État de Stress Aigu et État de Stress Post- Traumatique, quoi de neuf dans le DSM-5?

Documents pareils
Une échelle d évaluation semistructurée. B. Gravier

Dr Julie Dauphin, Ph.D. Psychologue clinicienne

Bienvenue à la conférence en ligne Violence au travail : présentation des résultats du sondage mené auprès de trois secteurs professionnels

PSYCHOSOMATIQUE, RELAXATION, PSYCHOTHERAPIES A MEDIATION CORPORELLE

Autisme Questions/Réponses

LIGNES DIRECTRICES CLINIQUES TOUT AU LONG DU CONTINUUM DE SOINS : Objectif de ce chapitre. 6.1 Introduction 86

MINISTERE DE LA SANTE ET DES SOLIDARITES DIRECTION GENERALE DE LA SANTE- DDASS DE SEINE MARITIME

PROJET DE LOI 15 BILL 15. 1st Session, 56th 58th Legislature New Brunswick Elizabeth II, II,

Guide à l intention des familles AU COEUR. du trouble de personnalité limite

PLAN D ACTION. «Troubles psychiques post traumatiques dans les forces armées»

Emplacement de la photo d ouverture du domaine

Les stagiaires, au nombre de 12 maximum, disposent de tables de travail et de chaises.

testez-vous! Préparez vos partiels en toute sénérité!

LES MODES D ADAPTATION ET DE COMPENSATION DU HANDICAP : Les personnes handicapées motrices à domicile (enquête HID 1999)

Thérapie de l intégration par le mouvement oculaire : Une introduction au traitement des souvenirs traumatiques et perturbants

Se libérer de la drogue

Doit-on craindre les impacts du rapport Trudeau sur la fonction de technicienne ou technicien en éducation spécialisée?

Autisme : ce que nous attendons des Agences Régionales de Santé

Béatrice Darot, révélatrice de potentiel

Questions / Réponses. Troubles du sommeil : stop à la prescription systématique de somnifères chez les personnes âgées

iceps 2015 Objectifs de la Présentation Efficacité des Thérapies Comportementales et Cognitives pour les Troubles Mentaux Swendsen

APRES TOUT ACTE DE MALTRAITANCE. 3. Elaboration des recommandations de pratique. 4. Diffusion au personnel des recommandations.

Université d été de l AFORPEL 30 juillet 4 août La Gestalt et les «état limite» (Borderline)

Réponse et temps de réponse aux items en psychométrie. R. Trouillet M.C.F. H.D.R. Lab. Epsylon EA4556

Pacte européen pour la santé mentale et le bien-être

C était la guerre des tranchées

Plan de la présentation

Sommaire. Sommaire. L Entreprise Page 3. Qu est-ce que la PNL? Page 4. Thérapie PNL et hypnose ericksonienne Page 7

«Tout le monde devrait faire une psychothérapie.»

Cinzia Grassi, Loredana Ceccacci, Anna Elisa D Agostino Observatoire pour le contraste de la pédophilie et de la pornographie enfantine

Q. QUELLE EST LA MISSION DU CENTRE DE CRISE POUR LES VICTIMES DE VIOL?

L analyse documentaire : Comment faire des recherches, évaluer, synthétiser et présenter les preuves

TRAITEMENT DES MAUX DE TÊTE PAR EMDR INTÉGRÉ

Médecine psychosomatique et psychosociale (ASMPP)

TROUBLES ENVAHISSANTS DU COMPORTEMENT (TEC)

Introduction. Pourquoice livre?... Comment utiliser ce livre?... Que contient ce manuel?... Chapitre 1

Guide d accompagnement pour la prise en charge des troubles anxieux chez l enfant

QU EST-CE QUE LA PROPHYLAXIE?

Dangers potentiels d Internet et des jeux en ligne

1- Parmi les affirmations suivantes, quelles sont les réponses vraies :

PLAC E DE L AN ALYS E TOXIC OLOG IQUE EN URGE NCE HOSP ITALI ERE

PROJET VIVRE, HABITER ET TRAVAILLER DANS LYON ET LE GRAND LYON

Vous êtes. visé. Comment diminuer les risques et les impacts d une agression en milieu bancaire

Migraine et Abus de Médicaments

troubles comportementaux aigus et/ou cognitifs tous les intervenants de l entreprise Prise en charge immédiate sur le lieu de travail.

«Les jeux en ligne, quelle influence en France?»

HARCÈLEMENT CRIMINEL. Poursuivre quelqu un, ce n est pas l aimer!

Plan d Action de Ouagadougou contre la traite des êtres humains, en particulier des femmes et des enfants, tel qu adopté par la Conférence

La responsabilité des infirmiers et des établissements de santé

Trouble bipolaire en milieu professionnel: Du diagnostic précoce àla prise en charge spécialisée

LE FINANCEMENT DES HOPITAUX EN BELGIQUE. Prof. G. DURANT

Région Nord-Pas de Calais

Signes précurseurs. Jeu problématique

A - Nomenclature des préjudices de la victime directe

I - CLASSIFICATION DU DIABETE SUCRE

Doit on et peut on utiliser un placebo dans la prise en charge de la douleur?

Le référentiel professionnel du Diplôme d Etat d Aide Médico-Psychologique

Le trouble oppositionnel avec. provocation ou par réaction?

Le référentiel RIFVEH La sécurité des personnes ayant des incapacités : un enjeu de concertation. Septembre 2008

Le bilan neuropsychologique du trouble de l attention. Ania MIRET Montluçon le

Problèmes de rejet, de confiance, d intimité et de loyauté

AVIS DE LA FÉDÉRATION QUÉBÉCOISE DE L AUTISME DANS LE CADRE DE LA CONSULTATION PUBLIQUE SUR LA LUTTE CONTRE L INTIMIDATION

L APS ET LE DIABETE. Le diabète se caractérise par un taux de glucose ( sucre ) trop élevé dans le sang : c est l hyperglycémie.

La prise en charge de votre épilepsie

COMMISSION DE LA TRANSPARENCE

9.11 Les jeux de hasard et d argent

Introduction par effraction

Définition, finalités et organisation

FORMATIONS 2015 PRATIQUES ÉDUCATIVES & SOCIALES PRATIQUES EN MANAGEMENT & COACHING PRATIQUES EN PSYCHOTHÉRAPIE

Semaine de la sécurité des patients: novembre 2012

HISTORIQUE DES SOINS PALLIATIFS ET ENJEUX POUR LE FUTUR

La Responsabilité Médicale de l Hépatogastroentérologue

Mieux connaître les publics en situation de handicap

eurogip Quelle reconnaissance des pathologies psychiques liées au travail? Une étude sur 10 pays européens Rapport d'étude

La Menace du Stéréotype

Quelqu un de votre entourage a-t-il commis un suicide?

Tout dépend de ce qu on veut évaluer

Nouveaux médias. Guide pour les écoles obligatoires. Utilisation des téléphones mobiles Le cyber-harcèlement

Le Stress Post - Traumatique

Qu avez-vous appris pendant cet exposé?

Le Modèle Conceptuel de Virginia Henderson. P. Bordieu (2007)

ACCIDENTS DU TRAVAIL ET MALADIES PROFESSIONNELLES

Principales causes de décès selon le groupe d âge et plus

QUESTIONNAIRE SUR LE TROUBLE DE L ACQUISITION DE LA COORDINATION (QTAC) Martini, R et Wilson, BN

Avertisseur de monoxyde de carbone

Recommandation Pour La Pratique Clinique

Introduction au droit La responsabilité professionnelle

Y A-T-IL COUPLE? Introduction. Pour qu il y ait couple, il faut du temps

COUPLE ET PROBLÈMES SEXUELS

Définition trouble psychosomatique. TROUBLES PSYCHOSOMATIQUES Item 289. Définition trouble psychosomatique. Définition trouble psychosomatique

PLAN D ACTIONS PSYCHIATRIE & SANTE MENTALE page 1 / 106 PLAN D ACTIONS POUR LE DEVELOPPEMENT DE LA PSYCHIATRIE

Assurance annulation de voyage. Brochure des participants

Note de recommandation Médecins du Monde. Concertation sur la Réforme de l Asile. Octobre 2013

Sophie Blanchet, Frédéric Bolduc, Véronique Beauséjour, Michel Pépin, Isabelle Gélinas, et Michelle McKerral

L obligation de négocier sur la pénibilité dans les entreprises. Premiers éléments de bilan. Direction générale du travail

Le coaching centré sur la solution

Qu est-ce que la maladie de Huntington?

Quand le corps devient objet de l autre

Transcription:

État de Stress Aigu et État de Stress Post- Traumatique, quoi de neuf dans le DSM-5? E V E L Y N E J O S S E, 2 0 1 3 Psychologue, psychothérapeute (EMDR, hypnose, thérapie brève) Vice-présidente et responsable communication de l association EMDR-Belgique www.resilience-psy.com Les deux modèles principaux de classification internationale des troubles mentaux sont le DSM, Diagnostic and Statistical Manual of Mental Disorders, publié par l American Psychiatric Association (APA), et la CIM 1, la Classification Internationale des Maladies, éditée par l Organisation Mondiale de la Santé (OMS). La nouvelle version du DSM, le DSM-5, a été publiée le 27 mai 2013. Dans le présent article, après un bref historique consacré aux affections post-traumatiques dans la taxonomie DSM, nous allons passer en revue les modifications apportées à l État de Stress Aigu et de Stress Post-Traumatique. Du DSM-I au DSM-IV Le DSM-I Au sortir de la deuxième guerre mondiale, trois classifications de troubles mentaux sont en usage aux États-Unis. Pour mettre fin à la confusion régnant parmi les professionnels de la santé mentale, les experts se réunissent et standardisent une nouvelle nomenclature. C est ainsi qu en 1952 paraît le DSM-I. Y figure dans la catégorie des troubles transitoires de la personnalité («Transient situational personality disorders») un diagnostic de «réaction de stress majeure» («Gross Stress Reaction») pour les «Situations dans lesquelles l individu a été confronté à de sévères épreuves physiques ou à un stress émotionnel extrême, telles que les situations de combat et les catastrophes civiles (incendie, séisme, explosion, etc.)». N entraient toutefois dans cette catégorie que les symptômes transitoires ; les troubles persistants devant être reclassés dans un autre diagnostic du manuel. Le DSM-II En 1968 est publiée la deuxième édition du DSM. Bien que la dénomination «névrose» subsiste, certains termes à connotation psychanalytique sont éliminés. L American Psychiatric Association pose ainsi les premiers jalons d une conception nosographique a-théorique. 1 L organisation Mondiale de la Santé prépare une nouvelle édition de sa nosographie, la CIM-11, dont la parution est prévue en 2015.

A l époque, les États-Unis sont engagés dans la guerre du Vietnam. La reconnaissance d une pathologie déclenchée par les traumatismes de la guerre contraindrait les hautes autorités à indemniser ou à réformer les soldats atteints. Les enjeux militaires et financiers sont considérables. Hasard ou non, la «réaction de stress majeure» disparaît du manuel... Le tableau clinique le plus approchant est le diagnostic de «réaction d adaptation à la vie adulte» («Adjustment reaction of adult life») classé dans les perturbations situationnelles transitoires («Transient situational disturbances»), catégorie réservée aux réactions éphémères faisant suite à un stress environnemental important. Concernant le stress lié au combat militaire, on lit : peur associée au combat militaire et où les manifestations sont trembler, courir et se cacher mais le DSM- II précise «Si le patient a des capacités d adaptation normales, les troubles devraient disparaître lorsque le stress diminue. Si les troubles persistent, il convient de rechercher une autre pathologie mentale». Le DSM-III En 1980, paraît la troisième édition. Les appellations psychanalytiques ont été radiées. Le manuel se veut a-théorique : l étiquetage des troubles ne doit pas être lié à une théorie particulière. L éclatement des concepts entraîne une redistribution des symptômes dans de nouvelles entités syndromiques. En raison des séquelles traumatiques durables manifestées par les vétérans du Vietnam, le DSM-III, introduit dans la classe des troubles anxieux de sa nosographie, un diagnostic psychiatrique nommé État de Stress Post Traumatique ou ESPT («Post-Traumatic Stress Disorder», généralement signalé par l acronyme PTSD). La reconnaissance d une entité diagnostique spécifique constitue à l époque une véritable victoire et ce, à plus d un titre. Premièrement, les troubles traumatiques, jusqu alors imputés à une vulnérabilité personnelle, sont attribués à un agent extérieur, la guerre. Deuxièmement, admettre la légitimité du PTSD implique des conséquences financières colossales. Jusqu alors, les réactions post-traumatiques étaient attribuées à une prédisposition individuelle que la circonstance particulière des combats ne faisait que révéler. La guerre n étant pas reconnue comme la cause prédominante dans la genèse des troubles, les soldats traumatisés n étaient pas indemnisés. L administration chargée des victimes de guerre était donc rétive à voir apparaître une entité clinique qui la contraignait à dédommager les blessés psychiques. Troisièmement, le syndrome de stress post-traumatique est fondé sur un facteur étiologique, ce que le DSM tente d éliminer depuis sa deuxième édition, se voulant être une nosographie descriptive et sans référence théorique. Quatrièmement, le PTSD admet que les auteurs d exaction puissent être victimes ; les soldats coupables de crimes de guerre sont des hommes ordinaires qui ont été plongés dans une situation extraordinaire. Cinquièmement, les troubles ne sont pas uniquement l apanage des affrontements armés ; le diagnostic de PTSD est applicable aux troubles consécutifs à la guerre ainsi qu à d autres événements délétères. Ce syndrome, bien que largement critiqué et critiquable aura cependant permis d introduire la notion de traumatisme psychique auprès d un large public. Son plus grand mérite aura été, nous semble-t-il, de «normaliser» les réactions post-traumatiques trop longtemps attribuées à une vulnérabilité individuelle et en conséquence, considérées comme l attribut des faibles. Des précisions, des annotations et des commentaires sont ajoutés au diagnostic de PTSD dans la version DSM-III-R éditée en 1987. 2

Le DSM-IV En 1994, l American Psychiatric Association effectue un pas de plus dans la reconnaissance des phénomènes post-traumatiques en validant, dans le DSM-IV, le diagnostic d Acute Stress Disorder, ASD, traduit par État de Stress Aigu ou ESA. Le diagnostic de PTSD ne pouvant être établi qu après une latence d un mois minimum, les réactions manifestées précocement n étaient pas tenues en compte. C est pour combler cette lacune que l APA adjoint cette nouvelle entité à son manuel. Cette quatrième version voit également s élargir le spectre des modes possibles de traumatisation : avoir été témoin d un événement adverse peut produire un trauma. De plus, elle ajoute une exigence importante : pour être qualifié de traumatique, l événement doit avoir suscité un vécu subjectif négatif (sentiment de peur, d horreur ou d impuissance). Enfin, pour la première fois, le manuel fait mention de caractéristiques liées à la culture et souligne le danger d utiliser telle quelle sa classification pour évaluer une personne d un autre groupe ethnique ou culturel. Le manuel sera révisé en 2000 et édité sous l appellation DSM-IV-TR. Les troubles consécutifs aux traumatismes et au stress dans le DSM-5 En 2013, dans la nouvelle édition du manuel appelée DSM-5, l American Psychiatric Association apporte des modifications significatives aux troubles post-traumatiques, l ASD et le PTSD. Elle franchit un cap décisif en créant un chapitre distinct pour les troubles consécutifs aux traumatismes et au stress («Trauma and Stress-Related Disorders»). Initialement classés dans les troubles anxieux, l ASD et le PTSD migrent donc vers cette nouvelle catégorie. Aux côtés de ces deux diagnostics, sont rassemblés le trouble réactif de l attachement, le trouble d engagement social désinhibé, le trouble d adaptation, le trouble lié aux traumatismes et au stress spécifié et le trouble lié aux traumatismes et au stress non spécifié. L association américaine octroie ainsi aux syndromes psychotraumatiques toute l attention qu ils méritent et reconnait la diversité des formes cliniques prises par la souffrance humaine à la suite d une expérience délétère. Pour que les troubles présentés puissent être qualifiés de stress aigu ou de stress posttraumatique, il est impératif que la personne ait été exposée à un événement adverse (Critère A). Le DSM-5 ajoute aux événements traumatisants retenus dans le DSM-IV (la mort ou la menace de mort, les blessures graves ou la menace de telles blessures et la menace pour l intégrité physique), une circonstance spécifique, l agression sexuelle et la menace d une telle agression. Alors que le DSM-IV considérait que seules les victimes directes pouvaient souffrir d un trouble post-traumatique aigu ou chronicisé, la nouvelle version admet qu un sujet puisse être traumatisé du fait de sa proximité émotionnelle avec une victime directe (famille et amis proches) ou parce qu il a été confronté de manière répétée à des récits sordides en raison de ses activités professionnelles. Autre changement significatif, le DSM-5 n exige pas que l individu ait manifesté une peur intense, un sentiment d impuissance ou d horreur face à l événement. Les études épidémiologiques ont démontré que l absence de telles émotions diminue légèrement le risque 3

de trouble ultérieur et que leur présence s avère peu prédictive comparée à d autres réactions telles que la colère ou la honte. Ce critère lié à une réaction émotionnelle a ainsi disparu du DSM-5. L État de Stress Post-Traumatique Le DSM-IV répartissait les 17 symptômes objectivant l État de Stress Post-Traumatic en trois grands groupes : les reviviscences (critère B), les évitements et l émoussement de la réactivité générale (critère C) et l activation neurovégétative (critère D). Le DSM-5, quant à lui, propose quatre clusters comptabilisant un total de 20 signes cliniques. Pour l essentiel, ceux-ci sont identiques à la version précédente. Trois symptômes ont été ajoutés ; quelques uns ont été révisés. L ensemble évitements/émoussement de la réactivité générale du DSM- IV a été scindé : dorénavant, les évitements constituent le critère C ; les symptômes d engourdissement émotionnel auxquels ont été adjoints deux nouveaux symptômes, le blâme persistant par rapport à soi ou à autrui et les émotions négatives persistantes de l humeur (peur, horreur, colère, culpabilité ou honte) forment le critère D. Quant au critère E, regroupant les signes témoignant de l hyperactivation neurovégétative et de l hyperréactivité, il reprend les symptômes de l ancien cluster D ainsi qu un nouvel item, le comportement autodestructeur ou imprudent. Un critère supplémentaire, le critère H, a été ajouté et précise que les troubles ne peuvent être attribués à la prise d une médication, à un abus de substance psychotrope ou à une maladie. Autre nouveauté majeure apportée au PTSD dans le DSM-5 : le diagnostic demande de préciser si la personne présente des symptômes dissociatifs de dépersonnalisation et/ou de déréalisation. Les flashbacks et l amnésie psychogène faisaient déjà partie intégrante du syndrome. Toutefois, certaines victimes manifestent d autres signes de dissociation, justifiant l introduction de cette spécification. Changement important encore, l élimination de la spécification liée à l évolution de l affection. Pour rappel, le DSM-IV établissait une distinction entre le PTSD aigu (durée des symptômes entre 1 et de 3 mois) et le PTSD chronique (persistance des symptômes au-delà de 3 mois). Enfin, saluons une innovation capitale de cette dernière taxonomie DSM : l introduction d un sous-type développemental, le «PTSD préscolaire» (PTSD Preschool Subtype) destiné aux enfants jusqu à l âge de 6 ans. Dans le DSM-III, la première description du PTSD s appliquait exclusivement à une population adulte. En 1987, dans le DSM-III-R et en 1994, dans le DSM-IV, quelques brèves mentions concernant les enfants ont été ajoutées. Ces critères se sont toutefois avérés difficilement applicables aux jeunes enfants et peu représentatifs des réactions qu ils manifestent après un événement traumatisant. Le sous-type préscolaire a pour objectif de corriger cette situation. Ainsi, pour les enfants jusqu à l âge de six ans, les seuils diagnostiques ont été abaissés, des critères jugés inappropriés ont été supprimés (par exemple, l incapacité de se rappeler d un aspect important du traumatisme et le sentiment d avenir bouché) et d autres ont été adaptés (par exemple, les items évaluant le vécu interne ont été commutés en comportements observables). 4

L État de Stress Aigu En 1994, une nouvelle entité, l État de Stress Aigu, fait son entrée dans le manuel. Elle englobe tant les réactions de survenue immédiate que les réponses post-immédiates perdurant jusqu à quatre semaines après l incident. Reprenant partiellement le tableau du PTSD, l ASD s en distingue par des symptômes de dissociation. L établissement du diagnostic exige qu au moins trois des cinq troubles dissociatifs suivants soient présents : un engourdissement émotionnel (un sentiment subjectif de torpeur, de détachement ou une absence de réaction émotionnelle), une impression de déréalisation, une impression de dépersonnalisation, une réduction de la conscience de son environnement (par exemple, «être dans le brouillard»), une amnésie dissociative (par exemple, incapacité à se souvenir d un aspect important du traumatisme). Si l accent est ainsi mis sur les symptômes dissociatifs, c est parce qu ils sont considérés comme les signes immédiats les plus prédictifs d un trouble psychotraumatique ultérieur. Les recherches menées depuis 1994 et l avènement de l ASD, ont poussé les auteurs à en modifier les objectifs et les critères dans le DSM-5. Avec cette entité, l APA avait pour objectif de combler un vide nosographique mais également de discriminer les personnes à risque de développer une pathologie à long terme de celles qui n éprouvent que d éphémères réactions de stress. Or, les études ont prouvé que si la grande majorité des individus manifestant un tableau de stress aigu souffrent plus tard d un syndrome chronique, bon nombre de victimes affectées par un PTSD n ont pas présenté de trouble de stress aigu. L ASD s est ainsi révélé un critère sensible mais peu spécifique à prédire le devenir des individus confrontés à un événement adverse. En maintenant l ASD dans le DSM-5, l APA ne poursuit plus l ambition de dépister précocement les sujets à risque de développer une future affection psychotraumatique. Cette entité se limite aujourd hui à identifier les victimes souffrant de réactions de stress sévère dans la période de latence durant laquelle le diagnostic de PTSD ne peut être posé. Dans certains pays, par exemple aux États-Unis, cette reconnaissance peut s avérer décisive pour l obtention du remboursement des soins de santé. En ce qui concerne la liste des symptômes de l ASD, elle est pratiquement inchangée mais il n est plus exigé, comme c était le cas auparavant, de satisfaire un nombre précis de signes par cluster. Nous l avons vu, dans le DSM-IV, l accent est mis sur la dissociation, trois des cinq symptômes dissociatifs de ce cluster spécifique devant être rencontrés. Or, les études menées depuis près de vingt ans prouvent que la dissociation péri-traumatique n est pas un facteur prédictif indépendant d un stress post-traumatique 2. Plus que la dissociation, c est l hyperactivation neurovégétative qui semble être le pivot central du développement d un trouble ultérieur 3. Partant du constat que la relation entre la réaction aiguë à un événement et une pathologie à long terme est complexe et non linéaire et compte tenu de l hétérogénéité des manifestations de stress aigu, la nouvelle définition de l ASD publiée dans le DSM-5 requiert que soient présents au moins 9 des 14 symptômes possibles, quels que soient les clusters auxquels ils appartiennent : intrusion, humeur négative, dissociation, évitement ou hyperactivation. Autrement dit, les victimes d un événement délétère en état de stress aigu peuvent manifester une gamme de réponses incluant ou non des symptômes dissociatifs. 2 Breh et Seidler, 2007; van der Velden et al, 2006 cité In Bryant R.A. (2013), «An Update of Acute Stress Disorder, VOLUME 24/NO. 1, ISSN: 1050-1835, 2013, PTSD Research Quarterly, National Center for PTSD. 3 Bryant R.A., Brooks R., Silove D., Creamer M., O Donnell M., McFarlane A.C. (2011), Peritraumatic dissociation mediates the relationship between acute panic and chronic posttraumatic stress disorder, Behaviour Research and Therapy, 49, 346-351. doi:10.1016/j.brat.2011.03.003 5

Bibliographie Références American Psychiatric Association (1952), Diagnostic and Statistical Manual. Mental Disorders, American Psychiatric Press, Washington D.C. American Psychiatric Association (1968), DSM-II, Diagnostic and Statistical Manual of Mental Disorders, second Edition, American Psychiatric Press, Washington D.C. American Psychiatric Association (1980), DSM-III, Diagnostic and Statistical Manual of Mental Disorders, third Edition, American Psychiatric Press, Washington D.C. American Psychiatric Association (2013), Diagnostic and Statistical Manual of Mental Disorders, 5th Edition: DSM-5, American Psychiatric Press, Washington D.C. Breh et Seidler, 2007; van der Velden et al, 2006 cité In Bryant R.A. (2013), «An Update of Acute Stress Disorder, VOLUME 24/NO. 1, ISSN: 1050-1835, 2013, PTSD Research Quarterly, National Center for PTSD. Bryant R.A., Brooks R., Silove D., Creamer M., O Donnell M., McFarlane A.C. (2011), Peritraumatic dissociation mediates the relationship between acute panic and chronic posttraumatic stress disorder, Behaviour Research and Therapy, 49, 346-351. doi:10.1016/j.brat.2011.03.003 Josse E. (2013), Troubles dissociatifs, quoi de neuf dans le DSM-5?», www.resiliencepsy.com Bibliographie de l auteur Josse E. (2007), Le pouvoir des histoires thérapeutiques. L hypnose éricksonienne dans la guérison des traumatismes psychiques, La Méridienne/Desclée De Brouwer, Paris. Josse E. (2011), Le traumatisme psychique chez le nourrisson, l enfant et l adolescent, De Boeck, coll. Le Point sur, Bruxelles. Josse E., Dubois V. (2009), Interventions en santé mentale dans les violences de masse, De boeck Université, Coll. Crisis, Bruxelles. Josse E. (à paraître en janvier 2014), Le traumatisme psychique chez l adulte, De Boeck, Bruxelles. Nombreux articles d Evelyne Josse sur www.resilience-psy.com 6