CPJRPC. Les produits biologiques. Les produits biologiques : aperçu S2 Leigh Revers, Eva Furczon. Les produits biologiques à l œuvre S4 Patrick Mayo

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CPJRPC CANADIAN PHARMACISTS JOURNAL REVUE DES PHARMACIENS DU CANADA V O T R E T R I B U N E P O U R U N E P R AT I Q U E N O VAT R I C E R É V I S É E PA R D E S PA I R S Les produits biologiques Les produits biologiques : aperçu S2 Leigh Revers, Eva Furczon Les produits biologiques à l œuvre S4 Patrick Mayo Traitement du lymphome folliculaire à cellules B au rituximab S5 Gwen Petryk Le traitement du cancer du sein au trastuzumab S7 Serena Rix Ressources S8 L hormone G-CSF LAGUNA DESIGN / SCIENCE PHOTO LIBRARY JANVIER/FÉVRIER 2010 VOL 143 [SUPPL 1] ENTENTE D ENVOI DE PUBLICATIONS NO. 40064631 WWW.CPJOURNAL.CA

APERÇU Les produits biologiques : aperçu Leigh Revers, MA, DPhil.; Eva Furczon, HBSc Le texte suivant est adapté de l article «An Introduction to Biologics and Biosimilars» qui sera publié dans un prochain numéro de CPJ. LE TERME PRODUIT BIOLOGIQUE DÉSIGNE UNE NOUVELLE CATÉGORIE D AGENTS thérapeutiques protéiniques créés à l aide d organismes vivants comme les plantes, les animaux et les micro-organismes tels que la levure et les bactéries. Les produits biologiques possèdent des principes actifs qu il n est pas possible, à juste titre, de synthétiser chimiquement. La taille moléculaire relative des principes actifs et leur uniformité de composition doivent être prises en compte pour les classer. La masse moléculaire relative (M r ) et la taille moléculaire sont les caractéristiques déterminantes des molécules. Si l on compare l acide acétylsalicylique commun (AAS), dont la M r est de 180, à l insuline humaine, produit biologique simple d une M r de 5 808, celle-ci est plus de 30 fois plus lourde. L érythropoïétine, hormone dont la M r est de 30 400, est cinq fois plus grosse, et les anticorps monoclonaux (AcM) sont cinq fois plus lourds encore, avec une masse de 150 000. Les produits biologiques sont des poids lourds moléculaires : comparer l AAS à un AcM revient à comparer un paquet de 2 kg de sucre à une voiture familiale ordinaire. Les produits biologiques incluent pratiquement tous les mélanges complexes de molécules biologiques, comme des protéines, de longs brins d ADN ou même des cellules et des tissus intacts tirés d organismes vivants. Tous les vaccins sont biologiques, de même que l insuline et d autres facteurs sanguins (p. ex., époétine alpha), ainsi que tous les AcM thérapeutiques (p. ex., infliximab, trastuzumab). Ces molécules d origine biologique, parfois appelées macromolécules, sont si complexes qu il faut cultiver les organismes vivants afin de les produire. La première catégorie de produits biologiques correspond aux traitements de substitution, qui consistent à introduire un médicament dans le corps afin de pallier une déficience physiologique. L insuline de source animale fut le premier. Isolée à partir de cellules pancréatiques de bovin ou de porc, elle entraînait des complications allergiques chez certains patients lorsque leur système immunitaire reconnaissait la différence entre l insuline humaine et animale et réagissait à cette dernière qu elle considérait comme un corps étranger. Le réel progrès est apparu avec la technologie de l ADN recombiné permettant de produire de l insuline «humaine» dans des colonies de bactéries E. coli. La deuxième grande catégorie correspond aux AcM, dont un de ceux-ci, le muromonab-cd3, a été approuvé chez les humains en 1986. Les anticorps, ou plus précisément les immunoglobulines, sont des molécules qui se fixent à certaines cibles, ou antigènes. Ils sont cons- Nouvelles découvertes et controverses À mesure que les brevets des anciens produits biologiques arriveront à expiration, les pharmaciens verront apparaître de nouvelles versions. Toutefois, les produits biologiques ultérieurs (PBU), également appelés follow-on biologics (FOB) aux États-Unis et pro duits biosimilaires en Europe, sont différents de la plupart des pro duits génériques. Il est important de comprendre que des produits similaires ne sont pas forcément interchangeables. Les médicaments génériques sont considérés équivalents du point de vue thérapeutique aux produits de référence, qu ils remplacent souvent pour des raisons économiques. Santé Canada insiste sur le fait que les PBU ne sont pas des produits biologiques génériques et que l autorisation d un PBU ne signifie pas qu il peut automatiquement remplacer son produit de référence sans effectuer les études cliniques appropriées 1. La composition chimique des principes actifs biologiques n est pas uniforme en raison des systèmes biologiques (et non synthétiques) utilisés pour les fabriquer. Pour les produits pharmaceutiques ordinaires, cette question est relativement simple : la chimie organique synthétique permet d obtenir ces composés à l aide d une suite de transformations chimiques, dont le résultat est bien défini à chaque étape. En revanche, les produits biologiques sont bien trop gros et exigeants d un point de vue structurel pour pouvoir être préparés de façon satisfaisante par synthèse organique : les chaînes polypeptidiques des protéines doivent être pliées correctement et nécessitent souvent l ajout d autres fonctions structurelles. À elles seules, la taille et la complexité des protéines recombinées présentent des complications importantes à l obtention fiable de médicaments stables, sûrs et efficaces. Les protéines sont souvent susceptibles de subir certaines altérations chimiques comme l oxydation 2 et la déamidation 3, et le résultat de ces altérations peut être difficile à séparer du produit d origine. De subtiles modifications dues au temps peuvent entraîner des effets indésirables comme l insolubilité des protéines, la perte de fonctions biologiques ou la réduction de l immunogénicité. Le processus de fabrication biologique comprend sept étapes 4. La moindre altération durant l une de ces étapes peut entraîner des changements importants dans la structure de la protéine 3,5-7. Ainsi, si l on comparait par exemple différentes érythropoïétines biosimilaires issues de différents pays, on observerait que la composition de ces médicaments n est pas la même 8. Les organismes de réglementation gouvernementaux commencent à comprendre que les mécanismes préexistants afin d établir l équivalence entre des entités moléculaires de petite taille produites par des fabricants différents peuvent constituer des simplifications exagérées potentiellement dangereuses s ils sont appliqués aux PBU 1. En règle générale, les autorisations de médicaments génériques sont simples par comparaison : il suffit au fabricant du générique de prouver l équivalence pharmaceutique et la bioéquivalence entre le produit générique et le produit de référence dans une étude clinique limitée 9. S2

titués d un groupe très varié de glycoprotéines (des protéines possédant des chaînes de molécules de glucose attachées) qui circulent dans le sang, d une masse moléculaire d environ 150 000. La présence de composés de glucose est particulièrement intéressante en raison de leur rôle essentiel dans l activité biologique des molécules, mais aussi parce qu ils montrent que les produits biologiques peuvent posséder des niveaux de complexité supplémentaires dépassant la structure protéinique conventionnelle 1. En général, on recherche la proportion la plus élevée possible de contenu génétique humain dans l AcM, bien que certaines réactions immunitaires provoquées par des AcM étrangers puissent être bénéfiques, en particulier en oncologie. Il existe plus de douze AcM disponibles au Canada 2. Une méthode relativement simple visant à produire des anticorps sur demande a été mise au point 3 en fusionnant des lymphocytes B avec des cellules de myélome immortel (cancer) issues de la moelle osseuse, inventant ainsi un nouveau type de cellules appelées hybri domes. Ces hybridomes ont hérité à la fois de la capacité des lymphocytes à produire des anticorps et celle du cancer à se diviser et à proliférer indéfiniment. La ségrégation méticuleuse des cellules individuelles afin d isoler uniquement celles capables de produire des anticorps très spécifiques pour un antigène donné a permis d accéder à une source inépuisable d anticorps purs et non plus des mélanges de molécules possédant diverses spécificités antigéniques. Les AcM ont entraîné des complications : les molécules étant grandes, le système immunitaire les considérait comme des corps étrangers 4, car la technologie d hybridome était fondée sur des cellules de souris. Les derniers progrès ont permis de mettre au point des AcM mi-souris, mi-humains que l on appelle chimériques (comme le rituximab), ainsi que des anticorps humanisés (comme le trastuzumab) qui contiennent le strict minimum en matière de séquences d acides aminés non humains. En 2004, le premier AcM thérapeutique entièrement humain, l adalimumab, a reçu l approbation des autorités canadiennes. La troisième catégorie correspond aux produits biologiques hybrides, comme les conjugués d AcM et les fusions protéiniques, dans lesquelles au moins deux molécules différentes possédant des fonctions biologiques distinctes sont reliées. Par exemple, on peut transformer un AcM en une sorte d arme en le reliant chimiquement à une cytotoxine afin de cibler spécifiquement des cellules cancéreuses présentant un antigène. Ces produits biologiques devraient connaître une croissance importante dans les années à venir. L emploi des produits biologiques devenant de plus en plus courant, il est important que les pharmaciens comprennent leur origine ainsi que ce qui les distingue des médicaments conventionnels afin de mieux gérer les soins des patients qui suivent ces types de traitement. Leigh Revers est codirecteur du programme de maîtrise en biotechnologie de l Université de Toronto. Renseignements : leigh.revers@utoronto.ca. Eva Furczon est étudiante de troisième cycle dans le programme de maîtrise en biotechnologie de l Université de Toronto et stagiaire chez Roche Canada. Renseignements : eva.furczon@utoronto.ca. Références 1. Dordal MS, Wang FF, Goldwasser E. The role of carbohydrate in erythropoietin action. Endocrinology 1985;116:2293-9. 2. Gricks C, Cann CI, Merrin A. Antibody therapies in oncology. Waltham (MA): Decision Resources, Inc.; 2008. 3. Kohler G, Milstein C. Continuous cultures of fused cells secreting antibody of predefined specificity. Nature 1975;256(5517):495-7. 4. Ezzell C. Magic bullets fly again. Scientific American 2001;280(4):34-41. L approbation des PBU est bien plus compliquée, car les essais analytiques actuels sont insuffisants pour valider leur équivalence thérapeutique. Par conséquent, la décision de les considérer interchangeables doit être fondée sur des données appropriées. Les pharmaciens doivent également être au courant des autres questions liées au caractère interchangeable des produits biosimilaires et à leur désignation. À l heure actuelle, tous les produits comprenant les mêmes principes actifs reçoivent la même désignation commune internationale (DCI) 10. Étant donné que les PBU sont seulement considérés comme similaires et non identiques, il existe un besoin croissant de DCI reconnaissables et non uniquement des désignations commerciales pour les PBU afin de protéger les patients. L attribution d une DCI unique permettrait de distinguer clairement les PBU du produit de référence et assurerait une prescription, une distribution et une surveillance plus précises après mise en marché. Le Canada n a pas encore adopté de cadre réglementaire particulier pour l approbation des PBU, mais Santé Canada est en train d élaborer son propre texte directeur où sera formulée la procédure nationale d approbation des PBU. Références 1. Nyarko KA. Regulatory approach for subsequent entry biologics in Canada. Health Canada. Presented at the PMDA 3rd International Symposium on Biologics, Feb. 17, 2009, Tokyo, Japan. Texte publié sur le site www.pmda.go.jp/2009bio-sympo/file/ IV-2_Nyarko_(Health%20Canada).pdf (consulté le 4 août 2009). 2. Shacter E. Quantification and significance of protein oxidation in biological samples. Drug Metab Rev 2000;32(3-4):307-26. 3. Robinson N. Protein deamidation. Proc Natl Acad Sci 2002;99:5283-8. 4. Sharma B. Immunogenicty of therapeutic proteins. Part 3: Impact of manufacturing changes. Biotechnol Adv 2007;25:325-31. 5. Ross C, Clemmesen K, Svenson M, et al. Immunogenicity of interferon-beta in multiple sclerosis patients: influence of preparations, dosage, dose frequency and route of administration. Ann Neurol 2000;48:706-12. 6. Schellekens H. Biosimilar therapeutics what do we need to consider? NDT Plus 7. European Medicines Agency. Evaluation of medicines for human use: refusal assessment report for Alpheon. Texte publié sur le site www.emea.europa.eu/humandocs/pdfs/epar/alpheon/h-585-rar-en.pdf (consulté le 4 août 2009). 8. Schellekens H. Biosimilar epoetins: how similar are they? Eur J Hosp Pharm Sci 2004;3:43-7. 9. McMahon E, Reguly T. Canada: biosimilars in Canada: new draft guidelines from Health Canada. Texte publié sur le site www.mondaq.com/article.asp?articleid=83460 (consulté le 4 août 2009). 10. Organisation mondiale de la santé. WHO informal consultation on international nonproprietary names (INN) policy for biosimilar products. Geneva: World Health Organization; 2006. Texte publié sur le site www.who.int/medicines/services/inn/ inn_bio/en/index.html (consulté le 3 juin 2009). S3

COLLABORATION SPÉCIALE Patrick Mayo, BSc(Pharm), PhD, SFO Les produits biologiques à l œuvre LES PROGRÈS DE LA SCIENCE ONT FAVORISÉ UNE MEILLEURE COMPRÉHENSION DES maladies et des processus morbides, et ceci a permis l étude et la mise au point de modalités thérapeutiques plus complexes, utilisant des molécules plus grosses et souvent basées sur des protéines ou des anticorps, et cette quête de nouvelles thérapies biologiques s est traduite par la mise au point d une myriade de nouveaux médicaments (tableau 1). À mesure que le nombre de nouveaux produits augmentera, les pharmaciens seront appelés à jouer un rôle de plus en plus grand dans leur prescription et administration. Il importe donc qu ils comprennent bien l origine et les usages appropriés de ces produits. Selon la définition de Santé Canada, les produits (ou drogues) biologiques incluent les vaccins classiques contre les infections virales et bactériennes, les produits dérivés de liquides, de tissus et d organes de source animale et humaine, les protéines recombinantes produites par des lignées cellulaires de bactéries, de levures ou de mammifères (y compris les produits sanguins, les hormones, les facteurs de croissance et les enzymes), ainsi que les produits de thérapie génique et de thérapie cellulaire 1. Les produits biologiques sont dérivés ou produits à partir de matériel vivant, naturel ou génétiquement modifié. Ces produits, qui ont une structure plus complexe et un poids moléculaire plus élevé que les médicaments classiques faits de molécules plus petites (tableau 2), sont réglementés en vertu de l annexe D de la Loi sur les aliments et drogues du Canada. Les possibilités qu offrent les produits biologiques sont vastes et débordent du cadre de ce bref résumé, et le présent supplément vise essentiellement à renseigner les pharmaciens sur deux anticorps qui représentent une avancée dans le traitement des maladies auto-immunes et du cancer. Les cas qui suivent décrivent l utilisation de deux médicaments biologiques, le rituximab et le trastuzumab. Le premier cas porte sur l utilisation du rituximab dans le traitement du lymphome folliculaire B de bas grade. On y décrit les protocoles de suivi habituels et la prémédication qui doit être associée à l usage de ce médicament. Le deuxième TABLEAU 1 Classes de produits biologiques Classe de médicaments Anticorps thérapeutiques anti-cancer Anticorps anti-tnf (facteur de nécrose tumorale) Érythropoïétines Insulines et analogues de l insuline Facteurs de coagulation recombinants Interférons : Alfa Bêta Facteur stimulant la formation de colonies de granulocytes Hormone de croissance humaine Enzymothérapie substitutive Exemples Rituximab, trastuzumab, bévacizumab Étanercept, infliximab, adalimumab Darbépoétine alfa, époétine alfa Insuline lispro, insuline detemir, insuline glargine, insuline isophane Facteurs VIIa, VIII, IX Interféron alfa-2a, interféron alfa-2b, peg-interféron alfa-2a, peg-interféron alfa-2b Interféron bêta-1a, interféron bêta-1b Facteur pégylé humain stimulant la formation de colonies de granulocytes Hormone de croissance Imiglucérase, agalsidase bêta TABLEAU 2 Comparaison entre les médicaments classiques et les produits biologiques 2 Médicaments Petite molécule < 1 000 daltons Effets multiples Action brève; dépend souvent de la pharmacocinétique du médicament Habituellement non immunogène Produits biologiques Grosse molécule > 1 000 à 10 000 daltons Plus grande spécificité Action prolongée; l effet biologique peut être supérieur à la persistance pharmacocinétique Habituellement immunogène cas traite de l utilisation du trastuzumab dans le traitement du cancer du sein HER2-positif, en décrivant l utilisation de ce produit dans le cadre de protocoles thérapeutiques connus pour leur toxicité cardiaque. Les médicaments biologiques sont de puissants agents pour le traitement des maladies auto-immunes et du cancer, qui présentent aussi de grandes possibilités pour le traitement d autres problèmes de santé. Les anticorps offrent en effet l avantage d une reconnaissance sélective du site qui peut se traduire par une plus grande spécificité à l égard de la maladie. Les anticorps qui ciblent une étape précise dans la cascade d une maladie pourraient également servir de sonde moléculaire pour faciliter une meilleure compréhension de la pathophysiologie et mener ainsi à la mise au point future de nouvelles cibles thérapeutiques. Ces médicaments très puissants ne sont toutefois pas dépourvus d effets toxiques et, comme pour tout autre médicament, il importe d en évaluer le rapport toxicitéefficacité par une analyse risques-avantages propre à chaque patient. Les produits biologiques sont des médicaments de poids moléculaire élevé qui requièrent des processus de fabrication et de contrôle de la qualité complexes, ce qui occasionne des coûts plus élevés. Les évaluations pharmacoéconomiques des médicaments biologiques doivent donc tenir compte de différents résultats cliniques, notamment de l efficacité et de la toxicité des produits, de l évaluation de la qualité de vie ainsi que de la main-d œuvre requise pour l administration de ces produits. Durant la mise au point de thérapies biologiques, il serait souhaitable de faire, chaque fois que cela est possible, une évaluation comparative de l efficacité des différents produits, afin de bien évaluer l utilité clinique du produit biologique en regard d un produit classique de faible poids moléculaire. Enfin, contrairement aux médicaments classiques, il est impossible de faire une reproduction «générique» exacte des produits biologiques en raison de leur complexité. Certains considèrent les produits biologiques ultérieurs, ou produits «biosimilaires», comme les équivalents de poids moléculaire élevé des médicaments génériques. Cependant, comme la structure des produits ultérieurs n est pas (et ne peut pas être) identique à celle du produit original, ces produits ultérieurs doivent être utilisés avec prudence. Les pharmaciens doivent être conscients de ce fait et être en mesure de participer à l évaluation continue et à l usage approprié des produits biologiques dans la pharmacothérapie. Pat Mayo a travaillé comme pharmacologiste clinicien dans l industrie pharmaceutique et l industrie de la biotechnologie, avant de reprendre son travail de pharmacien clinicien spécialisé dans les soins à domicile en 2009. Renseignements : pat.mayo@albertahealthservices.ca. S4

ÉTUDE DE CAS Gwen Petryk, BScPharm Traitement du lymphome folliculaire à cellules B au rituximab PARMI LES LYMPHOMES, UN GROUPE DE MALADIE TOUCHANT LE SYSTÈME LYMphatique, on distingue généralement deux catégories : les lymphomes de Hodgkin et les lymphomes non hodgkiniens (LNH) 1. La Société canadienne du cancer a estimé qu il y aurait 7 200 nouveaux cas de LNH diagnostiqués en 2009 et 3 200 morts dues à un LNH 2. Les LNH représentent un groupe hétérogène très large de cancers des lymphocytes dont la définition n est pas encore fixée. Ils peuvent se produire à tout âge et sont souvent caractérisés par des ganglions lymphatiques plus gros que la normale, de la fièvre et une perte de poids. On distingue deux types de LNH : agressifs (à croissance rapide) et indolents (à croissance lente). Ils peuvent être constitués de cellules B ou T. Les LNH à cellules B comprennent le lymphome de Burkitt, la leucémie lymphoïde chronique et le lymphome lymphocytaire à petites cellules (LLC et LLPC), le lymphome diffus à grandes cellules B, le lymphome folliculaire, le lymphome immunoblastique à grandes cellules, le lymphome lymphoblastique à précurseurs B et le lymphome à cellules du manteau. Les LNH à cellules T sont notamment la mycose fongoïde, le lymphome anaplasique à grandes cellules et le lymphome lymphoblastique à précurseurs T. Les lymphomes qui se développent après une transplantation de moelle osseuse ou de cellules souches sont généralement des LNH à cellules B. Le pronostic et le traitement dépendent du stade et du type de la maladie. Étude de cas JR est une femme de 72 ans qui présente une tumeur sur la zone postérieure droite du cou. Elle a montré cette masse à son médecin de famille qui a prescrit un ultrason. Lors d un essai de traitement aux antibiotiques, le nodule a continué de croître et un ultrason de suivi avec aspiration à l aiguille et microbiopsie a donné des résultats évocateurs d un lymphome à cellules B, avec les signes d un lymphome folliculaire de bas grade. Antécédents médicaux Hystérectomie pour cause de cancer endométrial en 1995; hypertension; diabète de type 2; reflux gastro-œsophagien pathologique. Traitements actuels par semaine Examen physique À la suite d un examen physique et d études, dont une tomographie par ordinateur et une biopsie du ganglion lymphatique, le diagnostic du lymphome à cellules B est posé. Traitement Le rituximab, un anticorps monoclonal (AcM), a été approuvé au Canada en 2000 4. Il s agit d un AcM chimérique murin-humain basé sur l immunoglobuline G humaine qui se fixe sur l antigène CD20, lequel régule le processus d activation de l initiation du cycle cellulaire et de la différenciation. L antigène CD20 existe dans les lymphocytes pré-b et B mûrs normaux et malins. Il entraîne la lyse des lymphocytes B, ce qui réduit leur quantité dans la circulation sanguine périphérique, dans les ganglions lymphatiques et dans la moelle osseuse, mais ne perturbe pas les cellules souches hématopoïétiques. Le rituximab a une action clinique élevée et une faible toxicité. Il obtient un taux élevé de réponse moléculaire complète chez les patients atteints d un lymphome folliculaire avec un faible volume tumoral 5. L apparition d anticorps humains anti-rituximab est rare, mais on a observé des pertes d expression de l antigène CD20 sur les lympho- TABLEAU 1 Possibilités de traitement du lymphome folliculaire à cellules B 3 Type Traitement habituel Commentaires Indolent Attente avec surveillance Éviter de traiter avant que cela ne devienne nécessaire. Dans quelques rares cas, certains lymphomes ne nécessitent aucun traitement. Bas grade CD20+* Grades 1, 2, 3a (cellules non agressives) Grade intermédiaire (diffus à grandes cellules B) Grade 3b (cellules très agressives) Rituximab + cyclophosphamide, vincristine, prednisone (R-CVP) ± maintien au rituximab Rituximab ± maintien au rituximab Rituximab + fludarabine ± maintien au rituximab Rituximab + cyclophosphamide, doxorubicine, vincristine, prednisone (R-CHOP) 4 cycles ou prolongation sur 8 cycles En cas de récurrence : répétition des stratégies initiales ou radioimmunothérapie (p. ex. 131 I-tositumomab) Lymphome diffus à grandes cellules localisé, chimiothérapie de courte durée + radiothérapie locale * Le lymphome de bas grade CD20+ a tendance à s accroître et à méta staser lentement; il comprend le lymphome lymphoïde chronique et le lymphome folliculaire à petites cellules clivées. S5

TABLEAU 2 Effets indésirables les plus fréquents avec le rituximab 6 Réaction liée à la perfusion = 80 % Asthénie = 16 % Leucopénie = 11 % Frissons = 32 % Neutropénie = 7 % Fièvre = 49 % Thrombocytopénie = 8 % Éruption cutanée = 10 % Œdème de Quincke = 13 % Bronchospasme = 8 % Hypotension = 10 % Le potentiel émétogène est inférieur à 10 %. cytes B. Pour le pharmacien qui participe au traitement de patients recevant du rituximab, il est essentiel de savoir que les réactions liées à la perfusion sont très fréquentes, probablement en raison de la libération de cytokines pro-inflammatoires. Ce phénomène souligne la nécessité absolue d augmenter progressivement la vitesse de perfusion, de façon personnalisée selon les effets indésirables chez les patients, et d administrer des médicaments au préalable afin d éviter les réactions immunologiques les plus prononcées. Les flacons sont stables entre 2 C et 8 C, à l abri de la lumière. JR a plus de 60 ans, mais elle présente une maladie de bas grade et un taux normal de lacticodéshydrogénase, ce qui laisse entendre un bon pronostic. L histopathologie montre des tissus positifs au CD20 sans modification génétique qui pourrait augmenter la résistance au traitement au rituximab. On décide de commencer un traitement initial d au moins quatre cycles de rituximab. Le traitement est généralement prolongé jusqu à l obtention d une réponse complète, plus deux cycles Conseils liés à la pratique Conseiller aux patients d éviter toute vaccination durant le traitement au rituximab en raison de son effet immunosuppresseur. Les patients suivant ce traitement peuvent recevoir des vaccins non vivants au moins quatre semaines avant un traitement au rituximab. Les vaccins vivants augmentent le risque de maladie et le système immunitaire du patient peut être trop compromis pour que le vaccin soit bénéfique 8. On considère que l échinacée possède une action immunostimulante, laquelle est prouvée par l activation de macrophages (libérant de l interleukine-1) et la prolifération des lymphocytes B. Cette action peut, en théorie, aller à l encontre des objectifs thérapeutiques de plusieurs immunosuppresseurs comme le rituximab 9. Par conséquent, bien qu aucune étude n ait été effectuée sur l interaction entre les médicaments et cette plante, il est conseillé d éviter l échinacée pendant le traitement au rituximab. La plupart des patients connaissant des réactions importantes au rituximab peuvent reprendre le traitement par la suite sans complications. Si le traitement est poursuivi, il doit être administré à une vitesse inférieure à la première dose durant laquelle la réaction s est produite, ou à une vitesse réduite de moitié par rapport à la première dose. Les patients susceptibles de développer un syndrome de lyse tumorale (SLT) sont notamment ceux dont le volume tumoral entraîne une lyse rapide des lymphocytes B CD20 positifs. Le traitement doit consister à corriger de façon agressive les déséquilibres électrolytiques et métaboliques. Pour déterminer la dose d allopurinol à administrer, il faut noter qu un taux élevé de créatinine sérique en présence d un SLT n est pas forcément une bonne indication de la fonction rénale. Il est impératif de surveiller en permanence les valeurs de laboratoire, car celles-ci varient beaucoup au cours du traitement. supplémentaires, ou au maximum huit cycles. L éventuel besoin de prolonger le traitement dépend de la réponse clinique. Prise en charge des réactions au rituximab Réactions à la perfusion 6 Les réactions liées à la perfusion peuvent, entre autres, inclure des éruptions cutanées, de l urticaire, de la fièvre, des frissons, des bronchospasmes, un œdème de Quincke. Les symptômes associés peuvent être les suivants : bouffées vasomotrices, hypotension, rhinite, nausée, asthénie et céphalée apparaissant entre 30 et 120 minutes après le début de la première perfusion. Ils seraient liés à la libération de cytokines ou de médiateurs chimiques. Afin de prévenir ces réactions : augmentant toutes les 30 minutes jusqu à 400 mg/h maximum, selon la tolérance du patient. Diphénhydramine, 50 mg par voie orale Acétaminophène, 650 mg par voie orale Hydrocortisone, 50 à 100 mg en intraveineuse 30 à 60 minutes avant la première dose ou prednisone, 100 mg par voie orale chaque jour pendant cinq jours (commencer 30 minutes avant la perfusion) l administration du rituximab. uniquement si le régime thérapeutique contient un stéroïde. lié à la perfusion. nuant à une vitesse réduite de moitié. Syndrome de lyse tumorale 7 Le syndrome de lyse tumorale (SLT) peut se produire entre 12 et 24 h après la perfusion initiale, quel que soit le volume tumoral du patient. Le SLT entraîne des anomalies électrolytiques et métaboliques comme l hyperuricémie, l hypophosphatémie et l hyperkalémie, lesquels peuvent causer des complications graves telles qu une insuffisance rénale aiguë, une élévation de la lacticodéshydrogénase et de la fièvre. Il se produit plus fréquemment chez les patients ayant un nombre élevé de lymphocytes malins circulants, et il est probablement dû à la lyse rapide des lymphocytes B CD20 positifs, bénins et malins. Afin de prévenir et de traiter le SLT, il faut prendre en charge les anomalies métaboliques, par exemple en réhydratant le patient, en utilisant de l allopurinol ou du rasburicase, à l aide de chélateurs de phosphate, en réalisant une dialyse ou en administrant du sulfonate de polystyrène de sodium, de l insuline, du dextrose à 25 %, du bicarbonate de sodium ou du gluconate de calcium. Conclusion Outre le lymphome, le rituximab est également indiqué pour traiter d autres troubles comme la polyarthrite rhumatoïde; c est pourquoi il est important que les pharmaciens de divers contextes professionnels se familiarisent avec ce produit biologique. Gwen Petryk est une pharmacienne membre du personnel du Cross Cancer Institute pour les Services de santé de l Alberta, Traitement du cancer. Elle est spécialisée en greffe de moelle osseuse. Renseignements : gwen.petryk@ albertahealthservices.ca. S6

ÉTUDE DE CAS Le traitement du cancer du sein au trastuzumab Serena Rix, BSP LA PLUPART DES PATIENTES ATTEINTES DU CANCER DU SEIN SONT TRAITÉES À L AIDE de multiples agents, lesquels peuvent posséder des toxicités à court et à long terme. Les patientes pouvant survivre pendant 30 ans ou plus, les toxicités à long terme doivent être prises en compte lors de la prescription et de la gestion des traitements. Notamment, les personnes atteintes du cancer du sein qui suivent de nombreux traitements potentiellement cardiotoxiques présentent des risques élevés de maladie cardiovasculaire. 1 On en sait peu sur ce phénomène, appelé «hypothèse des atteintes répétées», surtout chez les personnes présentant des facteurs de risques cardiaques préexistants. Avec l amélioration des traitements contre le cancer et l augmentation constante de la survie, il faut noter que les survivants du cancer dont le système cardiovasculaire a été atteint plusieurs fois peuvent connaître des risques accrus de maladie cardiovasculaire. Les pharmaciens doivent être en mesure de reconnaître ces risques et d encourager le maintien d une pression artérielle, d une glycémie et de taux de cholestérol idéaux, ainsi qu une alimentation saine, un poids constant, l exercice physique et l arrêt du tabac chez les patients à risque. Étude de cas SQ est une femme de 50 ans atteinte d un cancer du sein localement et régionalement avancé, prouvé par biopsie. La tumeur est positive en récepteurs d œstrogène (RO), en récepteurs de progestérone (RP) et en récepteurs du facteur de croissance épidermique humaine 2 (HER2). SQ mesure 1,60 m, pèse 95 kg, a des antécédents de tabagie à 25 paquets/an et a un style de vie sédentaire. Antécédents médicaux En bonne santé; pas d allergie médicamenteuse connue. Traitements actuels Huile d onagre contre les bouffées de chaleur pendant les derniers mois; consommation d alcool uniquement pour les occasions spéciales. Examen physique L examen a inclus une biopsie de la masse par aspiration à l aiguille. Une angiocardiographie à l équilibre a montré une fraction d éjection du ventricule gauche (FEVG) à 60 % à la base de référence. Un diagnostic de cancer du sein régionalement avancé a été posé. Traitement Le trastuzumab ralentit la croissance de certaines cellules du cancer du sein qui produisent des quantités anormales de protéine HER2. Il s agit d un anticorps monoclonal ciblé sur la protéine HER2, laquelle est surexprimée par les cellules cancéreuses du sein dans 20 à 25 % des cas 2.Ces tumeurs ont tendance à s accroître de façon agressive et le pronostic n est pas bon pour ces patientes. Lorsqu il est confirmé qu un échantillon biologique du sein est cancéreux, d autres tests sont réalisés pour déterminer s il est RO, RP ou HER2 positif. Le trastuzumab est indiqué pour tous les stades de cancer du sein HER2 positif. Une angiocardiographie à l équilibre sera réalisée avant et après la chimiothérapie au fluorouracil, à l épirubicine et au cyclophosphamide (FEC). L oncologue de SQ compte utiliser 500 mg/m 2 de fluorouracil, 100 mg/m 2 d épirubicine et 500 mg/m 2 de cyclophosphamide en quatre cycles, ainsi que du docétaxel en quatre cycles. Le trastuzumab sera ajouté au docétaxel et poursuivi pendant 17 cycles au total (un an). SQ subira également une mastectomie après le docétaxel et on étudiera la possibilité d effectuer une radiothérapie et d administrer un traitement hormonal au tamoxifène ou d utiliser un inhibiteur d aromatase, voire les deux consécutivement. Trastuzumab Le trastuzumab est administré par perfusion intraveineuse. Les flacons de poudre stérile sont stables entre 2 C et 8 C. La solution obtenue par reconstitution avec de l eau bactériostatique (fournie) pour l injection peut être conservée pour plusieurs utilisations jusqu à 28 jours au réfrigérateur entre 2 et 8 C 3. Le régime posologique est déterminé en fonction du poids, mais la dose initiale est généralement de 8 mg/kg, puis de 6 mg/ kg toutes les trois semaines 3. Le traitement est poursuivi pendant un an avec l adjuvant ou jusqu à ce qu il y ait progression pour les patientes métastatiques. Il est contre-indiqué pour les femmes enceintes 3. Effets indésirables Les effets indésirables suivants sont associés au trastuzumab : douleurs, fièvre, frissons, céphalée, insomnie et éruptions cutanées. Son administration peut également être suivie de nausées, de vomissements, de Conseils liés à la pratique lée durant le traitement. Si la patiente s inquiète de dommages durables ou en cas de symptôme montrant une aggravation de la fonction cardiaque (essoufflement, gonflement des jambes), il faut lui conseiller de consulter de nouveau. Chaque facteur de risque pour le cœur que l on peut modifier doit être pris en compte. Il faut conseiller aux patientes d arrêter de fumer, de réduire leur stress, de maintenir un poids sain et de faire de l exercice. doivent éviter l emploi de plusieurs produits de santé naturels commercialisés comme des remèdes aux symptômes de la ménopause, comme l huile d onagre, le dong quai, le cimicaire à grappes et le ginseng 7-10. Bien que ces produits soient dérivés de plantes et ne possèdent pas de molécule stéroïde, ils peuvent avoir des effets œstrogènes ou antiœstrogènes sur les récepteurs d œstrogène. Les pharmaciens doivent recommander d autres produits non hormonaux disponibles pour soulager les bouffées de chaleur ou les autres symptômes de ces patientes. d une perte de masse osseuse. Il est important que les patientes soient au courant de ce risque et qu elles soient informées des mesures à prendre concernant leur mode de vie et les éventuels traitements médicamenteux à suivre. Il est important de réaliser une ostéodensitométrie de référence ainsi qu un examen de suivi approprié. Les pharmaciens peuvent recommander des suppléments en vitamine D et en calcium ainsi que de l exercice de port de poids. S7

diarrhée, de faiblesse, de toux, de dyspnée et de réactions à la perfusion. Des réactions anaphylactiques (comme des démangeaisons et une respiration sifflante) peuvent également être observées, car, bien que l anticorps ait été humanisé, il est dérivé d une source animale et contre-indiqué pour les personnes allergiques aux ovaires de hamster chinois 4. Le trastuzumab et le cœur L effet secondaire le plus grave du trastuzumab est la cardiotoxicité. Les patientes dont le FEVG est inférieur à 50 % ou qui sont atteintes d une insuffisance cardiaque ne doivent pas recevoir ce traitement, à moins que le risque de récurrence du cancer du sein soit très élevé. Les facteurs de risque exigeant une attention particulière sont les maladies cardiaques ischémiques, les valvulopathies importantes ou un FEVG de 50 % à 55 % avant le traitement au trastuzumab 2. Le FEVG est mesuré soit à l aide d une échocardiographie, soit à l aide d une angiocardiographie à l équilibre. Les tests de suivi sont effectués tous les trois mois après le traitement au trastuzumab à l aide de la même technique d imagerie utilisée au départ. Si l on découvre une diminution de 15 % ou plus par rapport à la base de référence, on interrompt le trastuzumab et l on renouvelle le test de FEVG quatre semaines plus tard. Si la patiente est asymptomatique et qu un rétablissement suffisant est obtenu, le traitement au trastuzumab peut reprendre. Si l on doit suspendre le traitement deux fois de suite, trois fois au total ou si des symptômes apparaissent, le traitement sera arrêté 5. Trastuzumab et anthracyclines : différentes toxicités cardiaques Les patientes traitées préalablement aux anthracyclines, comme la doxorubicine et l épirubicine qui sont couramment utilisées pour le traitement du cancer du sein, sont également à risque, car ces agents sont aussi cardiotoxiques. Les anthracyclines entraînent une toxicité de type I, qui est le résultat de dommages subis par le muscle cardiaque, généralement irréversibles. La cardiotoxicité du trastuzumab est considérée de type II, ce qui représente une dysfonction cardiaque avec de bonnes probabilités de rétablissement à la base de référence (ou près de ce chiffre) dans les deux à quatre mois suivant le traitement 6. Utilisation consécutive du trastuzumab et des anthracyclines 1. Afin de minimiser la cardiotoxicité, les anthracyclines et le trastuzumab doivent être utilisés de façon consécutive : doxorubicine + cyclophosphamide taxotère + trastuzumab ou 2. Utiliser des régimes sans anthracycline : taxotère + carboplatine + trastuzumab 3. Il est recommandé aux patientes dont le FEVG baisse de plus de 10 % durant les 12 mois de traitement au trastuzumab d effectuer des examens cardiaques annuels. Conclusion Le pharmacien joue un rôle primordial, car il assure une prise en charge adéquate des patientes qui suivent une chimiothérapie contre le cancer du sein. La connaissance du risque élevé de maladie cardiaque et d autres complications associées à ce type de cancer permet d améliorer la prise en charge ainsi que le résultat thérapeutique pour ces patientes. Serena Rix est une pharmacienne travaillant pour les Services de santé de l Alberta; elle exerce au Grey Nuns Hospital et au Cross Cancer Institute. Elle travaille en oncologie depuis 10 ans, avec un intérêt particulier pour le cancer du sein. Elle est actuellement candidate au PharmD. Renseignements : serena.rix@covenanthealth.ca. Ressources Cancer du sein : Lignes directrices : www.nccn.org/professionals/physician_gls/f_guidelines.asp Fondation canadienne du cancer du sein : www.cbcf.org Fondation canadienne des maladies inflammatoires de l intestin : www.ccfc.ca Lymphome : Lignes directrices : www.nccn.org/professionals/physician_gls/f_guidelines.asp Société canadienne du cancer : www.cancer.ca Leukemia & Lymphoma Society: www.leukemia-lymphoma.org National Psoriasis Foundation : www.psoriasis.org Santé Canada : Produits biologiques et radiopharmaceutiques et thérapies génétiques : www.hc-sc.gc.ca/dhp-mps/brgtherap/index-fra.php Société de l arthrite : www.arthritis.ca U.S. Food and Drug Administration : FDA 101: Regulating Biological Products, consumer update: www.fda.gov/forconsumers/ consumerupdates/ucm048341.htm La publication de ce supplément à la Revue des pharmaciens du Canada a été possible grâce à une subvention sans restriction de BIOTECanada. ÉQUIPE DE RÉDACTION : Rédactrice en chef/éditrice adjointe : Rédactrice administrative : Rédactrice-conseil : Coordonnatrice de la rédaction : Rédactrice francophone Rédacteur invité : Conception et production : Directeur général : Directeur principal, Solutions de publications numériques : James de S8