AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS



Documents pareils
REPUBLIQUE FRANCAISE. Contentieux n A et A

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS. b) a annulé ce jugement rendu le 7 avril 2006 par le tribunal administratif de Nice (article 1er) ;

REPUBLIQUE FRANCAISE AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

CONSEIL D'ETAT statuant au contentieux N RÉPUBLIQUE FRANÇAISE. UNION NATIONALE DES ASSOCIATIONS DE SANTÉ A DOMICILE et autre

M. Mazars (conseiller doyen faisant fonction de président), président

REPUBLIQUE FRANCAISE AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS. LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIERE ET ECONOMIQUE, a rendu l arrêt suivant :

TRIBUNAL ADMINISTRATIF DE CAEN F D

Me Balat, SCP Boré et Salve de Bruneton, SCP Boulloche, SCP Odent et Poulet, SCP Ortscheidt, SCP Rocheteau et Uzan-Sarano, avocat(s)

SCP Boré et Salve de Bruneton, SCP Delaporte, Briard et Trichet, avocat(s) REPUBLIQUE FRANCAISE AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

REPUBLIQUE FRANCAISE AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS. LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l arrêt suivant :

Quelles sont les conséquences d une mention erronée des délais de recours dans l affichage du permis de construire?

SCP Lyon-Caen et Thiriez, SCP Meier-Bourdeau et Lécuyer, avocat(s) REPUBLIQUE FRANCAISE AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Décrets, arrêtés, circulaires

REPUBLIQUE FRANCAISE AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS. LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l arrêt suivant :

N Section du Contentieux Publié au recueil Lebon M. Stirn, président M. Bernard Stirn, rapporteur SCP BOUZIDI ; BLONDEL, avocats

COUR DE CASSATION R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E. Audience publique du 16 janvier 2014 Cassation Mme FLISE, président. Arrêt n o 47 F-P+B

REPUBLIQUE FRANCAISE AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Cour de cassation. Chambre sociale

MINISTÈRE DE L ÉQUIPEMENT. Direction des routes et de la circulation routièrẹ Sous-direction des routes et des affaires générales. 3 bureau.

SCP Célice, Blancpain et Soltner, SCP Thouin-Palat et Boucard, avocat(s) REPUBLIQUE FRANCAISE AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

TRIBUNAL ADMINISTRATIF DE MONTREUIL RÉPUBLIQUE FRANÇAISE. N o Mme Audrey G. AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS. M. Buisson Rapporteur

Renonciation réciproque à recours au bail et assurances

SCP Célice, Blancpain et Soltner, SCP Nicolaý, de Lanouvelle et Hannotin, avocat(s) REPUBLIQUE FRANCAISE AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

REPUBLIQUE FRANCAISE AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

M. Petit (conseiller doyen faisant fonction de président), président REPUBLIQUE FRANCAISE AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Association pour l Expérimentation de Nouvelles Structures d Accueil Pour Exclus (E.N.S.A.P.E.)

M. Lacabarats (président), président SCP Lyon-Caen et Thiriez, SCP Masse-Dessen, Thouvenin et Coudray, avocat(s)

REPUBLIQUE FRANCAISE AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS. LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l arrêt suivant :

FISCALITE Assurance sur la vie

comparante par Maître MILLIARD, avocat au barreau de NOUMÉA,

CONTENTIEUX JUDICIAIRE DU PERMIS DE CONSTRUIRE

Arrêt n CAISSE DE CREDIT MUNICIPAL DE LYON

E n t r e : appelante aux termes d un exploit de l huissier de justice Jean-Lou THILL de Luxembourg du 14 août 2009,

REPUBLIQUE FRANCAISE

Audience publique de la Cour de cassation du Grand-Duché de Luxembourg du jeudi, premier décembre deux mille onze.

REPUBLIQUE FRANCAISE AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS. LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l arrêt suivant :

REPUBLIQUE FRANCAISE AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

L INFORMATION DU CREANCIER MUNI DE SURETE... 2

REPUBLIQUE FRANCAISE AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Assurance responsabilité civile Du fait d un chien de catégorie 1 ou d un chien de catégorie 2 ou de tout autre chien

LAR Police IZEO pour mandataires sociaux

COUR DE CASSATION R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E. Audience publique du 18 décembre 2013 Cassation partielle M. TERRIER, président

SCP Coutard et Munier-Apaire, SCP Peignot, Garreau et Bauer-Violas, SCP Potier de La Varde et Buk-Lament, avocat(s) REPUBLIQUE FRANCAISE

Mme Aldigé (conseiller le plus ancien faisant fonction de président), président

TROISIÈME SECTION. AFFAIRE MATTEONI c. ITALIE. (Requête n o 42053/02)

Quel cadre juridique pour les mesures d investigation informatique?

LA COUR DES COMPTES a rendu l arrêt suivant :

dolosive, imputable aux constructeurs, aurait conduit à cette réception sans réserve.

LIGUE DE FOOTBALL PARIS ILE DE FRANCE RESUME DES GARANTIES CONTRAT N ASSURANCES DES LICENCIES SAISON 2015/2016.

(Confédération générale du travail Force ouvrière et autre)

LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL, Vu l ordonnance n du 7 novembre 1958 modifiée portant loi organique sur le Conseil constitutionnel ;

Audience publique de la Cour de cassation du Grand-Duché de Luxembourg du jeudi, dix-neuf mai deux mille onze.

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS. Le Tribunal administratif de Dijon (1ère chambre)

(1re chambre - formation à 3)

ASSURANCE : DÉFINITION***

Tribunal des Conflits n 3776 Conflit sur renvoi du tribunal administratif de Montpellier

Tribunal de Ière Instance de Bruxelles

Obs. : Automaticité de la pénalité de l article L C. ass. : la victime n a aucune demande à formuler

TRIBUNAL ADMINISTRATIF DE NANTES

Droit du travail - Jurisprudence. Inaptitude médicale résultant de faits de harcèlement moral

M. Gosselin (conseiller le plus ancien faisant fonction de président), président REPUBLIQUE FRANCAISE AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

TRIBUNAL ADMINISTRATIF DE LILLE N Mme Dejana R M. Dzibrail R RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

Le dispositif de la maladie imputable au service

A Nancy 14 novembre 2012 n 12/00388, Ch. soc., M. c/ Sté Lorraine Environnement

CONTRAT COLLECTIF D ASSURANCE DE PROTECTION JURIDIQUE

REPUBLIQUE FRANCAISE AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS. LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l arrêt suivant :

SCP Thouin-Palat et Boucard, SCP Tiffreau, Corlay et Marlange, avocat(s) REPUBLIQUE FRANCAISE AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DE TOULOUSE. ORDONNANCE DE RÉFÉRÉ DU 01 Juillet 2014

Conditions générales MY BAG 0124-MYBAG-F

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS N , , , , M. Olivier Yeznikian Rapporteur

PROPOSITION DE LOI. instaurant l assurance incendie obligatoire et finançant les services d'incendie 12 mars 2010

Madame TOURE AMINATA épouse TOURE, Président du Tribunal ;

COUR DE CASSATION R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

2. Le contrat de location ne comporte aucune stipulation visant le cas de résiliation à l'initiative du locataire.

REPUBLIQUE FRANCAISE AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS. LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l arrêt suivant :

Responsabilité civile des administrateurs et des réviseurs d une société anonyme : questions choisies

Le stationnement irrégulier de véhicules appartenant à la communauté des gens du voyage.

ASSURANCE DOMMAGES-OUVRAGE

Responsabilité pénale de l association

Mme Renard-Payen, assistée de Mme Sainsily-Pineau, greffier en chef, conseiller apporteur REPUBLIQUE FRANCAISE AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

BULLETIN OFFICIEL. Cahiers de jurisprudence de l aide sociale. Sommaire. N o 11/06

Les motifs de saisine de la commission de réforme

Société PACIFICA / SociétéNationale des Chemins de fer Français. Conclusions du Commissaire du Gouvernement.

Les assurances de construction

Catastrophes naturelles. Prévention. assurance. M i s s i o n R i s q u e s N a t u r e l s

Propriétaires, Locataires, Administrateurs de Biens et Assurance en Copropriété

Commentaire. Décision n QPC du 26 septembre Société Assurances du Crédit mutuel

N 25/ 07. du Numéro 2394 du registre.

AUDIENCE PUBLIQUE DU 30 OCTOBRE 2014

Cour d'appel de Bruxelles - Arrêt du 8 novembre

FICHE N 8 - LES ACTIONS EN RECOUVREMENT DES CHARGES DE COPROPRIETE

Cour de cassation de Belgique

BELGIQUE. Mise à jour de la contribution de novembre 2005

Le régime de la responsabilité civile des enseignants

CONDITIONS GENERALES DE VENTE

LA FAUTE MEDICALE : L assurance de responsabilité civile UIA SOFIA 2014

Sur le recours du MINISTRE DU BUDGET, DES COMPTES PUBLICS, DE LA FONCTION PUBLIQUE ET DE LA REFORME DE L'ETAT :

Transcription:

Conseil d État statuant au contentieux N 262046 Inédit au Recueil Lebon 7ème et 2ème sous-sections réunies Mlle Sibyle Petitjean, Rapporteur M. Boulouis, Commissaire du gouvernement M. Stirn, Président SCP LYON-CAEN, FABIANI, THIRIEZ ; SCP CELICE, BLANCPAIN, SOLTNER ; SCP PIWNICA, MOLINIE Lecture du 3 mai 2006 REPUBLIQUE FRANCAISE AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 24 novembre 2003 et 24 mars 2004 au secrétariat du contentieux du Conseil d Etat, présentés pour la COMMUNE DE BOLLENE, représentée par son maire en exercice, domicilié en cette qualité à l hôtel de ville, Bollène (84500) et le SYNDICAT INTERCOMMUNAL POUR L AMENAGEMENT ET L ENTRETIEN DU RESEAU HYDRAULIQUE DU NORD VAUCLUSE, dont le siège est domicilié à l hôtel de ville, Lapalud (84840) ; la COMMUNE DE BOLLENE et le RESEAU HYDRAULIQUE DU NORD VAUCLUSE demandent au Conseil d Etat : 1 ) d annuler l arrêt n 01MA01791 du 3 juin 2003 par lequel la cour administrative d appel de Marseille a condamné la commune exposante à verser à la Mutuelle d assurances des commerçants et industriels de France une indemnité de 443 849,21 euros, dont 63 407,03 euros conjointement et solidairement avec le syndicat intercommunal exposant en réparation des préjudices subis par elle à raison des sinistres causés à ses assurés par la crue du Lez intervenue dans la nuit du 30 septembre au 1er octobre 1993 ; 2 ) de mettre à la charge de la Mutuelle d assurances des commerçants et industriels de France la somme de 5 500 euros en application des dispositions de l article L. 761 1 du code de justice administrative ; Vu les autres pièces du dossier ; Vu le code des communes ; Vu le code de l urbanisme ; Vu le code des assurances Vu la loi du 28 pluviôse an VIII ; Vu le code de justice administrative ; Après avoir entendu en séance publique : - le rapport de Mlle Sibyle Petitjean, Auditeur, - les observations de la SCP Lyon-Caen, Fabiani, Thiriez, avocat de la COMMUNE DE BOLLENE et du SYNDICAT INTERCOMMUNAL POUR L AMENAGEMENT ET L ENTRETIEN DU RESEAU HYDRAULIQUE DU NORD VAUCLUSE, de la SCP Piwnica, Molinié, avocat de la compagnie nationale du Rhône et de la SCP Célice, Blancpain, Soltner, avocat de la Société des Autoroutes du Sud de la France, - les conclusions de M. Nicolas Boulouis, Commissaire du gouvernement ; Considérant qu il résulte des pièces du dossier soumis aux juges du fond que des orages

violents, survenus dans la nuit du 30 septembre au 1er octobre 1993, ont provoqué une forte crue des eaux du Lez, affluent du Rhône ; que par arrêté interministériel du 11 octobre 1993, l état de catastrophe naturelle a été constaté à Bollène (Vaucluse) pour les dommages dus aux inondations et aux coulées de boue ; qu à la demande de l Association de défense des sinistrés de Bollène et de M. Roux, le tribunal administratif de Marseille a nommé un expert, lequel a déposé son rapport au tribunal le 2 août 1996 ; que par des jugements en date du 15 mai 2001, le tribunal a rejeté les demandes présentées par la Mutuelle d assurances des commerçants et industriels de France, en qualité de subrogée dans les droits et actions de ses assurés à concurrence des indemnités versées à ces derniers, et par cinquante quatre victimes du sinistre, tendant à la réparation de leur préjudice ; que par un arrêt du 3 juin 2003 la cour administrative d appel de Marseille, saisie par la Mutuelle d assurances des commerçants et industriels de France, a, notamment, d une part, rejeté comme irrecevables les conclusions de l intéressée tendant à voir la responsabilité de l Etat engagée et, d autre part, condamné la COMMUNE DE BOLLENE à réparer les préjudices subis par la mutuelle à hauteur de 35 %, dont 5 % conjointement et solidairement avec le SYNDICAT INTERCOMMUNAL POUR VAUCLUSE ; Sur l intervention du ministre de l écologie et du développement durable : Considérant que le ministre, qui était partie à l instance devant la cour administrative d appel, avait qualité pour se pourvoir en cassation contre l arrêt attaqué ; que, dès lors, son intervention n est pas recevable ; qu à supposer qu elle doive être regardée comme un pourvoi en cassation présenté par le ministre, celui ci, enregistré au secrétariat du contentieux du Conseil d Etat le 28 juillet 2004, soit après l expiration du délai de recours contentieux, serait tardif et, par suite, irrecevable ; Sur les conclusions du pourvoi de la COMMUNE DE BOLLENE et le SYNDICAT INTERCOMMUNAL POUR L AMENAGEMENT ET L ENTRETIEN DU RESEAU HYDRAULIQUE DU NORD VAUCLUSE : En ce qui concerne la force majeure : Considérant qu il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond qu à plusieurs reprises au cours du siècle dernier, à la suite de précipitations abondantes, le Lez est sorti de son lit et a inondé les terrains alentour ; qu ainsi, en jugeant que si, du fait de leur volume, les précipitations à l origine de l inondation constatée avaient un caractère exceptionnel, elles ne pouvaient être regardées comme un phénomène imprévisible constituant un événement de force majeure, la cour administrative d appel de Marseille n a pas donné aux circonstances à l origine du sinistre une qualification juridique erronée ; En ce qui concerne la responsabilité pour faute de la COMMUNE DE BOLLENE : Considérant qu aux termes de l article L. 131-2 du code des communes alors en vigueur, la police municipale comprend notamment : II-6 le soin de prévenir par des précautions convenables et de faire cesser par la distribution des secours nécessaires, les accidents et les fléaux calamiteux tels que ( ) les inondations ; qu il appartenait en application de ces dispositions à la COMMUNE DE BOLLENE de prendre les mesures réglementaires et d exécution appropriées pour prévenir la survenance du risque d inondation, lequel était connu ; que, dès lors, en jugeant qu en tolérant l existence illégale de la décharge de la maison Gerbaud, laquelle a entraîné une réduction des épandages au moment de la crue ainsi qu un apport de détritus dans le lit de la rivière, la commune avait commis une faute de nature à engager sa responsabilité, sans qualifier celle-ci de faute lourde, la cour administrative d appel n a pas commis d erreur de droit ; Considérant que si la cour a estimé, au vu du rapport de l expert désigné par le tribunal administratif de Marseille, que l insuffisance des prescriptions du plan d occupation des sols, alors en vigueur, en matière de prévention des inondations avait contribué aux dommages des

riverains sinistrés, ce motif de son arrêt revêt un caractère surabondant ; qu ainsi, les moyens tirés de ce qu un tel motif serait entaché d une insuffisance de motivation et d une erreur de qualification juridique sont inopérants et ne peuvent, dès lors, qu être écartés ; En ce qui concerne la responsabilité sans faute de la COMMUNE DE BOLLENE et du SYNDICAT INTERCOMMUNAL POUR L AMÉNAGEMENT ET L ENTRETIEN DU RESEAU HYDRAULIQUE DU NORD VAUCLUSE pour les dommages causés aux tiers par des ouvrages publics : Considérant, que le maître d ouvrage est responsable, même en l absence de faute, des dommages que les ouvrages publics dont il a la garde peuvent causer aux tiers en raison tant de leur existence que de leur fonctionnement ; que, dès lors, en jugeant qu il résultait de l instruction que les conséquences dommageables des inondations survenues ont été aggravées par l état de divers ouvrages publics, notamment les buses situées au droit du pont des pompiers, le mur de protection sur la rive gauche, le mur de protection longeant le camping municipal au droit de la dernière parcelle riveraine, les défauts caractérisant l aménagement des berges sur la rive droite et la rive gauche, ainsi que le système d évacuation des eaux, pour en déduire que, les propriétaires riverains ayant la qualité de tiers par rapport à ces ouvrages, la responsabilité des requérants se trouve engagée même sans faute, la cour n a pas entaché son arrêt d une erreur de droit ; que, contrairement à ce que soutiennent les requérants, la cour n a pas tenu compte de l inexécution d un travail public ou d un ouvrage public pour engager leur responsabilité ; Considérant que les tiers peuvent rechercher, pour obtenir la réparation des dommages imputables à un ouvrage public qu ils ont subis, la responsabilité non seulement du maître de l ouvrage mais également de la collectivité publique qui assure l entretien de cet ouvrage ; que, par suite, la COMMUNE DE BOLLENE ne saurait utilement faire valoir qu elle n a la qualité de propriétaire ni des buses situées au droit du pont des pompiers, ni du pont Notre- Dame pour soutenir que la cour administrative d appel, qui a souverainement apprécié au vu des pièces du dossier que l entretien de ces ouvrages lui incombait, a commis une erreur de droit en la regardant, dès lors, comme responsable envers les tiers des dommages causés par ces ouvrages ; Considérant que c est au terme d une appréciation souveraine, qui n est pas entachée de dénaturation, que la cour administrative d appel, en se fondant sur les constatations du rapport de l expert désigné par le président du tribunal administratif, a estimé que le fonctionnement défectueux des buses a contribué au gonflement des eaux du Lez et que le mauvais aménagement des épis transversaux installés dans le lit de la rivière ainsi que la présence d un boulodrome ont constitué des obstacles à l écoulement des eaux ; qu en déduisant de cette appréciation que l inondation des propriétés des riverains trouve sa cause directe dans ces divers ouvrages publics, alors même que ces propriétés en seraient éloignées, la cour administrative d appel n a pas entaché son arrêt d une erreur dans la qualification juridique des faits ; Considérant que les pièces du dossier soumis aux juges du fond ne leur permettaient pas de déterminer sur quelle rive du Lez était situé chaque construction et chaque véhicule indemnisé par la Mutuelle d assurances des commerçants et industriels de France ; que, par suite, les moyens tirés par les requérants de ce que certains dommages indemnisés par la mutuelle portaient sur des biens et des constructions situés sur la rive droite du Lez ne peuvent être utilement invoqués pour la première fois devant le juge de cassation ; Considérant qu en estimant que la surélévation du quai de la Résistance sur la rive droite et l insuffisance du mur de protection situé sur la rive gauche, alors même qu ils ont pu atténuer les effets de la crue du Lez sur la rive droite, ont contribué à l ampleur de l inondation de la rive gauche et ont donc aggravé les dommages au titre desquels la mutuelle demande à être indemnisée de sommes versées par elle, la cour administrative d appel n a entaché son arrêt ni

d une dénaturation des pièces du dossier, ni d une qualification juridique des faits erronée ; qu en déduisant de ces constations que la responsabilité de la commune devait être engagée du fait de ces ouvrages publics, la cour n a pas davantage commis une erreur de droit ; qu elle a fait une juste appréciation des circonstances de l espèce en fixant à 35 % la part des dommages entraînés par l ensemble des ouvrages dépendant de la COMMUNE DE BOLLENE ; En ce qui concerne le préjudice : Considérant qu il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que dans un mémoire présenté devant le tribunal administratif de Marseille, le 7 janvier 1999, la COMMUNE DE BOLLENE et le SYNDICAT INTERCOMMUNAL POUR VAUCLUSE ont fait valoir que la Mutuelle d assurances des commerçants et industriels de France ne pouvait demander d indemnisation au titre des sommes versées par elle à M. A (247,17 euros), M. B (1 081,72 euros), M. C (2 704,68 euros), M. D (28 930,89 euros) et M. E (3 191,18 euros) dès lors qu elle n en justifiait pas le versement ; que, par suite, la cour administrative d appel de Marseille, en jugeant, pour évaluer le montant du préjudice subi par la Mutuelle d assurances des commerçants et industriels de France et lui ouvrant droit à réparation, que le montant du préjudice allégué par elle n était pas contesté par les défendeurs, a entaché son arrêt d une dénaturation sur ce point des pièces du dossier ; que son arrêt doit, dès lors, être annulé en tant qu il statue sur l étendue du préjudice indemnisable et sur le montant de la réparation ; Considérant que, dans les circonstances de l espèce, il y a lieu de régler, dans cette mesure, l affaire au fond en application de l article L. 821 2 du code de justice administrative ; Considérant que la Mutuelle d assurances des commerçants et industriels de France soutient avoir subi un préjudice d un montant de 1 268 140,59 euros (8 318 457 francs) ; qu il résulte toutefois de l instruction que, si elle justifie du versement contesté à M. B, elle ne justifie pas, en revanche, avoir versé à MM. A, C, D et E les indemnisations dont elle se prévaut et qui s élèvent, compte tenu des chiffres indiqués ci-dessus, à un montant total de 35 073,92 euros ; que les sommes dont elle justifie le versement en réparation des dommages subis par ses assurés, suite à la crue du Lez du 1er octobre 1993, s élèvent, après déduction de cette somme de 35 073,92 euros, à 1 233 066,67 euros ; que le versement de ces sommes, à concurrence desquelles elle est subrogée dans les droits et actions de ses assurés, a constitué pour elle un préjudice lui ouvrant droit à réparation dans le cadre du partage de responsabilité défini par l arrêt de la cour administrative d appel de Marseille ; que, par suite, l indemnité mise à la charge de la COMMUNE DE BOLLENE doit être fixée à 431 573,33 euros, dont 61 653,33 euros conjointement et solidairement avec le SYNDICAT INTERCOMMUNAL POUR VAUCLUSE ; Sur les conclusions tendant à l application des dispositions de l article L. 761-1 du code de justice administrative : Considérant qu il y lieu de faire application de ces dispositions et de mettre à la charge de la Mutuelle d Assurances des Commerçants et Industriels de France au profit respectivement de la COMMUNE DE BOLLENE et du SYNDICAT INTERCOMMUNAL POUR VAUCLUSE une somme de 2 000 euros chacun au titre des frais exposés par eux et non compris dans les dépens ; DECIDE Article 1er : L intervention du ministre de l écologie et du développement durable n est pas admise.

Article 2 : L arrêt de la cour administrative d appel de Marseille n 01MA01791, en date du 3 juin 2003, est annulé en tant qu il fixe le montant du préjudice de la Mutuelle d assurances des commerçants et industriels de France consécutif à la crue du Lez intervenue dans la nuit du 30 septembre au 1er octobre 1993 à 1 268 140,59 euros et le montant de la réparation à la charge de la COMMUNE DE BOLLENE à 443 849,21 euros dont 63 407,03 euros conjointement et solidairement avec le SYNDICAT INTERCOMMUNAL POUR VAUCLUSE. Article 3 : La somme mise à la charge de la COMMUNE DE BOLLENE est fixée à 431 573,33 euros, dont 61 653,33 euros conjointement et solidairement avec le SYNDICAT INTERCOMMUNAL POUR L AMENAGEMENT ET L ENTRETIEN DU RESEAU HYDRAULIQUE DU NORD VAUCLUSE. Article 4 : La Mutuelle d assurances des commerçants et industriels de France versera une somme de 2 000 euros chacun respectivement à la COMMUNE DE BOLLENE et au RESEAU HYDRAULIQUE DU NORD VAUCLUSE au titre des dispositions de l article L. 761-1 du code de justice administrative. Article 5 : Le surplus des conclusions du pourvoi de la COMMUNE DE BOLLENE et du RESEAU HYDRAULIQUE DU NORD VAUCLUSE est rejeté. Article 6 : La présente décision sera notifiée à la COMMUNE DE BOLLENE, au RESEAU HYDRAULIQUE DU NORD VAUCLUSE, à la Mutuelle d assurances des commerçants et industriels de France, au ministre de l écologie et du développement durable, à la Société des Autoroutes du Sud de la France et à la compagnie nationale du Rhône.