Journée nationale de commémoration de l abolition de l esclavage *** Canevas d'intervention du préfet Aurillac Place des Droits de l Homme Mardi 10 mai 2011 à 9h30 En cette journée du 10 mai 2011, nous commémorons «les mémoires de la traite négrière, de l esclavage et de leurs abolitions». La France célébre le dixième anniversaire de la loi du 21 mai 2001, votée à l'unanimité, qui a reconnu la traite et l'esclavage en tant que crime comme l'humanité. En 2006, le Président de la République a retenu la date du 10 mai comme celle de la commémoration annuelle en métropole de l abolition de l esclavage. 1/8
Cette journée commémorative est l occasion d une réflexion commune autour de la compréhension du passé. Cette commémoration vise à concilier une portée citoyenne, faisant une place aux combats des esclaves et les abolitionnistes dans l'édification de la République, et une portée universelle qui trouve son prolongement, au delà du cadre français, dans la lutte contre les esclavages contemporains. Il fallait mettre fin au long silence de la Nation sur ces siècles d'histoire et seul un effort collectif pouvait y parvenir. C'est la raison pour laquelle je suis sensible, Monsieur le Maire, à ce que la municipalité 2/8
d'aurillac, est accepté de coorganiser cette manifestation. Je remercie également l'association Hibiscus caribéenne de son implication dans cette manifestation. Mais le motif de satisfaction le plus fort réside dans la participation des élèves de CM1 et CM2 de l'école du Palais, de leur directeur, de leur professeur, tant est important le devoir de transmission du passé aux générations montantes. Cette manifestation nous offre trois enseignements. Le premier enseignement c'est que, selon l'expression de Françoise VERGĒS, présidente du comité pour la mémoire de l'esclavage, l'homme a été prédateur. 3/8
Qu'est ce qu'un homme prédateur : c'est celui qui fait la chasse aux hommes, aux femmes, aux enfants pour les capturer, les vendre et les mettre en esclavage. Pour arriver à ses fins, il les a humiliés, déshumanisés. L'esclavage, c'était une machine à asservir, des baraquements où étaient entassés les captifs, les cales du bateau négrier où ils étaient entassés, des plantations où ils devenaient la propriété privée du maître. L'esclavage était une expérience humaine, une réalité vécue dans la chair, celle d'un homme, d'un enfant qui souffre, qui rêve aussi, qui chante, qui connaît le désespoir, l'amitié, l'amour, qui se révolte pour devenir "marron". 4/8
Le deuxième enseignement, c'est que la liberté reste toujours une conquête. Certes, c'est la deuxième République naissante, en 1848, qui a aboli l'esclavage, qui a permis aux affranchis des colonies de sortir de leur longue nuit pour devenir des citoyens. C'est Victor SCHOELCHER qui triomphait d'un long combat. Souvenons-nous de ce qu'il écrivait en 1842 dans son ouvrage Des colonies françaises : "Que l'esclavage soit utile ou ne soit pas utile, il faut le détruire ; une chose criminelle ne doit pas être nécessaire. La violence commise envers le membre le plus infime de l'espèce humaine affecte l'humanité toute entière [...] La liberté d'un homme est une parcelle de la liberté universelle, vous ne 5/8
pouvez toucher à l'autre sans compromettre l'autre tout à la fois". Mais la liberté se conquiert. Même sous la République, le statut colonial a perduré pendant plus d'un siècle. Le troisième enseignement c'est que l'esclavage, la traite ne font pas partie du passé ; il existe toujours dans une certaine partie du globe ; Il reste toujours l'une des plus importantes des violations des droits de la personne. L'ONU estime ainsi que le trafic des êtres humains est la troisième source de revenus illégitimes dans le monde. * * * Au total, Mesdames et Messieurs, il ne s'agit nullement de sacrifier à une sorte de devoir de repentance. 6/8
L'histoire de France est un bloc, avec ses grandeurs et ses zones d'ombre. Pensons en ce moment à Aimé Cesaire auquel le chef de l'etat a rendu le 6 avril dernier un hommage solennel. A Aimé Cesaire, ce martiniquais qui aimait la France, ce maire de Fort de France, que ses administrés appelaient "papa". La France que Césaire aimait, c'était celle dont Malraux disait qu'elle est toujours plus grande lorsqu'elle est pour les autres que lorsqu'elle est pour elle-même. C'est la France de l'abbé Grégoire, de Condorcet, de Schoelcher, celle des Lumières, des Droits de l'homme. C'est aussi celle de Césaire lui qui, comme disait le Président de la République : "A aucun 7/8
moment, il ne parla contre la France. Mais il dressa la meilleure part d'ellemême contre tout ce qui menaçait à ses yeux de l'avilir". Je vous remercie de votre attention. 8/8