LES COMMENTAIRES DE DECISIONS DE JUSTICE DU CIDB

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Les commentaires de décisions de justice du CIDB. Fiche n 4 : Pour la Cour de LES COMMENTAIRES DE DECISIONS DE JUSTICE DU CIDB Fiche n 4 : Pour la Cour de cassation, les bruits émanant des clients d'un restaurant constituent des bruits de comportement verbalisables sans constat acoustique 22 avril 2016. Décision n 4 : Cour de cassation (Chambre criminelle), 8 mars 2016, Ministère public c/ société Nalou. (req. n N 15-83.503,394, publié au Bulletin). 1

I. - Présentation de l affaire 1. - Les faits La société Nalou, exploitante d'un restaurant à Saint-Tropez, était poursuivie devant la Juridiction de proximité de Fréjus sur le fondement des articles R. 1334-31, R. 1334-32 et R. 1337-10 du Code de la santé publique (voir ces articles ci-dessous) pour «un important bruit de musique, des rires et des éclats de voix». 2. - La procédure Par un jugement du 28 avril 2015, la Juridiction de proximité de Fréjus avait cependant relaxé cette personne morale au motif que l'article R. 1334-31 n'est pas applicable aux établissements exerçant une activité professionnelle, que l'article R. 1334-32 du même code dispose que l'atteinte à la tranquillité du voisinage est caractérisée si le bruit est supérieur à certaines valeurs et qu'aucune mesure acoustique n'avait été effectuée. L'officier du ministère public près la juridiction de proximité de Fréjus s était pourvu en cassation. 3. - La décision du juge La Chambre criminelle de la Cour de cassation a estimé qu'en se déterminant ainsi, alors que la prévenue était poursuivie non pas pour des bruits d'activités (SIC), mais pour des bruits de comportement relevant de l'article R. 1337-7 du code de la santé publique et ne nécessitant pas la réalisation de mesure acoustique, la juridiction de proximité avait méconnu les articles R. 1337-7 et R. 1334-31 du Code de la santé publique. Elle a par conséquent cassé et annulé, en toutes ses dispositions, le jugement de la juridiction de proximité de Fréjus et renvoyé la cause et les parties devant la juridiction de proximité de Cannes. II. - Observations Cet arrêt de la Cour de cassation, reproduit en texte intégral ci-dessous, a été, comme celui précédemment analysé (décision n 3), repris par un communiqué de l Agence France Presse et 2

commenté dans un article de la LADEPECHE.FR du 28 mars 2016 : «Le bruit de voisinage, plus ou moins tolérable». Rafaële Rivais, Journaliste au Monde, l a analysé aussi dans son célèbre blog SOS conso : http://sosconso.blog.lemonde.fr/2016/04/06/le-restaurant-les-fetards-et-lesbruits-de-comportement/. Sa solution est inédite et va à l encontre de ce qui était admis, sans que le cas n ait été expressément tranché par la Haute juridiction jusqu à présent, de sorte qu on ne peut parler de revirement de jurisprudence. Après avoir rappelé le droit applicable au bruit généré par les activités professionnelles (1 ), on se penchera sur le contenu et la portée de l arrêt de la Cour de cassation qui opère une distinction entre le bruit engendré par l activité du restaurant ou par ses équipements et celui émanant de ses clients (2 ). 1. - Rappel du droit applicable au bruit généré par les activités professionnelles L article R. 1334-32 du Code de la santé publique dispose que lorsqu un bruit a pour origine une activité professionnelle ou une activité sportive, culturelle ou de loisir, organisée de façon habituelle ou soumise à autorisation, l'atteinte à la tranquillité du voisinage ou à la santé de l'homme est caractérisée si l'émergence globale de ce bruit perçu par autrui est supérieure aux valeurs limites fixées par l article R. 1334-33 de ce code. Selon cet article, l émergence globale est la différence entre le niveau de bruit ambiant, comportant le bruit particulier en cause et le niveau du bruit résiduel constitué par l'ensemble des bruits habituels, extérieurs et intérieurs, correspondant à l'occupation normale des locaux et au fonctionnement habituel des équipements, en l'absence du bruit particulier en cause. Lorsque ce bruit perçu à l'intérieur des pièces principales de tout logement d'habitation, fenêtres ouvertes ou fermées, est engendré par des équipements d'activités professionnelles, l atteinte sera également caractérisée si l'émergence spectrale de ce bruit, est supérieure aux valeurs limites fixées par l article R. 1334-34 du Code de la santé publique. Selon cet article, l'émergence spectrale est, quant à elle, la différence entre le niveau de bruit ambiant, dans une bande d'octave normalisée, comportant le bruit particulier en cause et le niveau de bruit résiduel dans la même bande d'octave, constitué par l'ensemble des bruits habituels, extérieurs et intérieurs, correspondant à l'occupation normale des locaux en l'absence du bruit particulier en cause. Lorsque le bruit a pour origine une activité professionnelle, l infraction prévue par le Code de la santé publique réside donc dans le dépassement des valeurs limites fixées par ce Code, qu il 3

s agisse du bruit engendré par l activité elle-même ou par ses équipements. Lorsque l activité professionnelle en question est celle d un restaurant, trois types de bruits peuvent ainsi être identifiés en pratique : 1. ceux de l activité elle-même : bruits de vaisselle en provenance des cuisines, bruits générés par le déplacement sans ménagement des chaises et des tables particulièrement à l ouverture ou la fermeture de l établissement ; 2. ceux des équipements bruyants du restaurant, comme, par exemple, le système obligatoire (Cass. Civ. III, 13 juillet 2010, n 09-15409) d extraction de l air pollué des cuisines, la machine à éplucher les pommes de terre ou encore le monte-charge ; 3. ceux enfin du comportement de la clientèle, comme dans l arrêt étudié. Si le premier et le deuxième types de bruits correspondent exclusivement à des bruits ayant pour origine une activité professionnelle au sens de l article R. 1334-32 du Code de la santé publique, il n en va pas de même du troisième. Les bruits correspondant au comportement de la clientèle d un restaurant ont en effet bien pour origine une activité professionnelle, ils n en constituent pas moins des bruits de comportement au sens strict visés en tant que tels par l article R. 1334-31 du Code la santé publique qui déclare : «Aucun bruit particulier ne doit, par sa durée, sa répétition ou son intensité, porter atteinte à la tranquillité du voisinage ou à la santé de l'homme, dans un lieu public ou privé, qu'une personne en soit elle-même à l'origine ou que ce soit par l'intermédiaire d'une personne, d'une chose dont elle a la garde ou d'un animal placé sous sa responsabilité.» 2. - Une distinction à faire entre les bruits engendrés par l activité du restaurant ou par ses équipements et ceux émanant de ses clients Dès lors on peut parfaitement comprendre que la Cour de cassation ait voulu faire la distinction, dans l activité bruyante d un restaurant, entre les bruits émanant de l activité elle-même ou de ses équipements et ceux émanant de la clientèle et correspondant, comme en l espèce, à : «un important bruit de musique, des rires et des éclats de voix» Ces bruits constituent ainsi pour la Cour de cassation «non pas des bruits d'activités, mais des bruits de comportement relevant de l'article R. 1337-7 du code de la santé publique visé à la prévention, et ne nécessitant pas la réalisation de mesure acoustique». La solution est d autant plus cohérente que la personne incriminée par l article R. 1334-31 du Code de la santé publique n est pas un consommateur mais la personne morale qui exploite le restaurant. L infraction est alors commise par la personne morale par «l intermédiaire d une 4

personne» (physique). L article du Code de la santé publique ne distinguant pas entre les personnes physiques et les personnes morales, il n y a en effet pas lieu de distinguer (ubi lex non distinguit, nec nos distinguere debemus). Trois avantages s attachent à cette solution pour les victimes et les agents verbalisateurs : 1. Elle applique à de véritables bruits de comportement l article R. 1334-31 du Code de la santé publique qui est prévu pour lutter contre les seuls bruits de comportement, quels qu ils soient. Elle a ainsi le mérite de la cohérence ; 2. Elle dispense les agents verbalisateurs de l établissement, toujours difficile en présence d une source de bruit aléatoire 1, d un constat effectué grâce à un sonomètre et destiné à mettre en évidence le dépassement de l émergence globale en application de l article R. 1334-32 du même code. Un constat sans mesurage acoustique doit par conséquent mettre en évidence l un des trois critères alternatifs suivants : la durée, la répétition ou l intensité du bruit de nature à porter atteinte à la tranquillité du voisinage ou à la santé de l'homme ; 3. Elle permet de faire usage de l amende forfaitaire de 68 régie par l article R. 48-1 du Code de procédure pénale au lieu de la procédure de la contravention de 3 ème classe qui nécessite poursuites et jugement et fait souvent, en pratique, l objet d un classement sans suite. 1 Les mesurages sont réalisés à l'aide d'un sonomètre intégrateur homologué de classe 1 ou de classe 2 au sens de la norme NF EN 61672-1. Les prescriptions concernant l'appareillage de mesure, les conditions de mesurage, les conditions météorologiques et l'acquisition des données de la méthode dite de «contrôle» de la norme NF S 31-010 doivent être respectées. Le matériel doit être homologué ou approuvé et à jour de ses vérifications périodiques. Le défaut de mention de l'indicateur acoustique utilisé a entraîné la relaxe du prévenu du chef de bruit occasionnant une gêne pour le voisinage (C.A. de Paris, 8 fév. 1990, Mallet, Juris-Data, n 021884). Il en est de même lorsque l'appareil utilisé ne répond pas aux normes réglementaires (Cass. crim., 25 oct. 1990, M. Mehmet X., n 89-84.924). 5

Deux inconvénients en découlent cependant : 1. Elle oblige à distinguer dans les activités bruyantes d un restaurant entre les bruits engendrés par l activité du restaurant ou par ses équipements et ceux émanant de ses clients ; 2. Elle aboutit à des peines beaucoup moins lourdes pour les contrevenants, dans la mesure où, s agissant d une personne morale et en cas de récidive, l amende aurait pu atteindre 7 500 en application de l article R. 1337-10-1 du Code de la santé publique. Christophe SANSON Avocat au Barreau des Hauts-de-Seine Docteur en Droit (HDR) Maître de Conférences http://www.christophe-sanson-avocat.fr Pour plus d information on pourra se reporter aux fiches suivantes de JURIBRUIT disponibles sur le site du CIDB : - B 1 : Bruits de comportement. - B2 : Bruits des activités. Mots clés : bruits de voisinage, atteinte à la tranquillité du voisinage, atteinte à la santé de l'homme, nuisance sonore, émission de bruit, restaurant, important bruit de musique, rires et éclats de voix constitutifs de bruits d'activités (non), bruits de comportement relevant de l'article R. 1337-7 du code de la santé publique (oui), nécessité de réaliser une mesure acoustique (non), décision de relaxe de la juridiction de proximité, méconnaissance des articles R.1337-7 et R.1334-31 du code de la santé publique. 6

Extraits du Code de la santé publique Article R. 1334-31 Aucun bruit particulier ne doit, par sa durée, sa répétition ou son intensité, porter atteinte à la tranquillité du voisinage ou à la santé de l'homme, dans un lieu public ou privé, qu'une personne en soit elle-même à l'origine ou que ce soit par l'intermédiaire d'une personne, d'une chose dont elle a la garde ou d'un animal placé sous sa responsabilité. Article R. 1334-32 Lorsque le bruit mentionné à l'article R. 1334-31 a pour origine une activité professionnelle autre que l'une de celles mentionnées à l'article R. 1334-36 ou une activité sportive, culturelle ou de loisir, organisée de façon habituelle ou soumise à autorisation, et dont les conditions d'exercice relatives au bruit n'ont pas été fixées par les autorités compétentes, l'atteinte à la tranquillité du voisinage ou à la santé de l'homme est caractérisée si l'émergence globale de ce bruit perçu par autrui, telle que définie à l'article R. 1334-33, est supérieure aux valeurs limites fixées au même article. Lorsque le bruit mentionné à l'alinéa précédent, perçu à l'intérieur des pièces principales de tout logement d'habitation, fenêtres ouvertes ou fermées, est engendré par des équipements d'activités professionnelles, l'atteinte est également caractérisée si l'émergence spectrale de ce bruit, définie à l'article R. 1334-34, est supérieure aux valeurs limites fixées au même article (1). Toutefois, l'émergence globale et, le cas échéant, l'émergence spectrale ne sont recherchées que lorsque le niveau de bruit ambiant mesuré, comportant le bruit particulier, est supérieur à 25 décibels A si la mesure est effectuée à l'intérieur des pièces principales d'un logement d'habitation, fenêtres ouvertes ou fermées, ou à 30 db (A) dans les autres cas. Article R. 1337-7 Est puni de la peine d'amende prévue pour les contraventions de la troisième classe le fait d'être à l'origine d'un bruit particulier, autre que ceux relevant de l'article R. 1337-6, de nature à porter atteinte à la tranquillité du voisinage ou à la santé de l'homme dans les conditions prévues à l'article R. 1334-31. Article R. 1337-10 Les personnes morales déclarées responsables pénalement, dans les conditions prévues par l'article 121-2 du code pénal, des infractions définies à la présente section encourent, outre l'amende suivant les modalités prévues par l'article 131-41 du code pénal, la peine de confiscation 7

de la chose qui a servi ou était destinée à commettre l'infraction ou de la chose qui en est le produit. TEXTE INTEGRAL LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant : Statuant sur le pourvoi formé par : - L'officier du ministère public près la juridiction de proximité de Fréjus, contre le jugement de ladite juridiction, en date du 28 avril 2015, qui a renvoyé la société Nalou des fins de la poursuite du chef d'émission de bruit portant atteinte à la tranquillité du voisinage ou à la santé de l'homme par personne morale ; La COUR, statuant après débats en l'audience publique du 19 janvier 2016 où étaient présents dans la formation prévue à l'article 567-1-1 du code de procédure pénale : M. Guérin, président, Mme Farrenq-Nési, conseiller rapporteur, M. Pers, conseiller de la chambre ; Greffier de chambre : Mme Randouin ; Sur le rapport de Mme le conseiller FARRENQ-NÉSI et les conclusions de Mme l'avocat général référendaire CABY ; Vu le mémoire produit ; Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation de l'article R. 1337-7 du code de la santé publique ; Vu les articles R.1337-7 et R.1334-31 du code de la santé publique ; Attendu qu'il résulte du premier de ces textes qu'est puni de la peine d'amende prévue pour les contraventions de la troisième classe le fait d'être à l'origine d'un bruit particulier, autre que ceux résultant d'une activité professionnelle, de nature à porter atteinte à la tranquillité du voisinage ou à la santé de l'homme ; que, selon le second de ces textes, aucun bruit particulier ne doit, par sa durée, sa répétition ou son intensité, porter atteinte à la tranquillité du voisinage ou à la santé de l'homme, dans un lieu public ou privé, qu'une personne en soit elle-même à l'origine ou que ce soit par l'intermédiaire d'une personne, d'une chose dont elle a la garde ou d'un animal placé sous sa responsabilité ; Attendu que, pour relaxer la société Nalou, le jugement attaqué retient que la prévenue, exploitante d'un restaurant à Saint-Tropez, est poursuivie sur le fondement des articles R. 1337-10, R. 1334-31 et 32 du code de la santé publique, que l'article R. 1334-31 n'est pas applicable aux établissements exerçant une activité professionnelle, que l'article R. 1334-32 du même code dispose que l'atteinte à la tranquillité du voisinage est caractérisée si le bruit est supérieur à certaines valeurs, et qu'aucune mesure acoustique n'a été effectuée ; Mais attendu qu'en se déterminant ainsi, alors que la prévenue était poursuivie pour un important bruit de musique, des rires et des éclats de voix constituant non pas des bruits d'activités, mais 8

des bruits de comportement relevant de l'article R. 1337-7 du code de la santé publique visé à la prévention, et ne nécessitant pas la réalisation de mesure acoustique, la juridiction de proximité a méconnu les textes susvisés ; D'où il suit que la cassation est encourue ; Par ces motifs : CASSE et ANNULE, en toutes ses dispositions, le jugement susvisé de la juridiction de proximité de Fréjus, en date du 28 avril 2015, et pour qu'il soit à nouveau jugé, conformément à la loi, RENVOIE la cause et les parties devant la juridiction de proximité de Cannes, à ce désignée par délibération spéciale prise en chambre du conseil ; ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la juridiction de proximité de Fréjus et sa mention en marge ou à la suite du jugement annulé ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président le huit mars deux mille seize ; En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre. Décision Antérieure Juridiction de proximité de Fréjus du 28 avril 2015 9