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Transcription:

1 Claude Fischer - mars 2015 1 er Directrice d ASCPE Les Entretiens Européens Le nucléaire, un allié pour le climat La limitation du réchauffement climatique ne pourra pas être obtenue sans le nucléaire Ce n est pas seulement l AIE qui l affirme, mais les chercheurs du GIEC qui depuis des années alertent sur le risque que fait peser le réchauffement climatique sur les populations mondiales. Sans nier les risques liés à l énergie nucléaire, et malgré les peurs qu elle suscite, on assiste à un profond changement dans l analyse des risques : ils sont moins grands que ceux qui sont liés à l exploitation des combustibles fossiles! Quel rôle le nucléaire va-t-il pouvoir jouer dans la transformation du système énergétique mondial? Comment la France, qui accueillera la COP 21 fin 2015, va-t-elle en faire un des moteurs de la lutte contre le réchauffement climatique? Hier pionnière du nucléaire en Europe et dans le monde, saura-t-elle en faire un atout pour mobiliser les gouvernements vers un accord à l échelle mondiale? A quelles conditions? Avec quels alliés? Quel rôle l Europe va-t-elle jouer dans ce sens? Le rôle du nucléaire dans les stratégies énergétiques mondiales Si Fukushima en 2011 a pu ralentir le développement du nucléaire en Europe, partout dans le monde en Russie, en Chine, en Corée, à Taïwan, en Inde, en Arabie saoudite, en Afrique du Sud, et même au Japon, d ambitieux programmes sont à l ordre du jour. Selon les scénarios de l AIE 1, le nombre de pays ayant recours à l industrie nucléaire passera de 31 à 36, les nouveaux venus étant plus nombreux que les pays sortant progressivement du nucléaire. Ainsi la capacité mondiale d électricité nucléaire croîtra de près de 60%, passant de 392 GW en 2013 à 620 GW en 2040. Cette progression ne représentera toutefois que 12% de la production mondiale d électricité 2, et il faudrait dans la perspective d une augmentation de la demande énergétique mondiale, déployer 930 GW de capacités nucléaires (et donc augmenter de 1 Cf. World Energy Outlook 2014 - IEA 2 45% de la croissance de la production d électricité d origine nucléaire jusqu en 2040 aura lieu en Chine, la part cumulée de l Inde, de la Corée du Sud et de la Russie se montant à 30%. Elle augmentera de 16% aux Etats Unis, mais elle chutera de 10% dans l Union européenne. 1

2 530GW d ici 2050) afin de limiter suffisamment les émissions de c02 et contenir le réchauffement climatique à 2. Ce qui nécessiterait la création de 12GW de nouvelles capacités nucléaires par an d ici 2050. Un défi d autant plus grand qu il faudra rénover, fermer ou remplacer 200 réacteurs 3 (sur 434 opérationnels actuellement) aux Etats Unis, en Russie et au Japon et principalement en Europe où le parc date d avant 1990. La poursuite et le développement du nucléaire dans les mix nationaux restent subordonnés à un ensemble complexe de conditions (régulation des prix de l électricité, soutien public des Etats pour le financement des investissements, culture de sûreté, gestion des déchets ), mais le nucléaire représente une des rares options disponibles à grande échelle permettant de réduire les EGES tout en fournissant ou en remplaçant d autres formes de production de base 4. Si le protocole de Kyoto n interdisait pas de bénéficier des avantages de l énergie nucléaire, le débat sur les conceptions du développement durable et des systèmes énergétiques compatibles, avait exclu l énergie nucléaire des solutions envisagées dans le cadre des mécanismes de flexibilité, et notamment du «mécanisme pour un développement propre» (MDP). L urgence des solutions et des mesures pour atteindre les objectifs de réduction des EGES rouvre le débat : faut-il inclure le nucléaire dans une réforme du MDP? Et cela suffirat-il? Faut-il inventer de nouveaux fonds pour promouvoir son développement? Comment les 36 pays nucléaires du monde vont-ils coopérer dans le cadre de la conférence internationale pour le climat et porter le nucléaire comme une des solutions à la lutte contre le réchauffement climatique? Quelles sont les propositions qu ils pourraient faire pour créer les conditions au développement de l énergie nucléaire dans les stratégies énergétiques des Etats et des grandes régions du monde? Des défis pour l Union européenne Avec son parc nucléaire le plus important du monde, et ses 131 réacteurs représentant près de 30% du mix électrique européen (55% de l électricité bas carbone), l Europe est encore leader mondial. Comment compte-t-elle garder sa place et jouer son rôle? La maîtrise de la filière (du cycle du combustible au stockage des déchets, de la fourniture à l'exploitation des centrales, de l'ingénierie technique à la culture de sûreté, de la recherche à la formation), est un savoir-faire européen considérable qui doit être valorisé dans le monde et au sein de notre Europe si on veut que les sociétés 3 Ce qui représenterait un coût de 100 milliards de dollars 4 L énergie nucléaire a la plus faible intensité en carbone avec des émissions de 2,5 à 5,7 g de GES par Kwh d électricité produite contre 105 à 366 pour la production thermique (et 2,( à 76 g pour les EnR). Depuis 1971, on a pu éviter le rejet de 56 gigatonnes de CO2 grâce au nucléaire, et en 2040, le nucléaire permettra d éviter près de 50% des EGES annuelles en Corée du Sud, 12% au Japon, 10% aux Etats Unis, 8% en Chine. 2

3 s approprient cette technologie, promise à de nouveaux développements avec les nouvelles générations de réacteurs. Alors que l Europe aura besoin de 120 gigawatts (GW) de nouvelles capacités de production à l horizon 2024 pour répondre à la demande et de construire des réseaux européens interconnectés, elle devra également remplacer ou rénover 150 GW de centrales (nucléaires et à charbon pour la plupart) arrivées à l âge de la retraite. C est un défi considérable pour tous les Etats membres qui devront investir massivement, et pour l Europe qui doit pouvoir accompagner les décisions d investissement, rééquilibrer les forces du marché et de régulation en faveur de l investissement de long terme. Avec son projet de «l Union de l énergie», présentée comme «le plus grand projet européen depuis la CECA», l UE affiche trois objectifs majeurs : réduire notre dépendance énergétique ; réduire nos émissions des gaz à effet de serre (de 40% d ici 2030, 60% d ici 2050) ; et relever les défis de compétitivité auxquels l Europe est confrontée. Alors que le nucléaire représente un atout pour réaliser ces 3 objectifs, la Commission n offre pas de perspective européenne à la filière, si ce n est le maintien de la R&D avec le pilote Astrid et le programme ITER de réacteur du futur 5. Articuler une politique de l offre et la politique de la demande La priorité numéro 1 donnée à la réduction de la facture énergétique de l Europe pousse à la réduction de la demande et à l amélioration de l efficacité. Mais alors que l on cherche par ailleurs à accroître la croissance, cela supposerait une diminution gigantesque de la consommation si on n entreprenait pas aussi une politique de production. En clair, il ne faut pas opposer politique de l offre et politique de la demande, mais à es articuler. Il y a besoin d un renouveau industriel compétitif et solidaire, valorisant tous les atouts et les filières du secteur électrique qui permettrait à l Europe de se positionner sur le marché électrique mondial en pleine croissance. Celui-ci ne saurait se limiter à «l industrie verte» pour l isolation des maisons ou pour la production d éoliennes ou de plaques photovoltaïques, mais il doit pouvoir se déployer dans toutes les technologies décarbonées énergies de la mer, CCS, et nucléaire. Et en réalité toute politique de la demande, c est-à-dire des usages, visant à l efficacité, c est aussi une affaire de stratégie industrielle. Or, si les énergies renouvelables vont atteindre 17, voire 18% dans la production d électricité en Europe, grâce à des subventions massives, la part du nucléaire a baissé de 4,9 points par rapport à 2002, passant de 32% à 26,7% 6. 5 Notre dépendance à l uranium reste marginale et son prix ne représente que 5% du coût de production de l énergie nucléaire. Par ailleurs, le retraitement de l uranium que la France pratique permet d économiser 25% d uranium naturel, et la 4G permettra de réduire son utilisation. 6 Cf. La politique climatique de l UE a eu un impact sur les capacités en gaz et nucléaires. 3

4 Un désengagement de l Europe -au moment où le nucléaire repart dans le monde avec la construction de 72 réacteurs en construction (contre 25 en 2004), créerait un handicap pour la filière et ses atouts à l exportation, mais aussi pour la sûreté qui est un bien public mondial. Alors qu elle réaffirme sa volonté de favoriser les bouquets énergétiques des Etats membres, et leur intégration sur le marché, l option d un mix basé sur les énergies renouvelables (27% en 2030) et sur l efficacité énergétique considérée comme une source n est pas un choix de «neutralité technologique», encore moins de diversité dans l intérêt de tous les Etats membres de l Union européenne. Cette option aura un impact sur les autres sources décarbonées et la liberté de choix des Etats nationaux restera formelle! Par ailleurs, la réforme du système européen d échange de quotas d émission favorisant le libre choix des moyens pour réduire les EGES est incompatible avec les objectifs contraignants, et le soutien aux EnR, couplé à la priorité d accès du réseau, détournera les investissements des technologies soumises aux risques du marché 7. Les contrats à long terme pour le nucléaire restent l exception et nécessitent l accord de la Commission européenne. Après Mankala en Finlande, Exceltium en France, la Commission vient d accepter la réforme anglaise, le CfD (Contract for difference) 8, mais la réforme du marché qui permettrait de donner le cadre dans lequel les montages financiers nécessaires à l investissement doivent s insérer n est pas à l ordre du jour. L expérience britannique, un point d appui pour une réforme du marché Le Royaume Uni -anticipant l augmentation de la demande d électricité dans les prochaines années- mise tout à la fois sur le nucléaire et les énergies renouvelables. Il a décidé de renouveler 20% de son parc de réacteurs nucléaires dans la décennie à venir et le pays est engagé dans la réussite de son projet de Hinkley point C. En validant le mécanisme de soutien proposé par le RU pour sécuriser l investissement dans le nucléaire, la Commission européenne a reconnu non seulement les dysfonctionnements 7 Le nucléaire est une industrie hautement capitalistique et la construction d'une centrale est chère. Mais une fois installée, le prix est très compétitif : 42 euros pour le nucléaire «amorti» comme en France pour les centrales de 2ème génération, autour de 75 pour celles de 3ème génération. Les Anglais proposent le MWh à 110 euros, ce qui est en ligne avec les prix garantis aux EnR à l horizon 2020, sachant que celles-ci bénéficient d'aides discriminatoires et que les prix n'intègrent pas les coûts de renforcement des réseaux pour pallier à leur intermittence. (A calculer aussi, la durée de vie des centrales, trois fois plus élevée pour le nucléaire 3G que pour les EnR électriques). Par ailleurs, une réforme de l'ets permettrait de ramener le prix du MWh sous celui du charbon et du gaz, si on arrivait à piloter un prix du CO2 pas trop ridicule (au moins 30 /tco2). 8 Dans le cadre du CfD, le consortium chargé de construire puis d exploiter les réacteurs, ne touchera pas de subvention, il vendra l électricité au prix du marché, mais aura la garantie pendant 35 ans de ne pas la vendre à perte grâce à un système de compensation. 4

5 du marché mais qu un tel investissement ne peut être fait sans soutien public et sans visibilité de rentabilité à long terme. C est un signal fort donné aux pays qui comme la Pologne, ou la Turquie, s interrogent sur la place du nucléaire dans leur mix en complément du charbon et du gaz, pour des pays qui comme la République tchèque souhaitent développer leur énergie nucléaire, ou pour la Lituanie qui aspire à reconstruire son parc. Mais on est loin d une réforme du marché intérieur qui traite toutes les technologies décarbonées sans discrimination. Les Anglais sont-ils déterminés à gagner la réforme du marché européen? Et négocier un pacte de solidarité entre les Etats membres qui permettrait de concilier les choix nationaux du mix énergétique et l optimisation commune pour la compétitivité? Londres accueille régulièrement les Etats nucléaires qui se concertent avant les grands conseils énergie-climat depuis 2012 ( France, Royaume-Uni, Hongrie, Bulgarie, République Tchèque, Roumanie, auxquels se joignent à l occasion les Pays-Bas, Slovénie, Finlande, Slovaquie, Espagne, Lituanie et Pologne). A la veille du Conseil européen, le Club s est adressé à la Commission pour obtenir la reconnaissance et la contribution du nucléaire dans l Union de l énergie Mais le nucléaire reste exclu de la stratégie européenne : il a son PINC (programme indicatif nucléaire, le prochain devant être publié début 2016), son Forum, mais le marché intérieur dissuade son développement, et le débat reste tabou. Les Etats qui le souhaitent ne doivent-ils pas bâtir une coopération renforcée (au sens des traités) qui serait un pas vers une politique européenne? Doivent-ils afficher un objectif indicatif pour le nucléaire? S entendre pour une sûreté commune, ou un montage commun pour leurs industries électro-intensives? Promouvoir des coopérations pour consolider la place du nucléaire dans la transition énergétique Alors que la décision de la Commission européenne de soutenir le Royaume Uni est remise en cause par l Autriche et la Fédération allemande des énergies renouvelables qui ont déclaré vouloir saisir la Cour européenne de Justice, ne laissons pas l offensive à des pays dont les résultats devraient les rendre un peu plus humbles! En effet, la réduction du nucléaire en Allemagne qui s est accompagnée d une augmentation des énergies renouvelables et du charbon (le plus sale : le lignite) en a fait le plus gros pollueur d Europe avec une production de 760 millions de tonnes de CO2 en 2013 (contre 345 millions pour la France) 9! Ouvrons le débat en Europe, et tirons les leçons de l expérience. 9 La CDC Climat avait anticipé une augmentation des émissions allemandes liées à la production d électricité de 324 à 468 MtCO2 d ici 2020 Par ailleurs, la transition énergétique se traduit par des coûts sociaux élevés avec 6,9 millions d Allemands dans la précarité énergétique. 5

6 Sous l influence des Verts, tentée par la stratégie allemande, en difficulté dans un secteur où elle fut longtemps leader, la France ne doit pas renoncer au nucléaire si elle veut réussir sa transition énergétique et ses objectifs audacieux 10, et contribuer grâce à son savoir-faire sur l ensemble du cycle- à la promotion d un nucléaire durable en Europe et dans le monde. C est son atout numéro un, qui en fait le pays le moins carboné du monde, fournisseur d électricité à prix compétitif, un exportateur net, et potentiellement un des premiers exportateurs mondiaux de la technologie sur l ensemble du cycle. Le nucléaire représente encore 73,3% de la production française d électricité (contre 18,6% pour les EnR). Aucune fermeture n est inscrite dans un texte de loi (qui se contente de plafonner la capacité nucléaire française à son niveau actuel de 63,2GW) et on peut s interroger sur la fermeture arbitraire de centrales. Celle-ci ne présentant aucun intérêt ni du point de vue de nos engagements climatiques ni du point de vue économique, ni même du point de vue politique, puisqu elle nous prive de nos forces dans les négociations européennes et mondiales à venir. Son intérêt rejoint celui du Royaume Uni et celui du Club des Etats nucléaires, et la France peut jouer un rôle de médiateur dans la recherche d un compromis historique sur le mix européen qui la mettrait en position de force à la veille de la COP 21. 10 Réduire les EGES de 40% en 2030, baisser la consommation de fossiles de 30% et porter la part d EnR à 32% d ici 2030. 6