5 FÉVRIER 2016 D.15.0010.F/1 Cour de cassation de Belgique Arrêt N D.15.0010.F C. G., demanderesse en cassation, représentée par Maître Paul Alain Foriers, avocat à la Cour de cassation, dont le cabinet est établi à Bruxelles, avenue Louise, 149, où il est fait élection de domicile, contre INSTITUT PROFESSIONNEL DES AGENTS IMMOBILIERS, dont le siège est établi à Bruxelles, rue du Luxembourg, 16 B, défendeur en cassation, représenté par Maître Jacqueline Oosterbosch, avocat à la Cour de cassation, dont le cabinet est établi à Liège, rue de Chaudfontaine, 11, où il est fait élection de domicile.
5 FÉVRIER 2016 D.15.0010.F/2 I. La procédure devant la Cour Le pourvoi en cassation est dirigé contre la décision rendue le 4 mars 2015 par la chambre d appel d expression française de l Institut professionnel des agents immobiliers. Le conseiller Marie-Claire Ernotte a fait rapport. L avocat général Thierry Werquin a conclu. II. Le moyen de cassation La demanderesse présente un moyen libellé dans les termes suivants : Dispositions légales violées - article 22 du code de déontologie établi par l'institut professionnel des agents immobiliers, rendu obligatoire par l'arrêté royal du 27 septembre 2006 (article 1 er ), et, en tant que de besoin, article 1 er dudit arrêté royal du 27 septembre 2006 portant approbation du code de déontologie de l'institut professionnel des agents immobiliers ; - articles 5, 8 et 10 de la loi du 11 février 2013 organisant la profession d'agent immobilier ; - en tant que de besoin, article 4 de la loi-cadre relative aux professions intellectuelles prestataires de services, codifiée par l arrêté royal du 3 août 2007. Décisions et motifs critiqués La décision attaquée dit établi, dans le chef de la demanderesse, le grief 1 en tant qu'il est fondé sur l'article 22 du code de déontologie de l'institut professionnel des agents immobiliers et accorde à la demanderesse le
5 FÉVRIER 2016 D.15.0010.F/3 bénéfice de la suspension simple du prononcé de la sanction disciplinaire, le délai d'épreuve étant fixé à une période de trois ans à dater de la prononciation de la décision. La décision attaquée se fonde sur les motifs indiqués aux pages 2 à 5, considérés ici comme intégralement reproduits, et plus particulièrement sur les considérations suivantes : «La chambre exécutive retenait la motivation suivante : Quant au grief visé sous 1, il est reproché à [la demanderesse] d'avoir, pendant approximativement six ans et demi, collaboré avec un indépendant non agréé par l'institut, en l'espèce monsieur P. W. ; Les dénégations et prétentions de [la demanderesse] à cet égard ne résistent pas à l'analyse du dossier dès lors qu'il ressort notamment des pièces 14, 20, 26 et 27 du dossier de la procédure et même des pièces 1 à 18 du dossier de pièces de [la demanderesse] auxquelles la chambre [d appel] renvoie, que monsieur P. W., compagnon de [la demanderesse], co-fondateur avec elle de la s.p.r.l. Bureau d études W. dont il détient 90 p.c. des parts sociales et non agréé [par l Institut], a bien posé, inévitablement en qualité d'indépendant, depuis en réalité avant le 18 mai 2007, soit déjà à partir du 26 janvier de la même année, des actes juridiques et matériels liés à la profession de syndic auprès de l association des copropriétaires «Résidence Saint-Jean», à savoir propositions de services de gestion immobilière en qualité de syndic, signatures de convocations à des assemblées générales, présidences d'assemblées générales de copropriétaires, rédactions et signatures de procèsverbaux d'assemblées générales, signatures de contrats de travail et plus précisément de conventions de stage «Château Massart» (institut de formation notamment en immobilier) et de courriers engageant la société en rapport avec des actes relevant de la profession de syndic (...) ; Ces considérations, que la chambre d'appel fait siennes, sont exactes ; (...) Quant au grief visé sous 1, il est bel et bien établi ; En effet, il n'est pas contesté que des actes juridiques et matériels relevant de la profession de syndic ont été posés par monsieur P. W. en sa qualité de gérant de la s.p.r.l. Bureau d'études W., alors qu'il n'était ni inscrit à
5 FÉVRIER 2016 D.15.0010.F/4 l'ordre des architectes ni à l Institut ; ce constat ressort d'ailleurs des pièces du dossier relevées avec pertinence par la décision entreprise ; D'autre part, contrairement à ce que soutient [la demanderesse], il ne suffit pas qu'un des administrateurs désignés dispose des agréments et inscriptions nécessaires pour que les autres administrateurs ou gérants ou associés actifs, non agréés par l Institut, puissent poser des actes relevant de la profession réglementée de syndic d'immeubles, la circonstance qu'ils portent ou non le titre professionnel protégé étant sans incidence sur cette question ; La loi du 11 février 2013 organisant la profession d'agent immobilier n'a nullement modifié les règles énoncées par la loi-cadre du 1 er mars 1976 réglementant la profession du titre professionnel et l'exercice des professions intellectuelles prestataires de services (en réalité la loi-cadre relative aux professions intellectuelles prestataires de services, codifiée par l arrêté royal du 3 août 2007) mais a seulement ajouté la faculté, pour les personnes morales, de s'inscrire à l Institut ; Lorsque, comme en l'espèce, la personne morale n'est pas inscrite à l Institut, l'article 10, 2, 1, de la loi du 11 février 2013 - qui ne fait que retranscrire les principes antérieurement inscrits à l'article 4, alinéa 2, de la loi-cadre codifiée par l arrêté royal du 3 août 2007 - énonce que ses administrateurs, gérants ou associés actifs, qui exercent l'activité réglementée et qui ont la direction effective des départements au sein desquels l'activité est exercée, doivent être inscrits dans la colonne correspondante du tableau ou de la liste ; Quant au point 2 de cette disposition, aux termes duquel, à défaut de ces personnes, l'obligation visée au 1 s'applique à un administrateur ou un gérant ou un associé actif de la personne morale désignée à cet effet, il ne vise que l'hypothèse, non rencontrée en l'espèce, où aucun des administrateurs, gérants ou associés actifs de la personne morale n'exerce l'activité réglementée ni ne dirige les départements au sein desquels cette activité est exercée ; Les administrateurs, gérants et associés actifs exerçant l'activité réglementée étant irréfragablement présumés exercer cette activité à titre indépendant (même article), tout administrateur ou gérant ou associé actif qui
5 FÉVRIER 2016 D.15.0010.F/5 exerce l'activité réglementée dans le cadre d'une personne morale est tenu d'être personnellement inscrit à l Institut (in casu, dans la colonne des syndics) ; Il est donc bien établi que [la demanderesse] a exercé une activité réglementée d'agent immobilier en collaboration avec une personne pratiquant illégalement une telle activité (article 22 du code de déontologie de l Institut) ; le grief, en tant qu'il est fondé sur cette disposition, sera donc retenu ; (...) En résumé, les griefs 1 et 3 sont établis et constituent, le premier, un manquement à l'article 22 du code de déontologie de l Institut, le second, un manquement à l'article 20 du même code ; Toutefois, eu égard au fait que la situation a été régularisée en ce qui concerne tant les mentions à indiquer sur le site internet que l'exercice des activités de syndic par monsieur P. W., lequel est inscrit à l Institut depuis le 19 septembre 2013, à l'absence apparente d'intention malveillante dans le chef de [la demanderesse] et au contexte familial relevé par celle-ci, la suspension simple du prononcé de la sanction disciplinaire sera exceptionnellement accordée et ce, selon des modalités mieux précisées au dispositif de la présente décision». Griefs 1. L'article 22 du code de déontologie de l'institut professionnel des agents immobiliers, approuvé par l'article 1 er de l'arrêté royal du 27 septembre 2006, dispose que «l'agent immobilier ne peut exercer une activité réglementée d'agent immobilier en collaboration avec une personne pratiquant illégalement une telle activité». Les règles d'accès à la profession d'agent immobilier sont prévues par la loi du 11 février 2013 organisant la profession d'agent immobilier.
5 FÉVRIER 2016 D.15.0010.F/6 En vertu de l'article 5 de la loi du 11 février 2013, nul ne peut exercer en qualité d'indépendant, à titre principal ou accessoire, la profession d'agent immobilier intermédiaire ou syndic, ou en porter le titre, s'il n'est inscrit dans la colonne de la profession qu'il exerce du tableau des titulaires ou dans la colonne de la profession qu'il exerce de la liste des stagiaires. Il ne faut pas satisfaire aux obligations visées à l'article 5 pour exercer la profession dans les liens d'un contrat de travail (article 8 de la loi du 11 février 2013). En vertu de l'article 10, 2, de la loi du 11 février 2013, lorsque la profession d'agent immobilier est exercée dans le cadre d'une personne morale et que la personne morale n'est pas inscrite au tableau, - l'obligation d'inscription incombe aux administrateurs, gérants ou associés actifs qui exercent l'activité réglementée et qui ont la direction effective des départements au sein desquels l'activité est exercée (1 ) ; - lorsque aucun des administrateurs, gérants ou associés n'exerce luimême l'activité réglementée ni ne dirige effectivement les départements au sein desquels l'activité est exercée, l'obligation d'inscription s'applique à un administrateur ou un gérant ou un associé actif de la personne morale désigné à cet effet (2 ) ; - pour l'application de la loi, les administrateurs, gérants ou associés actifs qui exercent l'activité réglementée et qui dirigent les départements au sein desquels l'activité est exercée sont présumés, de manière irréfragable, exercer l'activité à titre indépendant. Il suit de ces dispositions que, lorsque la profession d'agent immobilier est exercée dans le cadre d'une personne morale et que la personne morale n'est pas inscrite au tableau, l'obligation d'inscription à l Institut incombe aux seuls administrateurs, gérants ou associés actifs qui exercent l'activité réglementée et qui ont la direction effective des départements au sein desquels l'activité est exercée et que seules ces personnes (qui remplissent les deux
5 FÉVRIER 2016 D.15.0010.F/7 conditions cumulatives) sont présumées, de manière irréfragable, exercer l'activité à titre indépendant. L'utilisation de la conjonction «et» en lieu et place de la conjonction «ou» - telle qu'elle figurait dans l'article 3 de la loi-cadre du 1 er mars 1976 réglementant la protection du titre professionnel et l'exercice des professions intellectuelles prestataires de services et figure dans l'article 4 de la loi-cadre relative aux professions intellectuelles prestataires de services, codifiée par l arrêté royal du 3 août 2007 - indique clairement que l'intention du législateur est de rendre les conditions cumulatives. 2. Il s ensuit qu'en décidant que, dès lors que les administrateurs, gérants et associés actifs exerçant l'activité réglementée sont irréfragablement présumés exercer cette activité à titre indépendant, tout administrateur ou gérant ou associé actif qui exerce l'activité réglementée dans le cadre d'une personne morale est tenu d'être personnellement inscrit à l'institut professionnel des agents immobiliers, même s'il n'a pas la direction effective des départements au sein desquels l'activité est exercée, la décision attaquée : - viole la notion légale d «administrateurs, gérants ou associés actifs» au sens de l'article 10, 2, de la loi du 11 février 2013 organisant la profession d'agent immobilier, qui vise les administrateurs, gérants ou associés actifs qui exercent l'activité réglementée et qui ont la direction effective des départements au sein desquels l'activité est exercée (violation de ladite disposition et, en tant que de besoin, de l'article 4 de la loi-cadre relative aux professions intellectuelles prestataires de services codifiée par arrêté royal du 3 août 2007), - méconnaît la portée de la présomption irréfragable prévue à l'article 10, 2, de la loi du 11 février 2013 organisant la profession d'agent immobilier, qui s'applique aux seuls administrateurs, gérants ou associés actifs qui exercent l'activité réglementée et qui ont la direction effective des départements au sein desquels l'activité est exercée (violation de ladite disposition et, en tant que de besoin, de l'article 4 de la loi-cadre relative aux professions intellectuelles prestataires de services codifiée par arrêté royal du 3 août 2007),
5 FÉVRIER 2016 D.15.0010.F/8 - et ne justifie dès lors pas légalement sa décision de déclarer établi, dans le chef de la demanderesse, le grief 1 en tant qu'il est fondé sur l'article 22 du code de déontologie de l'institut professionnel des agents immobiliers (violation des articles 5, 8 et 10 de la loi du 11 février 2013 organisant la profession d'agent immobilier et 22 du code de déontologie établi par l'institut professionnel des agents immobiliers, rendu obligatoire par l'arrêté royal du 27 septembre 2006 (article 1 er ), et, en tant que de besoin, de l'article 1 er dudit arrêté royal du 27 septembre 2006 portant approbation du code de déontologie de l'institut professionnel des agents immobiliers et de l'article 4 de la loicadre relative aux professions intellectuelles prestataires de services codifiée par l'arrêté royal du 3 août 2007). III. La décision de la Cour Le moyen, qui ne précise pas en quoi la décision attaquée violerait l article 4 de la loi-cadre relative aux professions intellectuelles prestataires de services, codifiée par l arrêté royal du 3 août 2007, est, dans cette mesure, irrecevable. Pour le surplus, en vertu de l article 10, 2, de la loi du 11 février 2013 organisant la profession d agent immobilier, si la personne morale au sein de laquelle la profession est exercée n est pas inscrite au tableau, ses administrateurs, gérants ou associés actifs qui exercent l activité réglementée et qui ont la direction effective des départements au sein desquels l activité est exercée doivent être inscrits dans la colonne correspondante du tableau ou de la liste ; à défaut de ces personnes, cette obligation s applique à un administrateur ou un gérant ou un associé actif de la personne morale désignée à cet effet. Pour l application de la loi précitée, ces personnes sont présumées, de manière irréfragable, exercer cette activité à titre indépendant.
5 FÉVRIER 2016 D.15.0010.F/9 Il suit de cette disposition que tout administrateur, gérant ou associé actif qui exerce personnellement l activité réglementée au sein d une personne morale qui n est pas inscrite au tableau ou à la liste doit satisfaire à l obligation d inscription. Dans la mesure où il est recevable, le moyen, qui repose tout entier sur le soutènement que l obligation d inscription n incombe à ces personnes que si elles ont en outre la direction effective des départements au sein desquels l activité est exercée, manque en droit. Par ces motifs, La Cour Rejette le pourvoi ; Condamne la demanderesse aux dépens. Les dépens taxés à la somme de cinq cent soixante-deux euros huit centimes envers la partie demanderesse. Ainsi jugé par la Cour de cassation, première chambre, à Bruxelles, où siégeaient le président de section Christian Storck, les conseillers Didier Batselé, Mireille Delange, Michel Lemal et Marie-Claire Ernotte, et prononcé en audience publique du cinq février deux mille seize par le président de section Christian Storck, en présence de l avocat général Thierry Werquin, avec l assistance du greffier Patricia De Wadripont. P. De Wadripont M.-Cl. Ernotte M. Lemal
5 FÉVRIER 2016 D.15.0010.F/10 M. Delange D. Batselé Chr. Storck