Les failles : partie 4 Comportements cassant et ductile, les déformations aux échelles crustale et lithosphérique. Sommaire En 4 parties 1. Que deviennent les failles en profondeur? 2. Comportement des roches dans les zones de faille à l échelle crustale : le domaine cassant 3. Comportement des roches dans les zones de faille à l échelle crustale : le domaine ductile 4. Conclusion : le profil de résistance à l échelle lithosphérique Voir chapitres 14 Découvrez la 15 e édition du «Pomerol» tout en couleurs, Éléments de Géologie (Dunod, 2015, M. Renard, Y. Lagabrielle, E. Martin, M. de Rafélis), à jour des dernières connaissances de la recherche en géosciences. Un livre qui répond aux exigences des étudiants, des candidats aux concours, des enseignants, des chercheurs Et de l amateur éclairé! Cisaillement dans un niveau siliceux au sein de calcschistes. Zone liguro-piémontaise, Corse (cliché Y. Lagabrielle, Montpellier) Toute l info sur ce livre << Tous les reportages de terrain de elements-geologie.com
1. Introduction : que deviennent les failles en profondeur? Voici les questions que l on peut se poser à la vue de cette faille inverse du front tectonique andin. 1. Que deviennent les failles majeures lorsque la profondeur augmente? 2. Comment se comportent les roches en profondeur alors que la température augmente pour s approcher des conditions de plasticité maximale des minéraux de la croûte continentale et des limites de leurs champs de stabilité? E W Vue sur une faille inverse affectant les ignimbrites de la formation Ibanez, à quelques centaines de mètres du front principal de la chaîne, en Patagonie centrale (paso Roballos) (cliché Y. Lagabrielle).
2. Comportement des roches dans les zones de faille à l échelle crustale : le domaine cassant Dans la partie tout à fait supérieure de la croûte, les roches se brisent le long des plans de faille. Une faille peut avoir tendance à s élargir pour devenir progressivement une zone broyée dont l épaisseur devient décimétrique à métrique. Il se forme alors des brèches de failles non cohésives. Plusieurs failles subparallèles peuvent former un réseau anastomosé. En raison de l altération active à basse température et du fait de l importante circulation des fluides météoritiques dans les failles, les roches broyées sont rapidement transformées en argiles si la minéralogie de départ est favorable. Les zones de faille ont alors une faible cohésion. Elles renferment des brèches dont les éléments peuvent s arrondir et qui se présentent comme une succession de petites amygdales sigmoïdes beurrées d argiles. Ces roches de faille argilisées des domaines superficiels sont nommées des gouges. Plus bas dans la croûte, jusqu à environ 15 Km de profondeur, les roches sont toujours cassantes, mais les brèches de failles sont cimentées par des précipitations minérales et par les recristallisations métamorphiques. On parle de cataclasites..plus profondément encore, c est le domaine de la déformation ductile.
2. Comportement des roches dans les zones de faille à l échelle crustale : le domaine cassant (suite) A B D C Exemple de failles dans le domaine superficiel. Les failles séparent des volumes rocheux dans lesquels la déformation est nulle. La déformation est dite discontinue. A : coupe à travers un décrochement composé de plusieurs branches anastomosées (Iran, cliché S. Dominguez, GM Montpellier) B : failles obliques conjuguées recoupant des ignimbrites jurassiques (Patagonie, cliché Y. Lagabrielle, GM Montpellier) C : plan de faille normale polissant une cataclasite dans une zone broyée (Grèce, cliché P. Labaume, GM Montpellier) D : une cataclasite recoupant des tufs rhyolitiques observée par la tranche (Patagonie, cliché Y. Lagabrielle, GM Montpellier)
2. Comportement des roches dans les zones de faille à l échelle crustale : le domaine cassant (fin) Gouges non cohésives et cataclasites cohésives La photo ci-contre, à droite, montre le contact de base d une nappe de charriage comprenant une série de pélites brunes et de radiolarites, en Grèce (contact d âge Jurassique supérieur entre les zones Pélagonienne et Maliaque). On voit la zone broyée de base de nappe et une faille oblique, annexe du contact basal principal. Noter le stylo dans le cercle donnant l échelle. (cliché Y. Lagabrielle, GM, Montpellier) La photo ci-contre, à gauche, montre une cataclasite cohésive. Fragments blancs de péridotite serpentinisée dans une matrice siliceuse. Failles normales au sein des Ultrabasites, Nouvelle- Calédonie (cliché Y. Lagabrielle, GM, Montpellier) Remarque. Les pseudotachylites sont des roches de faille formées par la vitrification d un verre produit lors du frottement très rapide des lèvres d une faille. Elles ont l apparence d un verre basaltique (tachylite) et forment de minces bandes effilées parallèlement aux failles ou bien des filonnets injectés perpendiculairement. Elles témoignent d événements paléosismiques. Cicontre, pseudotachylites du massif Dora Maira, cliché P. Monié, GM Montpellier.
3. Comportement des roches dans les zones de faille à l échelle crustale : le domaine ductile (cliché Y. Lagabrielle, GM, Montpellier) Photo ci-dessus : un échantillon représentatif des roches déformées dans le domaine ductile. Les métagranites de la zone broyée sud-armoricaine. L échantillon présente une texture mylonitique témoignant d un très fort taux de cisaillement. La déformation envahit l ensemble de la roche mais se concentre aussi dans des bandes de cisaillement. A gauche, schéma montrant les gradients de déformation opposés à l approche d une bande de cisaillement ductile. Au delà de l isotherme 350 C, on passe une limite rhéologique majeure dans la croûte continentale. On quitte le domaine cassant, où se produisent les séismes, pour entrer dans le domaine ductile, où la déformation se fait sans rupture, par fluage. Les roches déformées acquièrent une foliation. On se situe dans des conditions plus sévères que celles du métamorphisme schistes verts. La déformation est distribuée dans des volumes plus importants, ce que l on a représenté sur le schéma ci-contre par une multiplication des bandes de cisaillement ductile.
3. Comportement des roches dans les zones de faille à l échelle crustale : le domaine ductile - exemples Exemple de déformations dans le domaine profond, ductile. A l échelle de l affleurement (A, B), comme à l échelle de l échantillon ou de la lame mince (C), le propre de la déformation ductile est de se répartir largement dans le volume déformé. A C B La déformation est dite continue. Attention toutefois, la déformation peut se concentrer dans certains cas en privilégiant des bandes de cisaillement qui peuvent absorber des déplacements importants. C est ce que l on peut observer entre deux unités profondes distinctes. A : micaschistes, socle pré-mésozoïque, Chili (cliché Y. Lagabrielle) B : métasédiments supra-ophiolitiques, Serra de Pigno (Corse)plissements d une foliation antérieure (cliché Y. Lagabrielle, GM, Montpellier) C : une ultramylonite, résultat du cisaillement intense d un granite entre 400 et 700 C. Alternance de niveaux clairs et sombres de quartz et de feldspaths recristallisés en minuscules néograins (invisibles même au microscope) et de micas. Les feldspaths reliques sont en taille et en nombre réduit. (cliché A. Gébelin, GM Montpellier) 1 mm
3. Comportement des roches dans les zones de faille à l échelle crustale : domaine ductile les limites Les limites du domaine ductile Limites vers les conditions de P et T croissantes : Dans les conditions d enfouissement et de température qui permettent la fusion partielle des roches de la croûte continentale, comme par exemple des métasédiments, le comportement ductile est facilité par la présence de feuillets de magma injectés entre des couches de micaschistes. La viscosité de l ensemble est ainsi très largement abaissé. Dans ces conditions, le fluage de la croûte est maximum, les déformations se font pour des contraintes déviatoriques minimes. Il en résulte des roches intensément plissotées, les migmatites, où alternent des feuillets de méta-sédiments non fondus et des feuillets de granitoïdes à texture équante. Migmatites, socle pré-mésozoïque, Chili (cliché Y. Lagabrielle) Limites vers les conditions de P et T décroissantes : Lors de l exhumation des parties profondes de la croûte, les roches passent du domaine de la déformation ductile au domaine de la déformation cassante. Des zones de failles apparaissent qui recoupent la foliation acquise dans le domaine ductile. 1 cm Une illustration du passage ductile/cassant. Ce quartzite phylliteux des schistes lustrés du Queyras (ancienne radiolarite?) montre une belle foliation à quartz, amphiboles vertes et micas, recoupée par des zones de cisaillement non cassantes et des failles associées, déterminant une crénulation de type kink (cliché Y. Lagabrielle).
3. Comportement des roches dans les zones de faille à l échelle crustale : le domaine ductile les processus Les processus à l œuvre dans le comportement ductile La déformation continue qui caractérise le comportement ductile se produit soit par glissement le long des plans du réseau des cristaux d une roche - c est la déformation plastique sensu stricto, soit par la diffusion orientée d atomes s échappant du réseau et se rassemblant ailleurs. Le glissement peut s opérer le long de plans de macles (variables en fonction de la température). La diffusion pourra conduire à une néo-cristallisation d un minéral de la même espèce ou bien, par réactions avec d autres atomes diffusés, conduire à la recristallisation de nouvelles espèces minérales : c est la cristallisation métamorphique syntectonique. La diffusion orientée explique la cristallisation de néo-grains dans les lits des mylonites. Les modes diffusifs sont favorisés par la circulation des fluides. La plasticité d un minéral est due à l existence de défauts cristallins de divers types (dislocations et macles par exemple) qui migrent vers les bords des grains sous l effet de la contrainte déviatorique et permettent le fluage. Cette plasticité est très dépendante de la température. Ci-contre, deux exemples du fluage des carbonates dans les conditions du métamorphisme schistes bleus. A : calcaires du Mont Olympe, Grèce. B : calcaires supra-ophiolitiques, Corse (clichés Y. Lagabrielle) A Le marteau donne l échelle B Les seuils de plasticité sont différents pour les divers minéraux les plus abondants de la croûte. La calcite peut fluer à des températures assez basses grâce à l activation d un plan d une de ses macles (entre 0 et 300 C). Le quartz flue dès 350 C et le feldspath potassique au delà de 400 C. Ceci explique la présence de porphyroclastes de feldspaths et non de quartz, dans les gneiss œillés.
4. Conclusion : le profil de résistance à l échelle lithosphérique Si l on considère maintenant l échelle de la lithosphère, il convient de rappeler que vers 800 C, en base de croûte continentale inférieure, les péridotites de la lithosphère continentale se trouvent dans des conditions où la déformation est cassante car le seuil de plasticité pour l olivine se trouve aux alentours de 1200 C pour les conditions de pression considérées. On peut alors construire le diagramme suivant qui résume les lois de comportement rhéologique de la lithosphère continentale : un quadricouche fragile/ductile/fragile/ductile.