Le cadre de vie urbain : La chambre à coucher, à Bastia, au XVIIème siècle Au rez de cour, dans la salle n 5 du musée de Bastia, la pièce reconstituée est la chambre à coucher d un appartement de notables bastiais de l époque. La pièce s inspire du modèle alors en vogue, qui est celui des palais génois. Les meubles y sont moins luxueux que dans les palais italiens mais ils témoignent d une certaine aisance des maîtres du lieu. On trouve dans cette pièce un lit, deux coffres, un siège et un tableau de dévotion. A cette époque, les meubles peuvent être importés d Italie, où travaillent les meilleurs artisans, mais souvent ils sont fabriqués en Corse. Les ébénistes locaux reproduisent avec art les modèles de meubles italiens. Il ne faut pas oublier que, même si les transports maritimes sont fréquents entre Gêne, Livourne et la Corse, il est très long et très coûteux de transporter des meubles aussi lourds et volumineux que des lits ou des coffres. Dans cette chambre reconstituée, la place centrale est occupée par le lit : celui-ci est imposant et occulte presque le reste du mobilier. Les deux coffres ont eux aussi une place de choix qui détermine l importance de leur fonction. Le lit : Dans tous les milieux de la société bastiaise, même les plus modestes, on retrouve des lits à baldaquin ou à ciel de lit. Les maisons n étaient pas très bien chauffées et les rideaux ou courtines abritaient les dormeurs des courants d air et du froid. Les classes les moins aisées possédaient des lits constitués de deux tréteaux de fer soutenant des planches recouvertes de matelas ; Les tentures pendaient du plafond, accrochées par des chaînettes. Dans les classes moyennes on trouvait des lits en bois à colonnes supportant un baldaquin. Les colonnes sont lisses, parfois tournées ou sculptées. Le lit bourgeois, celui des populations les plus aisées, possédait des colonnes sculptées et souvent dorées à l or fin, desquelles pendaient des draperies de tissus richement brodés et très occultants. Des lits plus légers existaient aussi, à demi-colonnes surmontées de pommeaux dorés. Dans ce cas là, le baldaquin est remplacé par un ciel de lit attaché au plafond et duquel pendent les courtines ou tentures.
musée de Bastia - Photo : J. A. Bertozzi Le lit présenté dans la salle du musée est un lit italien qui date de 1650, acquis par le musée en 2005. Les dimensions de l ensemble (h : 225 L : 225 l : 170) sont la preuve de son importance à l intérieur de l appartement : au Moyen Age et à la Renaissance les notables recevaient chez eux, dans leur lit! Le lit est posé sur une estrade et surmonté d un baldaquin drapé de courtines (le tissu n est pas d origine mais conforme à l original, ainsi que la reconstitution du drapé) L ensemble est en bois de chêne richement sculpté. Posé sur une estrade le lit semble grand mais le matelas est en réalité assez petit, sa longueur ne permettant pas à une personne de taille normale de se tenir couché! En fait, la position allongée étant celle du mort, on dormait assis à cette époque-là. Les pieds du lit sont à balustres. La partie basse du lit est composée de plusieurs éléments en bois sculpté : - «le chevet» qui correspond à la tête de lit, au dossier - «le pied de lit», partie transversale au bas du lit - «les longerons», parties latérales Les motifs sculptés dans le bois sont en godrons, en enroulements et feuilles d acanthe* (motifs que l on retrouve sur l estrade). Le châssis en bois qui forme le baldaquin repose sur quatre colonnes surmontées de chapiteaux de type corinthien*. On y retrouve les mêmes motifs sculptés. Les courtines, coussins, dessus de lit sont des reproductions fidèles, la qualité (épaisseur, la couleur) du tissu utilisé permettant d isoler complètement le dormeur du
reste de la pièce ; Dans la journée les courtines étaient relevées et nouées autour des colonnes (cf. image). Chapiteau corinthien à feuille d acanthe Feuille d acanthe Les coffres : Dans les intérieurs du XVIIème le coffre était le meuble essentiel et indispensable. Il sera remplacé petit à petit par les armoires et les commodes (pas avant le XVIIIème). Le coffre avait de multiples fonctions : - Dans la chambre de famille aisée, il sert à ranger la garde-robe et les objets précieux. - Dans les milieux les plus modestes, il est présent dans la pièce de vie et permet de ranger toutes les possessions de la famille (vaisselle, victuailles, linge). Il était aussi destiné à être transporté, notamment en cas de mariage, offert en dot (avec son contenu) à la mariée. Le coffre de mariage* reflétait la position sociale de la famille ; il était plus ou moins richement décoré ou sculpté. Coffre en chêne sculpté daté de 1653 Dimensions H : 60,3 L : 151 P : 59,1 acquis par le musée en 2006
Le coffre en chêne présenté dans la salle est sculpté de motifs géométriques (volutes, perles), selon un algorithme que l on peut facilement reproduire par le dessin (exemple d activité en graphisme à proposer aux élèves). Les panneaux et le couvercle sont lisses et les pieds en «griffes de lion». Ce coffre servait de rangement mais, en raison de ses dimensions, pouvait aussi permettre de s asseoir, voire de dormir en le recouvrant d un matelas. Coffre à champlevé (coffre de mariage) premier quart du XVIIème Dimensions- H : 63 L : 179 P : 62 acquis par le musée en 2005 D origine ligure, ce coffre en bois de genévrier est richement décoré selon la technique du champlevé*. Sur le devant et l intérieur du coffre cinq panneaux développent le thème des sciences (mathématiques, géométrie, astronomie) témoignant ainsi du niveau de culture et de connaissances de la société bastiaise du XVIIème siècle. Détail d un panneau du coffre de mariage montrant la finesse du travail de l ébéniste. On remarque des traces de couleurs, les panneaux étant rehaussés d encres colorées.
*La technique du «champlevé» s applique à l origine au métal (cuivre) creusé et sculpté qui recueille de la poudre d émail. L ensemble est cuit et, après cuisson et ponçage, les deux matériaux font corps. On retrouve cette technique dans la fabrication de petits objets précieux (boites, coupelles ). Ici, c est le bois qui est creusé et les parties évidées qui sont teintées. Le coffre de mariage A la Renaissance, les coffres de mariage, les «cassoni», étaient offerts à la jeune épousée. Ils étaient les mobiliers principaux dans les demeures des jeunes mariés et les thèmes traités sur les panneaux peints décrivaient la vie et les coutumes de l époque. Les peintures ont souvent des intentions didactiques (héroïnes antiques enseignant la vertu à la jeune mariée ; valeur sociale, politique de l époux ). De grands noms de la peinture de la Renaissance ont réalisé des peintures sur les panneaux qui surmontaient les coffres et se déployaient sur les murs : Ucello, Botticelli, Lippi La tradition des coffres de mariage se développe surtout en Toscane, même si on retrouve dans toutes les régions d Italie.