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n 11 avril 2009 Spécial hydroélectricité Faire de la Dordogne le modèle européen d excellence sur le double enjeu énergie et écologie Edito Aujourd hui, les rivières sont en crise et le bassin de la Dordogne ne fait pas exception. L état des lieux mené dans le cadre de la directive européenne sur l eau montre que la moitié des masses d eau du bassin de la Dordogne est dégradée. En cause, la présence des barrages, toutes tailles confondues. Sur le bassin de la Dordogne, plus de cinquante grands barrages stockent un milliard de mètres cubes d eau. Depuis le milieu du 20 e siècle, ils ont réduit considérablement l accès des migrateurs à leurs zones de reproduction, artificialisé le régime des cours d eau et accéléré le vieillissement des milieux aquatiques, contribuant ainsi à une diminution importante de la biodiversité des rivières. Les usages de loisir et économiques sont aussi pénalisés et l attractivité de la vallée en souffre. A ces grands barrages s ajoutent une multitude d obstacles de moindre importance, qui contribuent de manière marginale à satisfaire les besoins en énergie, mais qui démultiplient à l infini les problèmes posés par l hydroélectricité aux rivières. La Dordogne a beaucoup donné pour sécuriser le réseau électrique national et il est temps maintenant de lui rendre plus de considération. Le renouvellement des concessions hydroélectriques de la vallée est une occasion de faire de la Dordogne un modèle d excellence pour respecter la directive cadre sur l eau et le multiusage sur les cours d eau et les retenues. Il faut, en particulier, supprimer les effets des éclusées à l aval de la chaîne Dordogne pour retrouver un régime qui se rapproche du débit naturel, améliorer le franchissement sur les barrages du bergeracois et éviter la prolifération des microcentrales sur le bassin de la Dordogne. L avenir des rivières et des bassins versants en dépend. Sommaire L impact des éclusées sur les milieux confirmé par les dernières études Signature de la convention "éclusées" : un pas pour réduire l impact de l hydroélectricité sur le bassin de la Dordogne Le renouvellement des concessions : une occasion de mieux faire La France a besoin du potentiel hydroélectrique du bassin de la Dordogne ; mais de quoi a besoin la Dordogne? Les barrages du Bergeracois doivent s ouvrir aux poissons migrateurs Une idée pour avancer ensemble Sous l aile du dragon Bort les Orgues, plus grand barrage de la chaîne Dordogne Aubas, une des microcentrales de la Vézère Bernard CAZEAU Sénateur Président du Conseil général de la Dordogne Président d EPIDOR Mauzac, un des trois barrages au fil de l eau de la basse Dordogne

L impact des éclusées sur les milieux aquatiques est confirmé par les dernières études Année après année, les études se succèdent pour disséquer les phénomènes liés aux éclusées hydroélectriques et pour tenter d apprécier le détail de leurs impacts sur l écologie de la rivière. EPIDOR a récemment dressé un bilan technique des connaissances acquises à travers les nombreuses études et expériences portées par l établissement public, par l association MIGADO, par l ONEMA, par la fédération de pêche de la Corrèze et par les associations locales. Ce bilan démontre que, chaque année, plus de 150 éclusées modifient le régime naturel sur 200 km de rivière et perturbent le cycle biologique de plus de 20 espèces de poissons. Près de 500 sites sensibles ont été inventoriés sur les rivières Dordogne, Maronne et Cère. Des premières estimations indiquent que sur les secteurs les plus exposés de la Maronne et de la Dordogne corrézienne, la moitié de la reproduction des salmonidés serait détruite chaque année. Ponctuellement, certaines baisses de débits particulièrement importantes peuvent détruire la totalité de la reproduction des espèces les plus sensibles comme la perche et le brochet. La faune invertébrée subit aussi les impacts puisque la moitié des individus présents sur les bancs de galets de la Maronne sont détruits à chaque éclusée. Toutes ces connaissances ont permis d élaborer des recommandations à l attention des exploitants, en vue d expérimenter une gestion plus écologique de la chaîne de barrages. L ensemble de ces recommandations est présenté dans le «calendrier des débits de la Dordogne» récemment proposé par EPIDOR. Des suivis continuent d être menés sur le terrain pour améliorer la connaissance et faire encore progresser les dispositions actuelles. Alevins de saumon mis à sec juste après leur éclosion Lors d une éclusée, des tronçons entiers de cours d eau peuvent être mis à sec (bras de Pinsac) Piégeage d alevins sur la Dordogne Télécharger sur www.eptb dordogne.fr : bilan des connaissances sur l impact des éclusées hydroélectriques, janvier 2009 le calendrier des débits de la Dordogne, février 2009 2

Signature de la convention éclusées : un pas pour réduire l impact de l hydroélectricité sur le bassin de la Dordogne Les débits de la Dordogne, de la Vézère, de la Maronne et de la Cère sont gouvernés par la gestion hydraulique des grands barrages. Si la finalité de la chaîne hydroélectrique de la Dordogne reste la production électrique, cet usage ne doit plus pénaliser autant que par le passé les milieux aquatiques et la pratique des activités d eau, en particulier la navigation, la baignade et la pêche. Après 15 ans d études et de débats, démarrés avec la Charte Dordogne en 1992, la convention sur la régulation des débits sur le bassin de la Dordogne a été signée à Périgueux, lundi 16 mars 2009. Par cet accord, établi avec l Agence de l Eau Adour Garonne, l Etablissement Public Territorial du Bassin de la Dordogne EPIDOR et l Etat, EDF s engage jusqu en 2012 sur de nouvelles règles de gestion des débits qui pénalisent moins Signature de la convention éclusée entre l agence de l eau, EPIDOR, l Etat et EDF à la préfecture de la Dordogne les milieux aquatiques et permettent le multiusages sur les cours d'eau. En compensation de ces efforts, l Agence de l Eau abaisse le niveau des redevances qui s appliquent aux barrages de la haute Dordogne. Bernard CAZEAU, sénateur de la Dordogne et président d EPIDOR, signataire de cette convention, s est félicité de cette avancée tout en soulignant qu elle ne permettrait sûrement pas de résoudre tous les problèmes. Il a regretté le caractère temporaire de l accord et a demandé que les nouvelles modalités de gestion s imposent réglementairement aux gestionnaires des barrages et ce au delà de 2012. Le renouvellement des concessions hydroélectriques de la haute Dordogne est une occasion unique de trouver des solutions durables au problème des éclusées. Rencontre au sommet de la Tour EDF Bernadette BOURZAI, sénatrice de la Corrèze Bernard CAZEAU, sénateur de la Dordogne Jean LAUNAY, député du Lot Gérard MIQUEL, sénateur du Lot Germinal PEIRO, député de la Dordogne René TEULADE, sénateur de la Corrèze Le 24 mars 2009, une délégation de parlementaires du bassin versant de la Dordogne, menée par le président Bernard CAZEAU, a rencontré le président d'edf, Pierre GADONNEIX. Cette rencontre a été l'occasion de mesurer les progrès réalisés avec la signature récente de la convention visant à réduire l'impact des éclusées et de rappeler les attentes du bassin de la Dordogne au président d EDF : faire de la Dordogne un modèle d excellence pour respecter la directive cadre sur l eau et le multi usage sur les cours d eau. 7 DEMANDES FORMULEES AU PRESIDENT D EDF : supprimer les effets des éclusées à l aval de la chaîne Dordogne pour retrouver un régime qui se rapproche du débit naturel, en maintenant le débit minimum garanti à Argentat améliorer le débat et la concertation sur l hydroélectricité dans le bassin de la Dordogne contribuer encore plus à l effort commun de recherche et de suivi pour améliorer l intégration environnementale de l hydroélectricité participer à des programmes ambitieux de remise en état des milieux aquatiques atteindre l excellence en matière de franchissement aider à limiter la prolifération des microcentrales sur le bassin de la Dordogne voir EDF s impliquer de façon plus significative dans les actions de développement qui se mettent en place autour des barrages et de leurs retenues 3

Le renouvellement des concessions : une occasion de mieux faire En France, c est l Etat qui gère l utilisation de la force motrice de l eau. Pour les grands ouvrages hydroélectriques, la décision appartient au ministre qui a le pouvoir de concéder l exploitation d une chute d eau à un producteur, pour une période déterminée. Sur le bassin de la Dordogne, il existe de nombreuses concessions, mises en place depuis 1920. La plus importante d entre elles concerne le complexe de Bort les Orgues (réserve utile de 408 millions de m3 et puissance de 240 MW) et arrive à échéance en 2012. Face à l immense enjeu stratégique des énergies et de la place de l hydraulique au sein des énergies renouvelables, on s interroge aujourd hui sur le poids qui sera accordé aux enjeux sociaux et environnementaux de la vallée de la Dordogne. La procédure de renouvellement a été récemment révisée pour tenter de répondre à ces enjeux. Le choix du futur exploitant se fera selon trois critères : l efficacité énergétique, le respect environnemental et l aspect financier. Un rapport de fin de la concession doit être réalisé pour analyser l état du site et de son environnement, ainsi que les effets directs et indirects, temporaires et permanents, constatés au cours de la concession sur l environnement. Le dossier de consultation, soumis aux candidats, doit préciser les exigences minimales, notamment environnementales, à respecter par le futur exploitant. Une note de gestion équilibrée de la ressource en eau (GEDRE) doit être fournie aux candidats. Elle recense les enjeux environnementaux et les attentes locales. Chaque candidat sera libre d y répondre avec ses propres propositions. A quel niveau sera posée la problématique des éclusées? Sera t elle obligatoire si leur réduction intègre les exigences minimales de la concession? Au contraire, sera t elle optionnelle si elle relève de la note GEDRE? Avec l ouverture du marché de la production de l énergie électrique demandée par l Union Européenne, le renouvellement des concessions doit être mis en concurrence. A côté d EDF, qui détient aujourd hui près de 80% des concessions existantes, d autres candidats français et étrangers vont être sur les rangs. Si les concessions sont renouvelées selon les périmètres actuels, plusieurs exploitants pourraient donc intervenir au sein de la chaîne Dordogne. La situation pourrait alors se révéler plus problématique tant du point de vue de l optimisation énergétique que sur le plan environnemental. Aujourd hui, le renouvellement de la concession de Bort se déroule selon une logique et à une échelle restreinte au périmètre immédiat de la retenue. Cette approche ne permet pas d appréhender l impact réel du barrage qui se fait sentir sur toute la vallée. L étude d impact du barrage de Bort les Orgues mentionnera t elle seulement le mot éclusée? Rien n est moins sûr. Pourtant, rien n interdirait d élargir le périmètre du renouvellement en intégrant les autres concessions de la Dordogne dans une grande concession de vallée. Cela rendrait alors obligatoire une meilleure prise en compte des enjeux environnementaux voire l intégration directe des recommandations de la convention sur les éclusées de la Dordogne dans les exigences minimales de la concession de vallée. 22 concessions à renouveler d'ici 2062 Carte des renouvellements de concession du bassin de la Dordogne (carte EPIDOR, données Agence de l'eau Adour Garonne) 4

n 11 avril 2009 La France a besoin du potentiel hydroélectrique du bassin de la Dordogne ; mais de quoi a besoin la Dordogne? En application de la directive Sources Energies Renouvelables (SER) de 2001, la France s est engagée à atteindre en 2010 un objectif de 21% d énergie renouvelable dans la consommation électrique nationale (augmenté à 23% par le Grenelle de l environnement). Avec une puissance installée de 25 000 MW et une production annuelle de 70 TWh, l hydroélectricité constitue aujourd hui, et de loin, la première source d électricité renouvelable nationale. Pour augmenter la part d énergie renouvelable, il est envisagé d augmenter la production d hydroélectricité annuelle de 7TWh par an d ici 2015. Et le bassin de la Dordogne semble une nouvelle fois pressenti pour couvrir une grande partie des besoins nationaux en énergie renouvelable Pourtant, le bassin de la Dordogne est déjà fortement équipé avec une puissance d environ 1 800 MW et une production annuelle de 3,3TWh ce qui n est pas sans conséquence sur l environnement et l économie touristique de ce territoire. Plusieurs pistes pour développer d hydroélectricité sont envisagées : la production L optimisation des installations existantes Cette voie semble offrir des gains importants sans conséquences nouvelles majeures pour l environnement même si le turbinage des débits réservés pourrait menacer les transits piscicoles. La dangereuse multiplication de nouveaux ouvrages et de microcentrales Une autre solution consisterait à encourager le développement de nouvelles installations, notamment des microcentrales. Mais, ces micro ouvrages ne contribueraient que très faiblement à satisfaire les besoins en énergie, alors que leurs impacts sur les cours d eau se cumulent et peuvent alors approcher celui d un grand ouvrage. Barrage de Bort les Orgues (photo P.LAINE) La relance du projet de STEP de Redenat Au début des années 1980, le projet de station de transfert d énergie par pompage de Redenat a débuté, avant d être gelé pour raisons économiques. Le principe consiste à pomper de l eau en période de faible demande énergétique depuis la retenue existante de Chastang jusqu à un autre réservoir artificiel, puis de turbiner l eau ainsi stockée en la restituant dans la retenue de Chastang en période de forte demande énergétique. Un tel ouvrage ne crée pas d énergie (il en consomme même) mais il permet de satisfaire les besoins de pointe. Les capacités de Redenat se révèlent énormes : près de 1 100 MW, soit plus de 50% de la puissance actuellement installée sur tout le bassin de la Dordogne. Mais un tel aménagement ne serait pas sans conséquence sur les milieux aquatiques et le multi usage, au niveau de la retenue de Chastang et à son aval. Face à ces perspectives et à la valeur patrimoniale des rivières du bassin, une question mérite d être posée : Comment faire de la Dordogne, le modèle européen d excellence sur le double enjeu énergie et écologie? Au final, le rapport enjeu énergétique/impact environnemental des microcentrales se révèle catastrophique pour le bassin de la Dordogne. Par sa délibération n 714 du 30 juin 2008, le conseil d administration d EPIDOR, conscient de la valeur patrimoniale naturelle et culturelle de la vallée de la Dordogne, désireux de faire reconnaître les efforts engagés depuis plusieurs décennies en faveur de sa conservation et souhaitant encourager de nouvelles actions de gestion et de préservation des cours d eau et des milieux aquatiques a lancé une démarche visant au classement, par l Unesco, de la Vallée de la Dordogne au titre de réserve de biosphère. 5

Les barrages du Bergeracois doivent s ouvrir aux poissons migrateurs Les barrages de Mauzac, Tuilières et Bergerac constituent trois verrous sur le chemin de la remontée des poissons migrateurs vers le haut bassin. C est leur présence qui a causé la quasi disparition du saumon sur la Dordogne. Sous l impulsion du plan saumon, des passes et un ascenseur à poissons ont été implantés par EDF sur ces barrages entre 1985 et 1989, ouvrant de nouveau la possibilité d un accès vers la haute Dordogne. Plus tard, en 2001 et en 2006, des aménagements complémentaires sont réalisés à Tuilières et à Mauzac pour l anguille, espèce dont la situation se détériore gravement. En 2002, lors du renouvellement de la concession de Tuilières, il est demandé à EDF de prendre en compte la dévalaison des poissons. Mais en y regardant de près, tous les problèmes ne sont pas encore réglés. Par exemple, Bergerac ne comporte pas de dispositif adapté à l anguille. L ensemble des recommandations concernant l optimisation des dispositifs de franchissement en place sur les barrages du bergeracois n a pas été totalement appliquée. De récents constats montrent que l impact cumulé des trois barrages reste trop important pour permettre la restauration des espèces. Un grand chantier doit maintenant s ouvrir pour régler tous ces problèmes et ce d une façon d autant plus urgente que la situation des espèces de poissons migrateurs se détériore rapidement. Amélioration de la passe à poissons du barrage de Mauzac engagée depuis 2004 Télécharger sur www.eptb dordogne.fr : Barrages du bergeracois, bilan et problèmes à résoudre Retenue de barrage et développement de cyanobactéries : la production hydroélectrique doit s intéresser à l évolution de la qualité des plans d eau La retenue du barrage de Bort les Orgues fait partie des nombreux plans d eau, situés sur le bassin versant de la Dordogne, qui présente régulièrement des développements de cyanobactéries. Cette pollution perturbe le multi usage des retenues et occasionne des fermetures de baignade. Sous l impulsion d EPIDOR, une étude a été engagée sur la retenue de Bort les Orgues pour mieux comprendre la dynamique spatio temporelle des proliférations, identifier les facteurs environnementaux favorables à leur mise en place et établir une stratégie de suivi à plus long terme adaptée aux retenues de barrage. Cette étude pilote a été menée dans le cadre d un travail de recherche national porté par le Muséum National d Histoire Naturelle, l INRA et le bureau d étude SCE. Elle a permis d associer autour d EPIDOR, l Agence de l Eau, EDF, la SAUR ainsi que l ensemble des gestionnaires d activités sur la retenue. Les résultats de l étude montrent que la richesse de l eau en phosphore constitue le paramètre limitant pour le développement des cyanobactéries. Les retenues de barrages présentent un potentiel fort pour engendrer des blooms par le stockage des nutriments et le développement de formes de résistances de cyanobactéries dans les sédiments. Avec le temps, les retenues de barrages subissent toutes les mêmes évolutions : le transit sédimentaire et la capacité autoépuratrice de la rivière étant altérés par la présence d un barrage, la qualité de l eau du plan d eau évolue vers un processus d eutrophisation. Cette tendance lourde à l eutrophisation des retenues résulte des pratiques sur tout le bassin versant. La gestion de la qualité de l eau (bactériologique et physico chimique) dans un plan d eau de barrage est difficile et nécessite de travailler avec les usagers de l eau à l échelle du bassin versant de la retenue. Sans une maîtrise de la qualité de l eau de la retenue, le multiusage notamment les plus sensibles comme l alimentation en eau potable mais aussi la baignade ne peuvent se développer durablement. De cette étude et de la tendance globale d évolution de la qualité des retenues de barrages, on peut tirer plusieurs enseignements : Une retenue de barrage n ouvre pas automatiquement la porte au développement durable d usages touristiques puisqu on constate souvent une dégradation de la qualité de l eau. L'absence de gestion des sédiments des retenues constitue un facteur aggravant des risques relatifs à la qualité de l eau de la retenue et donc un frein au développement du multi usage. L exploitant de barrage doit se positionner comme acteur du bassin versant pour gérer, avec les usagers de l amont, les polluants et les sédiments qui entrent dans la retenue. Ainsi, peut on aussi espérer réduire les dégâts commis à l aval du barrage lors des vidanges. 6

Une idée pour avancer ensemble Les débats sur la compatibilité de l hydroélectricité et de la préservation des milieux aquatiques du bassin de la Dordogne soulèvent beaucoup de questions et font émerger, depuis plusieurs années, de nombreux thèmes d étude et de réflexion. L idée est apparue de rassembler les acteurs du bassin, autour d un programme scientifique ambitieux destiné à faire de la Dordogne un modèle d excellence en matière d intégration environnementale de la production hydroélectrique. Une piste à explorer consisterait à créer un partenariat scientifique avec les exploitants des barrages, EPIDOR, l Agence de l eau, les services de l Etat, l ONEMA, MIGADO, les fédérations de pêche, les universités Un tel groupement permettrait d organiser les connaissances disponibles, de rassembler les expertises et de mettre des moyens en commun. Il s agirait notamment de poursuivre et d intensifier les démarches déjà engagées sur l étude des effets des éclusées, l expérimentation d aménagements du lit de la rivière, l efficacité des systèmes de libre circulation des poissons. Il pourrait également s'intéresser à des débats encore à ouvrir concernant le stockage des pollutions, la qualité et la gestion des sédiments accumulés derrières les barrages. Ressourcer la Dordogne Un fleuve, pour exister, a besoin de ses sources. Le département du Puy de Dôme, la région Auvergne, EDF et l Etat en ont pris conscience et ont décidé d accompagner le projet de reconquête des sources de la Dordogne porté par la commune du Mont Dore avec le soutien d EPIDOR. L instruction administrative est en passe de s achever ; la fin des travaux est prévue pour 2010. Concertation pour garantir le multi usage des rivières Les cours d eau sont des réservoirs de biodiversité ; ils assurent aussi une fonction sociale en contribuant à la qualité de la vie et en créant des solidarités entre des hommes et des territoires parfois très éloignés ; enfin, les cours d eau sont le support d activités économiques, dont la production hydroélectrique. Si on laisse les choses se faire, ces trois fonctions ne cohabitent pas spontanément de façon harmonieuse avec, à la clef, une diminution de la qualité environnementale des rivières et l émergence de conflits d usages. Fort de ce constat sur la Dordogne, le président Bernard CAZEAU a demandé en 2007, la création d une instance de concertation autour des grandes retenues du bassin de la Dordogne. Elle s est réunie une première fois en 2008 et de nouveau le 22 avril 2009, sous l égide du préfet coordonateur du bassin de la Dordogne. Son objectif est de rapprocher les exploitants hydroélectriques des préoccupations du bassin dans lequel s inscrit leur activité. En ce sens, cette initiative était en avance sur l arrêté ministériel de décembre 2008 qui prévoit des mesures qui devraient permettre de mieux prendre en compte la gestion équilibrée de la ressource en eau dans l exploitation des concessions hydroélectriques. 7

Sous l aile du dragon La presse nationale s inquiète de l état des barrages de la Dordogne Dans son numéro d octobre 2008, Newlook, mensuel spécialisé dans les histoires d O, publie deux doubles pages sur le barrage de Bort-les-Orgues. Le Coulobre demande à voir Fun! Les aloses de la basse Dordogne exigent des passes à poissons plus efficaces à Mauzac et Bergerac. Il se dit en effet que les vagues d éclusées sont encore meilleures à surfer que le mascaret. STEP ou STEP? Le Coulobre s y perd. Autant, il est convaincu de l intérêt des STEP (station d épuration), autant il reste réservé sur l utilité des STEP (station de transfert d énergie par pompage). Exercice de style EDF envisage d installer sur le barrage de Bergerac, de nouvelles turbines dites ichtyophiles. Le Coulobre s interroge sur la signification de ce concept. Les cormorans, les hameçons et les grizzlis doivent-ils également être considérés comme des entités ichtyophiles? Le projet de stade d eaux vives de Mauzac toujours à l étude «Si ça continue, il va falloir que ça cesse» a déclaré le Coulobre inquiet de la concurrence de ce serpent de mer de la Dordogne. La SHEM prône le bon état électrique des eaux Inquiète d un protectionnisme excessif, la SHEM, filiale du groupe GDF-Suez, vient d adresser un courrier plein d énergie aux élus du bassin. Elle leur explique comment formuler un avis sur le projet de SDAGE actuellement en consultation, afin que celui-ci ne bloque pas le développement de l hydroélectricité. Le Coulobre pense comme la SHEM qu à long terme, la formation continue, il n y a que ça de vrai. Les poissons, eux, sont plutôt favorables à l alternatif. Prophylaxie des microcentrales L agence de l eau publie les chiffres sur la production hydroélectrique du bassin Adour Garonne : seulement 10% des usines fournissent 90% de la puissance. Le Coulobre précise : «90% des usines, les moins utiles, contribuent à 100% des problèmes ; à peine plus serait déjà trop». Il n y a plus qu à La DCE impose de favoriser la libre circulation des poissons. Le Coulobre a fait les comptes, il n y a plus que quelques centaines d ouvrages à équiper sur le bassin de la Dordogne. Une paille! Vice de forme Les esprits chagrins sont prompts à affirmer que la cause des rivières ne peut pas faire le poids face aux enjeux de l hydroélectricité. Faux, constate le Coulobre, l arrêté d autorisation de construction d un nouveau barrage sur la Santoire vient d être cassé. Laissez le rêver et ne lui révélez surtout pas la raison de cette décision : l oubli d une petite commune du Cantal qui a rendu un avis favorable, mais sans délibération du conseil municipal... EPIDOR - Etablissement Public Territorial du Bassin de la Dordogne Siège administratif BP 13, 24250 Castelnaud-la-Chapelle Tél : 05 53 29 17 65, Fax : 05 53 28 29 60 Mél : epidor@eptb-dordogne.fr Antenne haute Dordogne www.eptb-dordogne.fr Mauriac - 04 71 68 01 94 8