La place de l économie sociale en milieu rural : sa contribution au développement local



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Transcription:

La place de l économie sociale en milieu rural : sa contribution au développement local Nicole Thivierge, directrice GRIDEQ, UQAR Si l ère de l État-providence est chose du passé, la tendance néolibérale de régulation de l économie par le marché est loin de plaire à tous. Dans un contexte de désengagement de l État qui se veut plus accompagnateur qu entrepreneur, il appert que la dévitalisation des territoires ruraux se butte à des volontés politiques d occupation du territoire plutôt timides. Cependant, entre l économie publique et l économie marchande, s insère l économie sociale qui, après des décennies de pratique, tend à gagner ses lettres de noblesse. Tout en contribuant à l affermissement de la démocratie et de la solidarité locale, l économie sociale ne constiturait-elle pas un atout important au maintien, sinon au développement, de l infrastructure sociale et économique des milieux ruraux? En 1998 et 1999 1, nous avons effectué une enquête en quatre volets. Un annuaire des organismes et entreprises d économie sociale au Bas-Saint-Laurent a d abord été constitué. Ensuite, un questionnaire a été transmis aux 600 organismes et entreprises répertoriés. 241 établissements ont répondu pour un taux de réponse significatif de 41%. Puis, afin de rendre compte des différences locales, une série d entrevues de groupes ( focus group) s est tenue auprès des leaders socio-économiques, politiques et culturels de Municipalités régionales de comtés pour en saisir les perceptions, les visions, les idées innovantes et les stratégies d action. Enfin, des entrevues en profondeur ont été réalisées auprès des quelques entreprises ou organismes d économie sociale que nous considérions particulièrement signifiantes. A la lumière des résultats obtenus dans les deux premiers volets de l enquête, nous croyons que l économie sociale est un facteur structurant du développement local. Au-delà des retombées sociales attendues, au-delà des incidences certaines sur des nouvelles pratiques de démocratie locale, au-delà d une accessibilité accrue aux services de proximité, l économie sociale au Bas-Saint-Laurent induit des retombées économiques importantes. Cet article traitera d abord des fondements de l économie sociale et de son enracinement historique pour aborder ensuite l impact économique de ses activités actuelles au Bas- Saint-Laurent. Notre propos vise également à dégager comment l économie participe de plein droit au développement économique local de la région et comment il fait émerger la citoyenneté active avec ses pratiques démocratiques de participation. Enfin nous 1 - L enquête a été réalisée par Nicole Thivierge et Carol Saucier, avec la collaboration importante de Claudine Desrosiers, Marie Legaré et Dominique Potvin, de même que celle de Fatoumata Diaby, Marcel Méthot et Sylvain Soucy. Les partenaires du milieu bas-laurentien sont le Conseil régional de concertation et de développement (CRCD), la Régie Régionale des Services sociaux et de santé (RRSS), Emploi-Québec, la Table de concertation des groupes de femmes et le Comité régional d économie sociale (CRES). Section IV - 130

proposons une piste de recherche sur l incidence d une économie locale plurielle comme facteur dynamisant du développement des territoires, notamment des milieux ruraux. 1. Les fondements de l économie sociale À la suite de la Marche des femmes contre la pauvreté en 1995 et du Chantier de l économie et de l emploi de 1996, émerge ce qu il est convenu d appeler «la nouvelle économie sociale». Mais est-ce si nouveau? Dès le 19 e siècle, les expériences des socialistes utopistes avec les coopératives de même que l émergence des mutuelles d entraide ouvrières constituaient déjà des pratiques de solidarité qui ont marqué la voie l économie sociale. L expérience québécoise d économie sociale semble se profiler autour des crises. Au début du 20 e siècle, on voit surgir les coopératives d approvisionnement et de commercialisation dans le monde agricole. Suit, quelques années plus tard, la création des coopératives d épargne et de crédit pour les ouvriers des villes et les agriculteurs des milieux ruraux. Durant la crise des années 1930, et par la suite, le mouvement coopératif prend de l ampleur, notamment dans le domaine de l agriculture, de la pêche et de la consommation. De son côté, le mouvement associatif et communautaire se développe à partir des années 1960 et 1970 à la faveur des mouvements sociaux de l époque. Il connaîtra une expansion importante dans deux décennies suivantes. Aujourd hui se multiplient les centres à la petite enfance, les centres de femmes, les associations de soutien aux démunis, etc. Les besoins sociaux sont si grands que c est un domaine en pleine croissance. Aujourd hui, on compte deux grandes composantes de l économie sociale : le mouvement coopératif et le mouvement associatif. Le mouvement coopératif comprend ce qu il est convenu d appeler les «entreprises» d économie sociale parce que tout en répondant aux principes fondamentaux de cette économie, elles oeuvrent le plus souvent dans des secteurs d activités marchandes ou imposent une tarification pour leurs services, des conditions nécessaires pour assurer une certaine viabilité financière. De son côté, le mouvement associatif regroupe des organismes à but non lucratif (OBNL) qui doivent compter sur les subventions de l État pour survivre, compte tenu de l importance de leur mission sociale et de la nature des services offerts aux plus démunis, la tarification étant difficilement envisageable. Cependant, existent des organismes qui, bien que subventionnés en partie, peuvent imposer une légère tarification pour leurs services et peuvent être ainsi considérés comme une «entreprise» d économie sociale. C est le cas par exemple des Centres à la petite enfance (garderie) ou de certaines maisons de réhabilitation pour alcooliques et toxicomanes qui imposent une tarification aux «clients» en mesure de payer. Ce seraient des entreprises hybrides. On voit aussi les organismes du monde associatif, comme des Centres de femme, créer une petite entreprise d économie sociale du type friperie ou cuisine collective à même le Centre. Ce serait une entreprise bourgeon. Mais quelque soit l appartenance de l organisme au monde coopératif ou associatif, il doit adhérer aux principes fondamentaux énoncés par le Chantier de l économie sociale 2. 2 - Rapport du Sommet sur l économie et l emploi : Osons la solidarité, 1996. Section IV - 131

L entreprise ou organisme 1. a pour finalité de servir ses membres ou la collectivité plutôt que de simplement engendrer des profits et viser le rendement financier ; 2. a une autonomie de gestion par rapport à l État ; 3. intègre dans ses statuts et ses façons de faire un processus démocratique impliquant les usagères et les usagers, les travailleuses et les travailleurs ; 4. défend la primauté des personnes et du travail sur le capital dans la répartition de ses surplus et revenus; 5. fonde ses activités sur les principes de la participation, de la prise en charge et de la responsabilité individuelle et collective. Démocratie, solidarité, indépendance, responsabilisation sont les principes fondamentaux qui structurent cette économie oeuvrant dans des secteurs variés et structurant de l économie, mais aussi et surtout dans des secteurs de services de proximité, de service aux personnes. On dénombre une douzaine de grands secteurs d activités où se pratique l économie sociale : la mise en valeur intégrée des ressources forestières et le développement agricole ; les services de garde; les services aux personnes, notamment dans l aide au ménage, le transport d appoint, dans le service de repas à domicile et d entretien ménager, d aide aux personnes avec des difficultés particulières ; le soutien aux ménages actifs, notamment par le soutien scolaire, la garde et service d activités pour les enfants ; soutien aux jeunes et aux familles en difficultés ; les services d insertion sociale et/ou d intégration en emploi ; certains services de santé; la protection de l environnement par des services de récupération et de recyclage, des activités de protection et de réhabilitation de l environnement ; tout service contribuant à l amélioration du cadre de vie urbain; des activités culturelles, de loisir et de tourisme; enfin, des services de financement comme les coopératives d épargne et de crédit. 2. L économie sociale : Les quelques données qui suivent témoignent de la force économique de l économie sociale au Bas-Saint-Laurent pour l année 1997-1998 3. Voici quelques chiffres qui sont très révélateurs. Les budgets annuels et les chiffres d affaires totalisent un investissement de près de 400 millions de dollars, avec une masse salariale globale totalisant près de 28 millions de dollars. De plus on peut établir une valeur estimée du travail des bénévoles et 3 - Rappelons cependant que ces résultats des réponses aux questionnaires furent soumis aux six cents organismes et que le taux de réponse s élevait à un peu plus de 40%, soit 241 entreprises. Certes on ne peut affirmer que l ensemble des organismes produirait une force équivalente au double des données recueillies, mais cela reste un idée de grandeur significative. Section IV - 132

des stagiaires qui s éleverait à près de 2 millions de dollars. Le nombre de travailleurs et de travailleuses oeuvrant dans cette économie s élève à 2,605 personnes dont 1,791 d entre elles occupent un poste à plein temps. Durant les deux dernières années couvertes par notre enquête, 533 emplois nouveaux ont été créés dont 434 sont occupés par des femmes. Voilà des résultats qui témoignent avec force de l impact économique de l économie sociale dans le Bas-Saint-Laurent. Mais est-ce que ces entreprises et organismes sont équitablement répartis dans les territoires? Certains territoires profitentils plus des services et des retombées de l économie sociale? D entrée de jeu, étudions la répartition mercéenne des chiffres d affaires ou budgets annuels des 241 entreprises et organismes s élèvent à près de 400 millions de dollars : 392 106 314$ générés par les coopératives et 42 863 801$ par les OBNL. Section IV - 133

GRAPH.1 : CHIFFRE D AFFAIRE ANNUEL DES ORGANISMES RÉPARTI PAR MRC, pour l année 1997-98 200 180 160 140 120 100 80 MILLIONS $ 60 40 20 0 BASQUES KAMOUR. MATANE MATAP. MITIS RIMOUSKI RIV.-DU- LOUP TÉMIS. GRAPH. 2 : BUDGET ANNUEL DES ORGANISMES RÉPARTI PAR MRC, pour l année 1997-98 30 25 20 MILLIONS $ 15 10 5 0 BASQUES KAMOUR. MATANE MATAP. MITIS RIMOUSK I-N. RIV.-DU- LOUP TÉMIS. Section IV - 134

Le graphique des chiffres d affaire annuels des organismes du mouvement coopératif démontre une nette concentration des richesses dans la MRC de Rimouski-Neigette. Une exception à cette tendance est révélée par la présence d une coopérative très importante dans la MRC de Kamouraska. Le phénomène semble vouloir se reproduire dans la rubrique des budgets annuels des organismes alors que la concentration des activités du monde associatif est nettement marquée dans Rimouski-Neigette. On sait que le taux d activité d une région et le montant d investissement consenti en salaires constituent des facteurs importants de croissance économique, voire de développement plus global. Les résultats de l enquête sur les investissements en salaire et sur le nombre d emploi qui y sont offerts dénotent la vitalité du secteur de l économie sociale. Ainsi, la masse salariale totalise 27 968 459$ et le secteur emploie 2,605 personnes dont 1,791 travaillent à plein temps, soit 30 heures et plus par semaine. De plus, en deux ans, l économie sociale bas-laurentienne a créé 533 nouveaux emplois à plein temps, dont 80% sont occupés par des femmes. Mais est-ce que le phénomène de concentration vers la métropole régionale se vérifie comme dans le cas des budget annuels et des chiffres d affaire? GRAPH.3 :TOTAL DES SALAIRES VERSÉS PAR LES ORGANISMES, RÉPARTIS PAR MRC, durant l année 1997-98 16 14 MILLIONS $ 12 10 8 6 4 2 0 BASQUES KAMOUR. MATANE MATAP. MITIS RIMOUSKI-N. RIV.-DU- LOUP TÉMIS. Section IV - 135

GRAPH. 4 : NOMBRES D EMPLOIS À TEMPS PLEIN, RÉPARTIS PAR MRC, pour l année 1997-98 700 600 500 400 EMPLOIS T.P. 300 200 100 0 BASQUES KAMOUR. MATANE MATAP. MITIS RIMOUSKI-N. RIV.-DU- LOUP TÉMIS. La concentration territoriale de l investissement en des organismes d économie sociale dans Rimouski-Neigette est évidente. Mais en ce qui concerne le nombre d emplois à temps plein, la répartition selon les MRC semble légèrement plus équilibrée. 3. Localisation des organismes d économie sociale : le cas de la MRC de Rivière-du-Loup On sait que le déploiement de l économie sociale se serait historiquement réalisé de concert avec les tendances du développement de la région bas-laurentienne, ce qui expliquerait que les organismes et entreprises d économie sociale répertoriés dans la MRC de Rivière-du-Loup 4 se soient installés surtout dans l agglomération urbaine de Rivière-du-Loup, plus populeuse que les municalités qui l entourent.. Afin de bien se rendre compte du taux de concentration des services dans la ville de Rivière-du-Loup, nous avons réparti les organismes ou entreprises d économie sociale selon qu ils sont situés dans l agglomération urbaine ou en dehors. Ainsi, on trouve 51 organismes dans l arrondissement urbain et 25 autres en milieu plus rural. 4 - Cette partie de notre propos concerne l ensemble 76 des organismes répertoriés en 1997, dans la MRC de Rivière-du-Loup. Section IV - 136

TABLEAU 1 : LES ENTREPRISES ET ORGANISMES D ÉCONOMIE SOCIALE DANS LA VILLE DE RIVIÈRE-DU-LOUP - 1996-97 Coopératives d épargne et de crédit, d éducation financière (ACEF), de gestion de consommation en milieu scolaire, d alimentation et d habitation Entreprises d économie sociale (autre que coopérative) carrefour d initiative populaire, cuisine collective, jardin communautaire, recyclage de meubles, manufacture de cuir (plateau de travail), et café communautaire pour jeunes Organisme à but non lucratif (O.B.N.L.) - d insertion en emploi - d hébergement et d insertion - de soutien et d insertion sociale (centre de femmes, maison des familles, centres ou maisons pour jeunes, et centre de soutien pour les hommes) - d aide aux personnes démunies (popote roulante, maintien à domicile, travaux communautaires, soutien aux personnes âgées, fonds de dépannage (lutte contre la pauvreté) - fonds de soutien au développement, fonds d investissement local TOTAL ENTREPRISES ET ORGANISMES EN MILIEU URBAIN 10 9 32 51 Les citoyens de la ville de Rivière-du-Loup et des environs peuvent profiter d une panoplie complète de services offerts par les entreprises d économie sociale telles les organismes de financement, d épargne et de crédit et par coopératives d alimentation et de logement, plateau de travail, etc.. De leur côté, les entreprises d économie sociale à vocation plus communautaires, comme par exemple les jardins communautaires et les cuisines collectives, viennent compléter la gamme de services de soutien et d insertion sociale ou en emploi offerts par les organismes à but non lucratif. Dans le milieu rural, certains services sont également présents mais TABLEAU 2 : LES ORGANISMES ET ENTREPRISES D ÉCONOMIE SOCIALE EN MILIEU RURAL - MRC RIVIÈRE-DU-LOUP - 1996-97 Coopératives d épargne et de crédit, agricoles et forestières, Entreprises à vocation sociale et communautaire recyclage et récupération, hébergement pour personnes handicapées, comptoir d économie Organismes à but non lucratif (O.B.N.L.) Centre d apprentissage et d alphabétisation, centres ou comités de bénévolat, maisons de jeunes, comité santé, organisme de développement, fonds d investissement local TOTAL DES ENTREPRISES ET ORGANISMES EN MILIEU RURAL 8 3 14 25 Section IV - 137

Certes le nombre des organismes d économie sociale situés dans l agglomération urbaine de Rivière-du-Loup dépasse celui des territoires du haut pays mais on peut constater cependant que les entreprises du haut-pays sont peut-être mieux adaptées aux milieux qu elles déservent. Ainsi, il n est pas étonnant de trouver plusieurs coopératives agricoles et forestières. Durant ces années 1996-98, les coopératives d épargne et de crédits trouvaient encore rentable de desservir les paroisses plus éloignées du littoral. C est peutêtre sur le plan des associations ou organismes à but non lucratif que la répartition semble moins équilibrée comme le démontre la carte qui suit. Quand on pense à répartir équitablement l accessibilité aux services de proximité, on constate ici un certain déficit. CARTE DE LA LOCALISATION DES ORGANISMES et ENTREPRISES 5 D ÉCONOMIE SOCIALE 5 - Rappelons les caractéristiques des «entreprises» d économie sociale. Tout en répondant aux principes fondamentaux de cette économie, elles ont le plus souvent quelques liens avec le secteur de l économie marchande ou imposent une tarification pour leurs services, des conditions nécessaires pour assurer une certaine viabilité financière.. C est le cas des coopératives par exemple. Cependant, existent des organismes qui, bien que subventionnés en partie, peuvent imposer une légère tarification pour leurs services et peuvent être ainsi considérés comme une «entreprise» d économie sociale. C est le cas par exemple des Centres à la petite enfance (garderie) ou de certaines maisons de réhabilitation pour alcooliques et toxicomanes qui imposent une tarification aux «clients» en mesure de payer. Ce seraient des entreprises hybrides. On voit aussi les organismes du monde associatif, comme des Centres de femmes, créer une petite entreprise d économie sociale du type friperie ou cuisine collective à même le Centre. Ce serait une entreprise bourgeon. C Cette carte a été réalisée par Madame Nathalie Charest. Section IV - 138

Le Cas de la Municipalicité de Saint-Cyprien est intéressant. Est-ce un miracle Beauceron? Pas nécessairement, Saint-Cyprien n a pas la tradition d industrie manufacturière des Beaucerons. Ici, on trouve des entreprises d économie sociale qui sont habituelles à ce type de village, la coopérative agricole, les comités de bénévoles, la caisse populaire et, si l on est chanceux, un organisme d'insertion pour jeunes. Cependant, à Saint- Cyprien, on trouve également une entreprise de réinsertion sociale et d intégration à l emploi, un plateau de travail qui s adonne aux activités de recyclage. De fil en aiguille, le plateau de travail s est développé, son lien avec l économie marchande s affermissait en même temps que ses activités de production se diversifiait. Sous la poussée des dynamismes locaux certes, mais aussi grâce à ce partenariat solide qui s est établi entre les sphères de l économie publique (subvention de l État, présence d un centre d hébergement et d un centre de réadaptation en santé mentale), de l économie marchande (importante compagnie de moulage) et de l économie sociale, le village de Saint-Cyprien est en train de devenir un modèle de développement rural intégré. Non seulement retient-il ses jeunes au village, mais il importe de la main-d œuvre. Conclusion Démocratie, solidarité, responsabilisation sont les principes fondamentaux qui soutendent l économie sociale qui œuvre dans des secteurs structurant de l économie mais aussi et surtout, dans des secteurs de services de proximité. Au-delà des retombées sociales attendues, des incidences certaines sur des nouvelles pratiques de démocratie locale et d une accessibilité accrue aux services de proximité, l économie sociale au Bas-Saint- Laurent induit des retombées économiques importantes. Certes, la tendance à localiser ces organismes dans les territoires les plus populeux, la plupart du temps le long du littoral, peut s expliquer, mais quand on évalue les retombées économiques de tels investissements, quand on tient compte de la variété des services offerts, on pourrait espérer une répartition plus étalée afin de faire profiter les territoires éloignées du littoral. La difficulté de garder les jeunes hommes et les jeunes femmes dans les milieux ruraux relève de plusieurs paramètres, mais un redéploiement des organismes d économie sociale serait souhaitable compte tenu de leur incidence dans la constitution d un marché d emplois de qualité et durable. Cela nécessite sans doute une volonté politique d équité qui impliquerait que tous les territoires puissent profiter de ces retombées économiques et d une plus grande accessibilité aux services. Existe-t-il un compromis possible entre un simple rapport population/nombre d organismes pour assurer l accessibilité, la démocratie et l investissement nécessaire créateur d emploi? Pour assurer le maintien du tissu rural ou la revitalisation de ceux qui fragilisés? Section IV - 139