L apprentissage des probabilités à travers la résolution d une situationproblème au troisième cycle VINCENT MARTIN Doctorant en éducation Université de Sherbrooke LAURENT THEIS Professeur agrégé Faculté d éducation, Université de Sherbrooke Le complément direct Vivre le primaire, volume 22, numéro 2, printemps 2009 Page 1 sur 8
Le complément direct est une publication virtuelle en ligne de l Association québécoise des enseignantes et des enseignants du primaire (AQEP). Le complément direct se veut un prolongement à la revue imprimée Vivre le primaire, la revue trimestrielle de l AQEP. Les textes apparaissant dans Le complément direct en ligne n engagent que la responsabilité des auteurs et, à moins de mention contraire, ne constituent pas une prise de position de l Association québécoise des enseignantes et des enseignants du primaire. Afin de donner aux auteurs des articles toute la reconnaissance à laquelle ils ont droit, il importe de préciser que la reproduction d articles issus de la présente publication n est autorisée qu à des fins éducatives, en mentionnant la source. En outre, un article publié depuis plus d un an dans la revue Vivre le primaire et dans Le complément direct en ligne peut être reproduit sur un site Web, mais à la condition d avoir au préalable obtenu l accord écrit de l auteur et de l AQEP. L utilisation du masculin n a d autre but que d alléger les textes. Conseil d administration Stéphan Lenoir, président Sandra Thériault, vice-présidente Lise Courtemanche, trésorière Julie St-Pierre, secrétaire Martin Lépine, rédacteur en chef Josée Therrien, directrice du congrès Louise Groleau, administratrice Mélanie Paré, administratrice Rédacteur en chef Martin Lépine Directrice administrative Sandra Thériault Comité de rédaction Jacinthe Asselin, Sylvie Bisson, Geneviève Brassard, Anne Brault-Labbé, Carole Constantin, Louis Laroche, Martin Lépine, Sandra Thériault Coordonnatrice Jacinthe Asselin Correcteurs-réviseurs Marcel Chabot, Claudette Jarry Conception de la grille Martin Lépine Responsable des communications Stéphan Lenoir Infographie Paquin design graphique Courriel vivreleprimaire@aqep.org Dépôt légal Bibliothèque nationale du Québec ISSN 0835-5169 Coordonnées C.P. 65 002, Place Longueuil Longueuil (Québec) J4K 5J4 (514) 334-6313 www.aqep.org aqep@aqep.org Page 2 sur 8
L apprentissage des probabilités à travers la résolution d une situationproblème au troisième cycle 1 VINCENT MARTIN Doctorant en éducation Université de Sherbrooke vincent.martin@usherbrooke.ca LAURENT THEIS Professeur agrégé Faculté d éducation, Université de Sherbrooke laurent.theis@usherbrooke.ca Le complément direct Vivre le primaire, volume 22, numéro 2, printemps 2009 L apprentissage des probabilités représente un important défi pour les élèves du primaire. En effet, cette branche des mathématiques comporte des difficultés particulières puisqu il n est pas rare qu un double sens soit rattaché à des termes probabilistes. Par exemple, le sens des termes impossible et rare est souvent confondu par les enfants. Ainsi, il arrive que ceux-ci considèrent un événement rare comme étant impossible. C est ce qui arrive lorsqu un enfant affirme, en réponse à la question «Est-il possible d obtenir deux fois de suite un six si on lance deux fois un dé?», que c est impossible parce que la probabilité est plutôt petite. L apprentissage des probabilités favorise par ailleurs l émergence de conceptions erronées au plan mathématique. Dans le Programme de formation de l école québécoise, l apprentissage des mathématiques passe par la résolution de situations-problèmes. Toutefois, les situations-problèmes spécifiquement liées aux probabilités se font rares. C est pourquoi cet article propose un exemple d activité de résolution que nous avons fait vivre à une classe multiprogramme (4 e et 5 e années) d une école primaire alternative publique de l Estrie. La description de la situation-problème La situation-problème que nous avons présentée aux élèves a été élaborée à partir d une séquence d enseignement mise sur pied par Brousseau, Brousseau et Warfield (2002). Nous nous sommes inspirés de cette séquence didactique, qui s est échelonnée sur 24 séances et qui a requis un plus large éventail de 1 Cette recherche a reçu l appui financier du Fonds québécois de la recherche sur la société et la culture (FQRSC) et du Centre de recherche sur l enseignement et l apprentissage des sciences (CREAS) de Sherbrooke. Page 3 sur 8
matériels didactiques, afin d en extraire une situation-problème simple pouvant être présentée à des élèves dans un court laps de temps. La situation-problème a débuté par la présentation de bouteilles, rendues opaques par l application d un ruban adhésif. Nous leur avons expliqué que ces bouteilles contenaient cinq billes au total, soit un certain nombre de blanches et de noires (voir la figure 1) et qu il fallait trouver le contenu de la bouteille. Aussi, nous leur avons expliqué qu il ne fallait pas ouvrir les bouteilles ou retirer le ruban qui les recouvrait. Le seul moyen pour les élèves d avoir accès au contenu des bouteilles passe par des tirages avec remise; l explication de cette unique piste leur a d ailleurs été fournie. Le goulot des bouteilles n a pas été rendu opaque, donc en retournant la bouteille à l envers, une seule bille a l espace suffisant pour descendre jusqu au fond du goulot, ce qui permet d en apercevoir la couleur. En remettant la bouteille à l endroit, la bille tirée retourne se mêler aux autres billes. À la lumière de cette brève mise en contexte, les élèves ont accepté le mandat suivant : déterminer les nombres de billes noires et de billes blanches contenues dans les bouteilles en utilisant une stratégie qui permettrait d être le plus certain possible de cette composition. Après avoir été divisés en petits groupes, les élèves se sont fait remettre une bouteille par équipe. À partir de là, chaque équipe a tenté de déterminer la composition exacte de sa bouteille. Page 4 sur 8
Les enjeux didactiques de l activité Derrière l apparente simplicité de cette situation-problème se cache une activité mathématique fort complexe pour des élèves du primaire. En général, dans l enseignement des probabilités au primaire, il faut effectuer des tirages et prédire les probabilités d un événement, soit avant, soit après que celui-ci ne se produise. Dans le cadre de notre activité, les élèves devaient trouver un moyen pour «remonter jusqu au contenu» de la bouteille à partir des résultats observables. Des questions émergent alors : Quelles stratégies peuvent être déployées pour déterminer les contenus des bouteilles? De quelle manière comptabiliser et organiser les résultats des tirages effectués avec la bouteille? Comment faire la transition entre les statistiques des tirages réalisés et le contenu des bouteilles? Cette activité de résolution confronte les élèves aux probabilités fréquentielles, c est-à-dire au fait de dégager le nombre de billes noires et blanches contenues dans une bouteille à partir des statistiques des tirages réalisés. À mesure que s accumulaient les résultats, les élèves ont posé des hypothèses quant au contenu de la bouteille à partir des tirages effectués. Ainsi, ils ont dû prendre conscience de l importance d écrire les résultats des tirages. Par ailleurs, le nombre de tirages à réaliser et donc la grosseur de l échantillon sur lequel porterait l analyse a été discuté entre les membres des équipes. Lorsque les échantillons ont grossi, les élèves ont ajusté leurs hypothèses aux statistiques accumulées, qui se sont approchées des probabilités théoriques. La résolution de la situation-problème : recours à différentes stratégies La richesse de cette activité provenait, entre autres, de l opportunité d avoir recours à différentes stratégies. Ainsi, lors de l expérimentation, quatre stratégies distinctes ont été utilisées par les équipes dans le but de trouver le nombre de billes noires et blanches dans la bouteille. Une première stratégie a permis à une équipe de constituer des échantillons de 20 tirages avec la bouteille. Ainsi, les membres de l équipe ont réalisé 20 tirages dont ils ont consigné les résultats, soit (16n-4b 2 ). À partir de ces résultats, l hypothèse (3n-2b) a été émise. En considération des résultats obtenus, l hypothèse (4n-1b) aurait pourtant été plus logique. Toutefois, puisque l équipe l avait déjà écartée plus tôt dans l activité, elle n a pas été évoquée dans ce cas. Ensuite, les membres de l équipe ont de nouveau fait 20 tirages, pour arriver à des résultats de (9n-11b). Au regard de ce nouvel échantillon, l hypothèse (2n- 3b) a été émise. Puis, devant la différence de ces résultats, l équipe a simplement décidé d additionner les deux échantillons. Ainsi, face aux résultats (25n-15b), l équipe est revenue à l hypothèse (3n-2b), qui a ensuite été consolidée par l utilisation d un modèle (4 e stratégie présentée). 2 Ce type de notation, qui vise à alléger le texte, signifie seize billes noires et quatre billes blanches. Page 5 sur 8
Une seconde stratégie a amené une équipe à octroyer un point à la couleur de bille tirée la plus souvent dans une série de dix tirages. L équipe a tout d abord réalisé une première série de tirages (6n-4b), qui a donné un point aux billes noires. Ensuite, une deuxième série de tirages (6n-4b) a été réalisée, suivie d une troisième (2n-8b). Ces deux séries de tirages ont respectivement donné un point aux billes noires et un point aux billes blanches. Puis, d autres séries de tirages ont été réalisées. Cette stratégie a permis à l équipe de déterminer que la bouteille contenait une majorité de billes noires pour une minorité de billes blanches. Une troisième stratégie a amené une équipe à faire l interprétation d un échantillon de 60 résultats de tirages pour déduire le contenu de la bouteille. L équipe a réalisé 60 tirages et a compilé leurs résultats, soit (38n-22b). À partir de ces résultats, l hypothèse (3n-2b) a été émise quant au contenu de la bouteille. Pour ce faire, l idée que la majorité des billes tirées était noire, mais qu il y avait quand même un nombre assez élevé de billes blanches a été soulevée. Toutefois, le passage entre les résultats obtenus avec la bouteille et son contenu a été fait intuitivement et sans recourir à des proportions ou à des 3 fractions. L équipe aurait simplement pu dire qu environ des billes dans 5 l échantillon étaient noires, sans nécessairement recourir au dénominateur commun, qui, de toute manière, ne permettait pas d avoir un numérateur entier dans ce cas. Une quatrième stratégie a amené une équipe qui croyait que sa bouteille contenait trois billes noires et deux billes blanches à vérifier son hypothèse à l aide d un modèle. Cette stratégie consistait à mettre autant de billes noires et blanches qu ils croyaient être dans la bouteille (dans ce cas-ci, trois noires et deux blanches) dans un contenant sans couvercle et de vérifier si les résultats obtenus lors de tirages avec cet outil étaient similaires à ceux obtenus par la bouteille. Ainsi, les élèves ont mis trois pièces de plastique noires et deux blanches dans le contenant. Ils ont ensuite réalisé 20 tirages dont les résultats ont été (14n-6b). Pour comparer, l équipe a refait 20 tirages avec la bouteille et les résultats (14n-6b) ont été obtenus. Après avoir réalisé 20 tirages supplémentaires avec la bouteille (15n-5b), l équipe a remarqué que les résultats obtenus avec la bouteille et avec le modèle étaient semblables et ils ont ainsi validé leur hypothèse de départ, soit (3n-2b). Cependant, les échantillons auraient tout aussi bien pu être sensiblement différents, puisqu avec des échantillons de cette taille, il est encore tout à fait probable que les résultats obtenus divergent des probabilités théoriques. Devant des différences notables entre les échantillons, davantage de tirages auraient probablement été nécessaires. Page 6 sur 8
Utilité et adéquation des stratégies Les quatre stratégies employées par les différentes équipes au cours de la résolution de cette situation-problème ne sont pas toutes de même nature. Ainsi, la stratégie qui permet de déterminer la couleur de bille majoritaire dans la bouteille à partir de séries de 10 tirages aurait également pu informer sur le nombre précis de billes noires et blanches dans la bouteille. En effet, si l écart est grand entre les points obtenus par les billes noires et blanches, la bouteille contient fort probablement quatre billes d une couleur et seulement une de l autre, tandis que si l écart est mince, il est très probable que la bouteille ne contienne que trois billes d une couleur et deux de l autre. Toutefois, le discernement entre la possibilité d avoir deux ou trois billes d une couleur dans la bouteille commande la réalisation d un peu plus de séries de tirages. La stratégie qui reposait sur des échantillons de 20 tirages ouvre la porte à des raisonnements proportionnels ou de rapport. Cette stratégie permet par ailleurs de calculer en moyenne les nombres de billes blanches et noires tirées dans les échantillons. Par exemple, dans le cas des résultats (25n-15b) obtenus avec deux échantillons de 20 tirages, les billes noires ont été tirées en moyenne 12,5 fois et les billes blanches en moyenne 7,5 fois. La stratégie qui vise l interprétation d un échantillon de 60 tirages ouvre également la porte à des raisonnements proportionnels ou de rapport. Ainsi, elle offre des pistes d interprétations statistiques qui permettent un rapprochement entre les probabilités fréquentielles et théoriques, compte tenu que l échantillon avec lequel les élèves ont travaillé est de plus grande taille. Comme l échantillon n était pas divisé en séries, il ne permet pas de calculer une moyenne mais il offre la possibilité de ramener les résultats sur cinq. Effectivement, il aurait été possible pour les élèves de faire des liens entre les résultats obtenus avec la 38 3,15 22 1,85 bouteille ( billes noires et billes blanches) et les résultats 60 5 60 5 théoriques qui peuvent être attendus d une bouteille qui contient trois billes 36 3 24 2 noires et deux billes blanches ( = billes noires et = billes blanches). 60 5 60 5 Finalement, la stratégie de recours à un modèle offre des pistes de vérification pour les hypothèses issues des résultats obtenus avec la bouteille. Conclusion La situation-problème probabiliste que nous avons présentée est particulière puisqu elle place les élèves devant un nouveau type d inconnue : ils cherchent à déterminer le contenu d un outil probabiliste plutôt qu à établir les probabilités d occurrence d un événement probabiliste. L originalité de cette tâche offre donc des pistes d enseignement-apprentissage liées aux probabilités qui restent souvent inexplorées dans les classes du primaire. Page 7 sur 8
Référence Brousseau, G., Brousseau, N., & Warfield, V. (2002). An experiment on the teaching of statistics and probability. Journal of Mathematical Behavior, 20 (3), 363-411. L apprentissage des probabilités à travers la résolution d une situationproblème au troisième cycle 3 VINCENT MARTIN Doctorant en éducation Université de Sherbrooke vincent.martin@usherbrooke.ca LAURENT THEIS Professeur agrégé Faculté d éducation, Université de Sherbrooke laurent.theis@usherbrooke.ca Le complément direct Vivre le primaire, volume 22, numéro 2, printemps 2009 3 Cette recherche a reçu l appui financier du Fonds québécois de la recherche sur la société et la culture (FQRSC) et du Centre de recherche sur l enseignement et l apprentissage des sciences (CREAS) de Sherbrooke. Page 8 sur 8