MÉMOIRE de la Fédération des commissions scolaires du Québec

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Transcription:

MÉMOIRE de la Fédération des commissions scolaires du Québec Présenté dans le cadre de la consultation sur le projet de loi n o 59 intitulé «Loi édictant la Loi concernant la prévention et la lutte contre les discours haineux et les discours incitant à la violence et apportant diverses modifications législatives pour renforcer la protection des personnes» Septembre 2015

Document : 7162 Fédération des commissions scolaires du Québec 1001, avenue Bégon Québec (Québec) G1W 3M4 Téléphone : 418 651-3220 Télécopieur : 418 651-2574 Courriel : info@fcsq.qc.ca Site : www.fcsq.qc.ca Note Dans le présent document, le générique masculin est utilisé sans aucune discrimination et uniquement dans le but d alléger le texte. 2

INTRODUCTION La Fédération des commissions scolaires du Québec (FCSQ) a été créée en 1947. Elle représente la grande majorité des commissions scolaires francophones du Québec ainsi que la Commission scolaire du Littoral. La Fédération a comme missions de défendre les intérêts de ses membres et de faire avancer la cause de l éducation au Québec. La Fédération produit notamment, à la suite de consultations auprès des commissions scolaires, des mémoires, des avis, des recommandations et des propositions afin de faire valoir le point de vue du réseau scolaire sur les projets qui concernent le système public d enseignement. Le présent mémoire constitue la réaction de la Fédération des commissions scolaires du Québec au projet de loi n o 59 intitulé Loi édictant la Loi concernant la prévention et la lutte contre les discours haineux et les discours incitant à la violence et apportant diverses modifications législatives pour renforcer la protection des personnes. D entrée de jeu, la Fédération tient à remercier la Commission des institutions pour l attention qu elle portera à son mémoire et demeure disponible pour apporter toute précision que la Commission jugerait nécessaire. 3

MISE EN CONTEXTE Depuis quelques années, le phénomène de l intimidation et de la violence sous toutes ses formes interpelle la société en général et tout particulièrement les acteurs scolaires, que ce soit le ministère de l Éducation, de l Enseignement supérieur et de la Recherche, les commissions scolaires et les écoles, ainsi que leurs partenaires dont, au premier chef, les parents. Il s'agit d'un problème sérieux qui a des effets négatifs sur le développement des élèves et qui contribue à créer un milieu d apprentissage malsain, favorise les échecs scolaires et le décrochage. C est dans ce contexte que la Loi visant à prévenir et à combattre l intimidation et la violence à l école fut adoptée en 2012, obligeant les écoles à se doter d un plan de lutte contre l intimidation et la violence afin de prévenir et de contrer toute forme d intimidation et de violence à l endroit d un élève, d un enseignant et de tout autre membre du personnel de l école. Ce plan prévoit notamment des mesures de soutien et d encadrement offertes à l élève victime d un acte d intimidation ou de violence ainsi qu à l auteur d un tel acte. L application du plan de lutte contre l intimidation et la violence et l imposition de sanctions relèvent de la direction de l école et la Loi sur l instruction publique prévoit une procédure d examen des plaintes qui permet à un élève ou ses parents de s adresser au protecteur de l élève pour statuer sur le bien-fondé d une plainte. Récemment, le 2 octobre 2014, la ministre de la Famille, M me Francine Charbonneau, tenait le Forum sur la lutte contre l intimidation, sous la présidence du premier ministre du Québec, M. Philippe Couillard. Dans le cahier du participant, les interventions gouvernementales dans le réseau scolaire étaient présentées comme suit : «Enfin, en 2012, l Assemblée nationale a adopté, à l unanimité, la Loi visant à prévenir et à combattre l intimidation et la violence à l école. Cette dernière vient modifier la Loi sur l instruction publique. Malgré les différents efforts consentis, trop de personnes de tout âge sont, encore aujourd hui, atteintes dans leur dignité et leur intégrité. Ces atteintes peuvent se traduire de différentes façons, tant dans le monde réel que virtuel. L action contre l intimidation est plus organisée dans le milieu scolaire, soit au préscolaire, au primaire et au secondaire. Le défi est maintenant d élargir cette lutte à l ensemble de la société.» 4

Dans son mémoire, la Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse (CDPDJ) rappelait que l intimidation ne doit pas seulement viser des situations individuelles, mais également des situations mettant en cause des groupes de personnes. Dans un communiqué émis le 2 décembre 2014, la CDPDJ disait ceci : «La Commission souligne que les discours et propos haineux qui ciblent les membres de groupes en raison notamment de leurs sexe, orientation sexuelle, origine ethnique, race ou religion constituent des formes d intimidation.» Plus récemment, le premier ministre du Québec, M. Philippe Couillard, dévoilait le Plan d action gouvernemental 2015-2018 La radicalisation au Québec : agir, prévenir, détecter et vivre ensemble dans la foulée des événements terroristes survenus à Saint- Jean-sur-Richelieu et à Ottawa en octobre 2014 et le départ de certains jeunes Québécois pour rejoindre des groupes terroristes à l étranger. Ce plan d action prévoit la mesure suivante : «Afin de dissuader toute personne de tenir des propos haineux et incitant à la violence, il est proposé d octroyer à un tribunal, en l occurrence le Tribunal des droits de la personne, le pouvoir d imposer des sanctions civiles pécuniaires s il est démontré qu une personne a tenu de tels propos. Il est également proposé que soit constituée une liste qui serait tenue par la Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse qui aurait pour but de protéger et d informer la société québécoise, du nom des personnes ayant tenu un discours haineux ou incitant à la violence dont la responsabilité aurait été démontrée devant un tribunal, en l occurrence le Tribunal des droits de la personne. L inscription à la liste se ferait pour la période déterminée par le tribunal en fonction des faits de chaque dossier. Cette liste serait accessible à partir du site Internet de la Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse qui veillerait à la tenir à jour.» C est dans ce contexte que le projet de loi n o 59 a été déposé par le gouvernement. La Fédération des commissions scolaires du Québec n a pas l intention de commenter le projet de loi sous l angle juridique, car d autres intervenants s en chargeront. Notre intention est plutôt d aborder le projet de loi en mettant en lumière les difficultés d application qui découleraient de son adoption dans sa version actuelle. Le réseau des commissions scolaires n est pas contre le principe de bannir les discours haineux et ceux 5

incitant à la violence, mais encore faut-il que les dispositions du projet de loi n o 59 soient complémentaires à celles déjà prévues dans la Loi sur l instruction publique. Outre le plan de lutte contre l intimidation et la violence, la Loi sur l instruction publique prévoit de nombreux outils permettant à l école d orienter ses actions, d intervenir efficacement auprès des élèves et de leur offrir un milieu de vie sain et sécuritaire favorisant la réussite scolaire. Il suffit de mentionner les règles de conduite et les mesures de sécurité approuvées par le conseil d établissement, le projet éducatif adopté par le conseil d établissement, le plan de réussite approuvé par le conseil d établissement, le plan stratégique de la commission scolaire, la convention de gestion et de réussite éducative convenue entre la commission scolaire et la direction de l école ainsi que la convention de partenariat convenue entre la commission scolaire et le ministre de l Éducation, de l Enseignement supérieur et de la Recherche. Il faut également mentionner que les acteurs du réseau scolaire participent déjà activement à la recherche de moyens pour lutter contre la violence et l intimidation à l école, particulièrement dans le cadre des travaux menés par la Table provinciale de concertation sur la violence, les jeunes et le milieu scolaire dont la mission est de mobiliser les intervenants à la promotion de comportements pacifiques, à la prévention et à la diminution de la violence chez les jeunes. Les travaux de cette table ont d ailleurs permis d élaborer et d offrir au personnel des établissements scolaires et des autorités policières un cadre de référence qui favorise une action concertée et efficace en cas d intervention policière en lien avec la violence et l intimidation en milieu scolaire. 6

1. POUVOIRS DE LA COMMISSION DES DROITS DE LA PERSONNE ET DES DROITS DE LA JEUNESSE (CDPDJ) ET DU TRIBUNAL DES DROITS DE LA PERSONNE Alors que le plan de lutte contre l intimidation et la violence à l école prévu dans la Loi sur l instruction publique réserve à la direction de l école, au protecteur de l élève et à la commission scolaire la responsabilité d intervenir, le projet de loi propose de confier également ce pouvoir à la CDPDJ lorsqu un élève tient un discours haineux ou incitant à la violence à l égard d un groupe de personnes. Bien que l objectif poursuivi par le projet loi soit, à première vue, complémentaire aux dispositions de la Loi sur l instruction publique, le pouvoir d enquête de la CDPDJ entrerait directement en conflit avec les responsabilités des intervenants scolaires. En effet, même si un discours haineux ou incitant à la violence s adresse à un groupe de personnes, le même discours peut également porter atteinte aux droits d un élève dûment identifié et lui causer un préjudice personnel. Dans ce cas, l école a non seulement l obligation de faire une enquête sur les événements faisant l objet d une plainte et d offrir des mesures d aide à l élève victime d un tel discours, mais doit également intervenir pour encadrer l auteur du discours et lui imposer des sanctions disciplinaires, le cas échéant. Avec ce qui est proposé dans le projet de loi n o 59, la CDPDJ pourrait intervenir et faire enquête sur le même événement avec l obligation de soumettre le cas au Tribunal des droits de la personne si son enquête démontre qu il existe des éléments de preuve suffisants qu un élève a tenu un discours haineux ou incitant à la violence. Or, dans un établissement d enseignement primaire et secondaire, les autorités scolaires sont les mieux placées pour intervenir auprès des élèves, quelle que soit leur implication dans un événement, qu il s agisse d indiscipline, de troubles de comportement, d intimidation ou de propos discriminatoires à l égard d une personne ou d un groupe de personnes. Il est important de rappeler que le rôle de l école et de la commission scolaire est non seulement d intervenir auprès d un élève victime d intimidation ou de violence, mais également auprès de l auteur afin de lui offrir des mesures de soutien ou d encadrement en vue d éviter la répétition d un tel acte. Or, comment peut-on, pour une même situation, avoir l école qui met tout en œuvre pour réhabiliter l élève auteur d un discours haineux ou incitant à la violence, si le Tribunal des droits de la personne obtient, après enquête de 7

la CDPDJ, le pouvoir d intervenir pour le sanctionner civilement par l imposition d une sanction pécuniaire et par l ajout de son nom sur une liste publique de «pseudo délinquants» tenue par la CDPDJ. La mission de l école est non pas de stigmatiser les élèves ayant des troubles de comportement et des écarts de conduite, mais d instruire, de socialiser et de qualifier les élèves dans le respect du principe de l égalité des chances. Confier un pouvoir d enquête à la CDPDJ et le pouvoir d imposer des sanctions civiles au Tribunal des droits de la personne dans des situations qui interpellent directement les intervenants scolaires constitueraient une entrave importante dans leurs interventions auprès des jeunes éprouvant des problèmes de comportement. N oublions pas que les élèves à risque et ayant des troubles d adaptation ou de comportement sont souvent l objet d un plan d intervention qui guide les professionnels dans leurs interventions. Aider un élève d une main et le sanctionner de l autre ne peut conduire qu à un échec. Recommandation 1 Pour ces raisons, la FCSQ recommande de soustraire les écoles de l application des dispositions du projet de loi contenues au chapitre III et IV de la partie I. 2. POUVOIRS DU MINISTRE DE L ÉDUCATION, DE L ENSEIGNEMENT SUPÉRIEUR ET DE LA RECHERCHE (MEESR) Les intrusions dans les champs de compétences de l école et de ses professionnels ne s arrêtent pas là. Toujours en vertu du projet de loi n o 59, le MEESR se verrait octroyer les pouvoirs suivants : - Retenir ou annuler tout ou partie du montant d une subvention destinée à une commission scolaire qui tolère un comportement pouvant raisonnablement faire craindre pour la sécurité physique ou morale des élèves. 8

- Désigner une personne pour enquêter sur tout comportement pouvant raisonnablement faire craindre pour la sécurité physique ou morale des élèves. Or, en vertu du projet de loi, est réputé avoir un comportement pouvant raisonnablement faire craindre pour la sécurité physique ou morale des élèves, l élève dont le nom est inscrit sur la liste tenue par la CDPDJ. Est-ce dire qu une commission scolaire pourrait se voir annuler une subvention ou faire l objet d une enquête simplement parce qu elle tolère la présence d un élève dont le nom est inscrit sur cette liste? Sans vouloir prêter de mauvaises intentions à la ministre de la Justice, doit-on permettre au MEESR d intervenir dans la gestion interne d une commission scolaire et de ses établissements lorsque le comportement d un élève fait craindre pour la sécurité physique ou morale des élèves? Devrait-on plutôt laisser à l école la responsabilité d apporter tout le support et l aide nécessaires aux élèves impliqués de près ou de loin dans un discours haineux ou incitant à la violence? Nous sommes d avis que la direction de l école et son personnel sont les mieux placés pour intervenir en première ligne lorsqu un élève a un comportement faisant craindre pour la sécurité physique ou morale des autres élèves. N oublions pas que nous vivons dans une société de droit et que les autorités scolaires sont déjà en mesure de faire appel à différents intervenants lorsque les mesures en place dans les écoles ne permettent pas d intervenir efficacement auprès d un élève ayant un tel comportement. D ailleurs, la Loi sur l instruction publique prévoit déjà l obligation pour une commission scolaire de conclure une entente avec chacun des corps de police de son territoire afin d établir les modalités d intervention des policiers lorsqu un acte d intimidation ou de violence est signalé. Ces ententes existent depuis longtemps et permettent d assurer un climat sain et sécuritaire dans les écoles. Recommandation 2 Pour ces raisons, la FCSQ recommande le retrait des articles 31 et 32 de la partie II du projet de loi. 9

CONCLUSION En conclusion, nous réitérons notre soutien aux objectifs visés par le projet de loi. Toutefois, la Fédération des commissions scolaires du Québec croit qu en utilisant les outils prévus dans la Loi sur l instruction publique, il est possible de contrer la violence et l intimidation dans les écoles, incluant les discours haineux ou incitant à la violence. Évidemment, nous ne saurions conclure sans souligner que l intimidation et la violence sont des phénomènes sociaux et, qu à ce titre, tout comme d autres problèmes de société, les actions du milieu scolaire doivent recevoir l appui des parents, des municipalités, des corps policiers et des établissements du réseau de la santé et des services sociaux. 10

RECOMMANDATIONS Recommandation 1 La FCSQ recommande de soustraire les écoles de l application des dispositions des chapitres III et IV de la partie I du projet de loi 59. Recommandation 2 La FCSQ recommande le retrait des articles 31 et 32 de la partie II du projet de loi 59. 11