25 SEPTEMBRE 2012 P.11.2087.N/1 Cour de cassation de Belgique Arrêt N P.11.2087.N A. T., prévenu, demandeur, Me Steven Vandebroek, avocat au barreau de Hasselt. I. LA PROCÉDURE DEVANT LA COUR Le pourvoi est dirigé contre l arrêt rendu le 10 novembre 2011 par la cour d appel d Anvers, chambre des mises en accusation. Le demandeur invoque trois moyens dans un mémoire annexé au présent arrêt, en copie certifiée conforme. Le président de section Paul Maffei a fait rapport. L avocat général Patrick Duinslaeger a conclu.
25 SEPTEMBRE 2012 P.11.2087.N/2 II. LA DÉCISION DE LA COUR Sur le premier moyen : 1. Le moyen invoque la violation de l article 6.3.d de la Convention de sauvegarde des droits de l homme et des libertés fondamentales, ainsi que la méconnaissance des principes généraux du droit relatif au respect des droits de la défense et de l égalité des armes : l arrêt décide, à tort, que les déclarations des témoins I. D. et B. R. sont crédibles et que ces témoins ne doivent pas être entendus à l audience ; l arrêt ne rejette pas la défense du demandeur selon laquelle ces témoins ont été menottés et que leur transfèrement au commissariat de police s est déroulé dans le cadre d une démonstration de force, de sorte qu ils étaient sous la pression des événements et qu ils n ont pu faire de déclarations fiables ; lorsque l audition d un témoin est nécessaire à la manifestation de la vérité, celui-ci doit être entendu à l audience ; le demandeur n a pas eu l opportunité de contester le témoignage des deux personnes précitées ; le refus de l arrêt d entendre ces témoins à l audience malgré leur présence au palais de justice est contraire aux droits susmentionnés. 2. En vertu de l article 6.3.d de la Convention de sauvegarde des droits de l homme et des libertés fondamentales, tout accusé a droit notamment à interroger ou faire interroger les témoins à charge et obtenir la convocation et l interrogation des témoins à décharge dans les mêmes conditions que les témoins à charge. 3. Ce droit n est toutefois pas illimité. Sous réserve du respect des droits de la défense, le juge apprécie souverainement s il y a lieu d entendre un témoin et si cette audition est nécessaire à la manifestation de la vérité. 4. L arrêt décide : «Dans les procès-verbaux de constatation du 24 octobre 2008 ( ) dressés par l inspecteur principal enquêteur Claes Floribert et par l inspecteur enquêteur Lowet Benny ressortissant à la zone de police HAZODI, il est mentionné que D. I. et B. R. ont volontairement accompagné les verbalisateurs au commissariat de police de Hasselt pour la poursuite de l instruction.
25 SEPTEMBRE 2012 P.11.2087.N/3 Les constatations matérielles des verbalisateurs concernant le fait que D. I. et B. R. accompagnent volontairement les verbalisateurs au commissariat de Hasselt pour la poursuite de l instruction, figurent dans les procès-verbaux susmentionnés, qui revêtent une valeur probante particulière en vertu de l article 154, alinéa 2, du Code d instruction criminelle. Cette valeur probante particulière ne peut, en aucune manière, être infirmée par [le demandeur]. De plus, il ne ressort d aucun élément du dossier que pression a été exercée sur D. I. et B. R. pour faire certaines déclarations ou que des promesses leur auraient été faites dès lors que ces deux dames ont été immédiatement rapatriées. Il n y a, dès lors, aucune raison de douter de la crédibilité de ces déclarations. La demande du prévenu tendant à l audition de ces dames à l audience doit, par conséquent, être rejetée.». 5. Par ces motifs, l arrêt rejette la défense du demandeur et décide souverainement que les déclarations des témoins D. I. et B. R. sont crédibles et que les entendre une nouvelle fois n est pas nécessaire à la manifestation de la vérité. Ainsi, l arrêt ne viole aucunement les droits de défense du demandeur, le droit à faire interroger des témoins et le droit à l égalité des armes, mais la décision est légalement justifiée. 6. Pour le surplus, le moyen critique l appréciation souveraine par l arrêt selon laquelle les deux témoins ont volontairement accompagné les verbalisateurs au commissariat et qu il ne ressort d aucune pièce que des pressions auraient été exercées sur elles. Dans cette mesure, le moyen est irrecevable. Sur le second moyen : 7. Le moyen invoque la violation des articles 31, 32, 40 de la loi du 15 juin 1935 concernant l'emploi des langues en matière judiciaire, 62 du Code pénal social et 47bis du Code d instruction criminelle : l arrêt décide, à tort,
25 SEPTEMBRE 2012 P.11.2087.N/4 que les témoins I. D. et B. R. ont été entendus avec l assistance d un interprète juré, de sorte qu il n y a pas de raison d écarter des débats les procès-verbaux comportant leur audition ; le dossier répressif ne mentionne ni l identité ni la qualité d un interprète juré et la lettre de l inspecteur social Kuypers ne peut remédier à l irrégularité commise ; les dispositions légales précitées requièrent que le procès-verbal d audition mentionne les identité et qualité de l interprète juré. 8. L article 82 du Code pénal social est entré en vigueur le 1 er juillet 2011, de sorte que les procès-verbaux des auditions réalisées avant cette date n ont pu violer cette disposition. 9. Tant l article 47bis, 5, du Code d instruction criminelle que les articles 31 et 32 de la loi du 15 juin 1935 prévoient que l interprète intervenant au cours d une audition soit juré. Seul l article 47bis, 5, du Code d instruction criminelle prévoit la mention de l identité et de la qualité de l interprète, sans que cette disposition n inflige de sanction en cas d omission. 10. Le fait qu un procès-verbal d audition ne mentionne pas l identité de l interprète ni davantage si ce dernier est juré, n entraîne pas la nullité de ce procès-verbal, sous réserve que ces identité et qualité aient été effectivement vérifiées. Le juge peut exercer ce contrôle à la lumière des éléments qui lui ont été régulièrement soumis, ainsi qu à la contradiction des parties, et dont il apprécie souverainement la valeur probante. Dans la mesure où il est déduit d une autre prémisse juridique, le moyen manque en droit. 11. L arrêt décide souverainement que, ensuite d une demande d information à cet égard, l inspecteur social Kuijpers a communiqué le 6 septembre 2011 tous les éléments d identité de l interprète juré ayant assisté les témoins I. D. et B. R. lors de leur audition et qu aucun élément ne permettait de douter de la véracité de cette information. Ainsi, la décision est légalement justifiée.
25 SEPTEMBRE 2012 P.11.2087.N/5 12. Pour le surplus, le moyen critique cette appréciation souveraine et est irrecevable. ( ) PAR CES MOTIFS, LA COUR Rejette le pourvoi ; Condamne le demandeur aux frais. Ainsi jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre, à Bruxelles, où siégeaient le président de section Paul Maffei, les conseillers Geert Jocqué, Filip Van Volsem, Alain Bloch et Peter Hoet, et prononcé en audience publique du vingt-cinq septembre deux mille douze par le président de section Paul Maffei, en présence de l avocat général Patrick Duinslaeger, avec l assistance du greffier délégué Véronique Kosynsky. Traduction établie sous le contrôle du président de section chevalier Jean de Codt et transcrite avec l assistance du greffier Tatiana Fenaux. Le greffier, Le président de section,