La vie militaire à Bourges et dans le Cher Chroniques Alice Lyner éditions
De Vercingétorix à Waterloo Avaricum, Waterloo, deux défaites mais deux symboles forts. L une marque la première tentative réussie d unification de différentes tribus gauloises, pour repousser l envahisseur. Alliance de circonstance, certes, mais alliance tout de même, qui ne facilitera pas la tâche de Jules César, lui qui brocardait les divisions internes des Gaulois. L autre représente, par delà la défaite des armées napoléoniennes, l essaimage à travers l Europe des idées de la Révolution française, véhiculées par les soldats de l An II puis par les grognards de l Empire, qui ont bouleversé les ordres anciens de l Europe. Il aura donc fallu presque dix-neuf siècles pour que naissent et s affirment la France et un sentiment d appartenance nationale, souvent inconscient, surgissant souvent dans le malheur pour nous rappeler notre attachement à «ce cher et vieux pays». Défilent ainsi dans notre mémoire les images d Epinal de nos vieux manuels d histoire, Jeanne Hachette, le Grand Ferré, qui avait si soif, Louis XI et ses fameuses cages, les bourgeois de Calais, saint Louis sous son chêne, les Cent Jours Au cours des siècles, Bourgogne, Aquitaine, Bretagne, Savoie, ont rejoint le minuscule royaume de France ; de ce creuset constitué au prix de tant de guerres est sortie une nation, qui n est pas la somme de ses composants, mais un ensemble culturel structurant auquel nous sommes tous attachés. Le sentiment de citoyenneté ne s acquiert pas, en effet, si facilement. Nous l avons tété avec le lait de l école de La République. Ne sombrons pas toutefois dans un nationalisme démodé et dangereux. L avenir appartient à ceux qui, comme les Carnutes, les Bituriges et les Arvernes, sauront s unir. 11 FT
La guerre des Gaules et le siège d Avaricum Françoise Trotignon Entre 58 et 51 avant J.C. se livre une guerre sanglante entre les légions romaines conduites par Jules César et la Gaule encore indépendante. La relation de cette lutte a été rédigée par César lui-même avec un style habile qui dissimule le plaidoyer sous une apparence d objectivité 1. D origine aristocratique, rompu aux luttes politiques, il est questeur en Espagne à trente ans. Il deviendra successivement sénateur, grand pontife, puis propréteur en Espagne du sud. Il revient alors à Rome en triomphateur. Il lui apporte certes les mines d étain espagnoles mais il traîne avec lui une réputation de cruauté dans la répression. Elu consul en 59 - J.C., Jules César reçoit le territoire du nord de l Italie à administrer, la Gaule cisalpine et l Illyrie jusqu au Danube. Il sait qu il ne pourra briguer un nouveau mandat avant dix ans. Il a donc besoin, pour assurer son succès électoral futur, d une armée puissante, victorieuse, et acquise à sa cause. Le Sénat, pour enliser vers l Ouest son ambition, ajoute alors à son gouvernement les territoires de la Gaule transalpine menacée par les Suèves et les Helvètes. César décide alors, au lieu de s en prendre aux Daces, de conquérir la Gaule. Au-delà de la Provence et du Languedoc, romanisées depuis longtemps, la Gaule dite chevelue est encore mal connue. Les Celtes aux mœurs réputées barbares ont toutefois une solide réputation militaire parce que ce sont des mercenaires chevronnés qui ont déjà saccagé Rome en 396 av. J.C. ; certaines tribus ont commis des exactions de sinistre mémoire, comme la dévastation de la Provence par les Cimbres. Mais à vaincre sans péril, on triomphe sans gloire. César part donc en campagne, d abord contre les Helvètes et les Suèves qui menacent d envahir la Gaule pour s installer dans l Ouest, puis, à la demande des Eduens, alliés de Rome, contre Arioviste et ses Germains, en Alsace et Franche-Comté. Helvètes et Germains sont défaits. Les campagnes succèdent aux campagnes, ainsi que les victoires, 1 Cf. Jules César, Guerre des Gaules, livre VII, chap. 4, préface de J.M. Duval. 13
avec l appui de supplétifs indigènes. Les peuples de l Est, du Nord et de l Ouest sont réduits en servitude mais la résistance s organise, surtout en Belgique, où le massacre systématique, en 55 J.C., des Usipètes et des Tencthères suscitera même l indignation des Romains. La conduite dictatoriale de César, son ingérence dans les affaires intérieures des tribus gauloises alliées, sa cruauté envers des chefs éduens ou sénons, provoquent, à partir de 53, une alliance de circonstance entre différentes tribus gauloises, surtout dans le centre du pays. Les alliés de Rome font défection les uns après les autres, suivis par les auxiliaires indigènes. Les Carnutes assassinent les Romains installés à Genabum (Orléans) et Vercingétorix s empare du pouvoir à Gergovie, jusque là dans les mains de son oncle, Gobannitio, pro-romain. Les Arvernes rejoignent ainsi la résistance à Rome, ralliant Sénons, Parisii, Pictons, Cadurques, Turons, Alerques, Lemovices, Andes et tous les autres peuples qui touchent à l océan. à l unanimité, on lui confère le commandement suprême 2. César perçoit bien le danger de cette confédération gauloise. Parti pour Narbonne, il lève des troupes fraîches en Novempopulanie et franchissant les Cévennes, envahit le pays arverne. Vercingétorix quitte le pays biturige pour regagner ses bases. César rejoint ses légions près d Agedincum (Sens). Vercingétorix veut alors obliger son ennemi à intervenir en attaquant le territoire qu il avait concédé aux Boïens, alliés des Eduens, à Gorgobina 3 (ou Gortona) près de Sancerre. Il assiège la ville. César file alors vers Vellaudunum (Château-Landon), qu il assiège, puis vers Genabum (Orléans) qu il met à sac et envahit le territoire des Bituriges. Vercingétorix abandonne alors Gorgobina et se porte à sa rencontre. César décide, après avoir assiégé Noviodunum 4, qu il a défaite grâce à ses 400 cavaliers germains, de mettre le siège devant Avaricum, la ville la plus grande et la plus forte du pays des Bituriges, et située dans une région très fertile 5. 2 Jules César, Guerre des Gaules, livre VII, chapitre 4, édit. Garnier-Flammarion 1964. 3 Gorgobina : forme vraisemblablement fautive. Il s agit plutôt de Gortona, Sancerre, à cause du toponyme sancerrois Château-Gordon. Les éditions anciennes traduisent Gorgobina par La Guerche mais parfois par Saint-Parize-Le-Châtel (Nièvre) ville située au confluent de l Allier et de la Loire. 4 Neung-sur-Beuvron, selon l étude de Jacques Soyer (mém. de la S.A.C. 1905), oppidum celtique où il a été trouvé des restes de fortifications gauloises. 5 Cf. César, op. cité, livre VII, chapitre XIII. 14
Carte des peuples gaulois Après les revers subis, Vercingétorix décide de prendre sa revanche en adoptant une nouvelle tactique, couper les troupes romaines de tout ravitaillement au lieu de chercher l affrontement. Il recommande d anéantir les officiers d approvisionnement, les riz-pain-sel de l époque, de brûler sans pitié fermes et villages où les ennemis pourraient s approvisionner en vivres et en fourrage et d incendier les villes que leurs murailles ne mettent pas à l abri de tout danger, afin qu elles ne servent pas d asile aux déserteurs et qu elles n offrent pas aux Romains l occasion de se procurer des quantités de vivres et de faire du butin. ( ) D un accord unanime, on approuve cet avis. En un seul jour, plus de vingt villes des Bituriges sont incendiées. ( ) On délibère en conseil de guerre sur Avaricum : veut-on 15
Itinéraires des troupes romaines lors de la campagne de mars de 52 - J.C. Bellum gallicum,livre VII, de César, classiques Roma, ed. Hachette, 1938, page 21. brûler la ville ou la défendre? Les Bituriges se jettent aux pieds des chefs des différentes nations, suppliant qu on ne les force point de mettre le feu de leurs mains à une ville qui est, ou peu s en faut, la plus belle de toute la Gaule, qui est la force et l ornement de leur pays. Il leur sera facile, vu sa position, de la défendre, car presque de tous côtés, elle est entourée par l eau courante et le marais 6 et n offre qu un accès, qui est d une extrême étroitesse (C est la direction de Nevers et de Moulins, le faubourg du Château, qui fait environ 1 km de largeur). Vercingétorix se laisse fléchir. Il suit César à petites étapes et établit son camp dans une position couverte par des marécages et des bois, à environ 16 000 pas d Avaricum, soit vingt-quatre kilomètres, vraisemblablement entre Morogues et Humbligny à moins qu il ne s agisse du camp de Haute- Brune, situé à quinze kilomètres de là, dans la forêt d Allogny. Des liaisons régulières lui permettent d être informé heure par heure des péripéties du siège et de transmettre ses ordres, tout en attaquant les convois de vivres ennemis. 6 ex omnibus partis flumine et palude circumdata 16
Table des matières De Vercingétorix à Waterloo La guerre des Gaules et le siège d Avaricum... 13 Les remparts de Bourges ou la forme d une ville... 25 Août 1356, les Anglais aux portes de Bourges... 41 Les soldats de l an II et de l an III dans le Cher... 45 Soldats berrichons de l Empire... 53 Du régiment de Travers au 95 e de ligne... 59 L armée sort Bourges et le Cher de leur léthargie La fin de la Grande Armée dans le département du Cher... 71 La Défense s installe à Bourges (1830-1861)... 87 Le séjour à Bourges de prisonniers mexicains sous le Second Empire... 97 Les fortifications de Bourges en 1870... 105 Histoire du 19 e régiment mobile du Cher pendant la guerre de 1870... 113 Le commandant Charles Martin, héros berruyer de la guerre de 1870... 125 La vie dans une ville de garnison au milieu du XIX e siècle... 129 Les bataillons scolaires et les sociétés de gymnastique dans le Cher... 137 La Première Guerre mondiale et l Entre-deux-guerres Le 95 e RI, «Bouclier de la France»... 153 La Fayette, nous voilà... en Haut-Berry... 163 Trois guerres à l ombre d un clocher... 177 Les hôpitaux militaires du département du Cher... 187 Bourges pendant la guerre de 14-18... 199
La Seconde Guerre mondiale La mobilisation à Bourges en août et septembre 1939... 209 Le quotidien d un Berrichon du Cher en 1940... 225 Les aviateurs polonais à Bourges... 235 Bourges sous les bombes... 245 L évacuation du personnel de l Atelier de construction de Bourges... 253 Seconde Guerre mondiale et fin du 95 e RI... 265 Hubert de Lagarde, un héros berrichon très discret... 271 Deux sous-mariniers berruyers... 283 L époque contemporaine Historique du quartier Auger-Carnot... 289 Historique de la base aérienne 702 «Georges Madon»... 309