TRIBUNAL ADMINISTRATIF DE CERGY-PONTOISE lv N 1202676 M. Fabrice L... Mme Charlery Rapporteur M. Merenne Rapporteur public Audience du 30 mars 2015 Lecture du 5 mai 2015 RÉPUBLIQUE FRANÇAISE AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS Le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise (7 ème chambre) PCJA : 55-03-036 Code publication : C Vu la procédure suivante : Par une ordonnance en date du 23 mars 2012, le président du tribunal administratif de Versailles a transmis au tribunal administratif de Cergy-Pontoise, en application de l article R. 351-3 du code de justice administrative, la requête de M. L... Par cette requête et deux mémoires, enregistrés le 28 février 2012, le 1 er avril 2014 et le 25 février 2015, M. L..., représenté par Me Barbier Guiard-Schmid, demande au tribunal, dans le dernier état de ses écritures : 1 ) d annuler pour excès de pouvoir la décision, en date du 16 mars 2011, par laquelle le Conseil régional de Lorraine de l ordre des pédicures-podologues lui a refusé l autorisation de maintien d un cabinet secondaire à Saint-Cloud ainsi que la décision, en date du 17 novembre 2011, par laquelle le Conseil national de l ordre des pédicures-podologues a confirmé cette première décision ; 2 ) d enjoindre au Conseil national de l ordre des pédicures-podologues de réexaminer sa demande et de lui accorder ladite autorisation ; 3 ) de mettre à la charge du Conseil national de l ordre des pédicures-podologues la somme de 6 000 euros au titre de l article L. 761-1 du code de justice administrative.
N 1202676 2 Il soutient que : - la décision du 16 mars 2011 du Conseil régional de Lorraine de l ordre des pédicurespodologues et celle du 17 novembre 2011 du Conseil national de l ordre des pédicurespodologues, sont fondées sur le décret du 26 octobre 2007, insérant un article R. 4322-79 dans le code de la santé publique, qui est illégal pour être intervenu à l issue d une procédure irrégulière, à défaut de consultation préalable du conseil de la concurrence, en application de l article L. 462-2 du code de commerce ; - la décision du Conseil régional de l ordre de Lorraine du 16 mars 2011 méconnait la nouvelle rédaction de l article 2 du code de déontologie, modifiée par le décret du 16 novembre 2012, lequel a introduit un mécanisme d autorisation tacite passé un délai de trois mois courant à compter de l expiration du délai offert au demandeur pour compléter son dossier ; - elle est également entachée d erreur de droit en tant qu elle méconnait l article 2 du code de déontologie, lequel subordonne la décision du Conseil régional de l ordre à celle du Conseil national se prononçant sur les dérogations susceptibles d être accordées au principe de l unicité de cabinet ; en l espèce, le Conseil régional s est prononcé avant le Conseil national, inversant les étapes de la procédure ; - la décision du Conseil national de l ordre des pédicures-podologues du 17 novembre 2011 est également intervenue à l issue d une procédure irrégulière pour avoir méconnu les droits de la défense, dès lors que certains éléments produits au cours de la procédure ne lui ont pas été communiqués, qu il n a pas été mis à même de présenter ses observations orales et que l audience n a pas été publique ; - elle a été prise par une autorité incompétente dès lors que le Conseil national n est pas habilité à statuer sur les recours formés contre les décisions des Conseils régionaux ; - ladite décision est insuffisamment motivée, dès lors qu elle est rédigée de façon stéréotypée et par référence à l avis de la commission des dérogations du conseil national qui n était pas joint ; - elle est illégale pour être fondée sur le décret du 26 octobre 2007, lui-même illégal pour avoir méconnu le principe de sécurité juridique, en n instituant aucune disposition transitoire s appliquant à la situation des cabinets secondaires existant avant son intervention, et pour avoir violé le principe de liberté d établissement en apportant des restrictions excessives à la possibilité de créer un cabinet secondaire ; - elle a ajouté à la réglementation en vigueur en utilisant un quota d habitants par praticien qui ne figure dans aucun texte ; - elle est entachée d erreurs manifestes dans l appréciation du nombre d habitants et du nombre de praticiens installés dans la commune de Saint-Cloud, déterminant ainsi un ratio du nombre d habitants par praticien erroné et une appréciation faussée du critère des besoins de la santé publique, lesquels n ont pas été examinés ; - le m aintien de son cabinet secondaire ne nuit pas à l activité de ses confrères et sa disparition aurait des conséquences financières très importantes sur sa vie personnelle. Par des mémoires en défense, enregistrés le 1 er août 2012 et le 17 juin 2014, le Conseil national de l ordre des pédicures-podologues conclut au rejet de la requête. Il soutient que les moyens soulevés par M. L... ne sont pas fondés. Les parties ont été informées, en application des dispositions de l article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que le jugement était susceptible d être fondé sur un moyen d ordre public soulevé d office tiré de l incompétence du conseil régional de l ordre de Lorraine des pédicures-podologues pour prendre la décision du 16 mars 2011, dès lors que, par
N 1202676 3 application de l article R. 4322-79 du code de la santé publique, le conseil régional compétent est le conseil régional du lieu d implantation du cabinet secondaire. Par un mémoire, enregistré le 27 mars 2015, M. L... a présenté des observations sur le moyen relevé d office par le tribunal administratif. Vu : - les autres pièces du dossier ; - l ordonnance n 1202740 du 16 avril 2012, par laquelle le juge des référés du tribunal administratif de Cergy-Pontoise a suspendu la décision du 17 novembre 2011 ; - la décision n 358957 du 22 février 2013 par laquelle le Conseil d Etat a rejeté le recours formé par le Conseil national de l ordre des pédicures podologues contre l ordonnance du 16 avril 2012 du juge des référés du tribunal administratif de Cergy-Pontoise. Vu : - le code la santé publique ; - le décret n 2007-1541 du 26 octobre 2007 ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l audience. Ont été entendus au cours de l audience publique : - le rapport de Mme Charlery, - les conclusions de M. Merenne, rapporteur public, - et les observations de Me Barbier Guiard-Schmid, représentant M. L... Considérant ce qui suit : Sur les conclusions à fin d annulation : 1. L article R. 4322-79 du code de la santé publique dispose que «Le pédicurepodologue ne doit avoir, en principe, qu'un seul cabinet. Toutefois la création ou le maintien d'un ou plusieurs cabinets secondaires peuvent être autorisés si le besoin des patients le justifie du fait d'une situation géographique ou démographique particulière. L'autorisation est accordée par le conseil régional de l'ordre du lieu où est envisagée l'implantation du ou des cabinets secondaires. Si le cabinet principal se situe dans une autre région, le conseil régional de l'ordre de cette dernière doit donner son avis motivé. L'autorisation est donnée à titre personnel et n'est pas cessible. Le conseil régional de l'ordre doit informer immédiatement le Conseil national de l'ordre de la dérogation accordée». Par ailleurs, selon les dispositions transitoires figurant à l article 2 du décret du 26 octobre 2007 : «I. - Les cabinets secondaires existant antérieurement à la date de publication du présent décret doivent être déclarés au conseil régional de l'ordre des pédicures-podologues concerné dans les trois mois suivant cette date. Leur existence ne peut être mise en cause tant que le Conseil national de l'ordre ne s'est pas prononcé sur les dérogations prévues à l'article R. 4322-79 du code de la santé publique ( )». 2. En application de l article 2 du décret du 26 octobre 2007, M. L..., exerçant l activité de pédicure-podologue dans un cabinet principal établi en janvier 1994 à Saint-Germain, et un
N 1202676 4 cabinet secondaire installé au cours de l année 1997 à Saint-Cloud, a été autorisé par le conseil national de l ordre des pédicures-podologues à maintenir cette dernière activité, de manière transitoire, jusqu au 15 mars 2011. En janvier 2011, M. L... a sollicité le renouvellement de l autorisation d exercice dans un cabinet secondaire, laquelle lui a été refusée par une décision du Conseil régional de l ordre des pédicures-podologues de Lorraine du 16 mars 2011, prise après avis favorable rendu par le Conseil régional de l ordre des pédicures-podologues d Ile-de- France, lequel s était dessaisi de l instruction de la demande au motif que M. L... en était membre. Cette décision de refus a été confirmée le 17 novembre 2011 par le Conseil national de l ordre des pédicures-podologues, lequel a rejeté le recours formé devant lui par M. L... En ce qui concerne la décision du Conseil régional de l ordre de Lorraine des pédicurespodologues en date du 16 mars 2011 : 3. Il résulte des dispositions précitées de l article R. 4322-79 du code de la santé publique que le conseil régional de l ordre des pédicures-podologues compétent pour statuer sur une demande de maintien d un cabinet secondaire est celui du lieu d implantation du cabinet secondaire. Ainsi, le cabinet secondaire de M. L... étant situé à Saint-Cloud (Hauts-de-Seine), le conseil régional d Ile-de-France de l ordre des pédicures-podologues était seul compétent, en application de ces dispositions, pour statuer sur sa demande d autorisation. 4. Il est vrai que l article 25 du règlement intérieur applicable aux conseils régionaux de l ordre des pédicures-podologues, établi par la conférence des présidents de l ordre national des pédicures podologues, dont il a été fait application pour saisir le conseil régional de Lorraine, dispose que «Toute demande de dérogation, émanant d'un élu ou d'un professionnel ayant des liens ou des intérêts de nature à influencer la décision, est traité par un Conseil régional autre que celui initialement compétent. Le Président du Conseil national ou à défaut le Vice-président délégué désigne un Conseil régional qui ne peut être situé dans le ressort de l'interrégion d'élections ou d'appartenance du demandeur. A réception de la demande, le Conseil régional initialement compétent transmet sans délai au Conseil régional désigné, en y adjoignant son avis motivé, la demande ainsi que toutes les pièces indispensables pour une étude complète du dossier». 5. Toutefois, ce règlement intérieur ne pouvait ainsi déroger aux dispositions réglementaires par lesquelles l article R. 4322-79 du code de la santé publique a expressément déterminé l autorité compétente pour statuer sur les demandes d autorisation. 6. Par suite, la décision du 16 mars 2011 a été prise par une autorité incompétente. En ce qui concerne la décision du Conseil national de l ordre des pédicures-podologues en date du 17 novembre 2011 : 7. Si les dispositions précitées de l article 2 du décret du 26 octobre 2007 donnaient compétence au Conseil national de l ordre des pédicures-podologues pour se prononcer sur les dérogations prévues à l article R. 4322-79 du code de la santé publique pour les cabinets existant à la date de publication du décret et ayant fait l objet d une déclaration dans les trois mois suivant cette date, aucune disposition en vigueur à la date de la décision contestée, et jusqu'à la modification du code de la santé publique par le décret du 16 novembre 2012, ne l habilitait à statuer sur des recours formés contre les décisions des conseils régionaux prises ultérieurement en application de l article R. 4322-79 du code de la santé publique en matière d autorisation de création et de maintien des cabinets secondaires.
N 1202676 5 8. Par suite, la décision du 17 novembre 2011 est entachée d incompétence. 9. Il résulte de ce qui précède, et sans qu il soit besoin d examiner les autres moyens de la requête, que M. L... est fondé à demander l annulation des décisions des 16 mars 2011 et 17 novembre 2011. Sur les conclusions à fin d injonction : 10. Eu égard à ses motifs, le présent jugement n implique pas le réexamen de la demande de M. L... par le conseil national de l ordre des pédicures-podologues, mais par le conseil régional d Ile-de-France de cet ordre. Par suite, les conclusions de M. L... tendant à ce qu il soit adressé une injonction à cette fin au conseil national ne peuvent qu être rejetées. Sur les conclusions tendant à l application des dispositions de l article L. 761-1 du code de justice administrative : 11. Aux termes de l article L. 761-1 du code de justice administrative : «Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l autre partie la somme qu il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu il n y a pas lieu à cette condamnation.» ; 12. En application de ces dispositions, il y a lieu de mettre à la charge du Conseil national de l ordre des pédicures-podologues la somme de 1 500 euros à verser à M. L... au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens. D E C I D E : Article 1er : La décision du Conseil régional de Lorraine de l ordre des pédicures-podologues en date du 16 mars 2011 et la décision du Conseil national de l ordre des pédicures-podologues en date du 17 novembre 2011 sont annulées. Article 2 : Le Conseil national de l ordre des pédicures-podologues versera à M. L... la somme de 1 500 euros au titre de l article L. 761-1 du code de justice administrative. Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté. Article 4 : Le présent jugement sera notifié au Conseil national de l ordre des pédicurespodologues, au Conseil régional de Lorraine de l ordre des pédicures-podologues et à M. L... Délibéré après l'audience du 30 mars 2015, à laquelle siégeaient : M. Davesne, président,
N 1202676 6 Mme Charlery premier conseiller, Mme Roux, conseiller, assistés de Mme Giraudon, greffière. Lu en audience publique le 5 mai 2015.