Cour de cassation de Belgique

Documents pareils
Cour de cassation de Belgique

Numéro du rôle : 4767 et Arrêt n 53/2010 du 6 mai 2010 A R R E T

Procédure pénale. Thèmes abordés : Procédure par contumace/ Nouvelle procédure par défaut

Président : M. Blin, conseiller le plus ancien faisant fonction., président REPUBLIQUE FRANCAISE AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

R E P U B L I Q U E F R A N C A I S E

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Décrets, arrêtés, circulaires

dans la poursuite pénale dirigée contre en présence du Ministère Public l arrêt qui suit :

Commentaire. Décision n /178 QPC du 29 septembre 2011 M. Michael C. et autre

SCP Célice, Blancpain et Soltner, SCP Thouin-Palat et Boucard, avocat(s) REPUBLIQUE FRANCAISE AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Numéro du rôle : Arrêt n 48/2009 du 11 mars 2009 A R R E T

Numéro du rôle : Arrêt n 167/2014 du 13 novembre 2014 A R R E T

La Justice et vous. Les acteurs de la Justice. Les institutions. S informer. Justice pratique. Vous êtes victime. Ministère de la Justice

Me Balat, SCP Boré et Salve de Bruneton, SCP Boulloche, SCP Odent et Poulet, SCP Ortscheidt, SCP Rocheteau et Uzan-Sarano, avocat(s)

PROTOCOLE. Entre le Barreau de Paris, le Tribunal de Commerce et le Greffe. Le Barreau de Paris, représenté par son Bâtonnier en exercice,

CEDH FRANGY c. FRANCE DU 1 ER FEVRIER 2005

Cour de cassation de Belgique

SCP Thouin-Palat et Boucard, SCP Tiffreau, Corlay et Marlange, avocat(s) REPUBLIQUE FRANCAISE AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Service pénal Fiche contrevenant

Numéros du rôle : 4381, 4425 et Arrêt n 137/2008 du 21 octobre 2008 A R R E T

Cour de cassation de Belgique

Loi n du 7 juillet 1993 relative à la participation des organismes financiers à la lutte contre le blanchiment de capitaux

5. Règlement de procédure et de preuve *+

Introduction. Une infraction est un comportement interdit par la loi pénale et sanctionné d une peine prévue par celle-ci. (1)

SCP Boré et Salve de Bruneton, SCP Delaporte, Briard et Trichet, avocat(s) REPUBLIQUE FRANCAISE AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

dans la poursuite pénale dirigée contre

COUR DE CASSATION R E P U B L I Q U E F R A N C A I S E. Audience publique du 21 septembre 2011 Rejet M. LACABARATS, président. Arrêt n o 1054 FS-P+B

Droit du travail - Jurisprudence. Inaptitude médicale résultant de faits de harcèlement moral

M. Mazars (conseiller doyen faisant fonction de président), président

BENELUX ~ A 2004/4/11 COUR DE JUSTICE GERECHTSHOF. ARRET du 24 octobre En cause. Etat belge. contre. De La Fuente

LA COUR DES COMPTES a rendu l arrêt suivant :

BELGIQUE. Mise à jour de la contribution de novembre 2005

Cour du travail de Bruxelles (6e ch.) - Arrêt du 29 mai Rôle n 2011-AB-923

Comparaison de l expertise judiciaire au pénal et au civil

Audience publique de la Cour de cassation du Grand-Duché de Luxembourg du jeudi, premier décembre deux mille onze.

COUR DU TRAVAIL DE LIEGE Section de Liège. ARRÊT Audience publique du 17 décembre 2008 AH/SC

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS N , , , , M. Olivier Yeznikian Rapporteur

Numéro du rôle : Arrêt n 108/2011 du 16 juin 2011 A R R E T

B.O.I. N 71 DU 6 OCTOBRE 2011 [BOI 7I-1-11]

Titre I Des fautes de Gestion

REPUBLIQUE FRANCAISE AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS. LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIERE ET ECONOMIQUE, a rendu l arrêt suivant :

Renonciation réciproque à recours au bail et assurances

REPUBLIQUE FRANCAISE AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Siréas asbl Service International de Recherche, d Education et d Action Sociale

Cour d'appel de Bruxelles - Arrêt du 8 novembre

REPUBLIQUE FRANCAISE AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

X X. Demandeurs. Entreprise DÉCISION DEMANDE D EXAMEN DE MÉSENTENTE EN MATIÈRE D ACCÈS.

REPUBLIQUE FRANCAISE AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS. LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l arrêt suivant :

PARTIE I : LES RELATIONS INDIVIDUELLES DE TRAVAIL

La chambre du conseil de la Cour d'appel du Grand-Duché de Luxembourg a rendu le douze février deux mille quatorze l'arrêt qui suit:

REPUBLIQUE FRANCAISE AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS. LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l arrêt suivant :

BAREME INDICATIF DES HONORAIRES

Décision du Défenseur des droits MDE-MSP

Le statut juridique de l archivage électronique : questions choisies

1. Procédure. 2. Les faits

LEGAL FLASH I BUREAU DE PARIS

La Justice et vous. Les acteurs de la Justice. Les institutions. S informer. Justice pratique. Le juge de paix : le juge le plus proche du citoyen

Loi du 20 décembre 2002 portant protection des conseillers en prévention (MB )


REPUBLIQUE FRANCAISE AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS. LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l arrêt suivant :

DIRECTION GÉNÉRALE DES FINANCES PUBLIQUES INSTRUCTION DU 27 SEPTEMBRE I-1-11

Conférence de l Arson club du 16 avril 2008 sur la répétibilité des honoraires de l avocat (loi du 21/4/2007).

Numéro du rôle : Arrêt n 131/2011 du 14 juillet 2011 A R R E T

REPUBLIQUE FRANCAISE AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS. LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l arrêt suivant :

n 4 Bulletin Arrêts des Chambre criminelle Publication mensuelle Avril 2013 Les éditions des JOURNAUX OFFICIELS

Protocole d accord entre les assureurs de protection juridique affiliés à Assuralia, l O.V.B. et l O.B.F.G.

SCP Célice, Blancpain et Soltner, SCP Nicolaý, de Lanouvelle et Hannotin, avocat(s) REPUBLIQUE FRANCAISE AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL, Vu l ordonnance n du 7 novembre 1958 modifiée portant loi organique sur le Conseil constitutionnel ;

M. Lacabarats (président), président SCP Lyon-Caen et Thiriez, SCP Masse-Dessen, Thouvenin et Coudray, avocat(s)

REPUBLIQUE FRANCAISE AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS. LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l arrêt suivant :

Code civil local art. 21 à 79

LA CONSTITUTION DE PARTIE CIVILE DANS UN PROCES PENAL.

BULLETIN OFFICIEL DU MINISTÈRE DE LA JUSTICE

avant-propos Goodshot : Business and Euro Photo Alto : Crowds by Frédéric Cirou Corbis : Crime and Justice

Délibération n du 27 septembre 2010

I ) ENTRE : appelant aux termes d'un exploit de l'huissier de justice Georges NICKTS de Luxembourg en date du 30 octobre 2000,

REPUBLIQUE FRANCAISE AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Tribunal de Ière Instance de Bruxelles

Cour de cassation de Belgique

SCP Coutard et Munier-Apaire, SCP Peignot, Garreau et Bauer-Violas, SCP Potier de La Varde et Buk-Lament, avocat(s) REPUBLIQUE FRANCAISE

REPUBL QUE FRANCA SE

Avons ordonné et ordonnons:

DÉCISION DU TRIBUNAL DE LA SÉCURITÉ SOCIALE Division générale Assurance-emploi

SCP Lyon-Caen et Thiriez, SCP Meier-Bourdeau et Lécuyer, avocat(s) REPUBLIQUE FRANCAISE AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Numéro du rôle : Arrêt n 121/2002 du 3 juillet 2002 A R R E T

ACCORD ENTRE LE GOUVERNEMENT DE LA PRINCIPAUTE DU LIECHTENSTEIN ET LE MATIERE FISCALE

Obs. : Automaticité de la pénalité de l article L C. ass. : la victime n a aucune demande à formuler

A Nancy 14 novembre 2012 n 12/00388, Ch. soc., M. c/ Sté Lorraine Environnement

COUR DE CASSATION R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E. Audience publique du 18 décembre 2013 Cassation partielle M. TERRIER, président

CONSEIL de DISCIPLINE

Le stationnement irrégulier de véhicules appartenant à la communauté des gens du voyage.

Cour de cassation. Chambre sociale

REPUBLIQUE FRANCAISE. Contentieux n A et A

La présente brochure vous permet de faire plus ample connaissance avec la cour d assises. À la fin de la brochure figure un lexique explicatif 1.

OCTOBRE Editeur responsable Liliane Baudart Direction générale de l aide à la jeunesse Boulevard Léopold II, Bruxelles

Guide des bonnes pratiques. Les différentes manières dont on saisit la justice pénale

Conclusions de Madame l avocat général Gervaise TAFFALEAU

MINISTÈRE DE L ÉQUIPEMENT. Direction des routes et de la circulation routièrẹ Sous-direction des routes et des affaires générales. 3 bureau.

chronique juridique Contrats de droit privé : l académie de Créteil, un exemple à suivre! Procédures disciplinaires : le memento CHRONIQUE JURIDIQUE

Transcription:

25 SEPTEMBRE 2012 P.11.2087.N/1 Cour de cassation de Belgique Arrêt N P.11.2087.N A. T., prévenu, demandeur, Me Steven Vandebroek, avocat au barreau de Hasselt. I. LA PROCÉDURE DEVANT LA COUR Le pourvoi est dirigé contre l arrêt rendu le 10 novembre 2011 par la cour d appel d Anvers, chambre des mises en accusation. Le demandeur invoque trois moyens dans un mémoire annexé au présent arrêt, en copie certifiée conforme. Le président de section Paul Maffei a fait rapport. L avocat général Patrick Duinslaeger a conclu.

25 SEPTEMBRE 2012 P.11.2087.N/2 II. LA DÉCISION DE LA COUR Sur le premier moyen : 1. Le moyen invoque la violation de l article 6.3.d de la Convention de sauvegarde des droits de l homme et des libertés fondamentales, ainsi que la méconnaissance des principes généraux du droit relatif au respect des droits de la défense et de l égalité des armes : l arrêt décide, à tort, que les déclarations des témoins I. D. et B. R. sont crédibles et que ces témoins ne doivent pas être entendus à l audience ; l arrêt ne rejette pas la défense du demandeur selon laquelle ces témoins ont été menottés et que leur transfèrement au commissariat de police s est déroulé dans le cadre d une démonstration de force, de sorte qu ils étaient sous la pression des événements et qu ils n ont pu faire de déclarations fiables ; lorsque l audition d un témoin est nécessaire à la manifestation de la vérité, celui-ci doit être entendu à l audience ; le demandeur n a pas eu l opportunité de contester le témoignage des deux personnes précitées ; le refus de l arrêt d entendre ces témoins à l audience malgré leur présence au palais de justice est contraire aux droits susmentionnés. 2. En vertu de l article 6.3.d de la Convention de sauvegarde des droits de l homme et des libertés fondamentales, tout accusé a droit notamment à interroger ou faire interroger les témoins à charge et obtenir la convocation et l interrogation des témoins à décharge dans les mêmes conditions que les témoins à charge. 3. Ce droit n est toutefois pas illimité. Sous réserve du respect des droits de la défense, le juge apprécie souverainement s il y a lieu d entendre un témoin et si cette audition est nécessaire à la manifestation de la vérité. 4. L arrêt décide : «Dans les procès-verbaux de constatation du 24 octobre 2008 ( ) dressés par l inspecteur principal enquêteur Claes Floribert et par l inspecteur enquêteur Lowet Benny ressortissant à la zone de police HAZODI, il est mentionné que D. I. et B. R. ont volontairement accompagné les verbalisateurs au commissariat de police de Hasselt pour la poursuite de l instruction.

25 SEPTEMBRE 2012 P.11.2087.N/3 Les constatations matérielles des verbalisateurs concernant le fait que D. I. et B. R. accompagnent volontairement les verbalisateurs au commissariat de Hasselt pour la poursuite de l instruction, figurent dans les procès-verbaux susmentionnés, qui revêtent une valeur probante particulière en vertu de l article 154, alinéa 2, du Code d instruction criminelle. Cette valeur probante particulière ne peut, en aucune manière, être infirmée par [le demandeur]. De plus, il ne ressort d aucun élément du dossier que pression a été exercée sur D. I. et B. R. pour faire certaines déclarations ou que des promesses leur auraient été faites dès lors que ces deux dames ont été immédiatement rapatriées. Il n y a, dès lors, aucune raison de douter de la crédibilité de ces déclarations. La demande du prévenu tendant à l audition de ces dames à l audience doit, par conséquent, être rejetée.». 5. Par ces motifs, l arrêt rejette la défense du demandeur et décide souverainement que les déclarations des témoins D. I. et B. R. sont crédibles et que les entendre une nouvelle fois n est pas nécessaire à la manifestation de la vérité. Ainsi, l arrêt ne viole aucunement les droits de défense du demandeur, le droit à faire interroger des témoins et le droit à l égalité des armes, mais la décision est légalement justifiée. 6. Pour le surplus, le moyen critique l appréciation souveraine par l arrêt selon laquelle les deux témoins ont volontairement accompagné les verbalisateurs au commissariat et qu il ne ressort d aucune pièce que des pressions auraient été exercées sur elles. Dans cette mesure, le moyen est irrecevable. Sur le second moyen : 7. Le moyen invoque la violation des articles 31, 32, 40 de la loi du 15 juin 1935 concernant l'emploi des langues en matière judiciaire, 62 du Code pénal social et 47bis du Code d instruction criminelle : l arrêt décide, à tort,

25 SEPTEMBRE 2012 P.11.2087.N/4 que les témoins I. D. et B. R. ont été entendus avec l assistance d un interprète juré, de sorte qu il n y a pas de raison d écarter des débats les procès-verbaux comportant leur audition ; le dossier répressif ne mentionne ni l identité ni la qualité d un interprète juré et la lettre de l inspecteur social Kuypers ne peut remédier à l irrégularité commise ; les dispositions légales précitées requièrent que le procès-verbal d audition mentionne les identité et qualité de l interprète juré. 8. L article 82 du Code pénal social est entré en vigueur le 1 er juillet 2011, de sorte que les procès-verbaux des auditions réalisées avant cette date n ont pu violer cette disposition. 9. Tant l article 47bis, 5, du Code d instruction criminelle que les articles 31 et 32 de la loi du 15 juin 1935 prévoient que l interprète intervenant au cours d une audition soit juré. Seul l article 47bis, 5, du Code d instruction criminelle prévoit la mention de l identité et de la qualité de l interprète, sans que cette disposition n inflige de sanction en cas d omission. 10. Le fait qu un procès-verbal d audition ne mentionne pas l identité de l interprète ni davantage si ce dernier est juré, n entraîne pas la nullité de ce procès-verbal, sous réserve que ces identité et qualité aient été effectivement vérifiées. Le juge peut exercer ce contrôle à la lumière des éléments qui lui ont été régulièrement soumis, ainsi qu à la contradiction des parties, et dont il apprécie souverainement la valeur probante. Dans la mesure où il est déduit d une autre prémisse juridique, le moyen manque en droit. 11. L arrêt décide souverainement que, ensuite d une demande d information à cet égard, l inspecteur social Kuijpers a communiqué le 6 septembre 2011 tous les éléments d identité de l interprète juré ayant assisté les témoins I. D. et B. R. lors de leur audition et qu aucun élément ne permettait de douter de la véracité de cette information. Ainsi, la décision est légalement justifiée.

25 SEPTEMBRE 2012 P.11.2087.N/5 12. Pour le surplus, le moyen critique cette appréciation souveraine et est irrecevable. ( ) PAR CES MOTIFS, LA COUR Rejette le pourvoi ; Condamne le demandeur aux frais. Ainsi jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre, à Bruxelles, où siégeaient le président de section Paul Maffei, les conseillers Geert Jocqué, Filip Van Volsem, Alain Bloch et Peter Hoet, et prononcé en audience publique du vingt-cinq septembre deux mille douze par le président de section Paul Maffei, en présence de l avocat général Patrick Duinslaeger, avec l assistance du greffier délégué Véronique Kosynsky. Traduction établie sous le contrôle du président de section chevalier Jean de Codt et transcrite avec l assistance du greffier Tatiana Fenaux. Le greffier, Le président de section,