Clôture d un dossier et facturation du solde 1. Hypothèse de l analyse Un dossier est en état d être clôturé par un avocat. L avocat estime qu un solde d honoraires et frais lui est dû par son client, il souhaite adresser une demande de paiement à ce dernier, mais l avocat n est pas certain d être payé. Il ne souhaite pas émettre un document qui le rendrait débiteur vis-à-vis de l administration de la TVA d une taxe dont il n est pas sûr qu elle soit payée par le client. L avocat peut-il ne pas émettre une facture? Quelle est la situation à l égard de la TVA si l avocat se borne à «inviter» son client à lui payer une somme en précisant sur le document «ceci n est pas une facture» ou «état provisionnel à ce jour» ou «ce document ne donne pas droit à déduction» etc.? Ces pratiques sont-elles conformes à la loi? L équipe de spécialistes de la TVA d AVOCATS.BE a-t-elle des recommandations à formuler à ce sujet? 2. Rappel des principes La circulaire TVA avocats n 47/2013 du 20 novembre 2013 (n p. 13 à 22) ainsi que l article de Me Mikaël Gossiaux et de Me Charlotte T Sjoen dans le J.T. n 6548 du 25 janvier 2014 (spécialement le chapitre 8, pages 54 à 56) rappellent les principes en matière d exigibilité de la TVA. Rappelons en outre : 2.1. Les textes légaux applicables Le Code TVA traite aux articles 22 et 22bis du fait générateur et de l exigibilité de la taxe, en régime intérieur. 1
a. En principe, pour les prestations de services, la date du fait générateur de la taxe et la date de son exigibilité coïncident. Cette date est le moment où la prestation de service est effectuée (art. 22, 1 er du Code). Rappelons que l exigibilité de la taxe n implique pas toujours le paiement de la taxe. L article 1 er, 12 du Code TVA définit l exigibilité de la taxe comme suit : «le droit que le Trésor peut faire valoir aux termes de la loi, à partir d un moment donné, auprès du redevable pour le paiement de la taxe, même si le paiement peut en être reporté». b. Par dérogation à la règle précédente, lorsque des prestations de services donnent lieu à des décomptes intermédiaires ou des paiements successifs, la prestation de service est considérée comme effectuée à l expiration de chaque période à laquelle se rapporte un décompte ou un paiement (art. 22, 2 al. 1 du Code). c. Lorsqu un prix est encaissé en tout ou en partie avant le moment où la prestation est effectuée, la taxe est exigible au moment de l encaissement, à concurrence des montants encaissés (art. 22bis, al. 1 du Code). d. Il y a une règle particulière lorsque l assujetti fournit habituellement des services à des particuliers et pour lesquels il n a pas d obligation d émettre une facture : la taxe devient exigible au fur et à mesure de l encaissement du prix (article 22bis, al. 2 du Code). e. Enfin il convient d être attentif à l article 51, 1 er, 3 du Code. Cet article, qui traite de la question de savoir par qui la taxe est due, comporte également une règle en matière d exigibilité de la TVA. Cet article dispose que toute personne qui, dans une facture ou un document en tenant lieu, mentionne une TVA est redevable de la taxe au moment de l émission de la facture ou de l établissement du document, même si elle n a fourni aucun service. 2
Pour les prestations fournies à des non particuliers, la TVA est due dès que : - la prestation de service est effectuée ; - l avocat reçoit un paiement (même si aucune prestation de service n a été accomplie) ; - l avocat émet un document réclamant le paiement de la TVA à une autre personne. Pour les prestations fournies aux particuliers, la TVA est due dès que : - l avocat reçoit un paiement (même si aucune prestation de service n a été accomplie) ; - l avocat émet un document réclamant le paiement de la TVA à une autre personne. 2.2. La circulaire n 47/2013 du 20 novembre 2013 Aux n 73 et 74 de la circulaire n 47/2013, l administration traite de l exigibilité de la taxe pour les prestations de services des avocats à des clients particuliers. Il est rappelé qu un particulier, au sens du Code de la TVA est une personne physique qui destine les services de l avocat à un usage privé. L administration se réfère à la règle déjà énoncée dans sa précédente circulaire n 02/2013 du 23 janvier 2013 selon laquelle la TVA devient exigible au fur et à mesure de l encaissement du prix. L administration précise que cette règle relative à l exigibilité de la TVA s applique même lorsque l avocat a émis une facture, alors qu il se trouvait dans la situation où il n avait pas d obligation de facturation (prestation de service à un particulier : pas d obligation de facturation article 53 2 du Code TVA). L administration écrit (prestation de service B2C) : «La seule cause d exigibilité est alors le moment de la réception du paiement qu elle se soit produite avant ou après le fait générateur (système de l encaissement) la taxe est alors due à due concurrence au moment de la réception du prix. Le fait que l avocat émette ou pas une facture n a aucune influence». Enfin, l administration accepte de considérer que tout avocat, même un avocat dit «d affaires» est considéré comme un assujetti qui «fournit habituellement 3
des prestations de services à des personnes physiques qui les destinent à des fins privées (tolérance administrative)». Il en résultera donc que tout avocat pourra lorsqu il a accompli une prestation de service pour un client particulier, se prévaloir de la règle particulière de l article 22bis, alinéa 2 du Code TVA. 3. Réponse aux questions posées 3.1. Le client de l avocat est un particulier a. L avocat ne doit mentionner la TVA dans sa déclaration périodique et la verser au Trésor qu au fur et à mesure de l encaissement de sa note d honoraires et à concurrence des montants encaissés (article 22bis al. 2 du Code TVA) ; Les auteurs vont dans le même sens : M. Gossiaux et C. T Sjoen, op.cit. p. 54 ; S. Mary, «La TVA et les avocats», Les cahiers de la TVA, décembre 2013, p. 156 note 1 : «pour les prestations de services fournis aux particuliers, il est toujours fait application du principe d encaissement pour la détermination du moment de l exigibilité» ; F. Baltus, notes de cours TVA, SBS, p. 161 : «la taxe est due, au fur et à mesure de l encaissement du prix, lorsque [les prestations] sont fournies à des particuliers ( )». b. Peu importe la dénomination donnée par l avocat au document par lequel il réclame des honoraires ou frais à son client. c. L avocat sera prudent de ne pas rendre la TVA exigible en vertu de l article 51, 1 er, 3 du Code en réclamant explicitement un montant de TVA à son client. Ainsi, si l avocat souhaite recevoir un montant de 1.000,00 à titre d honoraires, il demandera à son client de lui payer 1.210,00 à titre d honoraires (sans ventilation explicite du montant des honoraires et de la TVA). La TVA sera due au moment de l encaissement et à concurrence de l encaissement. Si le client paie 605, l avocat perçoit en réalité 500 à titre d honoraires et 105 à titre de TVA. Si le solde de son état demeure impayé, la TVA incluse dans ce solde impayé n est pas due au Trésor. 4
3.2. Le client de l avocat n est pas un particulier a. La taxe est due par application de l article 22 du Code («la prestation de service est effectuée»). L avocat a l obligation d émettre une facture en bonne et due forme au plus tard le 15 ème jour du mois qui suit celui au cours duquel survient le fait générateur («la prestation de service est effectuée»). Pour rappel, la circulaire n 47/2013 du 20 novembre 2013 définit pragmatiquement le moment où la prestation est effectuée, dans les situations les plus fréquentes : - avis oral : lorsque l avis est donné - consultation écrite : lorsque la consultation est adressée au client - procédure judiciaire : lorsque la cause est clôturée par une décision coulée en force de chose jugée ; - si la procédure implique une récupération de somme et que l avocat est chargé de faire les diligences nécessaires pour récupérer cette somme : lorsque les diligences requises ont été accomplies ; En toute hypothèse, la prestation est accomplie lorsque prend cours le délai de prescription de l action en responsabilité civile professionnelle contre l avocat. Pour rappel, «l achèvement de la mission de l avocat» au sens de l article 2276bis du code civil intervient «lorsque le mandant met de façon non équivoque un terme au contrat, même si l avocat pose ensuite des actes résultant de la fin de sa mission» (Cass. 29 avril 2005, Pas. I, n 252, p. 968 ; sur les nuances possibles entre «achèvement de la mission» en droit civil et «prestation de service effectué en droit fiscal», voy. M. Gossiaux et C. T Sjoen, op. cit p. 54 in fine). b. L avocat qui a des doutes quant au paiement de sa facture de clôture du dossier peut légitimement s abstenir d émettre une note d honoraires. Les agents de l administration ne pourraient pas reprocher à un avocat de s abstenir d émettre une note d honoraires. Bien entendu, si l avocat a convenu avec le client que les honoraires pour la prestation demandée seront de 2.000,00 hors TVA, si cet accord 5
préalable sur le montant des honoraires est connu du fisc et si à la clôture du dossier il reste 1.000,00 hors TVA à payer, s abstenir de réclamer cette somme au client expose l avocat au risque de devoir expliquer aux agents de l administration pourquoi il n a pas réclamé ce solde (suspicion de fraude). L avocat devra en ce cas être en mesure de rapporter la preuve des motifs pour lesquels il s est abstenu d émettre une facture pour le solde de ses honoraires (client devenu insolvable, client mécontent du service ou du résultat, etc.). c. C est sans doute l occasion de rappeler qu il peut être utile dans ce genre de situations de veiller à être couvert par des provisions suffisantes. 3.3. Cas particulier du client autorité publique (B2G) Rappelons les dispositions particulières de la circulaire n 47/2013 aux n 69 à 72. Lorsque le client est une autorité publique, le moment d exigibilité est reporté au moment où l avocat reçoit de l autorité compétente, l avis écrit fixant le montant définitif de ses frais et honoraires approuvés par ladite autorité (tolérance administrative). Maurice Krings Administrateur 6