Analyse comparative d'une situation de communication orale en classe ordinaire et lors d'une séance en visioconférence



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Analyse comparative d'une situation de communication orale en classe ordinaire et lors d'une séance en visioconférence Brigitte Gruson IUFM de Bretagne, Université de Bretagne Occidentale 153, rue Saint-Malo - 35043 Rennes Cedex brigitte.gruson@bretagne.iufm.fr RÉSUMÉ. Dans le cadre du projet national «1000 visioconférences pour l'école», un nombre croissant d'écoles primaires sont équipées de systèmes de visioconférence. L'hypothèse qui sous-tend ce projet est que, en mettant les élèves en situation de communiquer à distance en temps réel avec des partenaires étrangers, cela leur permettra d améliorer leurs compétences orales et interculturelles. L'objectif de cet article est de mettre en évidence, grâce à une étude comparative d'une séance ordinaire et d'une séance en visioconférence, les effets de la visioconférence sur l'action conjointe de professeurs et d'élèves de CM. Cette étude s'appuie sur des données empiriques précises et l'utilisation d'outils conceptuels empruntés à la didactique des langues et cultures et à la théorie de l'action conjointe en didactique. Elle met notamment au jour les effets de la visioconférence sur la place des langues, la nature des connaissances en jeu et les formes de contrats didactiques à l'œuvre. ABSTRACT. Under the national project "1000 video conferencing systems for primary schools", a growing number of schools have been equipped of video conferencing systems. The assumption underlying this project is that, by putting students in a position to communicate with distant native speakers, it will enable them to improve their oral and intercultural skills. The article objective is to put to light, thanks to a comparative study between an ordinary lesson and a lesson during which video conferencing is being used, the effects of video conferencing on teachers and students' joint action. This study is based on precise empirical data and the use of conceptual tools borrowed from the teaching and learning of foreign languages and cultures and the joint action theory for didactics. It particularly highlights the effects of video conferencing on the use of languages, the nature of knowledge at stake and the didactic contracts at work. MOTS-CLÉS : visioconférence, enseignement-apprentissage de l'anglais, enseignement primaire, analyse comparative, action conjointe. KEYWORDS: video conferencing, teaching and learning, English as a foreign language, primary education, comparative analysis, joint action. Page 1 sur 30

Introduction Le cadre européen commun de référence pour les langues (désormais CECRL) introduit dans l'enseignement des langues une perspective actionnelle, soit un modèle théorique de la communication et de l'apprentissage qui conduit à considérer l'apprentissage comme le développement de l'aptitude à mobiliser des ressources (savoirs linguistiques, pragmatiques, culturels, etc.) à des fins d'usage social. «La perspective privilégiée ici est, très généralement aussi, de type actionnel en ce qu elle considère avant tout l usager et l apprenant d une langue comme des acteurs sociaux ayant à accomplir des tâches (qui ne sont pas seulement langagières) dans des circonstances et un environnement donnés, à l intérieur d un domaine d action particulier. Si les actes de parole se réalisent dans des activités langagières, celles-ci s inscrivent elles-mêmes à l intérieur d actions en contexte social qui seules leur donnent leur pleine signification.» (CECRL, 2001, p. 15) Dans cette perspective, les nouvelles formes de correspondance scolaire rendues possibles par les systèmes de visioconférences semblent créer, en dépassant le cadre spatial de la classe, les conditions de pratiques langagières mieux finalisées. En effet, en mettant les élèves en position d'échanger avec des élèves natifs dans un but bien défini (échanger des informations personnelles, participer à un jeu, etc.), la communication synchrone entre pairs représente une tâche communicative proche de celles que les élèves pourraient rencontrer en dehors de l'école. «Les tâches ou activités sont l un des faits courants de la vie quotidienne dans les domaines personnel, public, éducationnel et professionnel. L exécution d une tâche par un individu suppose la mise en œuvre stratégique de compétences données, afin de mener à bien un ensemble d actions finalisées dans un certain domaine avec un but défini et un produit particulier. La nature des tâches peut être extrêmement variée et exiger plus ou moins d activités langagières ; elles peuvent être créatives (la peinture, l écriture créative), fondées sur des habiletés (le bricolage), de résolution de problèmes (puzzles, mots croisés), d échanges courants mais aussi telles que l interprétation d un rôle dans une pièce, la participation à une discussion, la présentation d un exposé, un projet, la lecture d un message et les réponses à y apporter (courrier électronique par exemple), etc.» (CECRL, 2001, p. 119) L hypothèse qui sous-tend le projet «1000 visioconférences pour l'école» est que le fait de mettre les élèves en situation de communiquer à distance en temps réel avec des partenaires étrangers leur permettra d améliorer leurs compétences de communication orale 1. Toutefois, les expérimentations restant peu nombreuses, nous 1 Sur le site Educnet du Ministère, on peut lire que «le plan «1000 visioconférences pour l'école», lancé par le ministère en 2007, avait pour objectif de favoriser l apprentissage des langues en permettant aux élèves de dialoguer en direct avec des interlocuteurs natifs (enseignants, élèves de classe jumelée).» Page 2 sur 30

ne disposons pas actuellement de résultats fondés sur des analyses empiriques précises et un protocole de recherche rigoureux incluant des pré- et post-tests qui permettraient de mesurer, d'une part, les effets sur les pratiques et, d'autre part, le potentiel supposé de la visioconférence. Dans ce cadre, notre article rend compte d'une étude prospective qui vise à examiner les effets de l'utilisation de la visioconférence sur l'action des professeurs et sur la façon dont les élèves pratiquent les connaissances visées. Pour ce faire, il s'appuie sur une analyse comparative d'un extrait de séance d'anglais ordinaire et d'un temps d'échanges entre un groupe d'élèves français et un groupe d'élèves anglais lors d'une séance en visioconférence. Par ailleurs, cet article nous donne l'occasion de questionner certains des outils conceptuels que nous utilisons pour analyser les situations ordinaires d'enseignement-apprentissage de l'anglais avec des élèves quasi-débutants. La première partie de cet article est consacrée à la description de quelques outils conceptuels ainsi que les questions de recherche que nous nous proposons d'étudier. Dans la deuxième partie, nous décrivons notre corpus et indiquons quelques éléments de méthodologie. La troisième partie est constituée d'une analyse épistémique 2 comparative des deux situations étudiées. La partie suivante, qui représente le cœur de cet article, est centrée sur l'étude des pratiques effectives. Elle donne à voir la façon dont nous utilisons nos outils conceptuels pour conduire des analyses à un niveau micro et met en évidence les effets de ces analyses sur le travail de spécification de ces outils. Outils conceptuels et questions de recherche Nous empruntons nos outils théoriques à deux domaines de recherches complémentaires : la didactique des langues et cultures 3 (désormais DLC) et les approches comparatistes en didactique. Dans le cadre de cet article, nous nous centrons sur quelques notions essentielles, qui, selon nous, permettent de jeter un éclairage fructueux sur les échanges produits en classe de langue étrangère. Parmi les notions que nous utilisons, nous décrivons ci-après trois systèmes de notions, puis nous abordons le concept de distance en essayant de préciser de quelle manière il nous semble possible de l'utiliser dans les analyses que nous menons. Le premier système de notions que nous présentons est celui de jeu d'apprentissage et jeu 2 L analyse épistémique, soit une analyse relative au savoir, s inspire de l analyse a priori d abord développée en didactique des mathématiques (Mercier & Salin, 1988) puis utilisée dans d autres disciplines (notamment en Physique, Johsua & Dupin, 1993 ; en EPS, Amade- Escot, 2001). Elle permet de mener une observation instrumentée des situations didactiques. 3 Avec cette dénomination, nous souhaitons, avec d'autres, mettre en évidence le caractère indissociable de la langue et de la culture. La langue comme toute action sociale étant forcément située culturellement, l'apprentissage d'une langue est donc inséparable de l'apprentissage des conditions de son usage. Cette indivisibilité est une nécessité puisque «toute communication humaine repose sur une connaissance partagée du monde» (CECRL, p. 16). Page 3 sur 30

épistémique qui nous permet de décrire de manière systémique et dynamique certaines notions utilisées jusqu'à maintenant de façon parfois juxtaposée. Parmi ces dernières, nous décrivons, dans un deuxième temps, notre travail de spécification des notions de milieu et de contrat didactique à la DLC. Enfin, nous abordons rapidement le triplet des genèses tel qu'il est utilisé dans les approches comparatistes et, plus précisément, dans la théorie de l'action conjointe en didactique (Sensevy & Mercier, 2007). Des situations modélisées sous forme de jeux Le fait de modéliser, à la suite de Sensevy (2007), les situations d'enseignementapprentissage que nous étudions sous forme de jeu 4 nous permet de mettre en évidence certains aspects du monde social et de l activité humaine et de prendre en compte, dans un modèle intégratif, les dimensions affectives de l action (l investissement dans le jeu), ses dimensions effectives, pragmatiques (quand et comment on gagne) et institutionnelles (à quelles conditions le gain est reconnu). Ce modèle distingue différents types de jeux parmi lesquels les jeux d'apprentissage et jeux épistémiques sont essentiels (Loquet, 2009, Marlot, 2008, Santini, 2008). Les jeux d'apprentissage correspondent aux situations plus ou moins denses en savoir au sein desquelles les élèves évoluent et à travers lesquelles ils actualisent un jeu que nous appelons jeu épistémique. Un jeu d'apprentissage (désormais JA) est censé créer les conditions d'accès aux savoirs qui sont une clé pour jouer et gagner à un jeu épistémique (désormais JE) particulier. Tout JE vise la construction d'un nouveau savoir et est en tension vers un jeu épistémique source. Pour nous, un JE source correspond à une pratique humaine, une œuvre culturelle. C'est à partir de la modélisation des co-actions successives des partenaires de l'action en JA que nous obtenons, par décantation de la pratique et extraction de ses éléments épistémiques, soit grâce à un processus de transposition ascendante (Loquet, 2009), les JE visés. Compte-tenu des programmes de langues étrangères pour l'école, on peut considérer que, en classe de langue étrangère, l'action didactique tend le plus souvent à être une action communicationnelle. Notre étude se centre donc sur l'analyse des processus de communication et des pratiques langagières en situation, sachant que ces dernières acquièrent sens et finalité en s enracinant dans une situation où s opèrent et se négocient des transactions. Le terme de transaction tel que nous l'utilisons renvoie aux travaux de pragmatistes tels que Dewey (Dewey & Bentley, 1949) et Vernant (1997). 4 Avec ce postulat, nous nous inscrivons à la suite des travaux de Bourdieu (1987) qui considérait qu'une des meilleures façons de rendre compte de l'action humaine est de la voir comme un jeu social. Page 4 sur 30

«Par [le] terme [transactionnel], nous désignons les relations complexes qui lient l'acte de discours comme pratique langagière aux activités non langagières dans lesquelles il s'inscrit. L'interaction communicationnelle n'a généralement pas sa finalité en elle-même. Elle est hétéronome : la coopération langagière vise, in fine, une coopération non langagière : une transformation du monde par ou avec autrui.» (Vernant, ibid, p. 47) Les notions de contrat didactique et de milieu comme outils de description Ces deux notions, initialement élaborées dans le champ de la didactique des mathématiques, grâce notamment aux travaux de Guy Brousseau (1998) et d Yves Chevallard (1992), ont été partiellement redéfinies dans le cadre des recherches menées au sein des approches comparatistes en didactique (Sensevy & Mercier, 2007). Pour notre part, nous menons actuellement un travail de spécification de ces deux notions à la DLC et étudions plus particulièrement (Gruson, 2009) la façon dont les différents types d'équilibre contrat/milieu caractérisent le travail conjoint5 du professeur et des élèves. La notion de milieu La notion de milieu au sens de milieu résistant, soit producteur de rétroactions prégnantes et adéquates, a été initialement produite par Brousseau (1998). Spécifiée à notre discipline, cette notion permet d'étudier la façon dont les élèves mobilisent, en étant directement confrontés à un milieu, qui peut être matériel (un document iconographique, un dictionnaire, etc.) ou symbolique (une formulation telle que : «I've got blue eyes», un domaine lexical, etc.), les habiletés et les outils linguistiques que le professeur veut qu'ils acquièrent sans qu'il ait à intervenir directement sur les savoirs. Ainsi, nous adhérons aux propos de Sensevy (2008) lorsqu il écrit qu'«il y a intérêt scientifique à pouvoir désigner, ce qui, dans l environnement cognitif et matériel au sein duquel évolue l élève (dans le milieu), lui résiste adéquatement (c est-à-dire de manière à favoriser le projet d enseignement du professeur), en lui permettant par là même une forme d émancipation du contrat didactique et de ses habitudes conjointes» (p. 135). Cette première définition du milieu s est depuis peu enrichie grâce aux travaux de Sensevy (2007) qui définit le milieu comme le «contexte cognitif de l'action» (Ibid) dans lequel se trouvent, dans des proportions variables, des objets descriptibles en positif - certains savoirs anciens et des objets descriptibles en négatif - les nouveaux savoirs qui permettront de résoudre le problème posé dans la situation. Ainsi, pour produire des actions langagières pertinentes, les élèves doivent être capables d'interpréter le système de signification en jeu dans la situation et donc 5 Pour une présentation du programme de recherche sur la théorie de l action conjointe en didactique, voir l ouvrage dirigé par Sensevy & Mercier (2007). Page 5 sur 30

de prendre la mesure du «contexte cognitif», dont font partie les normes pérennes du contrat didactique. Selon nous, il est possible de spécifier la notion de milieu, dans ces deux acceptions, au champ de la DLC. Ainsi, il nous semble que l'analyse de situations de «pairwork 6», dans lesquelles les élèves sont directement confrontés à un milieu, doit permettre de spécifier la nature des rétroactions que les élèves reçoivent du milieu. Par ailleurs, en classe de langue étrangère, notamment avec des élèves quasidébutants, il nous paraît possible de caractériser le milieu de trois façons complémentaires. Tout d'abord, la classe de langue étrangère se distingue des autres par la présence de nombreux media différents et un recours à des systèmes sémiotiques qui accordent, notamment avec les élèves quasi-débutants, une place importante au nonverbal. Ceci nécessite de la part des élèves un travail de perception et de traitement de l'information très dense. Ainsi, pour évoluer efficacement au sein d'une situation, les élèves doivent utiliser des modalités sensorielles variées (lexicale, iconique, sonore) et effectuer un travail complexe de mise en relation de l'ensemble des éléments constitutifs de la situation. Par conséquent, la première caractéristique de ce milieu est, selon nous, qu'il est intrinsèquement multimodal. Deuxièmement, du fait de l'alternance codique, soit des passages de la langue cible à la langue de scolarisation, ce milieu est par définition hétérogène. Enfin, ce milieu est un milieu fortement exolingue (Porquier, 1984 ; Alber et Py, 1985), c'est-à-dire un milieu qui se caractérise par des divergences particulièrement significatives entre les répertoires linguistiques respectifs des participants aux interactions. Considérons, par exemple, les énoncés produits en langue étrangère par i) des élèves quasidébutants, ii) le professeur ou iii) des natifs lors de l utilisation d enregistrements sonores ou vidéo ou de séances en visioconférence. Le milieu en classe de langue étrangère semble donc pouvoir être décrit, dans une première approximation, selon une triple définition. Il est à la fois multimodal, hétérogène et fortement exolingue. De ce fait, nous adhérons aux propos de Cicurel (2002) lorsqu'elle écrit : «Il semble que la compétence à être un apprenant «performant» ne provienne pas seulement du développement d'une compétence linguistique mais aussi d'une compétence à s'orienter dans une hétérogénéité textuelle voire contextuelle assez complexe. Cela exige qu'un habitus culturel de type scolaire existe ou préexiste, permettant aux participants de suivre le fil du discours dans sa discontinuité.» (p. 190). Enfin, à la suite de Moore (1993), il nous semble que les situations d'échanges médiées par des systèmes de visioconférence, qui accentuent l'hétérogénéité 6 Le terme «pairwork» renvoie ici à une situation orale d'échanges fondée sur un déficit d'informations, tel qu il est utilisé par de nombreux professeurs d anglais. Il se distingue du terme «binôme» qui, lui, s'applique à toute situation de travail à deux. Page 6 sur 30

contextuelle et la plurimodalité, rendent le milieu auquel sont confrontés les élèves encore plus complexe. «What was before a bilateral relationship between a teacher and a distant learner is now a multilateral relationship that brings an enormous number of dialogues between and among participants.» (p. 34) La notion de contrat La notion de contrat didactique peut se décrire comme un système d attentes, à propos du savoir, entre le professeur et les élèves ou comme un système d habitus ou de règles du jeu immanent à telle ou telle situation, dont les implications réciproques sont constamment redéfinies dans l action. Cette notion, initialement produite par Brousseau en 1978, est également utilisée en DLC. Dans ce champ, le contrat didactique est souvent conçu comme un des éléments définitoires de la classe de langue, qui se distingue d autres lieux d acquisition, notamment par la présence d une dimension contractuelle (De Pietro, Matthey & Py, 1989 ; Palotti, 2002). Dans d'autres travaux, il est aussi défini comme un contrat interactif qui fixe le déroulement et la nature des interactions qui se produisent au cours de la séance de langue étrangère (Moore et Simon, 2002). Cette rapide mise en rapport montre que les didacticiens des langues étrangères spécifient la notion de contrat didactique à leur propre projet, ce que nous tentons également de faire dans notre utilisation de cet outil conceptuel car cette notion nous paraît essentielle au processus de description des transactions didactiques et de compréhension du poids des habitudes d action dans leur formation. Pour notre part, dans la recherche dont sont extraites une partie des données présentées ici (Gruson, 2006), nous avons mis au jour trois types de contrats caractéristiques de l enseignement-apprentissage de l anglais avec des élèves quasi-débutants : un contrat d utilisation de la langue étrangère, un contrat de répétition et un contrat de production d énoncés complets corrects. Dans cet article, nos analyses viseront à étudier dans quelle mesure ces trois contrats déterminent les actions langagières conjointes des professeurs observés et de leurs élèves et si les formes de contrat sont différentes dans la séance ordinaire et dans celle en visioconférence. Le triplet des genèses : des outils complémentaires de description de l'action conjointe du professeur et de ses élèves Pour rendre compte des transactions didactiques et de la dialectique contratmilieu dans son évolution, il est également possible d'utiliser trois notions complémentaires qui forment ce que nous nommons «le triplet des genèses». La notion de mésogenèse (Chevallard, 1992 ; Sensevy & al., 2000) permet d étudier la façon dont le contenu des transactions se trouve co-élaboré par le Page 7 sur 30

professeur et les élèves. Ainsi, une description mésogénétique se centrera sur la manière dont le professeur introduit un nouvel objet dans le milieu, soit comment il modifie le milieu au fil de l'activité. La notion de chronogenèse, relative à la temporalité du temps de l enseignement et du temps de l apprentissage rend compte de l'avancée du temps didactique. La notion de topogenèse complète les deux précédentes. Elle permet de décrire les «contours des territoires» (Moore & Simon, 2002) respectifs du professeur et des élèves, soit la manière dont les différentes actions mésogénétiques et chronogénétiques sont partagées entre le professeur et les élèves. «A chaque instant de la chronogénèse, le professeur et les élèves occupent un lieu précis, un topos, c est-à-dire accomplissent un ensemble de tâches, dont certaines sont spécifiquement liées à la position de professeur, et d autres à la position d élève. Par exemple, dans le contrat classique en mathématiques, la démonstration appartient au topos du professeur, la recherche d exercices appartient au topos de l élève, et une topogénèse est ainsi décrite. A chaque instant de la chronogénèse correspond un état de la topogénèse 7.» (Sensevy, 2001, pp. 209-210) La prise en compte conjointe de ces trois notions pour décrire le processus d'enseignement-apprentissage permet donc de disposer d'un système de description à fort potentiel heuristique qui s'articule autour des questions fondamentales suivantes : quel est le contenu épistémique précis des transactions didactiques? Quand, comment et pour quelles raisons ce contenu évolue-t-il au fil des séances? Comment s'organise le partage des responsabilités entre les élèves et les professeurs? L'étude comparée de séances ordinaires et de séances en visioconférence met-elle en évidence des fonctionnements méso-, chrono- et topogénétiques différents? Une combinaison de formes particulières de distance(s) Au delà de la distance spatiale entre les classes lors des séances en visioconférence, les écarts linguistiques et culturels qui existent entre les deux classes pèsent fortement sur les transactions entre les élèves. En effet, même si un des intérêts de la visioconférence est de permettre aux élèves d'avoir une pratique «authentique 8» de la langue orale et d'accéder à d'autres cultures, elle place les élèves dans un milieu très ouvert qui échappe non seulement à leur contrôle mais aussi partiellement à celui du professeur. Ceci nous conduit à penser que, lors 7 A cette affirmation on peut désormais ajouter qu à chaque instant de la chronogénèse correspond également un état de la mésogénèse. 8 Le terme «authentique» utilisé ici entre guillements renvoie à la distinction que l'on trouve dans le CECRL entre des activités «authentiques» et des activités «pédagogiques». Les premières renvoient à des situations que les élèves pourraient rencontrer en dehors de l'école alors qu'à l'inverse les secondes renvoient à des situations de classe dans lesquelles «les apprenants s engagent dans un «faire-semblant accepté volontairement» pour jouer le jeu de l utilisation de la langue cible» (CECRL, p. 121). Page 8 sur 30

d'échanges en visioconférence, les élèves doivent mobiliser des compétences spécifiques qu'il conviendrait de définir plus précisément 9. Parmi celles-ci, la nécessité de maintenir la continuité des transactions requiert que les élèves fassent des efforts pour comprendre et se faire comprendre et qu'ils soient capables d'interagir plus spontanément en mettant en œuvre des stratégies discursives spécifiques et en acceptant une forme d'incertitude 10 liée à l'introduction potentielle dans le milieu par leurs partenaires d'éléments de langue inconnus. Par ailleurs, les séances en visioconférence telles que nous les étudions nous conduisent à interroger la notion de distance transactionnelle développée initialement par Moore (1993) pour décrire «l'univers des relations enseignant-élève qui existe lorsque les élèves et les enseignants sont séparés dans l'espace et/ou dans le temps.» (p. 22). En effet, il nous semble que, même si la situation que nous étudions diffère largement de celle décrite par Moore puisque, dans notre cas, les enseignants des deux groupes sont présents avec leurs élèves, les facteurs contextuels 11 qu'il décrit jouent également un rôle important sur la situation étudiée. Ainsi, Moore (1993, p. 25-26) indique que le nombre d'élèves, la fréquence des échanges, la nature des contenus et le niveau des élèves ont des effets sur la distance transactionnelle. Macedo-Rouet (2009), quant à elle, précise que des facteurs externes tels que des problèmes techniques peuvent avoir effet d'augmenter la distance transactionnelle. Quoi qu'il en soit, Moore affirme que la visioconférence représente un potentiel très prometteur à la fois pour les élèves et les enseignants, ce qui reste à mesurer à la lumière de données empiriques précises. Présentation du corpus [..] Pour cet article, nous avons choisi de conduire des analyses comparatives entre une situation semblable, un jeu de devinettes, mise en œuvre dans une classe de CM2 ordinaire et lors d'une séance en visioconférence au cours de laquelle un groupe 9 Une partie de ces compétences est décrite par Tudini (2003) en lien avec l'évaluation des effets de la visioconférence sur les apprentissages des élèves : «The focus of assessment would ideally need to be on pragmatic aspects of learners' interactions Learner s discourse management strategies and efforts in using the target language idiomatically (with minimal transfer from first language structures and expressions) also need to be taken into account. Given that chatting seems to promote negotiation, assessment criteria should promote and reward the ability to negotiate.» (p. 96) 10. Avec cette affirmation, nous adhérons aux propos de Puren (2009, p. 7) qui considère que «l apprentissage collectif d une langue-culture étrangère exige la mise en œuvre de compétences telles que la capacité à travailler en groupe, à prendre des risques, à non seulement admettre l erreur chez soi et chez les autres mais à en tirer profit pour tous, à affronter l inconnu, l incertitude et la complexité, à réfléchir sur ses activités et stratégies (métacognition) ainsi que sur ses productions (conceptualisation), à s auto- et co-évaluer,..». 11 Pour une présentation détaillée de ces facteurs, voir Moore (1993) et Macedo-Rouet (2009). Page 9 sur 30

d'élèves français d'une école bretonne communique à distance en temps réel avec un groupe d'élèves britanniques du même âge en présence de leur professeur. Les professeurs et les élèves observés Les professeurs étudiés sont respectivement deux professeurs français de CM2 et un professeur anglais. Ce sont tous les trois des professeurs très expérimentés dans l enseignement-apprentissage d'une langue étrangère. Dans cette étude, ces trois professeurs sont nommés comme suit : PE désigne le professeur qui intervient en classe ordinaire par échange de service auprès de 18 élèves de CM2 ; le professeur des écoles français est nommé PF dans la séance en visioconférence et sa partenaire anglaise est nommée PA. La séance de visioconférence met en position d'interagir quatre élèves français de CM1-CM2 et cinq élèves anglais. Lors de cette séance, les élèves de chaque classe sont placés face à l'écran qui diffuse les images de la classe partenaire. PF et PA travaillent ensemble depuis près de huit ans. Le projet qui les a conduits à faire échanger leur classe via un système de visioconférence trouve son origine dans un programme lancé par le gouvernement britannique visant à évaluer l'intérêt de la visioconférence dans différents contextes et notamment dans les classes 12. L'objectif de ce projet est de permettre aux élèves de communiquer avec des locuteurs natifs et ainsi de renforcer leurs compétences dans la langue cible. Pour ce faire, les échanges se déroulent pour partie en anglais et en français. Dans ce dispositif, chaque groupe d'élèves, en tant que natifs, est institué «expert» de sa propre langue et sert donc de modèle pour ses partenaires. Ces séances bilingues sont ainsi fondées sur un principe de réciprocité et d'équité. Dans cette perspective, le temps consacré à chaque langue doit être équivalent même si la répartition entre les langues peut varier en fonction des thèmes abordés ou de la période. Ainsi, chaque classe partenaire doit pouvoir retirer des séances en visioconférence un profit le plus égal possible. De ce fait, les séances de visioconférence reposent sur un système d'attentes entre les élèves et les professeurs tout à fait spécifique et instaurent une nouvelle forme de contrat que nous nous proposons de nommer, en première approximation, contrat de réciprocité et sur laquelle nous reviendrons lors de l'analyse. Les situations étudiées Les situations étudiées sont extraites de deux corpus différents. Celle mise en œuvre par PE est extraite d'un corpus de vingt-quatre séances qui a servi de base à 12 Ce programme faisait partie, à l'époque, d'un projet plus large intitulé «News in Europe - Video Conferencing as a tool to learning» qui a démarré en janvier 2002 grâce à un soutien financier de l'union Européenne dans le cadre des projets Minerva. Page 10 sur 30

des analyses comparatives de l'action de deux professeurs de CM2 et de deux professeurs de sixième (Gruson, 2006). L étude du travail conjoint de PE et de ses élèves se fonde sur l analyse d'une séquence complète, soit cinq séances intégralement filmées. Le temps de travail qui se déroule en visioconférence fait, quant à lui, partie d'un corpus de cinq séances de visioconférence entre des classes primaires bretonnes et britanniques filmées au cours de l'année 2008-2009 dans le cadre d'une recherche collaborative menée au sein d'un Groupe de Recherche IUFM mis en place avec le soutien de l'inrp et de l'iufm de Bretagne en octobre 2008. Au sein de ces corpus, nous avons choisi d'étudier une situation collective de communication orale relativement proche puisque, dans chaque classe, la situation analysée se fonde sur un jeu de devinettes proche du jeu du «qui est-ce?». Chaque situation a fait l objet d une transcription intégrale. De plus, des entretiens, eux aussi intégralement retranscrits, ont été conduits avec les deux professeurs français. Avant de présenter l'analyse épistémique des deux situations, il est, toutefois, nécessaire de préciser que le degré d'appropriation des contenus langagiers visés n'est pas identique dans les deux cas. En effet, la situation étudiée dans la classe de PE se déroule au cours de la première séance de la séquence qui vise, notamment, à réactiver la structure «it has got» abordée en début d'année. La séance en visioconférence est, elle, considérée prioritairement par PF comme une séance de réinvestissement qui doit permettre aux élèves de mesurer leur capacité à mobiliser leurs connaissances pour interagir dans une situation proche d'une situation «authentique». Analyse épistémique comparative des deux situations Description des situations d'apprentissage Les deux situations prennent appui sur des documents conçus par les professeurs français. Dans la classe de PE, le document se présente sous la forme d'une fiche plastifiée de couleur et de format A5 sur laquelle sont dessinées grossièrement six têtes de monstres qui se distinguent par leurs couleurs et le nombre d'oreilles, d'yeux, de nez et de dents. Lors de la mise en œuvre, cette fiche est affichée au tableau et neuf autres sont distribuées aux élèves. Dans la séance en visioconférence, le document correspond à une feuille de papier de format A4 sur laquelle sont dessinés, en noir et blanc, vingt-trois monstres dont les têtes et les corps se différencient de nombreuses façons. Lors de la mise en œuvre, chaque élève dispose de cette feuille. De plus, des agrandissements de chaque monstre sont à la disposition des élèves dans chacune des classes. Page 11 sur 30

La situation proposée par PE La situation proposée par PF et PA Tableau 1. Présentation des documents Une première observation met clairement en évidence le fait que les deux documents ont un niveau de complexité très différent. Alors que le document de PE est assez simple et relativement facile à analyser, le nombre et la variété des monstres sur le document proposé par PF rend l'analyse assez difficile. Ce premier contraste nous conduit à faire l'hypothèse, d'une part, que la durée de l'activité sera nettement plus importante lors de la séance en visioconférence et, d'autre part, que, dans cette séance, la mise en œuvre risque de se heurter à des obstacles liés au nombre d'informations à traiter, à l'interprétation de certains éléments visuels et à l'éventail lexical à mobiliser. Nous allons maintenant nous centrer sur les contenus en jeu dans chaque situation. Suite à cela, nous décrirons les jeux épistémiques sous-jacents à chacune d'entre elles. Densité épistémique des situations Dans les deux classes, la connaissance en jeu correspond essentiellement à la capacité des élèves à produire et/ou comprendre la description physique d'un monstre. Pour cela, ils devront mobiliser des connaissances lexicales et grammaticales que nous détaillons dans le tableau ci-dessous. L'inventaire de ces connaissances est orienté par la connaissance que le chercheur a de la mise en œuvre Page 12 sur 30

effective dans chacune des classes. De plus, pour la séance en visioconférence, l'analyse est délibérément centrée sur les connaissances mobilisées lors des échanges, sachant qu'une des particularités de la séance en visioconférence est que ces connaissances ne se limitent pas à celles pré-déterminées par le professeur français. Par ailleurs, afin de pouvoir comparer les deux situations, nous avons sélectionné, dans la séance en visioconférence, un extrait de 88 tours de parole dont le format est proche de la situation mise en œuvre par PE qui est constituée, dans son intégralité, de 77 tours de parole. Lexique Classe de PE 4 parties du visage : head, eyes, nose/s, teeth 4 adjectifs de couleur : blue, orange, brown, yellow 2 chiffres : one, four Total : 10 Structures What colour is / are the...? It is / they are... How many... has it got? It has got... Total : 6 Tableau 2. Inventaire des contenus linguistiques Classe de PF 6 parties du corps : mouths, eye/s, ears, legs, hair, thighs 3 chiffres : one, two, five 4 déterminants : my, your, our, some 2 noms : monster, earrings Total : 15 Has he/your monster got...? Our monster has got / hasn't got... Does your monster have...? Our monster has / doesn't have... Total : 6 L'observation du tableau ci-dessus montre que, malgré la quantité inégale d'informations contenues dans les deux documents, il y a finalement peu de différence entre le nombre de connaissances mobilisées dans les deux séances. Ainsi, même si le nombre d'items lexicaux est plus élevé dans la séance en visioconférence, on note que l'écart tient notamment à l'emploi des quatre déterminants «my, your, our, some» et du mot «monster». Pour le reste, on trouve, dans les deux séances, des connaissances - les chiffres et les couleurs - qui correspondent à des champs lexicaux systématiquement travaillés à l'école élémentaire et qui, de ce fait, sont bien maîtrisés par les élèves. Pour ce qui concerne les connaissances spécifiques à la situation, soit les noms relatifs à la description physique des monstres, on note qu'elles sont un peu plus nombreuses lors de la séance en visioconférence - sept pour quatre - et, surtout qu'elles intègrent deux mots «thighs, earrings» qui ne font pas partie du programme de l'école élémentaire. Ces deux mots sont, en fait, introduits par les élèves anglais. Il sera donc particulièrement intéressant d'observer, lors de l'analyse de la pratique effective, la façon dont le professeur et les élèves français réagissent à leur introduction. Du point de vue des structures, l'inventaire ci-dessus montre que leur nombre est identique dans les deux séances. Ainsi, dans la classe de PE, les élèves devront produire deux questions ouvertes et deux énoncés affirmatifs différents avec une Page 13 sur 30

variation entre singulier et pluriel pour les énoncés en lien avec la couleur. Dans la classe de PF, on constate que la mise en œuvre du jeu de devinettes repose sur l'utilisation d'une seule fonction de communication déclinée dans deux formes verbales différentes : emploi de «has got» dans un cas («has your monster got...?») et du verbe «have» à la troisième personne associé à l'opérateur «does» dans l'autre cas («does your monster have...?»). L'existence de cette variation mérite d'être soulignée car elle reflète une différence entre l'expression répertoriée dans les programmes du cycle 3 «has got» et celle utilisée spontanément par des natifs. Une fois encore, il sera intéressant d'examiner la réaction du professeur et des élèves face à l'emploi de cette structure. Pour conclure, l'analyse des contenus révèle que les professeurs ont fait des choix différents qui auront des conséquences sur la façon dont se dérouleront les échanges dans chacune des classes. En optant pour des questions ouvertes, PE donne à ses élèves la possibilité de repérer le monstre choisi plus rapidement. A l'inverse, dans la séance en visioconférence, le fait de demander aux élèves d'utiliser des questions fermées augmentera sans aucun doute la durée de l'activité et ce d'autant plus que le nombre de monstres à prendre en compte est nettement supérieur. Dans cette classe, il faudra, de plus, que les élèves adoptent des stratégies efficaces pour garder une trace des informations qu'ils auront recueillies et éviter les redites afin de trouver le plus rapidement possible le monstre choisi. Les jeux épistémiques sous-jacents L'analyse que nous venons de produire nous permet de décrire a priori les JE que les élèves devront maîtriser pour évoluer de manière satisfaisante au sein de ces situations 13. 13 Il faut noter que l'ensemble des JE répertoriés dans ce tableau ne seront mobilisés par les élèves que si, et seulement si, ils jouent parfaitement les jeux tels qu'ils sont modélisés ici. Page 14 sur 30

Dans la classe de PE Dans la classe de PF Identification des jeux épistémiques pour l'élève qui pose les questions JE1 : Poser des questions ouvertes JA1a : choisir entre 2 structures JA1b : choisir entre le singulier et le pluriel JA1c : mobiliser 1 item lexical JE2 : Prononcer ses questions de manière compréhensible JE3 : Se souvenir des questions posées auparavant pour limiter le nombre de coups à jouer JE4 : Comprendre les réponses aux questions posées JE5 : Observer les particularités de chaque visage et éliminer les caractéristiques physiques au fur et à mesure des réponses JE1 : Poser des questions fermées JA1a : mobiliser une structure JA1b : mobiliser 2 items lexicaux JE2 : Prononcer ses questions de manière compréhensible JE3 : Se souvenir des questions posées auparavant pour limiter le nombre de coups à jouer JE4 : Comprendre les réponses aux questions posées JE5 : Observer les particularités de chaque monstre et éliminer les caractéristiques physiques au fur et à mesure des réponses Identification des jeux épistémiques pour le joueur qui répond aux questions JE5 : Choisir son monstre JE6 : Répondre aux questions en produisant des réponses complètes ou incomplètes JE6a : choisir la structure adaptée JE6b : choisir entre le singulier et le pluriel JE6c : mobiliser 1 item lexical Tableau 3. Jeux épistémiques JE5 : Choisir son monstre JE6 : Répondre aux questions en produisant une particule affirmative ou négative, des réponses courtes ou longues L'inventaire des JE montre, en première approche, que c'est dans la classe de PE que le travail linguistique sera le plus complexe puisque les élèves devront choisir entre deux structures et que, selon les attentes du professeur, ils devront produire une réponse soit sous la forme d'un mot isolé («blue» ou «four»), soit sous la forme d'un énoncé complet («it is blue» ou «it has got four noses»). De plus, au niveau structurel, ils devront choisir entre le singulier et le pluriel pour formuler les questions et les réponses en lien avec la couleur. Cependant, le fait d'être en position d'interagir avec des élèves natifs, va nécessiter, de la part des élèves français, de mobiliser des compétences de discrimination auditive nettement plus fines. Ainsi, lors de la séance en visioconférence, les élèves français devront être particulièrement attentifs aux aspects phonologiques de langue pour être en mesure de comprendre leurs partenaires et de se faire comprendre d'eux. De plus, on peut se demander si le fait d'échanger avec des natifs va conduire les élèves à produire des réponses plus proches de celles qui seraient produites spontanément lors d'un échange en dehors de Page 15 sur 30

la classe (soit des particules affirmatives ou négatives isolées). Enfin, on peut supposer que le fait de se trouver confrontés à des éléments de langue inconnus va rendre nécessaire la mobilisation par les élèves de compétences de déduction et de négociation de sens plus rarement mobilisées lors de séances ordinaires. Dans ces conditions, on peut avancer que, lors des séances en visioconférence, le système de JE se rapprochera davantage du JE source qui, pour les deux situations peut être décrit comme suit : «participer à une activité ludique qui se joue à plusieurs». Dans ce cas, on peut donc faire l'hypothèse que l'organisation de séances en visioconférence serait une manière de réduire la distance entre les JE qui se déploient dans la classe et les JE sources auxquels ils se réfèrent. Quoi qu'il en soit, et c'est tout l'enjeu de cet article, nous allons examiner, à partir d'exemples empiriques précis, quels sont les effets de la visioconférence sur l'action des professeurs et de leurs élèves. La place des langues Un des aspects les plus contrastés quand on compare la séance ordinaire avec la séance qui a lieu en visioconférence concerne, comme on pouvait s'y attendre, les places respectives occupées par la langue française et la langue anglaise. Ainsi, une première comparaison de type quantitatif met clairement en évidence ce contraste. Séance ordinaire Séance en visioconférence TP en anglais 77 100,00% 35 40,00% TP en français 45 51,00% TP mixtes 8 9,00% Total des TP 77 88 Tableau 4. Répartition des langues par séance Alors qu'on ne trouve aucun énoncé en français dans l'extrait de la séance ordinaire 14, on note que 51% de tours de parole (TP) sont produits en français et seulement 40% en anglais lors de la séance en visioconférence. Ce contraste trouve, bien évidemment, sa source dans le contrat de réciprocité qui préside à la mise en œuvre de séances en visioconférence entre une classe française et une classe anglaise puisque, pour que chaque groupe d'élèves puisse tirer profit de la séance, il est nécessaire qu'il soit mis en position de pratiquer la langue cible. Cependant, ce contrat n'explique pas la place plus importante occupée par la langue française lors 14. Des analyses antérieures montrent qu'un contrat d'utilisation quasi-exclusive de la langue étrangère est fortement prégnant dans l'ensemble des séances mises en œuvre par PE. Page 16 sur 30

de la séance en visioconférence. Selon nous, ceci tient en partie au fait que l'enregistrement a été fait uniquement dans la classe française. Ainsi, même si une caméra était centrée sur l'écran de télévision qui transmettait les images de la classe anglaise, les échanges entre les français lors des temps de mise en place ou de vérification sont mieux perçus que ceux internes à la classe anglaise. De ce fait, les tours de parole qui retranscrivent les échanges dans la classe française occupent plus de place dans la transcription de la séance 15. Au-delà de ce premier constat, il est intéressant d'étudier plus précisément la façon dont se répartissent les langues lors des échanges produits par les élèves en relation avec les connaissances visées. Séance en visioconférence - Nombre total de TP : 88 (cf. tableau 4) TP produits par les élèves TP en anglais TP en français Elèves anglais 17 59,00% 17 89,00% Elèves français 12 41,00% 2 11,00% 10 Total 29 19 66,00% 10 34,00% Tableau 5. Répartition des langues lors des tours de parole dédiés à la pratique des connaissances Dans un premier temps, le tableau ci-dessus nous permet de mettre en évidence le fait que seulement un tiers des échanges (29 sur les 88 qui constituent l'intégralité de la séance. Cf. Tableau 4) est centré sur les connaissances en jeu. Dans un second temps, il montre que 59% de ces échanges sont pris en charge par les élèves anglais, ce qui s'explique notamment par les relances que PA doit effectuer pour que ses élèves produisent des réponses longues (TP 5 à 12) 5. PA so reply in English. Has your ++ est-ce que ton monstre a deux bouches? oui ou non? yes or no? 6. El A no 7. PA has he got two mouths? 8. Els A yes 9. PA so yes our monster... 10. Zoe yes our ++ 11. PA our monster 12. Zoe our monster has two mouths Transcription 1. Echanges entre PA et ses élèves 15 Cette limite méthodologique devra conduire à repenser le dispositif de recueil de données. Ainsi, lors du prochain recueil, il est prévu qu'un enregistrement soit fait en parallèle dans la classe anglaise. Page 17 sur 30

Le pourcentage d'énoncés pris en charge par les élèves anglais montre que, lorsqu'on se centre sur la pratique des connaissances, ce sont les élèves français qui sont dans une position privilégiée puisqu'ils sont davantage exposés aux énoncés cibles que leurs partenaires. De plus, on observe que ces derniers ne produisent aucun énoncé en français, respectant ainsi strictement la consigne fixée au départ par PA «donc toi tu poses une question de la France en français, on va répondre et puis c est à notre tour, on va poser des questions en anglais pour trouver le tien,+ le vôtre» alors que deux élèves français dérogent au contrat de réciprocité en produisant chacun une réponse en anglais (TP 45-46 & 72-73) 45. Alison does your monster have two mouths? 46. Maël no my my monster hasn t got two mouths (en regardant son enseignant) 72. El A does your monster have two legs? 73. Marie yes my monster has got two legs Série de transcription 1. Echanges en anglais entre des élèves anglais et français Pour finir, on remarque dans ces échanges une mise en tension du contrat d'utilisation de la langue et du contrat de réciprocité. En effet, ce contrat est mis à mal par Maël (TP 46 & 73) qui, au mépris de la consigne donnée au départ, produit une réponse en anglais. Cette réponse semble indiquer que cet élève a, en quelque sorte, incorporé deux formes de contrat : le contrat d'utilisation de la langue étrangère et de production d'énoncés complets corrects. Des connaissances spécifiques En mettant des élèves en interaction directe avec des locuteurs natifs, la visioconférence permet d'exposer les élèves à une langue authentique et, ainsi, de développer leurs aptitudes de compréhension de l'oral. En effet, même si les élèves familiers de ce dispositif veillent à ralentir leur débit et à adopter une prononciation claire 16, la langue produite par des élèves natifs diffère notoirement de celle à laquelle les élèves sont le plus souvent exposés. De plus, on constate à plusieurs reprises (voir la série de transcriptions 1 cidessus) que les élèves répondent sans hésitation aux questions de leurs partenaires révélant ainsi un très bon niveau de compréhension. De la même manière, on observe qu'ils produisent sans réelle difficulté des énoncés longs qui ne reprennent 16 La comparaison entre les formes de prononciation observées lors de cette séance et d'échanges mis en place pour la première fois en visioconférence montre que ces formes sont le résultat d'une fréquentation régulière de ce dispositif. Elles mettent les élèves dans des situations de compréhension qui correspondent à ce qui est attendu au niveau A1 du CECRL : «je peux comprendre des mots familiers et des expressions très courantes [..] si les gens parlent lentement et distinctement.» (p. 26. C'est l'auteur qui souligne). Page 18 sur 30

pas à l'identique la structure utilisée dans la question (cf. série de transcriptions 1). A cette occasion, on note que l'utilisation par les élèves anglais de la structure «does + have» ne pose aucun problème aux élèves français et que le passage d'une structure à l'autre n'est jamais mis en relief par le professeur. De façon contrastée, on observe, dans la classe de PE, que les élèves ne produisent des réponses longues qu'avec l'aide du professeur (TP 60-68). 60. Harry what how many nose 61. PE1 has it got? 62. Harry has it got? (prononcé très bas) 63. Lucy +++ it is four 64. PE1 it has got 65. Lucy has got 66. PE1 IT has got 67. Lucy it has got four 68. PE1 four noses +++ Transcription 3. Echanges entre Harry et Lucy Les tours de parole ci-dessus montrent que c'est seulement suite aux relances du professeur (TP 61, 64 et 66) que les élèves produisent des énoncés complets. De plus, on observe que Harry ne produit pas l'intégralité de la question en une seule fois mais en deux (TP 60 et 62) et que la seconde partie de son énoncé est prononcée d'une voix mal assurée alors que cet élève a posé exactement la même question quelques tours de parole avant. Par ailleurs, on remarque que c'est le professeur qui fournit la forme la plus complète de la réponse en ajoutant (TP 68) le mot «nose» qui n'est pas nécessaire à la transmission de l'information. On peut donc dire ici qu'on assiste à un changement de jeu : le jeu épistémique en acte n'est plus de «produire des actions communicationnelles au sein d'une situation orale collective» mais de «produire des énoncés complets corrects». Le jeu se transforme donc en un jeu scolaire qui s'éloigne du jeu source. Il ne représente plus qu'une partie des savoirs nécessaires à la production d'actions communicationnelles (cf. tableau 3). Il est, selon nous, le résultat du poids du contrat de production d énoncés complets corrects sur la pratique des connaissances dans cette classe. Ce changement a donc des conséquences importantes sur la distance entre le JE effectif et le JE source car, en réduisant le JE effectif à la production d'énoncés complets corrects, il augmente la distance entre ce JE et le JE source auquel il était susceptible de se référer. Un potentiel culturel à exploiter Dans un autre domaine, la comparaison entre les deux séances montre que la séance en visioconférence, en offrant une fenêtre sur la classe des partenaires, possède un fort potentiel culturel. Ainsi, sur l'écran qui diffuse les images de la Page 19 sur 30

classe anglaise, on voit cinq élèves vêtus de leur uniforme assis par terre en demicercle autour des agrandissements des monstres étalés sur le sol. Dans la classe française, la position des élèves est très différente - ils sont assis en ligne sur des chaises face à l'écran - et les agrandissements sont affichés au mur. De plus, on observe qu'ils ne bougent pas de leur place pendant la séance alors que les élèves anglais se déplacent fréquemment dans la classe. Toutefois, ces différences ne font l'objet d'aucune remarque particulière lors de la séance observée car, comme nous l'avons déjà indiqué, un grand nombre de séances ont déjà eu lieu entre ces deux classes. Des études complémentaires devront donc être menées afin d'étudier les effets de la visioconférence sur la construction par les élèves de compétences interculturelles et l'acquisition de repères culturels sur la vie de l'élève et de l'école dans chacun des pays. La nature de l'enjeu et ses effets sur les stratégies mises en œuvre Lors de la séance de visioconférence, on note que l'enjeu ne porte pas prioritairement sur la pratique des connaissances mais sur le gain au jeu lui-même, soit la découverte du monstre choisi par l'équipe adverse avant elle (TP 13-14). 13. Els F (chuchoté) on va gagner 14. PF alors attention c est les premiers qui trouvent hein ok? à vous Transcription 4. Expression du désir de gagner au jeu du monstre Ce désir de gagner exprimé à la fois par les élèves (TP 13) et par le professeur (TP 14) conduit le professeur à modifier sa position topogénétique. Ainsi, à la fin de l'extrait étudié, il traduit la réponse d'une élève anglaise (TP 86-87), prenant ainsi à sa charge le travail à effectuer par les élèves dans le but d'accélérer la transmission des informations et de faire gagner ses élèves. 86. El A hair ++++ Yes, our monster has some hair ++ (les élèves observent attentivement leur document pour tenter de trouver de quel monstre il s'agit) 87. PF Il a des cheveux + A vous ++ Transcription 5. Modification de la partition topogénétique Par ailleurs, on observe que les deux professeurs fournissent à leurs élèves des conseils stratégiques (TP 19-20, 39, 74). 19. PA ok cross out then all the others oui mon monstre a deux yeux 20. El A <so?> it does have so you cross out ++ Page 20 sur 30