HOMMAGE à HENRY-HERVE BICHAT Un HOMME DE COEUR Permettez-moi tout d abord d excuser Edgar LEBLANC qui n a pu se libérer pour cet hommage à HERVE et je sais qu il doit beaucoup regretter de ne pas être avec nous aujourd hui. En effet entre les deux hommes une immense complicité s était créée et de l aveu même d HERVE quand il est arrivé à la DGER «il ne connaissait rien à l enseignement agricole, notamment le technique et c est EDGAR qui l a formé». C est un premier trait de caractère souvent méconnu de notre ami HERVE, il savait être humble quand il ne connaissait pas et il savait écouter les autres. Je voudrais aussi excuser Andrée SALGUEIRO la plus proche collaboratrice d HERVE lorsqu il était à la DGER. Andrée aurait sans aucun doute été mieux placée que moi pour développer la thématique que vous m avez demandé de présenter car Andrée était, il ne faut pas hésiter à le dire un peu la confidente et disons-le la seule à qui HERVE obéissait. Qu il n y ait pas d ambiguïté dans mes propos, je veux simplement dire par là, que comme tous ceux qui ont de lourdes responsabilités et en plus une grande force de caractère, HERVE avait besoin de temps en temps de se faire rappeler à l ordre. Cela a été dit à plusieurs reprises depuis ce matin, HERVE était un travailleur infatigable, il ne connaissait pas ses limites, sa santé aurait pu être en jeu et il fallait faire preuve de beaucoup de persuasion pour qu il lève un peu le pied ce que savait faire Andrée SALGEIRO. Vous m avez confié cette délicate mission de parler de cet homme de cœur qu a été HERVE. Je ne suis pas persuadé que, en dehors de ses proches et bien sûr de son ami de toujours Maurice de VAULX nous le connaissons vraiment. D abord parce que HERVE ne parlait que peu de sa propre personne, il ne se livrait et ne se confiait que très rarement et en fait uniquement lorsque la situation qu il vivait pouvait avoir un impact sur les autres. De même HERVE n extériorisait ses sentiments qu à des moments exceptionnels comme ce fut le cas le jour de son départ de la DGER. Cette pudeur, son désir de ne pas vouloir ennuyer les autres avec ses états d âme, sa volonté sans doute de laisser planer un peu de mystère sur sa personne font que j ai choisi pour lui rendre hommage de m appuyer sur certaines anecdotes, sur son comportement de tous les jours vis-à-vis de ses
collaborateurs ou de ses partenaires ou encore de quelques-unes de ses convictions. En préalable et pour ceux qui ne me connaissent pas je tiens à préciser que je suis arrivé à la DGER comme adjoint de HERVE sans vraiment le connaître et que j ai vécu un peu plus de 4 années mémorables. Son choix m a toujours étonné car je suis, c est bien connu, l antithèse de HERVE et c est peut-être pour cela que nous avons formé un binôme dans lequel il n y a jamais eu une seule discorde. HERVE l a souvent rappelé dans les différentes interviews qu il a données et je tiens à dire que je lui dois beaucoup. Je vais donc remonter brièvement le temps. Dès les trois premiers entretiens, je devrais plutôt dire contacts que j ai eu avec HERVE j ai compris que derrière son imposante stature se cachait un homme certes un peu secret mais particulièrement attachant tant il était imprévisible. Je ne peux résister au plaisir de vous raconter ces trois entretiens car ils sont l illustration même de l homme de cœur mais aussi de l homme que nous avons tous connu. Alors que je me rendais à une réunion un 6 janvier dans la grande salle jaune devenue salle Gambetta je croise HERVE qui s arrête devant moi et me dit «toi, tu viens travailler avec moi au 1 er septembre». Je n ai même pas eu le temps de poser la moindre question il était déjà parti. Fin avril, un scenario identique, alors que je viens d accueillir HERVE à la gare de RENNES pour une visite de plusieurs établissements de la région, il me dit «finalement j ai réfléchi tu viens travailler avec moi dès le 2 mai, rendezvous mardi à 9 heures dans mon bureau ; il rajoute : comme je n ai personne pour te remplacer à RENNES ce sera à mi-temps» et il passe à autre chose. Le 2 mai le scenario est quasiment identique, je rentre dans son bureau, il me prépare un café et il se met à signer son courrier. Au bout de quelques minutes j ose lui demander : quels sont les dossiers dont je vais m occuper? il s arrête de signer, lève la tête, me regarde et me répond «aucun». Il se passe quelques secondes qui me semblent interminables et il vient alors s assoir en face de moi et me dit «tu sais, la DGER est une grande maison qui a une lourde responsabilité vis-à-vis des jeunes et des adultes en formation. J ai, autour de moi, une équipe remarquable qui fait un excellent travail, mon rôle c est bien sûr d animer cette équipe mais surtout d être sur le terrain pour motiver, pour créer une dynamique, pour négocier avec les partenaires, toi tu connais le terrain et j ai donc besoin de toi pour garder la maison. Dès que je franchis la
porte de ce bureau tu es le Directeur Général et tu prends toutes les décisions qui s imposent. Je n ai rien d autre à te dire, tu commences par régler les aspects matériels de ta venue à PARIS et après tu te mets au travail». Au travers de ce récit vous avez toutes les caractéristiques de l homme de cœur qu a été HERVE : - D abord HERVE était un homme qui faisait confiance : confiance à ses collaborateurs directs, confiance à tous les agents du plus humble au plus gradé, confiance à ses partenaires syndicaux : combien de fois m a t-il dit «tu sais les syndicats c est un mal nécessaire, ils ont besoin de nous mais nous avons besoin d eux», confiance dans les chefs d établissements, confiance dans les équipes enseignantes, de surveillance et service, - Ensuite, HERVE était un homme en permanence attentionné vis-à-vis de ses collaborateurs. Combien de fois est-il venu me voir dans mon bureau pour m interroger sur un collaborateur qu il avait croisé dans le couloir et qu il trouvait anormalement préoccupé. Son discours était toujours le même : peux-tu discrètement voir ce qui se passe et l aider si besoin. - HERVE a toujours placé les élèves, apprentis, étudiants et adultes en formation au centre du dispositif d enseignement. Vous allez me dire que c est le discours habituel de ceux qui ont en charge l enseignement que ce soit à l Agriculture ou à l Education Nationale. Oui, mais chez HERVE c était une réalité, il considérait que c était toujours aux structures et institutions de s adapter et non aux apprenants. Ce n est donc pas étonnant, comme l a dit Hervé SAVY si les effectifs de l enseignement agricole ont progressé de 21 % en 5 ans, si le niveau de qualification de tous et notamment celui des apprentis et adultes s est considérablement élevé et enfin si les portes de l enseignement supérieur se sont largement ouvertes aux élèves de l enseignement technique. - HERVE avait horreur de blesser ou de rabaisser ses interlocuteurs et partenaires à tel point qu il souffrait parfois de son tempérament explosif. Combien de fois est-il-venu me voir à son retour de ses escapades sur le terrain pour me demander de rappeler les interlocuteurs qu il avait peut-être un peu brusqué et de leur dire qu il avait bien compris leurs préoccupations, leurs difficultés et qu ils pouvaient compter sur un soutien sans faille de sa part pour régler les
problèmes qui se posaient. Je n ai pas le temps et ce serait indiscret de ma part de vous donner la liste des chefs d établissement qui rencontraient des difficultés et pour lesquels une mutation s imposait dans l intérêt de la structure et dans leur intérêt personnel. Mais sa gestion personnalisée à l extrême, humaine et paternelle a permis à ceux-ci de rebondir et je suis persuadé qu ils lui en sont tous reconnaissants. - HERVE était lui-même très reconnaissant envers ceux qui ont été déterminants pour sa carrière, des ministres, bien sûr, mais aussi des responsables administratifs ou encore ceux qui ont été ses maîtres, je pense bien évidemment à Louis MALASSIS. Reconnaissant il l était avec ses collaborateurs, sachant les mettre en valeur, sachant les guider dans leurs parcours, sachant les soutenir lorsqu ils rencontraient des difficultés. - HERVE était un homme qui ne supportait pas l injustice. Je suis aujourd hui certain qu il a très mal vécu (nous aussi d ailleurs) son éviction de la DGER. Il s était tellement investi, il avait labouré le terrain, il avait semé, il avait vu ses multiples idées prendre racine, il s apprêtait à recueillir les fruits de son investissement lorsque le gouvernement lui demanda d aller s exprimer dans un lieu plus calme et plus serein à savoir le Conseil Général du Génie Rural, des Eaux et des Forêts. Certains auraient considéré qu il était temps de lever le pied, ce ne fut pas son cas et au contraire il a une nouvelle fois mis son dynamisme, ses compétences, son expérience au service de l intérêt général. - HERVE, dont le physique, la voix, le rire, le verbe pouvaient déstabiliser ses interlocuteurs était, j en suis persuadé une personne très sensible mais il ne le montrait jamais. J en veux pour preuve cette dernière journée passée à la DGER. Je ne peux résister au plaisir de vous la raconter : Il est à peine 7 heures du matin, il a sans doute très peu dormi, il est déjà arrivé pour préparer la réunion de la matinée ; bizarrement car ce n était pas son habitude de venir le matin dans mon bureau il arrive l air soucieux et me pose des questions qui n avaient pas un intérêt majeur pour l enseignement agricole. Je suis surpris et il se rend compte alors que j ai compris que c est mercredi, jour de tous les dangers pour les Directeurs d Administration Centrale car jour de réunion du Conseil des Ministres et
donc officialisation des mouvements de personnel. Il prend une nouvelle fois l initiative et me dit «eh oui Jean-Claude c est mercredi mais sait-on jamais». Comme d habitude et avant même que je lui dise un mot de réconfort il regagne son bureau. Nous nous retrouvons en réunion et il ne laisse rien paraître jusqu au moment où Andrée SALGUEIRO lui glisse un message. Il se tourne vers moi et me dit «c est foutu, continue, je reviens». Il revient effectivement et avec un calme étonnant il reprend le cours de la réunion. Quelle maîtrise de soi, quel panache, quelle leçon pour nous tous. La suite de la journée fut à la hauteur du personnage. A peine un quart d heure après la réunion nous étions tous dans son bureau un verre à la main mais très attentifs aux recommandations qu il tenait à nous faire avant de partir. Là aussi c est un trait de caractère que je tenais à souligner ; je pense qu à ce moment-là il avait déjà tourné la page en ce qui le concernait mais il avait une telle affection pour l équipe qu il voulait s assurer que celle-ci lui survivrait et que son départ n aurait aucune conséquence néfaste pour chacun des membres de cette équipe qu il a tant aimé et qui éprouvait les mêmes sentiments à son égard ; autrement dit une nouvelle fois il pensait plus aux autres qu à lui-même. Le temps passe, il me faut conclure d un mot : MERCI HERVE Jean-Claude GIRAUD Ingénieur Général du Génie Rural, des Eaux et des Forêts, honoraire Adjoint d Hervé BICHAT d avril 1993 à avril 1997