Médiation sociale : Réflexions critiques entourant les principes de la médiation sociale - Congrès de la Société de criminologie 2013 - Atelier 35 INTRODUCTION : La médiation dont il est question ici porte plusieurs noms en fonction notamment du lieu géographique où elle se retrouve. Elle est nommée parfois «sociale», «citoyenne» en France et au Québec, ou «communautaire» dans les pays anglophones et hispanophones (Faget 2010 : 221). L appellation «médiation citoyenne» soit la médiation entre citoyens, porte à croire qu elle intervient uniquement entre individu. Ce type de médiation poursuit différents objectifs : de développer le lien social, de réguler les conflits, de favoriser l implication des citoyens dans la vie de la cité et d améliorer le vivre ensemble. Dans les faits, le projet de médiation intervient généralement lorsque des citoyens, sur une base volontaire et sans contrôle judiciaire, contactent directement le médiateur ou sont référés à ce dernier par un tiers qui peut être un organisme communautaire, un élu local ou les policiers par exemple. Ce projet est destiné à des conflits qui sont sources de tension. Il peut s agir de divergences entre voisins, allant de l incivilité (bruit, dérangement ou non-respect de la propriété privée) jusqu aux menaces ou aux voies de fait. Fait à noter, dans ce type de projet on se rend rarement jusqu à la médiation face-à- 1
face, et les médiateurs agissent le plus souvent à titre d accompagnateur à la résolution de conflit. En effet, la personne qui fait appel au service trouve fréquemment réponse à ses questions sans nécessairement avoir besoin de rencontrer l autre partie. Le rôle du médiateur en est souvent un : d écoute, de conseils, de références, ou d informations. Ce faisant, il vise à changer la perspective avec laquelle les gens envisagent le conflit ce qui peut avoir pour effet un apaisement émotionnel ou une meilleure compréhension du conflit pouvant mener à le résoudre. Pour Lemaire et Poitras (2004), les pratiques diverses émergent souvent de crises qui sont à la fois une conséquence et une réponse de la désorganisation sociale pour reconstruire une nouvelle forme de cohésion sociale. Ces crises seraient pour Bondu (1998) la démonstration de l incapacité des groupes, des organisations ou de la société globale à mettre en œuvre un être-ensemble des individus. Pour Catherine Tourrilhes (2008) : «La médiation vise la résolution des conflits entre les personnes elles-mêmes et l amélioration des relations entre les institutions, les groupes et les personnes. Selon Faget (2010), on remarque que ce type de médiation est davantage interindividuelle et délaissent les problématiques sociales collectives ayant des dimensions politiques, socioéconomiques, environnementales ou de dégradation physique des quartiers. Quelle la portée réelle du principe de transformation sociale des projets de médiation sociale : Pour qu on puisse parler de transformation social, au moins 3 critères sont nécessaires. Il faut qu elle soit : repérable dans le temps, qu elle concerne l ensemble du système social, qu elle ait des conséquences durables. (Source : aehsc.chez.com) 2
En travail social, on parle de transformation du rapport de l individu à la société. Les projets d empowerment ou le développement du pouvoir d agir, la défense des droits universels ou la transformation des conditions de vie reflètent cette dimension transformatrice. L approche de l action communautaire est alors favorisée. Elle désigne «toute initiative issue de personnes ou de groupes communautaires, d une communauté qui peut être géographique, d intérêt, identitaire, visant à apporter une solution collective et solidaire à un problème social ou à un besoin commun. L action communautaire s actualise par des pratiques multiples et diversifiées structurées autour de trois axes principaux : la mise en place de ressources et de services d utilité sociale évidente, des activités d éducation populaire favorisant l exercice d une citoyenneté active, la formulation et la mise à l avant de revendications sociales visant à rendre notre société plus cohérente avec les valeurs auxquelles nous adhérons collectivement. (Lamoureux, Lavoie, Mayer, Panet-Raymond, 2008). Voici maintenant deux processus de pratique collective qui font actuellement l objet de recherche qui seront disponibles sous peu : Parc Viger et le Petit Maghreb Premier exemple : Parc Viger L Équipe de médiation urbaine (ÉMU) était un projet d intervention mené initialement par le Regroupement des organismes de justice alternative du Québec (ROJAQ) en 2007 pour travailler la problématique des personnes marginalisées dans le centre-ville de Montréal. Ce projet a été transféré à Trajet, organisme de justice alternative de Montréal, en 2010. À l été 2010, la Ville de Montréal (arrondissement Ville-Marie) contacte l EMU afin de solliciter ses services de résolution de conflits en raison des plaintes des résidants du quartier concernant des problèmes de cohabitation dans le parc Viger et ses alentours. 3
Comme outils d intervention, l ÉMU met sur pied «les cercles de résolution de conflits» regroupant l ensemble des acteurs touchés par la problématique soit : des citoyens, des commerçants, des organismes communautaires, des policiers, des représentants du palier municipal et des personnes marginalisées. Deuxième exemple : Le Petit Maghreb Créer en 2007, le secteur de Montréal appelé Petit Maghreb (quartier St-Michel à Montréal) pose un certain nombre de problèmes de cohabitation notamment d ordre interculturels. En avril 2010, Trajet est invité par les pouvoirs publics (Ville et service de police), à intervenir dans le quartier afin de diminuer les tensions entre les différents acteurs. Les acteurs clés sont alors contactés : des représentants de l Association des marchands du Petit Maghreb, des citoyens qui ont initié le mouvement de contestation dans le quartier, des organismes communautaires et des représentants des pouvoirs publics. Des rencontres regroupant l ensemble des acteurs concernés par la situation se sont tenues afin de dégager des solutions pouvant améliorer la qualité de vie dans le quartier. Ces rencontres de médiation se sont déroulées sous la forme de cercles de dialogue permettant à chacun des acteurs de partager ses perceptions de la situation, d entendre les points de vue des autres acteurs présents et de rechercher des solutions adaptées. Les principes de base du cercle sont les suivants : l objectif est de restaurer la confiance et la dignité; la responsabilité du processus est partagée; personne n est en position d autorité (hors rôle); tous ont l occasion de s exprimer, d être entendus et de participer à la solution et la participation est parfaitement volontaire (Barter 2011) Ces deux exemples de pratique ont contribuer à amorcer le dialogue entre les parties, à apaiser les tensions, à identifier un certain nombre de pistes d action et donc à jeter les bases d une réelle transformation sociale. 4
CONCLUSION La médiation sociale peut prendre diverses formes et poursuivre différents objectifs. Si l objectif de transformation est retenu, il serait intéressant de pousser plus loin la réflexion et surtout la pratique en faisant place aux enjeux sociaux ainsi qu à une diversité d acteurs au sein de nos communautés. Donc, ajouter à la pratique interindividuelle, une pratique qui prend en compte les problématiques sociales collectives. Sinon, les effets identifiables de transformation demeureront négligeables et peu perceptibles. 5
BIBLIOGRAPHIE Analyse économique et historique des sociétés contemporaines. [En ligne] aehsc.chez.com (Page consultée le 5 octobre 2013) BARTER, Dominic. «Restorative circles» (2011) [En ligne] http://www.restorativecircles.org/ (Page consultée le 10 juillet 2011) BONDU, Dominique (1998). Nouvelles pratiques de médiation sociale, Paris, ESF Éditeur. FAGET, Jacques (2010). Médiations : les ateliers silencieux de la démocratie, Toulouse, éditions ÉRÈS, coll. «Trajets». LAMOUREUX, Henri; LAVOIE Jocelyne; MAYER Robert; et PANET-RAYMOND, Jean. La pratique de l action communautaire, 2008, Éditions Presse de l'université du Québec, 2è édition actualisée, p.4. LEMAIRE, Élise et POITRAS, Jean (2004). La construction des rapports sociaux comme l un des objectifs des dispositifs de médiation, Esprit critique, vol. 6, no 3, 17-29. TOURRILHES, Catherine (2008). La médiation, innovation sociale ou nouveau mode de régulation? Vers des espaces tiers de socialisation, Pensée plurielle no 18, 109-120. 6