Tribunal administratif Numéro 30903 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 20 juillet 2012 3 e chambre Audience publique du 22 mai 2013 Recours formé par Monsieur... et consort,... contre une décision de la commission instituée sur base du règlement grand-ducal modifié du 5 mai 2011 en matière d aides au logement JUGEMENT Vu la requête inscrite sous le numéro 30903 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif en date du 20 juillet 2012 par Maître Nicky Stoffel, avocat à la Cour, inscrite au tableau de l Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur... et de son épouse, Madame..., demeurant à L-, tendant à la réformation, sinon à l annulation d une décision du 26 avril 2012 de la commission instituée sur base du règlement grand-ducal modifié du 5 mai 2011 portant refus de leur demande en obtention des aides au logement ; Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 3 octobre 2012 ; Vu les pièces versées en cause et notamment la décision critiquée ; Le juge-rapporteur entendu en son rapport, ainsi que Maître Katrin Djaber Hussein, en remplacement de Maître Nicky Stoffel, et Madame le délégué du gouvernement Jacqueline Jacques en leurs plaidoiries respectives à l audience publique du 24 avril 2013. Par un formulaire préimprimé du ministère du Logement, service des aides au logement, daté au 18 octobre 2011, Monsieur... et son épouse, Madame..., ci-après désignés par «les consorts...», introduisirent auprès dudit ministère une demande en obtention des aides individuelles au logement, sans préciser quelles aides particulières ils visaient. Par un formulaire préimprimé du ministère du Logement, service des aides au logement, daté au 22 février 2012, les consorts... introduisirent auprès dudit ministère une demande en obtention des aides individuelles au logement, en cochant les cases relatives à la prime d acquisition, à la subvention d intérêt et à la bonification d intérêt. Par des courriers du 27 février 2012 et du 9 mars 2012 portant la mention en arrièrepage «dernier rappel», le service des aides au logement réclama une copie de la carte de séjour de Monsieur... Par une décision du 26 avril 2012, la commission instituée sur base du règlement grand-ducal modifié du 5 mai 2011 fixant les mesures d exécution relatives aux aides 1
individuelles au logement promouvant l accès à la propriété et prévues par la loi modifiée du 25 février 1979 concernant l aide au logement, ci-après désigné par «le règlement grandducal du 5 mai 2011», ladite commission étant dénommée ci-après la «commission», s adressa aux consorts... en les termes suivants : «Se référant à l affaire émargée, la commission, instituée sur base du règlement grand-ducal modifié du 5 mai 2011 concernant les aides au logement et composée de Mme,,, et, est au regret de vous informer qu'elle ne peut réserver une suite favorable à votre requête. En effet, l'article 12 paragraphe 2 alinéa 3 du prédit règlement dispose que : «Le demandeur est tenu, sur demande du ministre, de fournir tous les renseignements et documents jugés nécessaires pour constater si les conditions d octroi des aides demandées sont remplies. Il en est de même des conditions à respecter après l octroi d une ou de plusieurs aides prévues par le présent règlement. Au cas où des renseignements et/ou documents demandés font défaut, l aide est refusée respectivement arrêtée.» Etant donné que votre dossier relatif à l allocation d une aide au logement demeure toujours incomplet malgré plusieurs rappels, la commission susmentionnée a refusé ladite aide. La présente décision a été prise à l unanimité des voix. [ ]» Par requête déposée au greffe du tribunal administratif en date du 20 juillet 2012, les consorts... ont fait introduire un recours tendant principalement à la réformation et subsidiairement à l annulation de la décision de la commission du 26 avril 2012, précitée, énoncée erronément par les consorts... comme émanant du ministre du Logement. Dans la mesure où aucune disposition légale n instaure un recours au fond en la présente matière, le tribunal est incompétent pour connaître du recours en réformation introduit en ordre principal. Il s ensuit que seul un recours en annulation a valablement pu être introduit contre la décision litigieuse. Le recours en annulation ayant été introduit dans les formes et délai prévus par la loi, il est recevable. A l appui de leur recours, les demandeurs soutiennent qu ils n auraient pas pu fournir un titre de séjour de Monsieur..., conformément à la demande en ce sens formulée par l administration, au motif que son passeport serbe aurait expiré, et qu il ne pourrait pas se déplacer personnellement à l ambassade de Serbie afin de solliciter la délivrance d un nouveau passeport, étant donné qu il se trouverait au centre pénitentiaire à Schrassig depuis le mois d avril 2010 pour avoir été condamné à une peine d emprisonnement de quinze ans, dont sept ans avec sursis. Ils précisent que le demandeur n aurait depuis le mois d avril 2010 bénéficié d aucune «mesure d élargissement», ni même provisoire. Ils font valoir qu ils auraient adressé une demande de congé spécial au délégué du Procureur général d Etat afin que Monsieur... puisse se déplacer à Bruxelles pour remplir les formalités nécessaires en vue de l obtention d un nouveau passeport serbe, mais que cette demande aurait été rejetée. Ils ajoutent encore que les démarches entreprises par leur mandataire auprès des autorités consulaires serbes à Bruxelles 2
seraient restées infructueuses, étant donné que lesdites autorités auraient maintenu leur position selon laquelle il serait impossible de renouveler le passeport de Monsieur... sans qu il ne se rende personnellement à Bruxelles. Ils soulignent que cette circonstance particulière les aurait empêchés de fournir le titre de séjour de Monsieur... à l administration. Les demandeurs estiment que compte tenu de la situation exceptionnelle de Monsieur... la décision négative de la commission ne se serait pas imposée. A cet égard, ils donnent à considérer qu ils seraient des «résidents de longue durée» et que l impossibilité de Monsieur... de fournir un titre de séjour valable résulterait de circonstances exceptionnelles indépendantes de sa volonté. Ainsi, les demandeurs invoquent le principe de proportionnalité pour soutenir que la décision déférée de la commission constituerait une application trop stricte et sévère de la loi au vu des circonstances exceptionnelles ayant empêché Monsieur... de fournir un titre de séjour valable. Le délégué du gouvernement conclut au rejet du recours. La décision déférée de la commission du 26 avril 2012 est basée sur l article 12 (2) alinéa 3 du règlement grand-ducal du 5 mai 2011 qui dispose que : «Le demandeur est tenu, sur demande du ministre, de fournir tous les renseignements et documents jugés nécessaires pour constater si les conditions d octroi des aides demandées sont remplies. Il en est de même des conditions à respecter après l octroi d une ou de plusieurs aides prévues par le présent règlement. [ ]». L alinéa 4 de l article 12 (2) précise encore que : «Au cas où des renseignements et/ou documents demandés font défaut, l aide est refusée respectivement arrêtée.» Il résulte des alinéas 3 et 4 de l article 12 (2) du règlement grand-ducal du 5 mai 2011 que le demandeur d aides individuelles au logement est tenu de fournir à la demande de l administration tous les renseignements et documents jugés nécessaires par celle-ci pour constater si les conditions d octroi des aides demandées sont remplies dans le chef du demandeur et qu à défaut par le demandeur de fournir les renseignements et documents lui réclamés par l administration, l aide visée lui est refusée. Le délégué du gouvernement a justifié la demande formulée par le service des aides au logement à l adresse des demandeurs de fournir une copie d une carte de séjour en cours de validité du demandeur par la nécessité du contrôle de la condition de la résidence légale inscrite à l article 2 du règlement grand-ducal du 5 mai 2011, en vertu duquel : «Les aides prévues aux articles 11, 12, 13, 14, 14bis et 14ter de la loi peuvent uniquement être accordées au demandeur qui est autorisé à résider légalement au Grand-Duché de Luxembourg, qui y est domicilié et y réside effectivement, sur présentation d une demande à introduire moyennant un formulaire mis à disposition par le ministre. Pour prouver la condition de résidence, le demandeur doit présenter : [ ] c) une carte de séjour [ ]» Dans le cadre d un recours en annulation, le juge administratif peut vérifier les faits formant la base de la décision administrative qui lui est soumise et examiner si ces faits sont 3
de nature à justifier la décision. Cet examen amène le juge à vérifier si les faits à la base de la décision sont établis et si la mesure prise est proportionnelle par rapport aux faits établis 1, étant précisé que la légalité d une décision administrative s apprécie en considération de la situation de droit et de fait au jour où elle a été prise. Il est constant en cause que le demandeur n a pas donné suite à la demande de l administration de lui fournir une copie d une carte de séjour en cours de validité, et ce malgré la circonstance non contestée que différents courriers demandant cette pièce lui ont été adressés, le dernier courrier de rappel datant du 9 mars 2012, et qu au jour où la commission a pris sa décision, aucune explication n a été fournie par les demandeurs par rapport à la pièce réclamée. Le tribunal est dès lors amené à retenir que la commission, sur base de l article 12 (2) alinéas 3 et 4 du règlement grand-ducal du 5 mai 2011, a a priori à bon droit pu constater un défaut par les demandeurs de fournir des documents jugés nécessaires pour constater si les conditions d octroi des aides demandées sont remplies dans leur chef, étant relevé que le caractère nécessaire de la pièce sollicitée n a pas été mis en cause par les demandeurs et se trouve d ailleurs justifié à suffisance par la référence faite à la condition de résidence légale inscrite à l article 2 du règlement grand-ducal du 5 mai 2011, et a partant à bon droit pu refuser aux demandeurs l octroi des aides individuelles au logement sollicitées par eux. S il est vrai que les demandeurs invoquent le principe de proportionnalité en affirmant plus particulièrement que le demandeur serait dans l impossibilité de se déplacer personnellement aux services consulaires serbes à Bruxelles afin de remplir les formalités nécessaires en vue du renouvellement de son passeport serbe en raison de sa détention au Centre pénitentiaire à Schrassig, que leur mandataire aurait demandé un congé pénal afin que le demandeur puisse se rendre physiquement à Bruxelles, mais que ce congé pénal aurait été refusé, que leur mandataire aurait encore essayé, sans succès, de trouver une solution avec les autorités consulaires serbes à Bruxelles en procédant par la voie du téléphone et du téléfax, et qu ils seraient des «résidents de longue durée», force est au tribunal de constater, d une part, qu au regard du libellé de l article 12 (2) alinéa 4, précité, du règlement grand-ducal du 5 mai 2011, la commission n a eu aucun pouvoir d appréciation en l espèce, le refus des aides sollicitées étant la conséquence légale du défaut par les demandeurs de fournir une copie d une carte de séjour en cours de validité du demandeur. D autre part, même à supposer que les démarches sus-décrites aient été déployées par les demandeurs, il n en reste pas moins, tel que cela a été relevé à juste titre par le délégué du gouvernement, qu au jour où la commission a statué, les demandeurs n ont pas fourni une copie d une carte de séjour en cours de validité prouvant la condition de résidence légale au Grand-Duché de Luxembourg au sens de l article 2 du règlement grand-ducal du 5 mai 2011 et ce malgré différents appels. Au contraire, les explications fournies par les demandeurs permettent de déduire que le demandeur ne dispose pas d une carte de séjour en cours de validité, l affirmation des demandeurs qu ils seraient «résidents de longue durée» n étant étayée par aucune pièce afférente. Il s ensuit que le moyen fondé sur une violation du principe de proportionnalité est à rejeter pour ne pas être fondé. Il suit de l ensemble des considérations qui précèdent, et à défaut d autres moyens, que le recours en annulation est à rejeter comme non fondé. Par ces motifs, 1 Cf. TA 7 juillet 1998, n 10807 du rôle, Pas. adm. 2012, V Recours en annulation, n 31, et autres références y citées 4
le tribunal administratif, troisième chambre, statuant à l égard de toutes les parties ; se déclare incompétent pour connaître du recours principal en réformation ; reçoit le recours subsidiaire en annulation en la forme ; au fond, le déclare non justifié, partant en déboute ; condamne les demandeurs aux frais. Ainsi jugé par : Annick Braun, premier juge, Andrée Gindt, juge, Hélène Steichen, attaché de justice, et lu à l audience publique du 22 mai 2013 par le premier juge, en présence du greffier assumé Claudine Meili. s. Claudine Meili s. Annick Braun Reproduction certifiée conforme à l original Luxembourg, le 24/5/2013 Le Greffier du Tribunal administratif 5