration lymphocytaire de l'épithélium de surface. 3. Physiopathologie Des facteurs immunologiques, génétiques et environnementaux sont impliqués dans la physiopathologie de la maladie cœliaque. Rôle du gluten Les graminées sont constituées d un sucre (amidon) et de gluten (ensemble de différentes protéines). Parmi ces protéines, certaines riches en proline et en glutamine sont présentes dans le blé (gliadine), le seigle (sécaline) et l orge (hordénine). De façon physiologique, après ingestion et hydrolyse du gluten, les gliadines et leurs peptides dérivés restent dans la lumière intestinale et ne sont pas assimilés. Cependant, dans certaines situations avec augmentation de la perméabilité intestinale, ces molécules peuvent pénétrer à travers la barrière intestinale. Certains peptides comme le peptide 31-49 ont une action directement toxique sur la muqueuse intestinale, d autres peptides sont nommés immunogènes induisant une réponse immune T et B. Rôle du système immunitaire Dans l intestin, au niveau de la lamina propria, les peptides issus de la protéolyse intraluminale de la gliadine sont désamidés par une enzyme, la transglutaminase tissulaire. Les néopeptides ainsi générés se fixent avec une haute affinité sur les molécules HLA-DQ2 ou HLA-DQ8 exprimées par les cellules dendritiques des patients cœliaques. Ces cellules dendritiques peuvent ainsi présenter efficacement les néopeptides aux lymphocytes T dans la muqueuse intestinale. Au niveau de la réponse humorale, il existe une synthèse d anticorps anti-transglutaminase et d anticorps anti-glia- 7

Maladie cœliaque dine. L ensemble de la réponse immunitaire s accompagne de la production de cytokines pro-inflammatoires, et de protéases à l origine de la réaction inflammatoire et des lésions tissulaires. Facteurs de prédisposition génétique Il existe une prédisposition génétique pour la maladie cœliaque, impliquant notamment des combinaisons des gènes DQA1 et DQB1 codant pour les molécules HLA de classe II (HLA- DQA1*0501-DQB1*02 (DQ2), ou HLA-DQA1*0301-DQB1*0302 (DQ8)). En effet, 95 % des patients sont porteurs des gènes HLA-DQ2 et 5 % des gènes HLA-DQ8. Dans la fratrie d un patient, les sujets HLA identiques ont un risque de 32 % de développer la maladie. Ce risque est de 71 % pour un jumeau monozygote. Ces chiffres indiquent le rôle probable d autres gènes que les gènes HLA, mais ils ne sont pas identifiés. Facteurs environnementaux Différents facteurs environnementaux sont impliqués dans le développement de la maladie cœliaque. Certaines infections gastro-intestinales (notamment infections à rotavirus dans l enfance) augmentent le risque de survenue de la maladie. A l inverse, l allaitement maternel ou l introduction de gluten après l âge de sept mois, seraient des facteurs protecteurs vis-à-vis de la maladie cœliaque. 4. Biologie Anticorps utiles au diagnostic de maladie cœliaque Les anticorps (Ac) anti-endomysium ont été décrits en 1983 par Chorzelski dans la maladie cœliaque et la dermatite herpétiforme. L endomysium est l enveloppe conjonctive qui entoure chaque fibre musculaire. Les Ac anti-endomysium utiles au diagnostic sont de classe IgA, en l absence de déficit en IgA. Ces anticorps sont mis en évidence par immunofluorescence indirecte sur des coupes de tissus riches en fibres musculaires lisses. Le substrat le plus utilisé et qui a permis leur description est l œsophage de singe (tiers inférieur) : les Ac anti-endomysium donnent un marquage caractéristique en nid d abeilles au niveau de la musculaire muqueuse. Les performances diagnostiques de ce test sont très bonnes, aussi bien chez l enfant que chez l adulte : la sensibilité est supérieure à 90 % et la spécificité est supérieure à 95 %. Aussi, ce test est-il souvent considéré comme le test de 8

référence pour le diagnostic sérologique de la maladie cœliaque, en dépit des limites inhérentes à la technique d immunofluorescence indirecte. En 1997, la transglutaminase tissulaire (ttg) a été identifiée comme l antigène cible des Ac anti-endomysium. La transglutaminase tissulaire est une enzyme ubiquitaire, calcium-dépendante, qui couple entre elles des protéines riches en glutamine. Plusieurs isoformes de la transglutaminase tissulaire ont été décrites, la ttg-2 étant localisée au niveau de la muqueuse intestinale et la ttg-3 dans le revêtement cutané. Les anticorps anti-transglutaminase utiles au diagnostic sont de classe IgA, en l absence de déficit en IgA. Ils sont recherchés par des techniques quantitatives de type ELISA ou immunofluorimétrie en flux, ou qualitatives de type immunodot. La nature de l antigène utilisé conditionne les résultats de ces tests. Initialement purifiée à partir de foie de cobaye, puis d hématies humaines, la transglutaminase tissulaire a ensuite été produite sous forme recombinante humaine, cette dernière procure les meilleures performances. La transglutaminase tissulaire étant la cible des Ac antiendomysium, les performances diagnostiques de la recherche des Ac anti-transglutaminase sont très voisines de celles des Ac anti-endomysium. La possibilité d automatiser la recherche des Ac anti-transglutaminase et de s affranchir de l interprétation des aspects de fluorescence donnés par les Ac anti-endomysium font adopter de plus en plus la recherche de ces anticorps comme test de première intention pour le diagnostic sérologique de la maladie cœliaque. La production d Ac anti-transglutaminase semble strictement dépendante de l exposition au gluten. Elle disparaît après exclusion du gluten de l alimentation, mais est ré-induite en cas de ré-ingestion de gluten. 9

Maladie cœliaque Recommandations actuelles de la Haute Autorité de Santé (HAS) pour le diagnostic biologique de la maladie cœliaque Chez les adultes et les enfants suspects de maladie cœliaque, il est recommandé de rechercher des Ac antitransglutaminase de classe IgA, par une technique utilisant comme antigène la transglutaminase tissulaire recombinante humaine. Après une première recherche négative d Ac anti-transglutaminase de classe IgA, chez des enfants suspects de maladie cœliaque, ayant une alimentation n excluant pas le gluten et ne présentant pas de déficit en IgA, il est recommandé d effectuer une nouvelle recherche d Ac anti-transglutaminase de classe IgA ou d Ac anti-endomysium de classe IgA dans un délai de 3 à 6 mois. Chez les sujets présentant un déficit en IgA, la recherche d Ac anti-endomysium ou d Ac anti-transglutaminase de classe IgG est recommandée selon le même schéma que pour les IgA. A l heure actuelle, il n existe pas de consensus concernant la recherche en parallèle d un déficit en IgA et de la première recherche d Ac anti-transglutaminase de classe IgA. D un côté, même si la fréquence de ce déficit est plus élevée chez les patients atteints de maladie cœliaque que dans la population générale, il reste assez rare ; sa recherche systématique alourdit le coût de cette sérologie. D un autre côté, un dosage pondéral des IgA sériques prescrit après une première recherche négative d Ac anti-transglutaminase de classe IgA conduit à effectuer un nouveau prélèvement sanguin et ralentit la démarche diagnostique. 10

Ce qu il ne faut plus faire aujourd hui Anticorps anti-gliadine. La valeur diagnostique des Ac anti-gliadine de classe IgA est moins bonne que celle des Ac anti-transglutaminase de classe IgA. De plus, les trousses disponibles ont des performances très différentes d un fournisseur à l autre. La sensibilité des Ac anti-gliadine de classe IgG est plus élevée que celle des Ac anti-gliadine de classe IgA, mais leur spécificité est plus faible. Des Ac anti-gliadine de classe IgA et/ou IgG peuvent être détectés dans le sérum de patients porteurs d autres affections intestinales ou non : œsophagite, gastrite, intolérance aux protéines du lait de vache, giardiase, mucoviscidose, polyarthrite rhumatoïde, néphropathie à IgA, hépatopathies De nouveaux réactifs proposent comme antigène des peptides synthétiques reproduisant le site antigénique de la gliadine. Si les résultats semblent améliorés, ils n atteignent pas les performances des Ac anti-transglutaminase. Anticorps anti-réticuline. Ces anticorps, détectés par immunofluorescence indirecte sur des coupes de tissus murins, ont été les premiers décrits dans la maladie cœliaque et dans la dermatite herpétiforme. Si la spécificité des Ac anti-réticuline de classe IgA pour la maladie cœliaque est élevée, leur sensibilité diagnostique est faible, ce qui doit faire abandonner leur recherche en pratique courante. 11

Maladie cœliaque Algorithme adapté à partir des recommandations Négatif (1) Non Déficit en IgA? Négatif 2 ème test (2) après 3 à 6 mois IgA anti-ttg ou IgA anti-endomysium Positif Autre diagnostic (3) Biopsies intestinales (2) (1) : Interprétation en fonction du régime alimentaire avec ou sans gluten (2) : Décisions médicales en fonction du contexte clinique (3) : Dans certaines circonstances, chez l adulte et si la suspicion clinique est forte, on peut cependant demander des biopsies du grêle. ttg : Transglutaminase tissulaire 12

de la HAS Suspicion de Maladie Cœliaque IgA anti-ttg Positif Biopsies intestinales (2) Oui Négatif IgG anti-ttg ou IgG anti-endomysium Positif 2 ème test (2) après 3 à 6 mois IgG anti-ttg ou IgG anti-endomysium Négatif Autre diagnostic (3) 13

Maladie cœliaque Cas particuliers L absence d Ac anti-transglutaminase au moment du diagnostic doit être interprétée en fonction du régime alimentaire, avec ou sans gluten. Lorsque la valeur des Ac anti-transglutaminase a fourni un résultat négatif ou proche du seuil de positivité, une recherche d Ac anti-endomysium est préconisée. En effet, les performances globales de ces deux types de tests sont équivalentes, mais leurs résultats ne sont pas totalement superposables. Lorsque la suspicion de maladie cœliaque est faible, il peut être utile de contrôler un résultat positif de recherche d Ac anti-transglutaminase par une recherche d Ac anti-endomysium. En effet, de rares cas de résultats faussement positifs d Ac anti-transglutaminase ont été observés. Recommandations actuelles de la HAS pour le suivi La recherche des Ac anti-transglutaminase ou des Ac antiendomysium de classe IgA est indiquée après 6 et 12 mois de régime sans gluten chez les patients qui avaient un premier test positif, après examen clinique et vérification de l observance du régime à l interrogatoire. La disparition des anticorps ou la diminution de leur titre permet d encourager le patient dans la poursuite de l observance du régime sans gluten. Il en est de même pour les Ac anti-transglutaminase ou anti-endomysium de classe IgG chez les patients porteurs d un déficit en IgA et chez qui l un ou l autre de ces tests était positif avant la mise en place du régime sans gluten. Au cours de ce suivi, il est important que tous les tests soient effectués dans le même laboratoire : il n est pas possible d interpréter des variations de titres obtenues avec des réactifs différents. 14

Bibliographie Haute Autorité de Santé. Recherche d anticorps dans la maladie cœliaque : diagnostic et suivi de l observance du régime sans gluten. 31/01/2007. www.has-sante.fr Haute Autorité de Santé. Quelles recherches d anticorps prescrire dans la maladie cœliaque? Fiche de bon usage des technologies de santé. 11/2007. www.has-sante.fr 15

EASI Core Group Danemark Italie Angleterre France Israël Allemagne Hollande Espagne EASI (European Autoimmunity Standardization Initiative) Ce groupe de travail est constitué de cliniciens et biologistes européens. Son rôle principal est : d intensifier la communication entre le clinicien et le biologiste afin d aider au diagnostic des maladies auto-immunes ; de proposer des initiatives de standardisation, tant sur le plan clinique que biologique. Document réalisé grâce au soutien de Phadia et disponible sur le site www.phadia.fr octobre 2010