Jugement n 2015-0013 - Plénière Rapport n 15-181 Audience publique du 5 novembre 2015 Délibéré du 5 novembre 2015 Date du prononcé le 10 décembre 2015 COMMUNE DE LONS-LE-SAUNIER (039 015 300) Poste comptable : CENTRE DES FINANCES PUBLIQUES DE LONS-LE-SAUNIER MUNICIPALE ET EPL Exercice 2012 République Française Au nom du peuple français LA CHAMBRE RÉGIONALE DES COMPTES DE BOURGOGNE, FRANCHE-COMTE Vu le réquisitoire en date du 6 octobre 2014, par lequel le Procureur financier a saisi la Chambre en vue de la mise en jeu de la responsabilité personnelle et pécuniaire de Mme X..., comptable de la commune de Lons-le-Saunier au titre d opérations relatives à l exercice 2012, notifié le 30 octobre 2014 à la comptable ; Vu les comptes rendus en qualité de comptable de la commune de Lons-le-Saunier, par Mme X... pour l année 2012, ensemble les comptes annexes ; Vu l article 60 de la loi de finances n 63-156 du 23 février 1963 ; Vu le code des juridictions financières ; Vu le code général des collectivités territoriales ; Vu le décret n 62-1587 du 29 décembre 1962 portant règlement général sur la comptabilité publique alors en vigueur ; Vu le décret n 2012-1386 du 10 décembre 2012 portant application du deuxième alinéa du VI de l article 60 de la loi de finances de 1963 modifié dans sa rédaction issue de l article 90 de la loi n 2011-1978 du 28 décembre 2011 de finances rectificative pour 2011 ;
2 / 6 Vu le jugement de la chambre régionale des comptes de Bourgogne, Franche-Comté n 2015-0005 du 28 juillet 2015 ; Vu le rapport n 15-181 du 13 octobre 2015 de M. Nicolas Ferru, premier conseiller, magistrat chargé de l instruction ; Vu les conclusions n 2015.181 du 14 octobre 2015 de M. Jérôme Dossi, procureur financier ; Vu les pièces du dossier ; Entendu lors de l audience publique du 5 novembre 2015 M. Nicolas Ferru, premier conseiller en son rapport, M. Jérôme Dossi, procureur financier, en ses conclusions ; le comptable, informé de la tenue de cette dernière, n étant ni présent ni représenté ; Sur la procédure Attendu que par jugement avant-dire droit n 2015-0005 du 28 juillet 2015, la Chambre régionale des comptes de Bourgogne, Franche-Comté a relevé que le caractère contradictoire de la procédure n avait pas été respecté ; qu en effet, la production de la réponse de la comptable en date du 12 décembre 2014 n avait pas été notifiée à l ordonnateur, contrairement aux dispositions des articles L. 242-1 et R. 242-4 III du code des juridictions financières ; qu elle a renvoyé l affaire devant le magistrat instructeur pour complément d instruction et sursis à la décharge de Mme X... pour l exercice 2012 ; Attendu que ce jugement a été notifié à l ordonnateur par courrier du 28 juillet 2015 reçu le 29 juillet 2015 ; que ce courrier était accompagné de la réponse de la comptable en date du 12 décembre 2014 ; qu ainsi l ordonnateur a été non seulement informé de la production d observations, mais également rendu destinataire de ces observations ; qu ainsi la caractère contradictoire de la procédure a été respecté, conformément aux dispositions des articles L. 242-1 et R. 242-4 III du code des juridictions financières ; Sur l unique présomption de charge soulevée à l encontre de Mme X... au titre de l exercice 2012 : Attendu que, par le réquisitoire susvisé, le procureur financier a saisi la chambre régionale des comptes de Bourgogne, Franche-Comté de la responsabilité encourue par Mme X... à raison de la prise en charge, au cours de l exercice 2012, de trois mandats destinés à permettre le versement d une subvention de 42 000 à l association Y... (mandat n 323 d un montant de 42 000 ) et d une subvention de 32 000 à l association Z... (mandats n 755 et 2311 d un montant de 16 000 chacun), en l absence de la convention prévue par l article 10 de la loi n 2000-321 du 12 avril 2000 relative aux droits des citoyens dans leurs relations avec les administrés et le décret n 2001-495 du 6 juin 2001 relatif à la transparence financière des aides octroyées par les personnes publiques pour tout paiement de subvention supérieur à 23 000 ;
3 / 6 Attendu que la comptable a indiqué qu au cours de l exercice 2012, elle ne disposait pas des conventions ; que par délibération du 15 avril 2013, le conseil municipal a autorisé la signature de conventions, dont elle a produit des copies ; Attendu que par courrier du 30 juillet 2015, reçu le 1 er août 2015, le rapporteur a sollicité les observations de l ordonnateur ; qu aucune réponse n est parvenue à la chambre ; Attendu que dans ses conclusions, le procureur fait valoir que pour procéder au paiement des subventions en cause, d un montant supérieur à 23 000, la comptable devait disposer des conventions prévues par l article 10 de la loi n 2000-321 du 12 avril 2000 relative aux droits des citoyens dans leurs relations avec les administrés et le décret n 2001-495 du 6 juin 2001 relatif à la transparence financière des aides octroyées par les personnes publiques ; que la production de conventions postérieures aux paiements n est pas de nature à régulariser l absence de production de pièces à la date du paiement ; que par suite, la comptable, qui a procédé aux paiements sans disposer des pièces justificatives requises, a engagé sa responsabilité ; Attendu que l article 10 de la loi n 2000-321 du 12 avril 2000 relative aux droits des citoyens dans leurs relations avec les administrations dispose que : «l'autorité administrative ou l'organisme chargé de la gestion d'un service public industriel et commercial mentionné au premier alinéa de l'article 9-1 qui attribue une subvention doit, lorsque cette subvention dépasse un seuil défini par décret, conclure une convention avec l'organisme de droit privé qui en bénéficie, définissant l'objet, le montant, les modalités de versement et les conditions d'utilisation de la subvention attribuée» ; que l article 1 du décret n 2001-495 du 6 juin 2001 relatif à la transparence financière des aides octroyées par les personnes publiques pris pour l application de l article 10 de la loi précité dispose que : «l'obligation de conclure une convention, prévue par le troisième alinéa de l'article 10 de la loi du 12 avril 2000 susvisée, s'applique aux subventions dont le montant annuel dépasse la somme de 23 000 euros» ; que l article D. 1617-19 du code général des collectivités territoriales précise au paragraphe 72 les pièces que le comptable doit obtenir à l appui du paiement des subventions : «721. Cas général. / 7211. Premier paiement. / 1. Décision [ ] ou s agissant de la Corse, arrêté du président du conseil exécutif définis comme suit: / Lorsque la décision intervient à l occasion de l adoption du budget, dans les conditions définies au deuxième alinéa de l article L 2311-7 du CGCT, référence sur le mandat au budget arrêtant le bénéficiaire et le montant ; / Dans les autres cas, décision arrêtant le bénéficiaire et le montant ainsi que l objet et, le cas échéant, les conditions d octroi et les charges d emploi ; / 2. Le cas échéant, justifications particulières exigées par la décision. / 3. Le cas échéant, convention entre le bénéficiaire et la collectivité [voir note 3][ ] / Note 3 : Notamment au regard des dispositions de l article L 1523-7 du code général des collectivités territoriales. En outre, les dispositions combinées de l article 10 de la loi n 2000-312 du 12 avril 2000 et du décret n 2001-495 du 6 juin 2001 imposent la production d une convention passée entre l autorité administrative versante et l organisme de droit privé bénéficiaire, pour toute subvention d un montant supérieur à 23 000» ;
4 / 6 Attendu qu il résulte de ces dispositions que pour procéder au paiement de subventions d un montant supérieur à 23 000, le comptable devait disposer des conventions passées entre la commune et l association bénéficiaire ; Attendu que les deux mandats n 755 et 2311 d un montant de 16 000 chacun relèvent manifestement d une même subvention ; qu en effet, le conseil municipal, dans sa séance du 19 décembre 2011, a approuvé l attribution d une seule subvention de 32 000 à l association Z... ; que le montant de cette subvention est supérieur à 23 000 ; Attendu qu au moment des paiements, la comptable ne disposait d aucune convention ; que la production de conventions postérieures n est pas de nature à régulariser l absence de production de pièces à la date du paiement ; Attendu qu en omettant d exiger la production d une convention alors que les paiements en cause dépassaient 23 000, la comptable n a pas procédé au contrôle de la production des pièces justificatives, qui est exigé au titre du contrôle de la validité de la créance, notamment le contrôle de la production des pièces justificatives, contrôle qui lui incombait en application des articles 12-B et 13 du décret n 62-1587 du 29 décembre 1962 portant règlement général sur la comptabilité publique, alors applicable ; qu aux termes de l article 60-I de la loi n 63-156 du 23 février 1963 modifiée, les comptables publics sont personnellement et pécuniairement responsables des contrôles qu ils sont tenus d assurer en matière de dépenses dans les conditions prévues par le règlement général sur la comptabilité publique ; que cette responsabilité se trouve engagée dès lors qu une dépense a été irrégulièrement payée ; que par suite, Mme X..., en procédant aux paiements sans disposer des pièces justificatives requises, a engagé sa responsabilité ; Sur l existence d un préjudice financier Attendu que l article 60-VI de la loi n 63-156 du 23 février 1963 dans sa rédaction issue de l article 90 de la loi n 2011-1978 de finances rectificatives pour 2011 dispose que : «lorsque le manquement du comptable aux obligations mentionnées au I n a pas causé de préjudice financier à l organisme public concerné, le juge des comptes peut l obliger à s acquitter d une somme arrêtée, pour chaque exercice, en tenant compte des circonstances de l espèce. Le montant maximal de cette somme est fixé par décret en conseil d Etat en fonction du niveau des garanties mentionnées au II. / Lorsque le manquement du comptable aux obligations mentionnées au I a causé un préjudice financier à l organisme public concerné ou que, par le fait du comptable public, l organisme public a dû procéder à l indemnisation d un autre organisme public ou d un tiers ou a dû rétribuer un commis d office pour produire les comptes, le comptable a l obligation de verser immédiatement de ses deniers personnels la somme correspondante» ; Attendu que ni la comptable ni l ordonnateur ne se sont exprimés sur l existence ou non d un préjudice financier ;
5 / 6 Attendu que dans ses conclusions, le procureur financier fait valoir que ni le législateur ni le pouvoir réglementaire n ont précisé la notion de préjudice financier ; qu il appartient au juge financier, sous le contrôle du juge de cassation, de préciser les contours de cette notion ; que devant les juridictions judiciaires et administratives, la notion de préjudice se définit par son caractère direct et certain ; que l exigence d un préjudice certain exclut la réparation d un préjudice éventuel ; que la conclusion des conventions prévues par la loi a pour objet de permettre à l administration de s assurer du bon emploi des subventions ; que l absence de convention expose la commune à un risque financier ; que pour autant, le fait que l organisme soit exposé à un risque financier ne suffit pas pour considérer qu il subit un préjudice financier ; Attendu que la convention visée à par l article 10 de la loi n 2000-321 du 12 avril 2000 relative aux droits des citoyens dans leurs relations avec les administrations a pour objet de définir «l'objet, le montant, les modalités de versement et les conditions d'utilisation de la subvention attribuée» ; que certains de ces renseignements figuraient sur les pièces à disposition du comptable public ; qu ainsi, le montant des subventions accordées et leur objet étaient indiqués dans la délibération du 19 décembre 2011 ; que toutefois, ces engagements n étaient pas contractuels ; que les modalités de versement et les conditions d utilisation des subventions n étaient pas déterminés ; qu en l absence de convention, les moyens de contrôle, par la commune, du bon emploi des subventions accordées se sont trouvés amoindris ; qu elle a ainsi été exposée à un risque financier ; Attendu toutefois que le fait que la commune soit exposée à un risque financier ne suffit pas pour considérer qu elle a subi un préjudice financier ; que le risque de mauvais emploi des subventions accordées est resté éventuel ; que le préjudice financier subi par la commune n est donc pas avéré ; Attendu qu il résulte de l analyse qui précède que le manquement de la comptable n a pas causé de préjudice financier à la commune ; Sur la somme mise à la charge de la comptable Attendu qu aux termes des dispositions du deuxième alinéa du paragraphe VI de l article 60 de la loi du 23 février 1963 susvisée, «lorsque le manquement du comptable [ ] n a pas causé de préjudice financier à l organisme public concerné, le juge des comptes peut l obliger à s acquitter d une somme arrêtée, pour chaque exercice, en tenant compte des circonstances de l espèce» ; que le décret du 10 décembre 2012 susvisé, fixe le montant maximal de cette somme à un millième et demi du montant du cautionnement prévu pour le poste comptable ; Attendu que le montant du cautionnement prévu pour le poste comptable considéré pour l exercice 2012 est fixé à 234 000 ; qu ainsi le montant maximum de la somme susceptible d être mise à la charge de Mme X... s élève à 351 ; Attendu que la comptable n a présenté aucun argument de nature à atténuer sa responsabilité ; qu il sera fait une juste appréciation des circonstances de l espèce, notamment de la signature de conventions postérieurement aux dates de paiement des mandats litigieux, en obligeant le comptable à s acquitter d une somme non rémissible de 300 euros.
6 / 6 Par ces motifs, DÉCIDE : Article 1 er : Mme X... devra s acquitter d une somme de 300, en application du deuxième alinéa du paragraphe VI de l article 60 de la loi n 63-156 du 23 février 1963 ; cette somme ne peut faire l objet d une remise gracieuse en vertu du paragraphe IX de l article 60 précité. Article 2 : La décharge de Mme X... ne pourra être donnée qu après apurement de la somme à acquitter, fixée ci-dessus. Fait et jugé à la chambre régionale des comptes de Bourgogne, Franche-Comté réunie en formation plénière. M. Roberto SCHMIDT, président, Mme Catherine SANCHEZ, présidente de section, M. Vladimir DOLIQUE, premier conseiller, M. Nicolas SACHOT, conseiller, M. Julien OGER, conseiller. Signé : Mireille GREGOIRE, greffière et Roberto SCHMIDT, président de la chambre régionale des comptes de Bourgogne, Franche-Comté. Collationné, certifié conforme à la minute déposée au greffe de la chambre régionale des comptes de Bourgogne, Franche-Comté. La secrétaire générale, Marie-Christine MEYER En conséquence, la République française mande et ordonne à tous huissiers de justice, sur ce requis, de mettre ledit jugement à exécution, aux procureurs généraux et aux procureurs de la République près les tribunaux de grande instance d y tenir la main, à tous commandants et officiers de la force publique de prêter main-forte lorsqu ils en seront légalement requis. Voies et délais de recours En application des articles R. 242-14 à R. 242-16 du code des juridictions financières, les jugements prononcés par la chambre régionale des comptes peuvent être frappés d appel devant la Cour des comptes dans le délai de deux mois à compter de la notification, et ce selon les modalités prévues aux articles R. 242-17 à R. 242-19 du même code. Ce délai est prolongé de deux mois pour les personnes domiciliées à l étranger. La révision d un jugement peut être demandée après expiration des délais d appel, et ce dans les conditions prévues à l article R. 242-26 du même code.