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Cahors 91, rue de Lastié Étude de bâti 1

FICHE SIGNALETIQUE Identité du site N du site : Département : Lot Commune : Cahors Lieu-dit : Cadastre : année 2008, section CH Parcelle : 29 Adresse : 91, rue de Lastié Situation dans le cadastre d'ancien Régime : Section N de Cahors, 4e feuille, parcelle 1237 et 1239 Coordonnées Lambert 3 (centrales) : X : 528978 Y : 238778 Z: NGF Propriétaire du terrain : M. Gérard Courpet Opération archéologique Auteur de l'étude : Cécile Fock-Chow-Tho Organisme de rattachement : service patrimoine de la Ville de Cahors Type d'intervention : étude du bâti (façades) Emprise du bâti au sol : 74 m² Dates d'intervention : terrain : juin 2010 Résultats Mots-Clefs : Sur la chronologie : architecture médiévale (fin du 13e siècle), architecture moderne (15e siècle), architecture contemporaine (19e siècle) Sur la nature des vestiges immobiliers : habitat urbain, façade en pan de bois médiévale Sur la datation : fin du 13e siècle, 19e siècle Crédits Photos et Relevés : 2010, Ville de Cahors, Service Patrimoine (Cécile Fock-Chow-Tho) 2

SOMMAIRE Introduction... p.4 1. Historique et documentation... p.4 2. Étude archéologique... p.6 2.1. Méthode de travail... p.6 2.2. La façade ouest... p.7 2.2.1. Matériaux et mise en œuvre... p.7 2.2.2. Analyse et datation... p.10 2.3. La façade sud... p.11 3. Tentative de restitution... p.12 Conclusion... p.13 Bibliographie... p.14 3

La maison du 91, rue de Lastié a fait l'objet de travaux au cours des années 2008, 2009 et 2010. Après des réaménagements intérieurs en 2009, le propriétaire a décidé de ravaler les façades du bâtiment (façades sud et ouest). La façade orientale, donnant sur une cour intérieure, a fait aussi l'objet de travaux. Malheureusement, cette façade a été recrépie sans nous en tenir informé et nous n'avons donc pas pu suivre cette partie du chantier. Cette maison est située au cœur du secteur sauvegardé de la ville de Cahors. Comme pour toutes les maisons du centre ville, une attention particulière est portée sur ces bâtiments subissant des modifications. La rue de Lastié possède la particularité de concentrer de nombreuses maisons à façade en pan de bois. La plupart sont intégralement conservées, d'autres en revanche ne se présentent qu'à l'état de vestiges (piliers, têtes de murs...). Lors des travaux portant sur l'intérieur du bâtiment, la faible épaisseur des murs avait déjà suggéré l'existence de pans de bois. De nombreux vestiges intérieurs, de plus, prouvaient l'origine médiévale de la parcelle. 1. Historique et documentation L'immeuble actuel se présente sous la forme d'un bâtiment en «L» inversé dont le long côté est orienté nord-sud. Il possède ainsi deux façades donnant sur la rue de Lastié au sud, et sur l'impasse Soulès, à l'ouest. Cette configuration particulière est attribuable à la réunion de deux anciennes parcelles médiévales. La limite originelle devait se trouver au même niveau que les murs de fond des parcelles voisines (CH27 et CH28). La consultation des cadastres anciens (Fig. 1, 2, 3) montre que cette parcelle a été modifiée à maintes reprises. En effet, l'extrait du plan dressé par Calmon et Prat 1 représentant Cahors entre 1500 et 1650 montre qu'il existe trois lots différents sans compter la cour attenante à la parcelle côté est qui existe toujours. Ce plan a été fait à partir des matrices cadastrales de l'époque moderne et du cadastre napoléonien. Il ne s'agit donc pas d'un cadastre réel mais plutôt d'une retranscription sur plan des matrices. Ces dernières indiquent les noms des propriétaires imposables de chaque parcelle à différentes périodes. Fig. 1 : Extrait du plan dressé par Calmon et Prat. Fig. 2 : Extrait du cadastre de 1812. 1 CALMON (Jean). PRAT (René). Les cadastres des XVIe et XVIIe siècles de la ville de Cahors (1500-16061650) 1ère partie : Cahors : Imp. A. Coueslant, 1947-51, 372 pages.- 2e partie: imprimerie Dhiver 1957-1959; 3e et 4e parties: concernant les Valandres et la Barre : non publiées, aux A.D. Lot, fonds Prat, non côté. 4

Fig. 3 : Extrait du plan cadastral de 2008. Les parcelles sises à l'emplacement de l'immeuble concerné possèdent effectivement la configuration supposée, cependant celle orientée est/ouest est divisée en deux. Les numéros attribués sont le n 331 rue de Lastié et n 484 et 485 rue de M. Pierre Petry, ancien nom de l'impasse Soulès. Ainsi, pour la parcelle n 331 rue de Lastié, il est indiqué que les propriétaires étaient : - en 1606, Barthélémy Chancellou - en 1623, Pierre Salles et Jehan de Mons - de 1641 à 1650, Simon Fourtou, md-trafiquant et forgeron De même pour le n 484 rue de M. Pierre Pétry, entre 1600 et1606, le propriétaire était M. Anthoine Peyadis, dict de Laurière et pour la parcelle n 485, les propriétaires étaient Laurent Coture et Bertande de Sembel dite Daude Cap de Fern entre 1608 et 1641. Ces différents propriétaires indiquent effectivement une subdivision des parcelles que l'on ne retrouve pas en 1812, date du cadastre napoléonien. Sur l'extrait cadastral du 19e siècle, il existe deux parcelles différentes. La parcelle orientée nord-sud, notée n 1239, est traversante : elle réunit les anciens lots n 331 et 485 du plan de Calmon et Prat. La parcelle donnant à l'ouest reste identique et porte le n 1239. Malgré les différents changements, il est fort possible que la configuration initiale du tracé urbain était tel que l'on imaginé avec deux parcelles perpendiculaires. Le plan au sol du bâtiment tend, par ailleurs, à le confirmer (Fig. 4). 5

Fig. 4 : Plan au sol du 91, rue de Lastié. 2. Étude archéologique 2.1. Méthode de travail L'étude de bâti portant sur les façades de l'immeuble a été assez rapide. En effet, l'observation et l'enregistrement des données se sont faits sur deux journées, à mesure de l'avancée des travaux. Notre champs de manœuvre est toujours conditionné par le déroulement des travaux, nous devons donc toujours essayer d'être le plus efficace possible sur une durée de temps très limitée et ce, dans la mesure où il s'agit toujours de «surveillance archéologique» et non pas de diagnostic proprement dit. Le premier ravalement portait sur la façade ouest. Nous avons donc pu intervenir sur cette face juste après le décroutage. La complexité du mur apparu a nécessité quelques temps de réflexion quand au choix du traitement qui devait être fait. Ce laps de temps a toutefois été assez court mais nous a permis de faire le maximum d'observations. La façade sud a été traitée plus tard : la reconstruction totale du mur a néanmoins fortement limité nos recherches. Le traitement de la façade ouest a été assez rapide. Il ne nous a pas été permis de faire un relevé du mur in situ. Nous avons cependant pris toutes les mesures du bâti sur place pour traiter les informations par la suite. Nous avons ainsi pu dresser l'élévation de la façade a posteriori. De même, tous les clichés de cette façade ont été faits lorsque les élévations étaient accessibles grâce à l'échafaudage. Ce dernier apparaît donc très souvent et a limité les prises de vues. 6

2.2. La façade ouest 2.2.1. Matériaux et mise en œuvre Le décroutage du mur a laissé apparaître une façade en pan de bois portée par un rez-dechaussée maçonné (Fig. 5). Ce mur est composé en partie basse d'un parement de briques épaisses liées par un mortier de chaux de couleur beige et riche en inclusions (sable de rivière). L'épaisseur des briques est de 5 à 5,5 cm, caractéristique des briques médiévales. L'utilisation de la brique à Cahors débute au 13e siècle2 et vient remplacer les parements de moyen appareil en calcaire froid. Ce parement de brique est associé à une porte couverte en berceau brisé. Un seul des piliers est observable : il est fait en gros moellons de calcaire froid tandis que l'arc de couverture est fait en briques du même module que le parement. Cette porte médiévale a cependant été en partie bouchée au cours du 19e siècle. Au-dessus de ce niveau, se trouve une première poutre sur laquelle repose 3 solives. Cette poutre a été amputée côté nord, lors de l'installation d'une fenêtre droite. Il s'agit de la poutre de rive soutenant les solives du plafond du rez-de-chaussée. Il semble peu probable que les solives apparentes soient celles d'origine. Des traces de reprises évidentes, ainsi que la faible section de ces solives induisent qu'elles sont postérieures à la construction. Le pan de bois supérieur, en revanche, est tout à fait d'origine. En effet, les 2 étages de la façade sont faits en pan de bois. La structure en bois se compose d'une sablière de chambrée et d'une sablière de plancher reliée par des poteaux verticaux. Deux écharpes, pièces posées en diagonale, sont conservées au niveau du 2e étage : elles assurent le contreventement de la structure. Les étages sont séparés par une série de solives formant le plafond du 1er étage et le plancher du 2e étage. On peut remarquer que le bout de ces solives a été scié (Fig. 8). Ces éléments n'ont pas été analysés mais il est fort probable qu'il s'agisse de pièces faites en chêne comme toutes les structures cadurciennes ayant fait l'objet d'une étude dendrochronologique 3. Elles possèdent toute une section comprise entre 0,10 et 0,14 m. Les panneaux entre poteaux ne possèdent pas de largeur régulière : les modules varient entre 0,40 à 0,50 m et 0,80 m. Fig.6 : détail d'un hourdis de tuf. Les hourdis du pan de bois sont faits en moellons de tuf et en briques liés par un mortier très riche en terre (Fig. 6 et 7). On constate que les hourdis sont assez hétérogènes : certains sont exclusivement faits à l'aide de moellons de tuf ou de briques et d'autres sont mixtes. Le mortier utilisé varie aussi en fonction des matériaux : le mortier à base de terre est lié aux moellons de tuf tandis qu'un mortier de chaux beige est associé aux hourdis de briques. Ces derniers sont des reprises postérieures aux hourdis de tuf. Les moellons de tuf ne possèdent pas de module particulier. Ils sont noyés dans un mortier épais et pâteux, fait à base de terre et de couleur brique. Il est possible que ce mortier ait été obtenu à partir d'un mélange de chaux et de poudre de brique. L'absence de fragments de ce matériau ne permet pas de confirmer cette hypothèse. Les seules inclusions visibles sont des grains de sable blanc assez fins (diamètre < 2 mm) ainsi que des éclats de quartz et de galets de rivière d'un diamètre moyen (< 5 mm). Ce mortier est totalement différent de celui utilisé au niveau du rez-de-chaussée. 2 Maurice Scellès, Cahors, ville et architecture civile au Moyen Age, Cahiers du Patrimoine n 54, éditions du Patrimoine, 1999, 252 p. 3 Datations dendrochronologiques faites par le laboratoire C.E.D.R.E. sur 15 bâtiments cadurciens. 7

Une fenêtre ouvre chaque étage dans leur milieu. Elles sont ménagées entre deux poteaux et sont de grande hauteur. Une autre petite fenêtre existe au 2e étage, mais il semble qu'elle ait été percée récemment. Fig. 5 : Relevé de la façade 8

Fig. 7 : hourdis de briques et mortier de chaux. Fig. 8 : vue des solives sciées. Fig. 9 : détail d'un assemblage à mi-bois et demi queue d'aronde clouée sur sablière. Fig. 10 : détail d'un assemblage à mi-bois et demi queue d'aronde sur poteau cornier. Fig. 11 : vue de la façade ouest après ravalement. 9

2.2.2. Analyse et datation La particularité de ce pan de bois réside dans le moyen de contreventement de la structure. En effet, ce dernier est assuré par des écharpes et non par des décharges comme la majorité des pans de bois rencontrés à Cahors. Les écharpes sont des pièces posées en diagonale, reliant la sablière de chambrée et un poteau cornier. Il s'agit d'un système d'étai maintenant la perpendicularité des pièces extérieures. Deux écharpes sont nécessaires à chaque niveau (Fig. 12). Les décharges, en revanche, sont des pièces reliant les sablières entre elles, et dont l'emplacement n'est pas Fig. 12 : vue d'une écharpe. contraint. Ces décharges ont eu tendance à se dédoubler formant des motifs en croix de Saint-André. Les écharpes laissent, par ailleurs, des traces caractéristiques. En effet, leur étude a montré que ces pièces sont toujours posées sur les autres pièces et que leurs assemblages étaient faits à mi-bois et en demi queue d'aronde cloués4. Les assemblages à mi-bois laissent donc des négatifs particuliers sur les pièces et, quelquefois, il arrive que les clous soient encore en place. Le pan de bois de cette façade montre ce type de contreventement à écharpes utilisant des assemblages à mi-bois en demi-queue d'aronde clouée (Fig. 9 et 10). Le 1er étage ne conserve que des négatifs des mi-bois : deux sur la sablière de chambrée et un sur le poteau cornier nord. L'autre poteau cornier a disparu. En plus de ces négatifs, des fragments de clous ont été conservés dans l'un des négatifs de la sablière et sur deux poteaux intermédiaires. On peut ainsi aisément restituer la structure initiale du pan de bois. Les écharpes condamnant les panneaux latéraux, la seule ouverture possible est celle percée dans le milieu du mur qui a été maintenue. Le 2e étage, en revanche, conserve les écharpes du pan de bois bien que l'une d'elle ait été en partie sciée. Le négatif du pied est cependant visible sur la sablière de chambrée. Les dernières recherches menées sur Cahors ont permis de dater avec précision ce type de pan de bois qui demeurent très rares dans le sud de la France. En effet, en 2010 deux bâtiments majeurs de la ville ont fait l'objet de datation dendrochronologique. Il s'agit de deux maisons à façade en pan de bois employant le même système de contreventement que la maison étudiée : elles sont situées au 12, rue de la Daurade et au 46, rue Donzelle. Les datations obtenues prouvent que les arbres utilisés pour les pans de bois ont été abattus dans le dernier quart du 13e siècle 5 et donc que la mise en œuvre de ce type de construction date de la fin du 13e siècle. La structure du pan de bois de la façade ouest du 91, rue de Lastié date donc de la fin du 13e siècle. On suppose aussi que les moellons en tuf constituaient les hourdis initiaux. La même configuration existe au 12, rue de la Daurade et au 117, rue de Lastié. Il s'agit néanmoins du 3e seul exemple connu associant ces 2 matériaux à Cahors. 4 Anne-Laure NAPOLEONE, «Les demeures médiévales en pans de bois dans le sud-ouest de la France : état de la question», in La maison au Moyen Age dans le Midi de la France, vol. 2, Actes du colloque de Cahors les 6,7 et 8 juillet 2006, Mémoire de la Société Archéologique du Midi de la France, hors série 2008, pp. 113-146. Gilles SERAPHIN, «Les pans de bois au Moyen Age dans la France méridionale : premières esquisses typologiques» in La maison au Moyen Age, numéro spécial du bulletin de la Société Archéologique et Historique de la Charente, 2006, pp. 241-255. Cécile FOCK-CHOW-THO, «Cahors. Deux maisons à façade en pan de bois», in Bulletin monumental. A venir. 5 Date de construction du 12, rue de la Daurade : 1275 (date de classe A) et 46, rue Donzelle : 1289 (date de classe A/B). Rapports de dendrochronologie, C.E.D.R.E. Cécile FOCK-CHOW-THO, «Cahors. Deux maisons à façade en pan de bois», in Bulletin monumental. A venir. 10

Les différences de mortier entre le rez-de-chaussée et les étages et les solives remplacées ou sciées prouvent cependant que cette façade a subi des remaniements ultérieurs. En effet, il semble qu'elle ait été reculée et réalignée avec la façade probablement avant le 17e siècle (date des hourdis faits en briques d'après leur module). Il semble donc que, dans un premier temps, existait une façade constituée de 2 étages posés en encorbellement au-dessus d'un rez-de-chaussée maçonné ouvert par une porte. Ce pan de bois utilisait un contreventement reposant sur des écharpes, déterminant sa date de construction à savoir la fin du 13e siècle. Les hourdis de ce pan de bois étaient faits en moellons de tuf, matériau léger et facile à mettre en œuvre. Au cours de la période moderne, peut-être après le 15e siècle, la façade est réalignée. Différents édits royaux ont été promulgués afin que les encorbellements trop importants empiétant sur la rue soient reculés. A ce moment, on conserve la structure en bois qui est toujours bonne et on recule les 2 étages. On remploie aussi les moellons de tuf mais on les lie avec un mortier à base de terre6. Il semble que des modifications aient été apportées postérieurement notamment avec l'agrandissement des fenêtres (utilisation mixte de moellons de tuf et de briques) puis au cours du 17e siècle, la réfection de certains hourdis remontés complètement à l'aide de briques et de mortier de chaux. Au 19e et au 20e siècle, quelques ultimes modifications ont été apportées à la façade (reprise de la porte, percement de fenêtres et surélévation de la façade). 2.3. La façade sud La façade sud de la maison n'a pas conservé son pan de bois apparent. Elle montre un rez-dechaussée largement ouvert sous une sablière maîtresse (Fig. 13). Trois piliers faits en moellons de calcaire supportent cette poutre et ménagent une porte d'accès aux étages et une porte de garage. Le pilier ouest est entièrement fait à l'aide de moellons de calcaire froid et il comporte chanfrein large de 9 cm qui se termine par un congé bas. Le pilier central, en revanche, est constitué de briques et de moellons de calcaire (Fig. 14 et 15). Il s'agit probablement du pilier initial de la structure médiévale, mais il a pu être déplacé. Une maçonnerie de briques a ensuite été plaquée contre lui afin de le renforcer. Il est probable que cet ajout se soit fait au 19e siècle, date du large chanfrein taillé sur le côté droit du pilier. Fig. 13 : vue de la poutre maîtresse. 6 Au-dessus de la poutre maîtresse se trouve une série de solives, sciées qui sont incluent dans un doublage de briques creuses. Il semble avoir été installé contre le pan de bois initial. Quelques trous laissent apparaître certaines pièces du pan de bois à l'arrière du doublage. On ignore cependant si l'intégralité de la structure a été maintenue. Le doublage en briques a du être construit au cours du 19e siècle en même temps que les modifications apportées au rez-de-chaussée. Ce type de mortier a été peu rencontré à Cahors, les seuls exemples semblent dater de la période moderne. 11

Fig. 14 : vue de la porte d'entrée avec les deux piliers. Fig. 15 : vue du pilier est comportant un large chanfrein fait au 19e siècle. 3. Tentative de restitution Une visite intérieure a permis de repérer d'autres éléments susceptibles de nous aider dans la compréhension du bâtiment. La parcelle A, donnant sur l'impasse, était traversante au 13e siècle. Il s'agit d'une parcelle rectangulaire orientée est-ouest dont la façade est faite en pan de bois et dont les autres murs sont faits en briques et mortier. On peut effectivement observer ce parement au nord et à l'est. Une porte médiévale perce le mur oriental et donne accès à la cour : il s'agit d'une porte faite en briques épaisses et couverte par un arc brisé. Le module des briques et le dessin de l'arc confirment ici encore la datation de la maison. Au sud se trouvait une autre parcelle rectangulaire orientée nord-sud, que l'on appellera parcelle B. On possède peu d'indices sur elle car les murs sont cachés. Le seul parement apparent se trouve en cave : il s'agit du mur sud constitué de moellons de calcaire non assisés. Ce type de parement apparaît à Cahors sur des structures perçues comme antérieures au 12e siècle. Ici, on ne peut avancer cette hypothèse sans observations plus fines. On peut Fig. 16 : vue extérieure de la néanmoins constater qu'une cave existait au 13e siècle puisque les porte médiévale, située sur le parements de murs sont faits en briques médiévales. La voûte, en mur est de la parcelle A. berceau segmentaire et faite en pierre, semble postérieure mais une étude approfondie serait nécessaire. Elle est cependant antérieure au 17e siècle puisqu'un percement a été aménagé puis refermé par des briques de cette période. 12

Au cours du 15e siècle, le rez-de-chaussée du mur nord de la parcelle B est percé par une arcade faite en briques, réunissant alors les 2 parcelles, du moins en partie basse. Peu de temps après un mur de refend est monté au rez-dechaussée de la parcelle A scindant définitivement les parcelles. Les matrices cadastrales signalent, par ailleurs, cette division. Il se peut que le réalignement de la façade A ait lieu à cette période. Fig.17 : vue de l'arcade percée dans le mur nord de la parcelle B. D'autres modifications intérieures interviennent au cours du 17e siècle avec l'aménagement d'une cheminée sur le mur sud du 1er étage de la parcelle A. Au 19e siècle, la façade de la parcelle B est doublée par des briques creuses et l'escalier est installé. Il est probable que c'est à cette date, que les 2 parcelles sont définitivement réunies. CONCLUSION Le bâtiment constitue un élément majeur du tissu urbain de Cahors. En effet, la façade en pan de bois conservée côté ouest est le 3e exemple de modèle de pan de bois à écharpes en place, connu dans le sud de la France. Il s'agit, par ailleurs, du 4e exemple de pan de bois employant des moellons de tuf sur Cahors7. Il nous permet donc de mieux appréhender les modes de construction de la fin du 13e siècle et de les replacer dans le maillage urbain de l'époque. Le bâtiment mériterait toutefois une étude globale (intérieure) afin de compléter ces premières observations. 7 Les autres exemples sont situés au 117 rue de Lastié, 69 rue du Bousquet et 12, rue de la Daurade. 13

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