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Transcription:

Allocution de M. Raphaël Esrail Président de l Union des Déportés d Auschwitz UNESCO - Jeudi 26 janvier 2017 Madame la Directrice générale de l Unesco, Madame Irina Bokova Mesdames et Messieurs les Ambassadeurs, Messieurs les représentants des Cultes, Monsieur le Président du Mémorial de la Shoah, Monsieur Eric de Rothschild, Messieurs les Présidents et Directeurs de Fondations, Mémoriaux, Fédérations, Associations, Mesdames et Messieurs, Il y a 72 ans, au cours de leur avancée vers le Reich, les troupes soviétiques découvrent les camps d Auschwitz-Birkenau. Un abattoir pour êtres humains. L un des lieux du génocide des Juifs d Europe où, durant plus de deux années, entre mars 1942 et octobre 1944, les SS ont assassiné près d un million de Juifs. Quelques jours auparavant, le 18 janvier 1945, après avoir passé 11 mois à Auschwitz, j évacue ce camp parmi 60 000 déportés emmenés vers l Allemagne. Hommes et femmes, bien que très affaiblis, nous représentons encore pour les bourreaux une main d œuvre potentielle. Venant après des mois de déportation, les marches et les trains de la mort sont une épreuve supplémentaire, terrible et mortifère. Personnellement, j ai marché jusqu à Gleiwitz où nous avons été embarqués en wagons charbonniers jusqu au camp de Gross-Rosen puis ré-embarqués vers une destination inconnue. Nous sommes comprimés au point de ne pouvoir bouger. Durant 6 jours, la porte n est pas ouverte une seule fois. Nous étouffons. Il n y a plus aucune solidarité. Nous nous battons pour un peu de place. Nous nous battons pour un peu d air. Nous mourons de faim, nous mourons surtout de soif. Les jours passent, nous entassons les morts au milieu du wagon. Nous sommes dans un tombeau roulant. Peu après avoir passé la gare de Zwickau, une opportunité d évasion se présente. Avec mon camarade Ernest, nous décidons de prendre tous les risques pour sortir de là. Nous sommes si amaigris que nous passons sans trop de difficulté par la lucarne d aération. Le train roule alors relativement lentement ; nous sautons ; malheureusement, juste à côté d un chantier gardé par des hommes en armes Aux deux Shupos qui nous interrogent, Ernest dit être Français et Juif ; moi, je dis être né en Turquie et ne dis pas être Juif. Ernest est immédiatement abattu d une balle dans la tête. J attends le même sort. Un SS arrive, je suis persuadé qu il va me tuer ; il prend sa mitraillette ; se ravise ; il me ramène au train revenu à la gare de Zwickau. 1

Me voyant revenir à côté de son subordonné, le SS, chef de convoi, lui demande : «Pourquoi tu ne l as pas descendu?». Je dois remonter dans le wagon par la lucarne. Cela s est passé le 26 janvier 1945, il y a aujourd hui 72 ans. Le jour suivant, notre transport arrive à Dachau. Je m attends à être pendu ; ce qui est le sort des évadés. Mais une épidémie de typhus sévit ; nous sommes mis en quarantaine et durant les jours suivants, aucun SS n apparaît. Après trois semaines environ, je suis envoyé dans un camp de travail forcé, le Waldlager, où les conditions sont abominables ; en quelques semaines, j arrive véritablement au bout de toutes mes forces. Au cours des 15 mois de ma déportation et particulièrement dans ce «Train de la mort», je me suis promis de dire au monde ce que des hommes sont capables de faire à d autres hommes. Mon engagement est devenu marbre devant l assassinat de mon ami Ernest, ce camarade avec qui j avais tant partagé et dont je souhaitais, avec vous, ce soir, honorer la mémoire. Des événements dramatiques comme celui-là, tous les parcours de survivants en sont tissés. C était il y a 7 décennies. Ces temps qui s éloignent restent proches pour moi et mes camarades, si peu nombreux à avoir survécu, exceptions au sein de fratries massacrées. Les générations à venir pourront disposer de nos témoignages. La captation de la parole des survivants de la Shoah a été telle que nous pouvons espérer que cette parole continuera à les accompagner et nous permettra, bien au-delà de notre propre survie, de tenir la promesse de «Dire au monde». L inestimable valeur éducative des témoignages est reconnue par le plus grand nombre. Notre témoignage est fondamentalement vecteur d une culture de paix parce qu il informe des dangers induits par les idées extrêmes et radicales. Si le témoignage est récit, il est aussi Message. Nos témoignages qui disent la monstruosité et le caractère sans précédent de ce crime dans l histoire de l Humanité sont l antithèse d une «bonne nouvelle» : OUI, disent-ils, l Humanité est capable de détruire son prochain, OUI, elle est capable de se détruire. Vous comprendrez dès lors que le thème de l exposition organisée cette année par l UNESCO retienne particulièrement notre attention, je cite son titre : "Eduquer pour un avenir meilleur : le rôle des sites historiques et des musées dans l'enseignement de l'holocauste". Cette exposition entre en résonnance avec une «revendication» formulée depuis plusieurs années par les survivants juifs des camps qui furent créés par les nazis en Pologne. Cette journée commémorative est pour moi et pour les survivants que je représente, l occasion de plaider notre cause : pour que l ancien camp de Birkenau devienne un lieu d éducation par 2

excellence, nous demandons qu un véritable dispositif éducatif y soit développé, élaboré autour du témoignage. Notre voix, nos témoignages doivent, après nous, rester présents à Birkenau, et cela parce que nous sommes les mieux à même de dire et de faire comprendre l assassinat des Juifs d Europe. Nul musée ou dispositif muséographique, aussi savant et réussi soit-il, où qu il se trouve dans le monde, à Auschwitz, à Jérusalem, à Washington ou Paris, ne pourra jamais se substituer à une rencontre avec la mémoire vive sur les lieux même de l assassinat. Au fil du temps, notre demande devient, vous le comprenez, une supplique pressante. Sachez qu elle est connue et entendue depuis près d une décennie que nous travaillons à cette cause. Ce projet est celui de survivants : de mes camarades de l Union des Déportés d Auschwitz, de ceux du Comité international d Auschwitz qui regroupe des survivants de plusieurs pays d Europe. Il a reçu des soutiens essentiels, notamment celui de la Fondation pour la mémoire de la Shoah. Nous remercions également tout particulièrement le Président de la République, Monsieur François Hollande, d avoir évoqué notre cause auprès du gouvernement polonais. Je remercie également son Excellence, Monsieur Nikolaus Meyer Landrut, Ambassadeur d Allemagne à Paris, qui nous apporte également son total soutien. Birkenau doit devenir un Temple du témoignage, un musée-mémorial où sera certes proposé un dispositif d information historique mais où l on pourra surtout voir et entendre les rescapés : ceux des camps de Birkenau et Auschwitz, ceux des 40 camps annexes, beaucoup trop ignorés à l heure actuelle ; entendre également des témoignages de Tziganes. En ce lieu, il faudrait aussi avoir accès aux témoignages de survivants, si peu nombreux, des ghettos et des centres d assassinat de Belzec, Chelmno, Sobibor, Treblinka, Majdanek où 3 millions de Juifs polonais ont été assassinés, ainsi qu à des témoignages sur la réalité des assassinats par fusillades par les groupes de tuerie mobiles sur le territoire soviétique. Dans la logique des bourreaux, pas un seul Juif ne devait survivre. Rappelons nous ce discours d Himmler aux SS en 1943 où il leur dit que l assassinat des Juifs ne devra laisser aucune trace. Il faut alors bien comprendre que nos témoignages sont des «entités exceptionnelles» : ils n auraient jamais dû exister et disent la réalité du génocide depuis l intérieur de celui-ci. En lien avec des situations et des lieux précis de Birkenau, j ai personnellement à l oreille le témoignage de camarades : de ceux contraints d être sur la rampe lorsqu arrivaient les convois de déportés et qui assistaient, impuissants, aux «sélections» et à la condamnation des nôtres. J entends encore le témoignage de ceux du Sonderkommando, contraints de participer à la destruction des corps gazés, à couper les cheveux et à arracher des dents ; les paroles de celles et ceux qui ont tenté de survivre à leur destruction au sein du camp. Qui mieux qu un survivant peut narrer la réalité vécue et notamment ces sélections sauvages à l intérieur du camp qui répétaient la «sélection» de l arrivée, et qui sont des manifestations si spécifiques de l abominable? 3

Je me souviens, dans le camp d Auschwitz, de la terrible sélection organisée dans la nuit du 30 septembre 1944. Elle a concerné tous les Juifs du camp. Tous les blocks sont fermés et les déportés, nus, passent tous devant un SS. Leur vie est entre ses mains. Ces hommes sont debout, ils sont en état de travailler. Mais voilà, ils sont Juifs. Et dans le cadre de cette «sélection», les SS ponctionnent leur quota de morts. A cette époque, je travaille de nuit à l Usine Union Werke et échappe à cette sélection. Deux jours après, en fin d après midi, en partant à l Usine, notre Kommando passe près des deux Blocs où sont gardés nos camarades condamnés ; entourés par des hommes en armes avec leurs chiens, ils doivent monter dans des camions qui les emmènent à la chambre à gaz. Nous marchons la tête basse ; nous sommes impuissants. Il n est plus possible de délivrer un quelconque message d espoir à nos camarades. Quant à nous, nous savons que notre tour viendra. Dans cet univers : aucune humanité, aucun recours, aucune espérance. Seuls nos témoignages peuvent faire comprendre ce qu était cet «univers» construit sur la négation de l Homme. A nos yeux, c est à Birkenau que doit être édifié le musée européen de la Shoah. Birkenau, où l Universel a été nié, doit devenir un espace de connaissance, de sensibilisation, de réflexion, un «lieu de mémoire de l Europe» édifié sur le socle de nos témoignages. Le Musée d Etat, installé dans l ancienne caserne polonaise, camp d Auschwitz, existe depuis 1947. Il a rempli sa fonction durant des décennies et nous en remercions les autorités polonaises. Mais aujourd hui, il peine à faire face au nombre de visiteurs qui est allé croissant ces dernières années mais surtout, il n est pas le lieu du génocide. Parmi les solutions possibles, nous suggérons la construction d un musée-mémorial à l extérieur du camp de Birkenau, jouxtant celui-ci et permettant de voir le camp dans son entendue, ou encore, une nouvelle construction sur la troisième partie du camp, dit «Mexique», qui est hors du champ des visites et entamée par l urbanisation. Brzezinka en polonais, Birkenau en allemand, ne sera jamais un lieu comme un autre ; le temps efface tout, dit-on, mais la mémoire de ce qui s est passé là doit être entretenue toujours. Ce mémorial sera un repère pour notre monde si incertain où nous devons, par tous les moyens, préserver la jeunesse de la tentation populiste et du danger totalitaire. Pour nous survivants, le temps presse, nous ne serons bientôt plus là pour crier au monde, avec nos mots, ce que fut le temps de la nuit à Birkenau. Je fais la prière que la décision de créer un musée-mémorial à Birkenau soit prise avant que le dernier des survivants ne disparaisse. 4

Je vous remercie. Raphaël Esrail 5