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Transcription:

Jugement n 2015-002 Audience publique du 13 octobre 2015 Prononcé du 27 octobre 2015 COMMUNE DE BOUÉNI (Mayotte) Poste comptable : TRESORERIE MUNICIPALE DE MAYOTTE Exercice : 2008 République Française Au nom du peuple français La Chambre, Vu le réquisitoire en date du 31 décembre 2014, par lequel le procureur financier a saisi la chambre en vue de la mise en jeu de la responsabilité personnelle et pécuniaire de M. X, comptable de la commune de Bouéni au titre d opérations relatives à l exercice 2008, notifié le 23 janvier 2015 au comptable concerné ; Vu les comptes rendus en qualité de comptables de la commune de Bouéni pour l exercice 2008 par M. X du 1 er janvier 2008 au 30 juin 2008, M. Y du 1 er juillet 2008 au 31 décembre 2008 ; Vu les justifications produites au soutien du compte en jugement ; Vu l article 60 de la loi de finances n 63-156 du 23 février 1963 ; Vu le code des juridictions financières ; Vu le code général des collectivités territoriales ; Vu le décret n 62-1587 du 29 décembre 1962 portant règlement général sur la comptabilité publique alors en vigueur ; Vu le décret n 2012-1386 du 10 décembre 2012 portant application du deuxième alinéa du VI de l article 60 de la loi de finances de 1963 modifié dans sa rédaction issue de l article 90 de la loi n 2011-1978 du 28 décembre 2011 de finances rectificative pour 2011 ; Vu le rapport de M. Taha Bangui, premier conseiller, magistrat chargé de l instruction ; Vu les conclusions du procureur financier ; Vu les pièces du dossier ; Entendu lors de l audience publique du 13 octobre 2015 M. Taha Bangui, premier conseiller en son rapport, M. Bertrand Huby, procureur financier, en ses conclusions, M. X, comptable, et M. Z, ordonnateur, informés de l audience, n étant ni présents ni représentés ; Entendu en délibéré M. Sébastien Fernandes, président de section, en ses observations ; Chambre régionale des comptes de La Réunion - Mayotte 44, rue Alexis de Villeneuve - 97488 Saint-Denis Cedex

Sur la présomption de charge unique, soulevée à l encontre de M. X, au titre de l exercice 2008 Attendu que par le réquisitoire susvisé, le procureur financier a saisi la Chambre régionale des comptes de Mayotte de la responsabilité encourue par M. X à raison d un double paiement effectué au profit de la société A dont il n a pu obtenir le remboursement intégral, une somme résiduelle d un montant de 11 932,42 étant irrémédiablement compromise ; En ce qui concerne la force majeure : Attendu que, le comptable fait valoir que les imputations de la première facture et de la seconde facture, respectivement en section d investissement et en section de fonctionnement, rendaient difficile la détection du double paiement ; que les communes de Mayotte traversaient alors de graves problèmes de trésorerie qui faisaient que le poste comptable fonctionnait sous une forte pression avec des ordres de priorité qui fluctuaient au gré des interventions des créanciers ; que ces éléments constituent, selon lui, des circonstances de force majeure ; Attendu que, dans ses conclusions, le procureur financier fait valoir que les éléments soulevés par le comptable ne sont pas, en l état de la jurisprudence, constitutifs de circonstances de force majeure ; Attendu que l article 60-V de la loi n 63-156 dispose que «lorsque ( ) le juge des comptes constate l existence de circonstances constitutives de la force majeure, il ne met pas en jeu la responsabilité personnelle et pécuniaire du comptable public» ; que, de jurisprudence constante, des circonstances ne sont constitutives de la force majeure qu à la condition que les trois éléments d extériorité à la personne du comptable, d irrésistibilité et d imprévisibilité soient réunis ; Attendu que les moyens soulevés par le comptable ne sauraient être regardés comme des situations réunissant cumulativement les trois critères caractérisant des circonstances de force majeure ; Attendu qu il résulte de ce qui précède que le comptable n établit pas l existence de circonstances constitutives de la force majeure, au sens du premier alinéa du V de l article 60 de la loi n 63-156 susvisée ; En ce qui concerne le manquement : Attendu que, dans sa réponse, le comptable ne conteste pas l existence d un manquement ; Attendu que, dans ses conclusions, le procureur financier fait valoir que M. X, en ayant payé deux fois une même prestation d un montant de 15 740 à la société A, sur la base de mandats en date des 19 mars 2008 et 17 juin 2008, sans avoir vérifié le service fait, a manqué à ses obligations au titre du contrôle de la validité de la créance qui résulte des dispositions des articles 12 et 13 du décret du 29 décembre 1962 portant règlement général sur la comptabilité publique ; qu aux termes des dispositions de l article 60-I de la loi du 23 février 1963, la responsabilité des comptables est engagée dès lors qu une dépense a été irrégulièrement payée ; que, toutefois, en ayant obtenu le remboursement d une somme de 3 807,58 par la société, sa responsabilité personnelle et pécuniaire est engagée pour 11 932,42 ; 2

Attendu qu il n est pas contesté que les travaux de réhabilitation de la salle informatique de l ancienne école de M zouasia, d un montant 15 470, ont été payés deux fois à la société A, par M. X, comptable en poste au moment des deux paiements, une première fois en exécution d un mandat du 19 mars 2008 justifié par une facture du 21 août 2007, le comptable ayant rejeté le mandat initial du 14 septembre 2007 faute de crédits suffisants, une seconde fois en exécution d un mandat en date du 17 juin 2008 justifié par une facture du 5 juin 2008 ; que, si la première facture porte pour objet «réhabilitation de l ancienne école de M Zouasia» et la seconde «entretien de bâtiment scolaire», il ressort des pièces du dossier que ces deux factures sont identiques en tout autre point, notamment s agissant des libellés, quantités, prix unitaires et montants des différents postes et qu elles ne sont appuyées d aucun document justifiant la réalisation ou la réception des travaux ; qu il est constant qu un titre de recette exécutoire d un montant de 15 470 a été expressément établi le 12 mai 2009 par l ordonnateur à l encontre de la société A en raison de ce double paiement ; que ce titre a permis de récupérer une somme globale de 3 807,58 auprès de la société, antérieurement au réquisitoire ; Attendu qu aux termes des dispositions de l'article 60-I de la loi de finances du 23 février 1963, les comptables publics sont personnellement et pécuniairement responsables des contrôles qu'ils sont tenus d'assurer en matière de dépenses dans les conditions prévues par le règlement général sur la comptabilité publique, leur responsabilité étant notamment engagée dès qu une dépense a été irrégulièrement payée ; qu en application des articles 12 et 13 du décret du 29 décembre 1962 portant règlement général sur la comptabilité publique alors en vigueur, les comptables sont tenus d exercer, en matière de dépenses, le contrôle de la validité de la créance, ce contrôle portant, en particulier, sur la justification du service fait et sur la production des justifications ; Attendu que, selon une jurisprudence constante, en matière de dépense, la responsabilité du comptable s apprécie à la date du paiement ; que, toutefois, un manquement tenant à un double paiement peut être régularisé si la preuve est apportée que la somme indûment sortie de la caisse du comptable y a été réintégrée et reprise dans les écritures du poste comptable ; Attendu qu il résulte de ce qui précède qu en procédant à un double paiement au profit de la société A pour les travaux de réhabilitation de la salle informatique de l ancienne école de M zouasia, sans parvenir à en obtenir le remboursement intégral avant la notification du réquisitoire, M. X a manqué aux obligations qui lui incombent en matière de contrôle de la validité de la créance tel que prévu par le décret du 29 décembre 1962 ; que, par suite, sa responsabilité personnelle et pécuniaire est engagée en application des dispositions de l article 60-I de la loi n 63-156 ; En ce qui concerne le préjudice financier : Attendu que, si le comptable, M. X, ne conteste pas l existence d un double paiement, il soutient, dans sa réponse, que l émission d un titre de recette de même montant en compense les conséquences ; que, par ailleurs, tout titre de recette étant soumis aux aléas de la solvabilité du redevable, le non recouvrement du titre litigieux n entraine pas plus un préjudice financier que le non recouvrement d un autre titre ; Attendu que, dans ses conclusions, le procureur financier fait valoir que, si une partie du double paiement, soit 3 807,58 a été régularisée, la somme indûment sortie de la caisse du comptable n y a pas été réintégrée en totalité et reprise dans les écritures du poste comptable, le montant du manquant s élevant à 11 932,42 ; que, dans ces conditions, le second paiement constitue un appauvrissement patrimonial pour la collectivité, dès lors que 3

le reversement n a été obtenu qu à hauteur de 3 807,58 ; que le préjudice financier en résultant pour la commune peut être évalué à 11 932,42 ; Attendu qu il ressort des pièces du dossier que, si un titre de recette exécutoire d un montant de 15 470 a été expressément établi le 12 mai 2009 par l ordonnateur à l encontre de la société A en raison du double paiement opéré par M. X, ce dernier ne peut sérieusement soutenir que l émission de ce titre de recette a pour effet de compenser le double paiement intervenu au profit de la société ; qu il est constant que seule une somme de 3 807,58 a été reversée dans la caisse du comptable suite à l émission de ce titre ; que, M. X ne peut pas davantage soutenir que le non recouvrement de ce titre ne constituerait pas une perte pour la commune différente de la perte engendrée par le non recouvrement d un autre titre alors même que ce titre n a été émis que pour tenter de réparer une erreur de sa part ; Attendu qu il résulte de ce qui précède que le double paiement d une somme de 15 470 au profit de la société A a engendré un préjudice financier de 11 932,42 pour la commune de Bouéni compte tenu de l obtention d un reversement d une somme de 3 537,58 par la société ; que le lien de causalité entre le manquement du comptable et le préjudice financier subi par la commune de Bouéni est donc établi par le simple fait qu une dépense a été irrégulièrement payée faute pour le comptable d avoir effectué les contrôles dont il était chargé ; En ce qui concerne le débet : Attendu que le manquement du comptable et le double paiement ont causé un préjudice financier, au sens des dispositions du troisième alinéa du paragraphe VI de l article 60 de la loi du 23 février susvisée, à la commune de Bouéni ; Attendu que, dans sa réponse, M. X fait valoir les conditions de fonctionnement particulièrement difficile du poste comptable dont il avait la charge faute de moyens suffisants en personnels ; Attendu qu il n appartient pas au juge des comptes de porter une appréciation sur les moyens dont disposent les comptables pour remplir leur mission ; Attendu qu aux termes des dispositions évoquées, «Lorsque le manquement du comptable [ ] a causé un préjudice financier à l organisme public concerné [ ], le comptable a l obligation de verser immédiatement de ses deniers personnels la somme correspondante» ; qu ainsi, il y a lieu de constituer M. X débiteur de la commune de Bouéni pour la somme de 11 932,42 ; Attendu qu aux termes du paragraphe VIII de l article 60 de la loi du 23 février 1963 précitée, «les débets portent intérêt au taux légal à compter du premier acte de la mise en jeu de la responsabilité personnelle et pécuniaire des comptables publics» ; qu en l espèce, cette date est le 23 janvier 2015, date de réception du réquisitoire par M. X ; 4

En ce qui concerne le contrôle sélectif des dépenses : Attendu qu aux termes de l article 60-IX de la loi n 63-156 du 23 février 1963 «les comptables publics dont la responsabilité personnelle et pécuniaire a été mise en jeu ( ) peuvent obtenir du ministre chargé du budget la remise gracieuse des sommes mises à leur charge. Hormis le cas de décès du comptable ou de respect par celui-ci, sous l'appréciation du juge des comptes, des règles de contrôle sélectif des dépenses, aucune remise gracieuse totale ne peut être accordée au comptable public dont la responsabilité personnelle et pécuniaire a été mise en jeu par le juge des comptes, le ministre chargé du budget étant dans l'obligation de laisser à la charge du comptable une somme au moins égale au double de la somme mentionnée au deuxième alinéa dudit VI» ; Attendu que M. X soutient que les conditions de travail très difficiles l avaient conduit à mettre en place avec l aval de sa direction un contrôle hiérarchisé des dépenses, dont il ne se souvient plus de la teneur exacte, si ce n est que le contrôle des dépenses de fonctionnement avait été fortement allégé ainsi que le visa des acomptes sur marchés ; Attendu qu il résulte de l instruction qu aucun contrôle sélectif des dépenses formalisé n a été mis en place à ce jour à Mayotte ; Par ces motifs, DÉCIDE : Article 1 er : Au titre de l exercice 2008 (présomption de charge unique), M. X est constitué débiteur de la commune de Bouéni pour la somme de 11 932,42 augmentée des intérêts au taux légal à compter du 23 janvier 2015. Article 2 : La décharge de M. X ne pourra être donnée qu après apurement du débet fixé cidessus. Fait et jugé par M. Christian Roux, conseiller référendaire, président de séance, M. Sébastien Fernandes, président de section, MM. Laurent Ochsenbein, Taha Bangui, premiers conseillers, M. Didier Herry, conseiller. En présence de M. Bernard Lotrian, greffier de séance. Bernard Lotrian Christian Roux En conséquence, la République française mande et ordonne à tous huissiers de justice, sur ce requis, de mettre ledit jugement à exécution, aux procureurs généraux et aux procureurs de la République près les tribunaux de grande instance d y tenir la main, à tous commandants et officiers de la force publique de prêter main-forte lorsqu ils en seront légalement requis. Yves Le Meur Secrétaire général 5

En application des articles R. 242-14 à R. 242-16 du code des juridictions financières, les jugements prononcés par la chambre régionale des comptes peuvent être frappés d appel devant la Cour des comptes dans le délai de deux mois à compter de la notification, et ce selon les modalités prévues aux articles R. 242-17 à R. 242-19 du même code. Ce délai est prolongé de deux mois pour les personnes domiciliées à l étranger. La révision d un jugement peut être demandée après expiration des délais d appel, et ce dans les conditions prévues à l article R. 242-26 du même code. 6