AUDIENCE SOLENNELLE DU TRIBUNAL ADMINISTRATIF DE NÎMES



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Transcription:

AUDIENCE SOLENNELLE DU TRIBUNAL ADMINISTRATIF DE NÎMES 3 OCTOBRE 2014 Monsieur le Préfet du Gard, Madame et Messieurs les Députés, Monsieur le Sénateur, Maire de Nîmes, Monsieur le Premier Président de la cour d appel de Nîmes et Monsieur le Procureur Général près de cette cour, Monsieur le Vice-président, représentant Mme la Présidente de la cour administrative d appel de Marseille, Monsieur le Conseiller général, représentant Monsieur le Président du Conseil général du Gard, Madame le Procureur de la République près le tribunal de grande instance de Nîmes, Monsieur le Président de la chambre régionale des comptes du Languedoc-Roussillon, Madame la Secrétaire Générale représentant Monsieur le Préfet de Vaucluse, Monsieur le Président du tribunal administratif de Marseille, et Messieurs les Vice-présidents et premiers conseillers représentant ceux des tribunaux de Nice, Montpellier et Toulon, Madame et Monsieur les Présidents des tribunaux de grande instance de Carpentras et d Avignon, Monsieur le Procureur de la République près du tribunal d Avignon, Madame le Procureur financier représentant la Présidente de la chambre régionale des comptes Provence Alpes Côte d Azur, Monsieur le Directeur de cabinet du Préfet du Gard, Mesdames et messieurs les Chefs de service, Messieurs les Doyens des universités de Nîmes et Avignon, Messieurs les Bâtonniers des barreaux de Mende et Carpentras, Madame et Messieurs les représentants des bâtonniers de Nîmes, Alès et Avignon, Mesdames et messieurs les membres de l'université et du Barreau, Madame la Présidente de l association des maires du Gard, Messieurs les Présidents des compagnies des experts et des commissaires enquêteurs, Mesdames et messieurs les membres du Tribunal, Mesdames et messieurs, 1

J ouvre donc cette deuxième audience solennelle de rentrée du tribunal administratif de Nîmes en vous remerciant d abord d avoir bien voulu l honorer de votre présence. L instauration de cette pratique de l audience solennelle, inspirée par celle de la juridiction judiciaire, est récente dans l ordre administratif. Le tribunal administratif de Lyon en a été un initiateur et elle s est depuis répandue. Le précédent chef de juridiction, Mme Brigitte Vidard, avait ainsi présidé en 2013 la première audience de rentrée du tribunal de Nîmes. Pendant trop longtemps sans doute les tribunaux administratifs ont appliqué l adage «Pour vivre heureux vivons caché» d ailleurs d origine gardoise puisqu il est dû à un fabuliste quelque peu oublié du 18 ème siècle, Jean-Pierre Claris de Florian né à Sauve. Ce temps est révolu, la juridiction administrative entend bien communiquer sur son action à une époque où elle est saisie de plus en plus sur des sujets très sensibles. L année 2014 a été significative à cet égard avec par exemple les affaires Dieudonné ou Vincent Lambert qui ont permis au Conseil d Etat de se prononcer sur des sujets aussi sensibles que la conciliation de la liberté d expression et du maintien de l ordre public ou l interprétation de la loi Léonetti sur la fin de vie. Il est donc devenu naturel pour le juge administratif de rendre compte de la mission dont il s acquitte. Mon intervention permettra de dresser un bilan de l activité du tribunal. Puis nous écouterons Monsieur le Bâtonnier Goujon qui exposera la vision d un avocat sur les importantes mutations de la juridiction administrative au cours des deux dernières décennies. 2

J évoquerai ensuite sur les perspectives de la juridiction pour l année à venir. Avant de revenir plus précisément sur l activité du tribunal, je rappellerai en préalable les évolutions qu a connu l effectif. Trois magistrats et deux agents de greffe l ont quitté au cours de l été 2014. Il s agit respectivement de Mme Hardy qui a obtenu une mutation comme président de chambre au tribunal de Montpellier et de M. Raynaud et Mme Galtier mutés respectivement aux tribunaux de Lyon et Saint Denis de la Réunion. Ces départs ont été compensés par la promotion de M. Peretti qui a pris la présidence de la troisième chambre, le retour de M. Antolini, parti trois ans à la cour administrative d appel de Marseille, et l arrivée de deux nouvelles conseillers Mesdames Barriol et Fougères. L effectif de quatorze magistrats actuellement présents n est pas excessif au regard de la forte croissance de l activité enregistrée actuellement. Le tribunal a accueilli deux agents de greffe, Mesdames Garnier et Arsac, pour compenser les départs. Venons-en donc au bilan. L année 2014 est marquée à la fois par une activité très soutenue et des contentieux aux enjeux importants. Cette activité contentieuse s est faite au cours d une année de modernisation de la juridiction administrative et de la procédure administrative contentieuse. I Une activité soutenue portant sur des enjeux importants 1 Une activité en accroissement La première constatation que l on peut faire sur l année 2014 pour le tribunal, c est que l activité y est pour l instant particulièrement soutenue. Le nombre de requêtes enregistrées s est en effet sensiblement accru. Au 31 août 2014 la progression est ainsi de plus de douze pour cent, ce qui correspond d ailleurs à une évolution nationale qui touche une grande majorité des tribunaux administratifs. Cette progression est encore plus forte en raisonnant en année glissante et en comparant les périodes septembre 2012-septembre 2013 puis septembre 2013 et septembre 2014. La progression atteint alors 20%. Cet accroissement est cependant très variable selon les 3

types de contentieux : il concerne en premier lieu le droit des étrangers (plus24 %) puis le contentieux fiscal (plus18,5%) et les contentieux sociaux (plus 13 %). En revanche sont en faible augmentation les litiges concernant la fonction publique et sont même en recul ceux concernant le contentieux de l urbanisme et de l environnement. L année 2014 présentait une particularité qui aurait pu peser fortement sur le nombre de nouvelles requêtes. Il s agissait en effet d une année de renouvellement intégral des conseils municipaux. Toutefois le nombre de requêtes électorales est resté limité cette année, environ deux fois moindre qu en 2008 année du précédent renouvellement général et n a donc eu qu un faible impact sur l activité du tribunal. Malgré un effectif réel en légère diminution par rapport à l année précédente, le tribunal a jugé plus d affaires en 2014 que sur la même période de 2013 sans pouvoir toutefois pour l instant arriver à couvrir le nombre de requêtes enregistrées. Toujours en année glissante le nombre d affaires jugées s élève ainsi à 3 806 en hausse de 6%. Le stock d affaires en instance s est donc accru d environ 5%. L objectif d ici la fin de l année civile est de limiter au maximum cette progression du stock d affaires à juger. Le tribunal reste cependant dans une situation convenable. Le nombre d affaires anciennes, celles de plus de deux ans, légèrement supérieur à 50 est très réduit : elles représentent moins de 2 % du nombre total d instances en cours. Le délai prévisible moyen de jugement, a ainsi légèrement augmenté à 9 mois et 15 jours mais reste inférieur à la moyenne nationale des tribunaux administratifs. Pour en finir avec ces chiffres, il convient de rappeler l activité intense du juge de l urgence. Réforme décisive née de la loi du 30 juin 2000, les procédures de référé dans lesquelles le juge statue dans un délai réduit sont toujours pleinement utilisées par les requérants. Sur la période comprise entre les mois de septembre 2013 et septembre 2014, le tribunal a rendu 240 ordonnances en référés suspension, liberté ou mesures utiles dans un délai moyen de treize jours. Il a été ainsi en mesure d apporter des réponses rapides sans attendre la procédure au fond. 4

2 Des affaires marquantes Mais un bilan d une année de travail juridictionnel ne saurait évidemment se limiter à la sécheresse de quelques chiffres. Derrière ceux-ci il y a bien sûr des justiciables et des affaires présentant des enjeux forts. Si toute requête est évidemment importante pour celui qui l introduit et traitée comme telle par la juridiction, il est légitime de s attarder lors de cette audience sur celles présentant des enjeux plus forts pour la collectivité. Trois catégories de contentieux me semblent devoir plus particulièrement être distinguées en 2014. D abord les affaires électorales ; elles ont été jugées par le tribunal en deux temps comme le prévoit le code électoral. Les litiges concernant les plus petites communes ont été tranchés au printemps dernier dans le délai de trois mois fixé par le code électoral. L obligation de tenir des comptes de campagne ne concerne en effet que les communes de plus de 9 000 habitants. Les protestations les concernant, affaires les plus médiatiques, ne sont donc passées à l audience que très récemment au cours du mois de septembre et hier pour celles du Vaucluse. On peut de toute façon relever que les communes chefslieux des trois départements n ont fait l objet d aucun recours. Le tribunal n a prononcé que quelques annulations très partielles de ces élections, saisi souvent pour des scrutins dans lesquels l écart de voix était important et l argumentation des requérants assez faible. Le tribunal administratif a aussi jugé au cours de l année judiciaire 2013-2014 des dossiers portant sur des projets publics très importants : j en citerai trois rendus en matière d urbanisme. Il a d abord confirmé au mois de juin 2014 la légalité du permis de construire du Musée de la Romanité à Nîmes en écartant les nombreux moyens de légalité externe et interne soulevés par un voisin. Le tribunal a également rejeté à la fin de l année 2013 des demandes en annulation présentées contre le permis de construire le centre de tri des collectes sélectives des déchets ménagers du syndicat mixte du Sud Gard et la nouvelle mairie du Grau-du-Roi. Dans ces deux dossiers aussi, les requérants avaient su faire preuve d imagination en soulevant de très nombreux moyens de forme et de fond. 5

De manière plus générale dans le contentieux de l urbanisme, le tribunal est souvent confronté aux mêmes problématiques dans des départements marqués par une forte croissance démographique et la demande d urbanisation qui en résulte : la protection des zones naturelles et agricoles, que ce soit à l occasion de l approbation des documents règlementaires d urbanisme ou de l instruction d un permis de construire ; l appréciation du risque naturel, inondation ou incendie, dans la délivrance des autorisations d urbanisme ; les violentes précipitations de ces dernières semaines illustrant bien ce risque. Enfin le tribunal a également été rapidement saisi au titre de sa nouvelle compétence liée à l application de la loi du 14 juin 2013 relative à la sécurisation de l emploi. Rappelons que la juridiction administrative est, depuis ce texte, compétente pour juger de la légalité des décisions par lesquelles l autorité administrative approuve les plans de sauvegarde de l emploi. Le tribunal administratif doit statuer dans un délai restreint de trois mois ce qu il a fait en décembre 2013 et juin 2014 dans les affaires dont il était saisi portant l une sur une société gérant un centre d appels et l autre une entreprise de commerce en gros de boissons. Cette activité contentieuse s est donc faite au cours d une année marquée par une modernisation de la juridiction administrative, ce sera mon second point. II Une juridiction administrative modernisée L exercice de la fonction de juger s inscrit en 2014 dans le cadre d une modernisation du fonctionnement de la juridiction administrative et de la procédure. 1 Une année marquée par une révolution technique Télérecours. L année 2014 a d abord été celle de la montée en puissance de l utilisation de l application Télérecours. Cette application informatique permet une gestion dématérialisée de la procédure contentieuse. Elle n est cependant ouverte qu aux personnes publiques 6

et aux avocats. Un requérant sans avocat, hypothèse qui n est pas rare devant le juge administratif, ne peut donc l utiliser. L application avait d abord fait l objet d une phase d expérimentation dans le ressort de deux cours administratives d appel ; elle a été généralisée à compter du 2 décembre 2013, notamment donc au tribunal administratif de Nîmes. Ce nouveau système présente de nombreux avantages : fiabilité, célérité et sécurité des échanges, économie de papier et de frais d affranchissement Je constate aujourd hui avec une grande satisfaction que tant les avocats que les administrations se sont pleinement approprié ce nouvel outil. Aujourd hui dans les affaires où l utilisation de Télérecours est possible du fait de la présence d un avocat représentant le requérant, une requête sur deux du tribunal est introduite de manière dématérialisée. Je profite de l audience de ce jour pour remercier les responsables des administrations concernées et les bâtonniers d avoir pleinement accompagné cette modernisation. Je rends aussi hommage aux membres de la juridiction et plus particulièrement aux greffiers pour s être totalement investis et avoir permis ce succès. Il ne s agit évidemment que d une étape et l application sera un jour sans doute la seule voie de saisine et d échange de la juridiction administrative. Cette modernisation technique s est aussi accompagnée de modifications en matière de procédure. 2 L évolution des procédures L année écoulée a en effet aussi été riche en matière procédurale dont beaucoup sont entrées en vigueur en 2014. Trois doivent être rappelées. D abord la redéfinition du champ d intervention du juge unique. Le principe devant le tribunal administratif reste qu une affaire doit être jugée par une formation collégiale composée de trois magistrats dont un ayant le grade de président. Mais ce principe fait l objet notamment depuis une réforme déjà ancienne de 1995 d une exception s étant étendue avec les années. Certains dossiers relèvent ainsi d un juge unique. Le décret du 13 août 2013 entré en vigueur au 1 er janvier 2014 a ainsi redessiné le partage entre formations collégiales et juge unique. 7

Ses dispositions les plus significatives portent sur le transfert au juge unique du contentieux du permis de conduire et de celui des contentieux sociaux. La conséquence en est aussi pour ces deux types de contentieux que la seule voie de recours offerte est désormais celle d un pourvoi en cassation devant le Conseil d Etat. Le recours au juge unique ainsi étendu se justifie par l absence en principe de véritable difficulté juridique dans ce type de dossiers. La deuxième évolution concerne toujours les contentieux sociaux dont j évoquais tout à l heure la montée en puissance. Ces requêtes portant par exemple sur des contestations relatives au revenu de solidarité active ou à l aide personnalisée au logement sont le plus souvent introduites par des personnes dépourvues d avocat et sans expérience juridique. La réforme issue du même décret du 13 août 2013 tient compte de ces particularités. Elle donne notamment une plus grande place à l oralité dans le débat contentieux lors de l audience pour permettre aux intéressés de mieux faire valoir leur point de vue et mieux s expliquer devant le juge. Elle atténue donc la règle générale qui est que la procédure est écrite devant la juridiction administrative. Enfin le contentieux de l urbanisme a connu de profondes évolutions destinées à assurer une plus grande sécurité juridique pour les constructeurs. L ordonnance du 18 juillet 2013, entrée en vigueur le 19 août 2013 prévoit notamment l encadrement du droit au recours par une définition plus stricte de l intérêt pour agir, la possibilité de condamner un requérant à verser des dommages et intérêts en cas de requête illégitime ou encore la faculté plus largement ouverte de régulariser un permis que le juge estime illégal. L exposé de ce bilan achevé, je donne maintenant la parole à Monsieur le Bâtonnier Goujon que je remercie de bien avoir voulu intervenir lors de cette audience. Je vous remercie Monsieur le Bâtonnier de cette intervention. J en retiens notamment avec plaisir votre satisfaction face au fonctionnement des procédures d urgence. 8

Je voudrais rapidement conclure cette audience solennelle par quelques éléments sur les perspectives du tribunal pour l année à venir. J aborderai l activité, les changements et la nécessité de l ouverture de la juridiction. L activité d abord. Il est probable que la hausse des requêtes constatée cette année va se poursuivre. Si on se place dans une perspective de temps long, cet accroissement paraît même inéluctable ; depuis le début des années 2000 le contentieux administratif progresse chaque année en moyenne de 6,5% soit un doublement sur dix ans. Rien n indique une décrue pour 2015. Au contraire la réforme sur l asile et le droit des étrangers qui sera prochainement examinée par le Parlement aura au moins des effets contrastés avec une nouvelle voie procédurale de contestation contre certaines obligations de quitter le territoire français à juger dans un délai réduit à un mois. Cette croissance naturelle est d ailleurs souvent alimentée par des modifications législatives. Remarquons au passage que cette frénésie législative n est pas si neuve qu on l affirme bien souvent. Alexis de Tocqueville dans l Ancien Régime et la Révolution note à propos du pouvoir monarchique : «Le gouvernement change sans cesse quelques règlement ou quelque loi. Rien ne demeure en repos dans la sphère qu il habite. Les nouvelles règles se succèdent avec une rapidité si singulière que les agents à force d être commandés, ont souvent peine à démêler comment il faut obéir». Pour en revenir au présent par exemple la dépénalisation des amendes de stationnement va entraîner un transfert du contentieux les concernant vers les juridictions administratives, heureusement pas celles de droit commun, une juridiction administrative spécialisée devant être créée à cet effet. Ce mouvement de dépénalisation n est pas limité à ce seul secteur et risque donc d avoir des incidences fortes sur l activité de la juridiction administrative. La réforme des juridictions spécialisées de l aide sociale pose aussi des interrogations même si elle ne devrait pas avoir de répercussion sur les tribunaux administratifs. Une des solutions pour éviter l engorgement du juge administratif sera donc sans doute d imposer de plus en plus un recours administratif 9

préalable obligatoire. Les administrations devraient à l occasion de ces recours administratifs pleinement étudier la possibilité de revenir sur leurs décisions pour éviter des saisines inutiles du juge. Une autre voie possible à explorer est celle de la médiation. Les réformes ensuite. Je ne reviendrai que sur l une d entre elles qui est cours d expérimentation. Elle concerne la rédaction des jugements et arrêts rendus par les juridictions administratives. L objectif poursuivi est de rendre ceux-ci plus aisément compréhensibles en abandonnant la structuration des décisions en considérants et le style indirect de la rédaction. Certaines sous-sections du Conseil d Etat pratiquent déjà cette nouvelle rédaction et l expérimentation a été élargie à deux cours administratives d appel et à certains tribunaux dont ne fait pas partie celui de Nîmes. Cette modification est ainsi abordée avec prudence pour éviter qu elle ne se traduise par une moindre rigueur du raisonnement juridique. Enfin pour conclure définitivement, cette audience est un signe de l ouverture du tribunal sur la cité. La juridiction entretient des relations nourries avec ses partenaires naturels qu elle entend poursuivre et développer. Le tribunal a ainsi d abord des relations suivies avec les barreaux de son ressort. Des rencontres ont ainsi été organisées avec les bâtonniers du ressort du tribunal tant pour la mise en place de l application Télérecours évoquée il y a un instant que dans le cadre de la visite du Vice-président du Conseil d Etat au mois de février dernier. Ces réunions sont toujours une occasion d échanges fructueux entre la juridiction et les avocats. Les relations sont particulièrement étroites avec l ordre des avocats de la ville siège, facilitées par la proximité géographique. J entends en particulier relancer notre partenariat avec les avocats publicistes de Nîmes réunis au sein de l Institut de droit public que vous avez évoqué Monsieur le Bâtonnier. Il nous faut aussi entretenir des contacts avec les juridictions judiciaires. Des rencontres avec les magistrats judiciaires ont été organisées en 2013 afin de réfléchir ensemble à des thèmes juridiques d intérêt commun en liaison avec le Premier Président et le Procureur 10

Général de la cour d appel de Nîmes. La première rencontre sur le thème du harcèlement moral et de la responsabilité hospitalière a été tenue dans les locaux de la cour d appel tandis que la seconde, qui fut l occasion de traiter des thèmes de l hospitalisation d office et des visions respectives sur les contentieux de l urbanisme et des étrangers a été organisée dans les locaux du tribunal. Ces réunions ont connu un grand succès avec la présence d une quarantaine de magistrats. Le tribunal a aussi des relations de travail avec les administrations, surtout celles les plus concernées par les requêtes comme les services de l Etat et ceux des départements. Il s agit dans le respect des missions et prérogatives de chacun de réfléchir ensemble sur des problématiques juridiques comme par exemple lors des rencontres fiscales organisées depuis deux ans par le tribunal. Enfin il entend encore développer ses relations avec les universités de Nîmes et d Avignon tant il existe des liens forts traditionnellement entre le monde universitaire et la juridiction administrative. Nos jugements et les conclusions des rapporteurs publics contribuent d ailleurs à alimenter la Revue juridique Nîmoise de l université. Plus largement enfin le tribunal est ouvert sur le public, notamment par le biais de son site internet. Il y est fait régulièrement état des jugements importants soit en raison de leur retentissement local, soit de leur intérêt juridique. J entends bien évidemment poursuivre au cours des années à venir dans cette voie de l ouverture de la juridiction. Je vous remercie de votre attention. L audience solennelle 2014 est donc levée. Je vous invite à un moment de convivialité sur la terrasse côté jardin. 11