#4164475 CCBE Session plénière Discours de bienvenue du Président de la Cour européenne des droits de l homme Dean Spielmann Palais des droits de l homme 30 novembre 2012 Madame la Présidente du Conseil des barreaux européens, Monsieur le Bâtonnier de Strasbourg, Mesdames et Messieurs, C est un grand plaisir pour moi de vous accueillir ici à la Cour européenne des droits de l homme pour cette séance plénière du Conseil des barreaux européens. Je connais l importance de votre organisation qui représente les barreaux de trente et un pays membres et onze pays associés et observateurs, soit environ un million d avocats européens. C est, je crois, la première fois que votre Conseil se réunit ici et je m en réjouis pour plusieurs raisons. D abord à titre personnel, il m est particulièrement agréable de vous recevoir en tant qu ancien avocat et ancien membre de votre organisation et plus particulièrement des deux comités : droit de l homme et droit pénal. J ai donc par le passé été étroitement impliqué dans vos travaux. Je suis heureux de voir dans cette salle de nombreux visages amis. Je ne suis d ailleurs pas le seul membre de la Cour à avoir exercé antérieurement la profession d avocat. De manière
générale, la composition de la Cour reflète bien la diversité des professions judiciaires. Des magistrats, des avocats et des professeurs de droit s y côtoient, contribuant, par la diversité de leur parcours, à enrichir notre juridiction. Mais au-delà de cet élément personnel, votre présence parmi nous revêt également un caractère symbolique. Elle me permet en effet de saluer l activité essentielle des Barreaux en faveur des droits et des libertés. Elle s inscrit dans une très longue tradition : je relisais il y a peu le Décret Impérial de 1810 régissant l exercice de la profession d avocat. L Empereur des Français qui avait rétabli le tableau des avocats y rappelait combien leur rôle était essentiel pour la manifestation de la vérité, pour la justice. Il indiquait aussi leur action en faveur des faibles et des opprimés. Les temps ont changé, mais l attachement de votre profession à ces valeurs demeure. Je pense notamment à ce que rappelle la Charte du Conseil des barreaux européens : l indépendance de l avocat, le respect de la confidentialité, la compétence professionnelle. Je sais qu hier, l un des thèmes abordés au cours de votre table ronde était précisément le rôle de l avocat devant notre Cour. La question est d autant plus importante que le fonctionnement de notre système confère aux avocats un rôle essentiel : comme vous le savez, notre Cour ne s autosaisit pas. Ce sont les requérants qui la saisissent et lui permettent ainsi d enrichir sa jurisprudence. Or, de facto, beaucoup de #4164475-2/7 -
requérants, en tout cas pour les affaires les plus importantes, sont représentés par des avocats. Ensuite, notre système repose sur la règle de l épuisement des voies de recours internes. Or, celle-ci oblige les requérants à soumettre d abord leurs griefs aux juridictions nationales. Elle a donc pour conséquence que, souvent, les affaires qui nous parviennent ont déjà été introduites par ministère d avocat. En effet, les affaires ont généralement été soumises à la plus haute juridiction au sein de chaque État et ces juridictions suprêmes connaissent le plus souvent le système de la représentation obligatoire par avocat. C est d ailleurs fréquemment l avocat ayant représenté son client devant la plus haute juridiction nationale qui saisira la Cour ultérieurement. C est dire le rôle fondamental que vous, avocats, jouez pour faire avancer notre jurisprudence et pour protéger les droits des justiciables. Il y a un autre point auquel j attache une grande importance et pour lequel votre rôle est essentiel : beaucoup de nos requérants sont des personnes vulnérables, des prisonniers par exemple, des personnes ayant fait l objet d un internement psychiatrique, des étrangers sur le point d être expulsés. Très souvent, le simple fait de revendiquer leurs droits leur paraît déjà un obstacle insurmontable. Seule une assistance juridique appropriée est de nature à leur permettre de voir leurs droits reconnus. Bien sûr, notre Cour doit respecter les principes du contradictoire et de l égalité des armes, et se garder d une justice qui serait partiale, même en faveur d une bonne cause. Cela étant, dans la #4164475-3/7 -
mesure où vous assistez des personnes qui sont souvent vulnérables, et peu informées de leurs possibilités juridiques, votre rôle est crucial. Chaque jour, en lisant la presse, on apprend qu un avocat, mécontent d une décision de justice, va saisir la Cour de Strasbourg. Pourtant, paradoxalement, notre système est mal connu et donne lieu, souvent en raison de sa méconnaissance par les requérants voire par leurs conseils, à un taux très élevé de décisions d irrecevabilité (par exemple pour cause de non-épuisement des voies de recours internes, d inobservation des délais). Là encore, les avocats peuvent jouer un rôle utile. Mieux défendre les droits garantis, et surtout ceux des plus démunis, n exclut pas le devoir de conseil. Je dirais même que les requêtes qui n ont aucune chance de succès détournent la Cour de son devoir principal, qui est de se concentrer sur les violations graves des droits de l homme, ou sur les problèmes nouveaux, ou se posant dans de nombreux pays. Il faut que les avocats le rappellent aux personnes qui les consultent. C est aussi pour cela que la Cour a récemment fait des efforts considérables en ce qui concerne sa politique de communication. Celle-ci vise notamment à faciliter votre travail et le rôle que vous jouez auprès des requérants. Il y a plusieurs domaines dans lesquels nous avons œuvré. Premièrement, le site web de la Cour, outil essentiel d information du public sur la Cour et ses activités a été considérablement enrichi. D abord, la nouvelle base de données HUDOC sur la jurisprudence de #4164475-4/7 -
la Cour, lancée récemment, en est un exemple réussi. La base HUDOC, devenue obsolète, exigeait une amélioration. Je crois que le nouveau système est beaucoup plus performant et c est essentiel. Ensuite, on trouve désormais sur le site, des informations sur la jurisprudence et la pratique de la Cour, ainsi que des conseils aux requérants sur la manière d introduire les requêtes. Je pense notamment au guide sur la recevabilité qui a reçu un excellent accueil. Ce guide a été traduit dans une vingtaine de langues. Très prochainement, nous publierons des informations sur la jurisprudence relative aux différents articles de la Convention qui garantissent les droits et libertés. Un premier volet consacré à l article 5 de la Convention, a déjà été préparé. On trouve aussi sur le site plus de 40 fiches thématiques qui traitent de différentes questions abordées dans la jurisprudence. Ces fiches ont été traduites en allemand, en russe et en polonais. Une traduction en turc sera bientôt disponible. La Cour a de même l intention de publier une version annotée de son règlement. Le travail sur cette publication est en cours depuis quelques temps et une première version est déjà utilisée au sein du greffe, l objectif étant de disposer d un texte prêt à publier en 2013. Enfin, la Cour a lancé un projet visant à proposer sur son site web un recueil de ses grands arrêts traduits dans les langues non officielles. Ce projet est financé par le Fonds fiduciaire pour les droits de l homme (Human Rights Trust Fund). #4164475-5/7 -
Deuxièmement, l informatique est également utilisé dans la communication avec les parties aux procédures menées devant la Cour. A cet égard, nous allons poursuivre le projet permettant aux requérants de communiquer avec le greffe par voie électronique. A l avenir, au moins pour ce qui est des affaires communiquées, la plupart des échanges entre les requérants et le greffe se feront par voie électronique. C est déjà le cas des échanges avec la plupart des agents des gouvernements via des sites internet sécurisés. Le Fonds fiduciaire pour les droits de l homme, que j ai déjà mentionné, a accepté de financer la mise en place d une unité de formation au sein du greffe. Ce projet, qui cible certains États en particulier, vise à fournir aux professionnels du droit (magistrats et avocats) une formation de haute qualité sur le droit de la Convention et à contribuer à la diffusion de la jurisprudence de la Cour. Depuis le début de l année 2012, quatre sessions de formation ont été organisées. Quatre autres sessions seront organisées en 2013. Madame la Présidente, Avant de conclure, permettez-moi de vous dire que j ai bien entendu votre souhait de voir établir des contacts réguliers entre le CCBE et la Cour afin de discuter de questions d intérêt commun sous la forme d un groupe de travail conjoint composé de juges, de membres du greffe et d avocats représentants du CCBE. Je souscris tout à fait à votre point de vue : une telle coopération sera très fructueuse. C est #4164475-6/7 -
pourquoi, j ai demandé à ma collègue Julia Laffranque de bien vouloir jouer ce rôle de trait d union entre notre Cour et le CCBE. Elle a accepté avec enthousiasme, ce dont je la remercie. Je tiens également à remercier Michal Kucera, juriste au greffe de la Cour, qui a contribué très efficacement à l organisation de cette journée à la Cour. Mesdames et messieurs, Notre coopération est particulièrement utile alors que la question de l adhésion de l Union est actuellement sur la table des négociations. Or, vos relations avec la Cour de justice de Luxembourg sont étroites. Une fois l adhésion intervenue, votre expérience sera certainement très utile. Dans la phase actuelle, ô combien délicate, votre soutien est précieux. Nous savons que nous pouvons compter sur vous. Merci de votre attention. #4164475-7/7 -