Production d Eau Chaude Sanitaire (ECS) solaire dans les établissements de santé (ETS) et les établissements sociaux et médico-sociaux (ESMS) Résumé : Ne pas stocker d ECS à une température comprise entre 25 C et 55 C. Aucun préchauffage de l'eau sanitaire ne doit être prévu. En cas de récupération d énergie (solaire, condensats de fumée ), privilégier des solutions stockant l énergie dans une eau non sanitaire et transférant l énergie à l ECS par échange instantané. Le cahier des charges d une installation neuve de production d ECS doit prévoir des garanties en matière de lutte contre les légionelles. Il convient de purger les réseaux d eau après le test de bon fonctionnement et ceux-ci doivent faire l objet d une désinfection avec obligation de résultats (absence de germes pathogènes) avant l accueil du public. Si l ECS contenue dans les équipements de stockage existants n est pas maintenue en permanence à une température supérieure à 55, une vigilance supplémentaire est nécessaire afin de maîtriser le risque de prolifération des légionelles. Introduction La France s est engagée à diviser ses émissions de gaz à effets de serre par 4 d ici 2050. Le recours à l énergie solaire s impose comme une nécessité et une opportunité pour atteindre cet objectif. Toutefois, l exploitation de l énergie solaire ne doit pas se faire au dépend de la sécurité sanitaire. Par ailleurs, avant toute démarche de conception d une installation de production d ECS par énergie solaire, il faut également se rappeler que le management énergétique est une démarche en 3 étapes : 1- Sobriété : Réduction des besoins par suppression des gaspillages 2- Efficacité : Réduction des pertes par l isolation, l amélioration de l existant, 3- Energie renouvelable : Investissement dans une nouvelle production Il est inopportun de passer directement à la troisième étape. Le guide de conception des installations collectives de production d ECS par l énergie solaire de l ADEME rappelle page 10 que «sauf cas particuliers, la recherche de la rentabilité à terme d une installation est généralement illusoire en l absence d aides ou de subventions». Gestion du Fond chaleur Une subvention peut être accordée par l ADEME pour les productions solaires collectives >400kWh/m2/an avec une surface de capteurs >50m2 sous condition d un Garanti Résultat Solaire (GRS). Le GRS prend en compte la consommation en eau, la production solaire mais aussi la production d appoint et les consommations auxiliaires. Le financement de l ADEME est destiné à aider des initiatives environnementales et ne peut pas porter sur des installations prévues pour le respect de la réglementation Thermique 2012 (RT2012)
Risques sanitaires liés à l installation de production d eau chaude sanitaire (ECS) Les deux risques sanitaires principaux pouvant être occasionnés par l Eau Chaude Sanitaire (ECS) sont : - Le risque de brûlure : ce risque doit être maîtrisé sur le circuit de distribution (mitigeurs au plus près des points d usage), - Le risque de développement des légionelles. Les personnes immunodéficitaires, personnes âgées, personnes souffrantes d affection respiratoire sont les plus exposées au risque de légionellose. L inhalation de gouttelettes d eau contaminées est à l origine de la maladie. Les installations concernées sont donc celles où il y «pulvérisation» d eau, telles que les Tours aéro-réfrigérantes (TAR), les douches (Installations ECS), les stations de lavage, etc. Les patients des établissements de santé (ETS) et des établissements sociaux et médicosociaux d'hébergement pour personnes âgées (ESMS) sont donc particulièrement exposés à ce risque lors des toilettes. Afin de maîtriser au mieux ces deux risques, les établissements recevant du public doivent respecter les prérogatives de l arrêté du 30 novembre 2005 modifiant l article 36 de l'arrêté du 23 juin 1978 relatif aux installations fixes destinées au chauffage et à l alimentation en ECS, complété par la circulaire d application du 3 avril 2007. NB : Toutes les dispositions réglementaires de cet arrêté sont opposables pour les productions réceptionnées après le 15 décembre 2006. Elles sont fortement recommandées pour les installations plus anciennes. Contexte réglementaire pour les ETS et les ESMS L arrêté du 30 novembre 2005 modifiant l'arrêté du 23 juin 1978, complété par la circulaire du 3 avril 2007 relatifs aux installations fixes destinées au chauffage et à l'alimentation en eau chaude sanitaire des bâtiments d'habitation, de bureaux ou locaux recevant du public, indique : «lorsque le volume total des équipements de stockage est supérieur ou égal à 400 litres, l eau contenue dans les équipements de stockage, à l exclusion des ballons de préchauffage, doit être en permanence à une température supérieure ou égale à 55 C à la sortie des équipements» Cela sous-entend qu il est autorisé de disposer de ballons de préchauffage à une température inférieure à 55 C. Cet arrêté n'impose pas de température minimum dans ces ballons, mais seulement en sortie des équipements. Pour autant, les circulaires DGS/SD7A/SD5C-DHOS/E4 n 2002/243 du 22 avril 2002 et DGS/SD7A/DHOS/E4/DGAS/SD2/2005/493 du 28 octobre 2005 relatives à la prévention du risque lié aux légionelles dans les établissements de santé (ETS) d une part et dans les établissements sociaux et médico-sociaux (ESMS) d'hébergement pour personnes âgées d autre part préconisent (fiche 1) la suppression de tous les réservoirs de stockage préchauffé ou non à une température inférieure à 55 C car ils favorisent le développement bactérien.
Productions d eau chaude solaires favorisant le développement des légionelles Le risque de développement des légionelles, lié aux températures variables du stockage solaire, est à prendre en compte dès la conception. Les ballons solaires qui stockent de l eau sanitaire peuvent être considérés comme des ballons de pré-chauffage. La température dans ces ballons est très fluctuante car fonction de la luminosité : Elle est basse la nuit, les jours de faible ensoleillement et d une façon générale en période hivernale. Le maintien des 55 C en permanence au sein de ces ballons ne peut par conséquent pas être assuré par la simple énergie solaire. Ce schéma de principe 1 est le plus fréquemment proposé pour des raisons de rendement énergétique et de moindre coût d investissement. Il présente pourtant un risque sanitaire important et ne répond pas aux préconisations réglementaires exigées pour les ETS et les ESMS. En effet, le premier ballon est le plus souvent à une température favorable au développement des légionelles (entre 25 et 45 C) car dépendant de l ensoleillement. Par ailleurs, le temps de passage de l ECS dans le second ballon, qui bénéficie d un appoint énergétique extérieur, peut être insuffisant pour tuer toutes les légionelles potentiellement présentes dans le premier ballon. Par conséquent, même si le second ballon est en permanence à 60 C, des légionelles peuvent arriver dans le circuit de distribution, notamment lors des toilettes, période pendant laquelle le débit d ECS demandé est important. Schéma de principe 1 Productions d eau chaude solaires adaptées aux ETS et ESMS Les circulaires de 2002 et de 2005, demandent la suppression des ballons de stockage à une température inférieure à 55 C. La production solaire doit par conséquent disposer d une technologie permettant de s affranchir d une capacité de stockage d Eau Chaude Sanitaire (ECS) solaire.
Deux solutions techniques peuvent être envisagées : 1- Stockage en eau technique (schéma 2) : L énergie solaire est stockée dans une eau non sanitaire et transférée à l ECS par échange instantané (échangeur à plaques). Un appoint d énergie complémentaire (gaz, électricité ) doit alors être apporté à l'ecs pour s'affranchir des fluctuations de température du primaire solaire et permettre le respect permanent des températures réglementaires (second ballon). Schéma de principe 2 Dans cette configuration, la régulation doit être la plus simple possible afin de faciliter la maintenance. Il est conseillé de réaliser une régulation efficace et rapide sur la température en sortie de l échangeur de préchauffage afin de la limiter à 60 C (à l aide d une vanne 3 voies côté solaire par exemple). Le retour de boucle devra être piqué en aval immédiat de l échangeur à plaques et d un clapet afin d entrainer l eau préchauffée rapidement sur l appoint et profiter au maximum du préchauffage, même sur les courts puisages. Vis-à-vis de la maintenance et des coûts d investissement, cette solution permet en outre de stocker l eau solaire dans des ballons en acier noir non équipés de systèmes de contrôle et de revêtement anticorrosion onéreux, ce qui permet de réduire fortement les coûts liés aux ballons, à la maintenance (pas de chasse hebdomadaires ni de détartrage annuel) et d accroitre même fortement la durée de vie des ballons.
2- Stockage par fluide technique avec échangeur intégré (schéma 3) La quantité d eau sanitaire préchauffée dans le ballon solaire est nettement inférieure à 400 litres (production instantanée) et passe ensuite dans d autres préparateurs d ECS d appoint. Le circuit de charge du préchauffage doit être branché en point bas du ballon pour ne pas engendrer une rupture de la stratification en température et le réchauffage du circuit solaire. Le dimensionnement de cette installation doit être précis pour éviter les risques sanitaires. Schéma de principe 3 Dans cette configuration, le préchauffage est non régulé (échangeur immergé dans un réservoir pouvant dépasser 70 C). Il est donc nécessaire de prévoir un mitigeage en départ ECS (réglable à 60 C). Note : En cas d'un seul ballon avec complément de chauffage, le chauffage solaire perdrait beaucoup de son intérêt et le condamnerait pratiquement. En effet, avec une température du ballon à 55/60 C, le rendement d'échanges thermiques entre le solaire et l'ecs à réchauffer serait très faible, voir parfois négatif (fonctionnement à l'envers). Si d autres solutions techniques sont proposées il faut demander à l installateur des garanties sur les températures en référence aux textes réglementaires cités ci-dessus.
Préconisations pour les ballons solaires déjà existants Si des ballons de pré-chauffage solaires sont présents dans les ETS et ESMS (non application des circulaires), il est indispensable de surveiller ces équipements vis-à-vis du développement des légionelles : - Enregistrement en continu de la température - Réalisation de chasses hebdomadaires - Réalisation d analyses légionelles au minimum annuellement Tout ballon solaire collectif qui contient de l eau sanitaire non maintenue en permanence à 55 C doit bénéficier de l élévation quotidienne de température fixée par l arrêté du 30 novembre 2005, quelles que soient les conditions météo : 2 minutes pour une température supérieure ou égale à 70 C, 4 minutes à 65 C ou 60 minutes à 60 C. (Attention, la disposition ci-dessus ne concerne pas les ballons de préchauffage, en effet cela couterait plus cher énergétiquement de faire un choc thermique la nuit que de supprimer simplement le préchauffage solaire). Par ailleurs la production solaire existante peut être optimisée par : - la suppression des défauts hydrauliques : positionnement du retour de boucle et du mitigeur notamment (cf. ci-dessous), - l amélioration du temps de séjour et de la température dans le ballon de chauffe - l utilisation de l eau préchauffée pour des usages non sanitaires lors des périodes de faible ensoleillement (appoint d eau de piscine, chauffage basse température, ) La contribution des constructeurs est importante pour améliorer la conception et la régulation des installations. Défauts hydrauliques couramment observés : Le retour de boucle ne doit pas s effectuer sur le ballon solaire mais sur le ballon de chauffe. Le mauvais positionnement du retour ECS entrainerait l homogénéisation de l eau mitigée dans l ensemble du réseau et le réchauffage du circuit solaire. Par conséquent le rendement énergétique de la production solaire serait amoindri puisqu une grande partie du réchauffement de l eau serait apporté par la circulation d ECS.
Par ailleurs une attention particulière est à apporter au positionnement et au branchement du mitigeur thermostatique s il est centralisé. Un retour de boucle uniquement positionné sur l appoint de chauffe ne permet pas un fonctionnement hydraulique satisfaisant : En absence de soutirage, aucun appoint d eau n arrive sur le ballon de chauffe et la circulation d ECS via le mitigeur se retrouve bloquée. Il est nécessaire de placer le retour ECS sur l appoint d eau froide du mitigeur en plus de l appoint de chauffe afin de maintenir la circulation en absence de soutirage. Celle-ci est assurée grâce à la pompe de recirculation sans que l ECS ne passe par le ballon. X Il peut également être envisagé de placer le mitigeur thermostatique en sortie de ballon solaire. Si la prolifération des légionelles ne peut pas être maîtrisée par ces moyens, il est nécessaire d envisager des travaux afin que l eau contenue dans le ballon solaire devienne une eau technique : mise en place d un échangeur à plaque pour la séparer de l eau chaude sanitaire. NB : De telles modifications ont déjà été réalisées avec succès en reconvertissant les ballons existant et en rajoutant un échangeur (mais il faut compter environ 10 à 20 000 pour une opération de ce type sur un établissement de 100 lits environ).
Dimensionnement d une production solaire Pour assurer la performance d une production solaire, il est préférable de sous-estimer les consommations plutôt que de les surestimer. Lorsqu il s agit d un établissement existant, on procédera autant que possible à des mesures de consommation préalables. Les consommations des ETS et des ESMS peuvent varier énormément en fonction de la population (de 40 à 90 litres d eau à 60 C par jour et par occupant) et de l encadrement (diminution d un facteur 4 dans les EHPAD qui ont une équipe d encadrement suffisante). Le stockage dans les ballons solaires doit être dimensionné pour une consommation quotidienne : le volume de stockage doit être renouvelé toutes les 24h et porté à une température d au moins 60 C avant distribution : cf. circulaire du 3 avril 2007. Les calculs de pré-dimensionnement de l étude de faisabilité peuvent être réalisés avec la méthode SOLO 2000, qui est la transcription informatique de la «méthode mensuelle d Evaluation des performances thermiques des installations solaires de production d eau chaude sanitaire» développée par le CSTB avec le soutien de l ADEME. Il est téléchargeable gratuitement sur les sites internet suivant : - CSTB : http://enr.cstb.fr/webzine/preview.asp?id_une=241 - TECSOL http://www.tecsol.fr/st_fr/calc2b.htm. Cette étude de faisabilité devra également pendre en compte les arguments économiques (coût de l investissement, coût de l entretien et de la maintenance, coût d exploitation, temps de retour brut, aide à l investissement), et environnementaux (lutte contre l épuisement des ressources, diminution de l émission des gaz à effet de serre, durée de vie et élimination des capteurs solaires) avant d aboutir à l étude projet et à sa réalisation. Conclusion Il est nécessaire avant tout investissement dans une installation de production d eau solaire de rechercher une conception optimale de manière à : - optimiser le captage et le stockage de l énergie solaire - dissocier l énergie solaire et l énergie d appoint pour conserver un caractère strict de complémentarité - consommer en priorité l énergie solaire - limiter la consommation des auxiliaires électriques - prendre en compte les risques sanitaires (legionelles) - rendre la maintenance et l entretien aisé. Pour les ETS et les ESMS, les risques sanitaires ne doivent pas être négligés. Une installation à risque vis-à-vis du développement des légionelles nécessiterait la mise en place de modifications de conception et/ou la réalisation de traitements continus qui sont contraires aux motivations économiques et environnementales qui encouragent le recours aux énergies renouvelables.