La Guerre de 14-18 par Alain Sauger Agrégé d histoire Vue par les magazines de l époque. Sommaire La Guerre de 14-18... 1 I. La guerre idéale, août 1914 printemps 1915 :... 1 A. Il y a un besoin d images :... 2 A. L origine des photographies :... 3 B. De la guerre attendue à celle qu on ne pouvait imaginer :... 3 II. Deuxième période : 1915-1918 ; la guerre que personne n avait imaginée :... 5 I. 1918 : La victoire du bon droit :... 6 A. Effets durables de la guerre :... 7 B. La violence banalisée, le pacifisme :... 7 C. Violence et victimisation :... 7 D. Les réparations :... 7 E. L évolution de la conception de la nation française :... 7 Raccourci de l histoire : En juillet 2008, huit soldats français, volontaires, étaient tués en Afghanistan. L évènement semble si considérable au XXI ème siècle, que le président de la République en parle. On peut donc se demander comment il y a moins d un siècle la société française de 1914 a-telle pu supporter que plus de 1 000 soldats meurent en moyenne chaque jour? (On a parlé pour la première fois dans un conflit, de «boucherie»). On a pensé que les gens ne savaient pas : c est bizarre, car les «poilus» écrivaient beaucoup de lettres. Il y avait beaucoup de magazines illustrés ; mais qu est-ce que les gens y voyaient? La première guerre mondiale, vue par la presse illustrée française, peut se décrire en quatre périodes : La guerre idéale, au début La guerre que personne n avait imaginée : printemps 1915 1917 1917 : tous ensemble, tenir avec les héros de la nation martyre. 1918 : la victoire du bon droit. I. La guerre idéale, août 1914 printemps 1915 : Dans leur mise en récit de la guerre, les historiens ont tour à tour privilégié : L héroïsme des soldats : mais pour essayer de comprendre que la société accepte tous ces sacrifices, tous ces morts, ce n est pas le bon outil. La stratégie : ce n est pas encore le bon outil. 1 / 7
La mobilisation économique : toujours pas le bon outil. La culture de guerre : Par culture de guere, on entend l ensemble des pratiques et des représentations des acteurs en temps de conflit, qui diffèrent de celles des temps de paix et leur permettent de donner un sens à cette guerre. Pratiques : en temps de guerre, il devient bon de tuer son voisin ; après la guerre, il va falloir se réadapter Représentation des acteurs : on va ici montrer, non la réalité, mais la représentation de la guerre qu on en a faite pour recueillir l acceptation par la société. Bécassine, n est plus la petite bonne un peu «gaffeuse» qui découvre les rites de la bourgeoisie parisienne ; elle a changé de statut. Comment les images diffusées par la presse illustrée ont elles pu influencer les esprits? C est une guerre qui a donné lieu à un très grand nombre d images ; des salles d archives en sont pleines (images souvent inexploitées), ainsi que nombre de grenier de particuliers. A. Il y a un besoin d images : À l époque, il n y a pas de radio ni de télévision. On fait confiance à ces images, à ces photographies. Comme la guerre dure, on a besoin d avoir des nouvelles des proches : ce seront, entre autres, les images pour les mères, pères, fiancées Cela crée un marché important pour les hebdomadaires. Les magazines existent aussi en nombre. 2/7
Certains comme Les Annales ou L Illustration sont chers, car imprimés sur un beau papier qui a résisté au temps ; d autres comme J ai vu sont par contre beaucoup moins chers et peuvent être lus par un grand nombre de lecteurs. Ils donnent tous une image, un aspect de la guerre. La France illustrée : pendant la guerre, on ne parle que de la guerre. La Nature : évocation d un problème écologique : comment trouve-t-on de la laine? Le Miroir : créé par Le Matin, qui deviendra Le Monde après la guerre ; il est composé uniquement de photos. A. L origine des photographies : Une minorité est d origine officielle. Il y a le problème de la censure, mais en fait, peu de photos sont censurées. Souvent on assiste à une autocensure : on produit ce que la population attend. Beaucoup de photos sont d origine privée ; les magazines manquant de photos paient les photos privées qui les intéressent. À partir de 1915, les techniques utilisées dans les appareils photos évoluent ; on passe des photos sur plaques photographiques, aux photos sur pellicules en rouleaux (c est interdit, mais de plus en plus utilisé). On peut prendre des photos «sur le vif». Le Miroir paie 30 000 F (l équivalent de 1500 journées de travail) les premières photos. Les années passant, le prix des photos retenues montent. Blaise Cendrars a su en profiter. Les journaux publient en même temps que les photos, la copie de leur règlement. Quel crédit peut-on attribuer à ces photos? Par exemple sur cette photo publiée dans le Miroir en mars 1918, prise à la butte du Mesnil. On nous dit «on est en plein combat» ; or la photo est prise en contre-plongée, sur une plaque photographique. Pour la réaliser, le photographe aurait dû installer son appareil à plaque sur un trépied, au-dessus des tranchées, exposé au feu. Elle est donc fausse Comment montre-t-on la Guerre? B. De la guerre attendue à celle qu on ne pouvait imaginer : En 1914, 1915.. Gravure de Scott dans L Illustration en Septembre 1914 idem en avril 1915 on montre les victimes de la barbarie On nous présente une image aseptisée de la guerre complètement différente de la vraie guerre : en 1914 1915, les pertes sont énormes. 3/7
On met en scène le légitime retour de l Alsace à la France. Pendant quelques jours, au début de la guerre, les troupes françaises avaient pénétré en Alsace. Le crucifix, après la séparation de l Église et de l État, pour suggérer la réconciliation (voir «La Dernière Classe» publiée en 1870. C est l Allemagne qui avait déclaré la guerre à la France ; donc celle-ci se défend. On montre de «glorieuses offensives». De nouveau, la photo primée est plus symbolique que réelle. On distingue les cuirassiers de Reichshoffen (allusion à une charge de 1870). On montre une image aseptisée de la guerre. Or à cette époque se déroule la bataille de la Marne. «Nos alpins lancent des rocs sur l ennemi» : allusion à Roland à Roncevaux. On montre un type de tranchée modèle. Humour : «Maintenant que nous sommes masqués, nous pouvons aller dans les balles» : allusion aux masques à gaz. Sous les obus, le travail continue. Pendant ce temps, on présente un ennemi diabolisé. Les Allemands sont représentés comme des sauvages, ils se déguisent en femmes ; «comment ils font la guerre en dentelles».. On représente une guerre menée par un soldat, défenseur des valeurs de la république. On montre une guerre conforme à toutes les images construites avant-guerre. Nos officiers savent sourire devant la guerre. 4/7
II. Deuxième période : 1915-1918 ; la guerre que personne n avait imaginée : Il y a énormément de morts. On va maintenant montrer : Une guerre mécanique : on va faire croire aux gens que l artillerie fera moins de morts. Une guerre qui broie le paysage : les champs sont transformés, ravagés. Les soldats qui sont pour la plupart des paysans y sont très sensibles. Par ailleurs, les arbres déchiquetés habituent la société aux images de mort, et par analogie, aux soldats morts. Le martyre pour la patrie renvoie au martyre du christ : on peut voir des arbres qui ressemblent à des croix. Une guerre qui broie les hommes ; on introduit le thème de la violence. Ici les hommes ont disparu des photos ; on parle de «tranchée tragique». L arrière ne pourra plus dire qu il ne savait pas. Une guerre qui broie les corps. La guerre échappe à tout contrôle ; maintenant on est proche de la réalité. Le mort fait partie du paysage. On publie encore des photos «arrangées», mais elles montrent une guerre déshumanisée. La population commence à douter (des femmes se mettent en grève dans les usines, et il y a des mutineries sur le front). Images de 1917 C est une image dessinée. Ici le soldat est représenté debout ; Clémenceau vient d être nommé à la tête du pays, et Pétain dirige l armée. Pétain veut que l on considère le simple soldat comme un Homme ; il établit la rotation des troupes au contact en premières lignes, impose des périodes de repos. Ici le régiment revient de Verdun. On décore les héros, ou on les remercie, ou bien on reconnaît leur sacrifice. 5/7
«Nos soldats partent à l assaut» ; il n existe pas de film d attaque du front allemand. Les images sont prises comme si le spectateur était lui aussi avec les soldats. Quelques images de Douaumont. spectateur est partie prenante parmi les soldats. Le Dans une tranchée, on retrouve deux soldats : un français et un allemand (qui n est plus «le boche»). Ce sont des hommes qui se combattent et non des machines. III. 1918 : La victoire du bon droit : On libère Armentières. «Si on ne tient pas, voyez ce qu il peut arriver!» (L église détruite est un symbole. Le général Mangin sauve la vie de 10 000 civils. Les Etats-Unis viennent soutenir les troupes ; donc cette guerre est juste. L Américain vient apporter la paix. Alors que les Etats-Unis d Amérique, en la personne de Wilson, leur président, symbole de la morale et de la démocratie entre en guerre aux côtés de l Entente, le «traitre Lénine», qui vient de signer une paix séparée, aurait besoin de gardes du corps, pour le protéger, signe de sa non-représentativité. 6/7
A. Effets durables de la guerre : Des monuments aux morts sont érigés. On glorifie le don à la patrie, la mort en masse. Les monuments permettent de se souvenir des corps non retrouvés (monuments aux morts, tombe du soldat inconnu). Quels noms va-t-on mettre sur les monuments aux morts : les morts sur le champ de bataille, les personnes mortes après la fin du conflit des suites des blessures reçues pendant les combats? Les départements bretons ont plus souffert que le reste de la France : 21 à 22 % des soldats bretons, contre «seulement» 17% pour les soldats originaires du reste de la France. Les Bretons étaient jeunes, donc plus souvent envoyés en première ligne. Ce fait fut plus tard utilisé pour relancer l identité bretonne. Le mémorial de Sainte-Anne d Auray est érigé en 1927 ; ce sont en réalité 115 000 à 130 000 soldats qui y sont représentés. L Église essaie de redevenir un élément clé dans la société. Certains mouvements se retrouveront en mauvaise part lors de la deuxième guerre mondiale. B. La violence banalisée, le pacifisme : Des soldats issus des corps francs intégreront des brigades fascistes : ceux-là ne peuvent plus se réhabituer à la vie civile (phénomène illustré dans le film «Capitaine Conan»). C. Violence et victimisation : Les anciens combattants exigent certaines choses et se manifestent. En 1936, certains marcheront sur la chambre des députés. D. Les réparations : L Allemagne doit payer! Les Allemands trouvent qu on exagère. E. L évolution de la conception de la nation française : On sanctifie Jeanne d Arc avant de consacrer le Soldat Inconnu. On assiste à une ethnicisassions du conflit qui va aussi expliquer en partie l ampleur de l exode de 1940. La mémoire du conflit va véhiculer des sentiments qui auraient préparé la revanche de 1939. 7 / 7