Le complément circonstanciel revisité

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Transcription:

Le complément circonstanciel revisité Dr BOSSON BRA Maitre-assistant Département de Lettres Modernes UFR Langues, Littératures et Civilisations. Université Félix Houphouët Boigny Cocody-Abidjan, Côte d Ivoire jacksonbrakis@yahoo.fr Tél : 225-45-92-73-03 Résumé Ce travail est une contribution à l étude du complément circonstanciel, complément de phrase. Notre objectif en le faisant est de montrer que certains compléments à valeur locative, comme le complément du verbe être prédicatif, doivent trouver une autre dénomination que l appellation complément circonstanciel. Par exemple : les enfants sont à la maison. Dire que le syntagme nominal prépositionnel à la maison est le complément circonstanciel de lieu de la phrase n est pas entièrement juste. En effet, l hypothèse est que tout complément circonstanciel devrait être un constituant de la phrase, et dans cette position, il est déplaçable et/ou supprimable, puisqu il ne fait que définir les circonstances d une prédication. Cependant, en nous appuyant sur les théories grammaticales générativistes et structuralistes, nous avons pu identifier des compléments qualifiés de circonstanciels comme dans l exemple ci-dessus et nous avons démontré que l analyse en constituants immédiats, avec le modèle arborescent de Lucien Tesnière, permet de mettre en évidence leur dépendance par rapport au verbe. Ainsi, même quand le verbe qui commande ce type de complément circonstanciel est monovalent ou intransitif, en termes de trait sémantique, le complément circonstanciel apparaît fondamental et indispensable. C est pourquoi, les conclusions de notre étude les reclassent et les nomment «le complément circonstanciel essentiel (CCE)». Mots clés : complément, circonstanciel, verbe monovalent, constituant immédiat. 49

Abstract: This work is a contribution to a study on adverbial phrase and complement to sentence. Our objective in so doing is to show that some complements with positional value like complements to the predicative verb to Be, should have another name instead of naming them adverbial phrases. For example, in the children are at home, stating that the prepositional noun phrase at home is the adverbial phrase of place in the sentence is not entirely right. Indeed, the hypothesis is that any adverbial phrase should be a constituent of the sentence; and in this position it is movable orremovable since it only defines the circumstances of a predicative sentence. However, considering grammatical, structuralist and generative theories, we identified complements that are said to be adverbial phrases like in the example above, and we demonstrated that the analysis in immediate constituents, with the tree structure model by Lucien Tesnière, helps to highlight their dependence on the verb. Thus, even when the verb that controls this type of adverbial phrase is monovalent or intransitive, in terms of semantic features, the adverbial phrase appears to be a fundamental and indispensable element. That is why in the conclusion of our study, we reclassify and name them essential adverbial phrase (EAP). Keywords: Adverbial phrase, monovalent verb, immediate constituents. Introduction Le complément circonstanciel, objet de cette étude, est un constituant immédiat de la phrase. Il est généralement mobile dans la phrase. On le définit comme un élément non essentiel pour la complétude formelle et sémantique de la phrase, car déplaçable et/ou supprimable. En effet, le lexème circonstanciel est un adjectif qui vient du substantif circonstance qui se définit comme «fait qui accompagne un événement» 1. Et, puisque «tout événement s inscrit dans un espace, se réalise dans un certain cadre temporel, a une origine et une finalité» 2, tout complément qualifié de circonstanciel est donc tout ce qui apporte une information sur les circonstances d une action. Cela ne signifie pas qu il soit secondaire par rapport au processus (la catégorie à partir de laquelle est engendrée la configuration discursive), mais qu il peut être supprimé sans entacher le sens de la phrase. Les grammaires traditionnelles le rangent au titre de complément non essentiel, étant donné que ces compléments accompagnent très souvent des prédicats qui portent en eux-mêmes un sens 1 LE PETIT LAROUSSE 2014, page 253 2 CHARAUDEAU, Patrick. Grammaire du sens et de l expression. Paris, Hachette, 1992, page392. 50

complet, comme dans cette phrase P1 : l enfant dort dans la chambre. Le syntagme prépositionnel (SP) souligné qui est le complément circonstanciel de lieu peut être supprimé; et on aura alors P 1 : l enfant dort ; car l expression de la circonstance n est pas fondamentale pour la compréhension du processus. Par contre, certains compléments d objet locatifs, considérés par les grammaires traditionnelles comme des compléments circonstanciels de lieu, posent problème. En effet, dans cette phrase : P2 : Koffi va à Paris, même si on peut supprimer le SP complément de lieu pour dire P2 : Koffi va, le sens de la phrase est incomplet, car l analyse en trait sémantique montre qu il y a une inclusion sémantique de lieu dans le verbe aller. Et l analyse en constituants immédiats montre que P2 se réécrit SN + SV et SV est égal à V+SP. Ainsi, à Paris est le complément d objet indirect du verbe aller. Si les grammaires traditionnelles considèrent le SP à Paris comme un complément circonstanciel de lieu, c est parce qu il est la réponse à l interrogation où va Koffi? Dans la même logique, en analysant P3 : Koffi est là, l adverbe de lieu là considéré comme le complément circonstanciel de lieu, parce que complément du verbe être qui, dans sa signification lexicale, est un verbe prédicatif à valence sujet, ne peut être effacé, car c est lui qui spécifie le contexte de la prédication. Dès lors, quel statut et quelle fonction peut-on donner à l adverbe locatif là dans la structure de P3? Comment qualifier les compléments qui ne sont ni compléments d objet, ni compléments circonstanciels ni des attributs, et pourtant, ils sont essentiels pour la complétude sémantique de la prédication? Où les classer et comment les nommer? L analyse grammaticale que nous voulons réaliser permettra de les identifier et de les reclasser dans une catégorie qu on pourra appeler «complément circonstanciel essentiel». Pour développer cette hypothèse, nous allons d abord analyser les approches théoriques; ensuite nous ferons l analyse en constituants immédiats avec le modèle arborescent de Lucien TESNIERE pour identifier la structure des compléments circonstanciels; et enfin nous terminerons notre travail en étudiant le cas spécifique des compléments du verbe être prédicatif monovalent. I-Examen critique de quelques approches théoriques I1- Une lecture de quelques approches théoriques Du point de vue sémantique, le complément circonstanciel (cc) est un mot ou un groupe de mots qui apporte des informations sur les circonstances dans lesquelles se déroule l action exprimée par le verbe. Selon les grammaires traditionnelles, il répond à la question Quand? Où? Comment? Combien? Pourquoi? Avec quoi? Avec qui?, il apparaît ainsi clairement que le CC situe le cadre circonstanciel dans lequel s inscrit l action. L on dit que le complément circonstanciel décrit les circonstances de l événement, car «Tout événement 51

s inscrit dans un espace, se réalise dans un certain cadre temporel, a une origine et une finalité, même si ces circonstances ne sont pas exprimées.» 3 D un point de vue syntaxique, le complément circonstanciel est défini comme «le troisième constituant majeur de la phrase de base, le complément circonstanciel (ou circonstant) se distingue des deux autres constituants immédiats de la phrase, le groupe nominal (GN) sujet et le groupe verbal (GV), par trois propriétés formelles : il est facultatif (1), se démultiplie librement (2) et est mobile dans les limites de la phrase entière («3). ( ) La mobilité est la propriété caractéristique du complément circonstanciel, qui peut être antéposé au groupe nominal sujet et postposé au groupe verbal, mais peut aussi s intercaler entre ces deux constituants et même entre le verbe et son complément. Cette propriété s explique par son statut syntaxique de constituant périphérique : comme constituant immédiat de la phrase.» 4 Exemple : P4 : Je pars demain. La réalisation arborescente de la phrase donne : P4 SN (sujet) SV Sadv (cct) Pro V Adv Je pars demain. Et comme défini syntaxiquement, le complément circonstanciel demain est déplaçable : P4 : Demain, je pars ; ou effaçable : P4 : Je pars. P4 p4 Demain je pars Je pars 3 CHARAUDEAU, Patrick. Op cit. P.392. 4 RIEGEL, Martin et al. Grammaire méthodique du français. Paris, PUF, 2è tirage : 2005, juin 1994, P.140. 52

Enfin, l interprétation sémantique et communicative montre que c est un «constituant non prévu par la structure actancielle du verbe, le complément circonstanciel joue un rôle sémantique par rapport à la prédication formée par le reste de la phrase.» 5 Mais toutes ces définitions sémantiques comme syntaxiques s appliquent-elles à tous les compléments circonstanciels? Si la phrase est essentiellement gouvernée par la valence du verbe - la valence de chaque verbe étant la situation actancielle exprimée par ce verbe - comment qualifier les compléments de ces verbes qui sont en général des verbes monovalents? I2-Analyse en constituants immédiats par le modèle arborescent de Lucien Tesnière de phrases 21- La structuration et la représentation arborescente de la phrase La structure de la phrase simple canonique montre que la phrase (P) se réécrit : SN+SV+ (SP). Le SN étant le syntagme nominal sujet, le SV : le syntagme verbal et le SP le syntagme prépositionnel complément circonstanciel (qui peut être constitué d une préposition plus un syntagme nominal (Pré +SN) ou d un syntagme adverbial). Le complément lié au verbe est appelé complément d objet ou attribut, et le complément lié à la phrase est appelé complément circonstanciel. Le complément circonstanciel désigné sous l appellatif SP se met entre des parenthèses pour la réécriture de P, parce qu il est facultatif. Et P est représenté selon le modèle arborescent comme suit : P se réécrit SN + SV+ (SP) Nous avons ci-dessous des représentations arborescentes de phrases qui permettent de mettre en évidence les différents constituants éventuels de P. P5 : Koffi ressemble à son père. P5 SN + SV 5 RIEGEL, Martin et al idem P142 53

Représentation arborescente de P5 P5 SN SV N V SP (coi) Pré SN Dét N Koffi ressemble à son père P6 : Koffi est malade. P6 SN + SV. Représentation arborescente de P6 P6 SN SV N V SA (attribut du sujet) Adj Koffi est malade 54

P7 : Je trouve Koffi intelligent P7 SN+SV. Représentation arborescente de P7 P7 SN SV Pro V SN exp (cod) N SA (attribut du cod) Je trouve Koffi intelligent P8 : Koffi dort dans la chambre. P8 SN + SV + SP. Représentation arborescente de P8 P8 SN SV SP (complément circonstanciel de lieu) N V Pré SN Dét N Koffi dort dans la chambre 55

L analyse grammaticale en constituants immédiats par le modèle arborescent montre clairement que les compléments essentiels (compléments d objets et attributs) sont directement rattachés aux syntagmes verbaux des phrases, et les compléments circonstanciels sont rattachés directement à la phrase (P). 22-Analyse des valeurs essentielle et circonstancielle des compléments Le test d effacement montre que les prédicats des phrases 5, 6, et 7 ne peuvent pas se passer de leur complément. En effet * Koffi ressemble ; * Koffi est ; *Je trouve sont des phrases incomplètes. Les compléments sont obligatoires pour que la prédication soit syntaxiquement et sémantiquement correcte. Ces compléments sont donc essentiels, ils ne sont pas effaçables, auquel cas les phrases seraient incomplètes et n auraient pas de sens. En revanche, pour P8, le SP de phrase dans la chambre n est pas un complément essentiel pour la complétude sémantique et syntaxique de la prédication. Il peut donc être supprimé sans entrainer une incomplétude sémantique ou syntaxique. C est donc à raison qu il est qualifié de circonstanciel, puisqu il ne donne qu un supplément d information ; le SP est alors déplaçable et effaçable. On peut dire : dans la chambre, Koffi dort. Ou tout simplement Koffi dort. Dans ce cas, le complément porte bien son qualificatif circonstanciel. Par ailleurs, l analyse de certains compléments circonstanciels qui sont reliés au verbe montre que le complément est réellement circonstanciel quand il est effaçable. En effet, un adverbe complément circonstanciel, qui a une relation sémantique avec le processus, est relié au verbe, mais il est effaçable. Ce type d adverbe est qualifié «d adverbes de mot» selon ELUERD (142), puisqu il dépend du mot qu il modifie. Ces adverbes expriment toujours une propriété qui se rapporte à un processus. Ainsi, même quand l adverbe est un constituant du syntagme verbal, il reste un constituant facultatif car il est effaçable. Ces adverbes qui, généralement, expriment la manière sont des adverbes simples. Par exemple P9: Aya travaille bien ; ou des locutions adverbiales dans lesquelles l adverbe n a plus de fonction propre, mais il est associé au verbe pour donner un sens spécifique au processus. P10 : il chante faux. Ces locutions adverbiales sont généralement des adjectifs courts employés comme adverbes ou des syntagmes prépositionnels figés, reliés à des verbes P11 : Il a filé à l anglaise La représentation arborescente montre bien leur position dans la phrase. 56

P8: Aya travaille bien. P9 : il chante faux. P9 P10 SN SV SN SV N V Adv Pro V Adv Aya travaille bien il chante faux P19 : Il a filé à l anglaise. P11 SN SV N V SP Aux PP Pré SN Dét N Il a filé à l anglaise Dans ces phrases, même si les compléments circonstanciels sont reliés aux verbes, on peut les effacer sans qu il y ait une incomplétude sémantique du processus. En effet, l essentiel c est l expression du processus et non les contours et contextes circonstanciels, même s ils sont importants pour la signification; ainsi sémantiquement et syntaxiquement ces phrases sont correctes : P9 : Aya travaille. P10 : il chante. P11 : Il a filé. A présent, analysons d autres compléments considérés comme des compléments circonstanciels parce que complétant des verbes monovalents ou intransitifs. L analyse en constituants immédiats permettra de montrer les liens sémantique et syntaxique des éléments constitués. L intérêt du travail est de savoir si ces compléments qui accompagnent ces types de verbes peuvent être considérés comme des compléments circonstanciels. Si ce n est pas le cas, quel qualificatif peut-on leur attribuer? RIEGEL Martin et ses collaborateurs ont d ailleurs traité en partie cette préoccupation en montrant que l analyse formelle, sémantique et communicative du complément circonstanciel, est quelquefois aux antipodes des définitions qu en proposent les grammaires traditionnelles. En effet, les grammaires traditionnelles ne définissent la notion de 57

complément circonstanciel que sur des bases exclusivement sémantiques. Ainsi, des verbes peuvent avoir des compléments d objet qui sont considérés par les grammaires traditionnelles comme des compléments circonstanciels parce qu ils sont locatifs. Par exemple P12: Koffi habite à Cocody. Les analyses grammaticales traditionnelles qualifient à Cocody de complément circonstanciel de lieu, parce que le SP à Cocody est la réponse de : où habite Koffi? En réalité, à Cocody est le complément d objet indirect du verbe habiter parce que le verbe habiter induit toujours un lieu. Ainsi, en faisant la représentation arborescente de cette phrase on aura : P12 SN SV N V SP (coi) Pré N Koffi habite à Cocody RIEGEL et col précisent donc que «Faute de critères formels et corollairement, d une définition (syntaxique et sémantique du mode de liaison circonstanciel, la grammaire traditionnelle ne peut valablement distinguer entre complément du verbe et complément de phrase. Aussi bien chaque fois qu un constituant de la phrase joue l un des rôles sémantiques qui constituent le catalogue de circonstances où s effectue un procès verbal (lieu, temps, instrument, but etc.), ce constituant se trouve-t-il ipso facto étiqueté complément circonstanciel. Du coup, on s interdit de distinguer entre le complément d objet indirect du verbe aller dans l enfant va à l école et le complément circonstanciel dans l enfant travaille bien à l école, sous le prétexte que les deux constituants jouent un rôle sémantique de lieu dans les deux phrases et qu ils répondent à la question : où?» 6. 6 RIEGEL Martin et al ibidem 145 58

La représentation arborescente des deux exemples permet d établir clairement les fonctions des deux compléments. P13 P14 SN SV SN SV SP2 Dét N V SP Dét N V SP1 Pré SN Pré SN Adv Dét N Dét N L enfant va à l école L enfant travaille bien à l école L analyse en constituants immédiats arborescents montre que dans P13, le SP à l école est relié au syntagme verbal, et il complète syntaxiquement et sémantiquement le verbe; car le verbe aller suggère une direction même quand il n est pas exprimé. Par contre, le SP2 à l école dans P14 n est pas obligatoire, car il n est pas relié au verbe; il peut donc être supprimé sans entacher la complétude syntaxique de la phrase et le sémantisme du verbe. Si RIEGEL et ses collaborateurs établissent clairement la confusion que font les grammaires traditionnelles entre les compléments d objet sémantiquement locatifs et les compléments circonstanciels, compléments de phrase, il est important de noter que l étude ne prend pas en compte les circonstanciels qui sont introduits par le verbe être prédicatif «copule», et qui ne sont ni des compléments d objet, ni des attributs. En somme, pour mieux éclairer notre préoccupation par rapport à ces circonstanciels introduit par le verbe être, examinons ces phrases ci-dessous, pour identifier leur place afin de déterminer leur statut d essentiel ou de circonstanciel. 59

II-Etude du complément circonstanciel induit par le verbe être prédicatif monovalent «On distingue parmi les fonctions du verbe être, la fonction existentielle et les fonctions copulative et prédicative : parmi ces dernières, outre les fonctions attributive et locative, on trouve la fonction identificatrice, ou fonction d identification» 7. C est ainsi que sont distinguées les différentes fonctions du verbe être selon Jean Dubois et ses collaborateurs. Le verbe être ayant une fonction prédicative ou copulative est évoqué lorsqu en général, les grammaires étudient les fonctions du verbe dans le groupe verbal. Dans ce cadre, Roland ELUERD en évoquant le complément attribut note qu «on ne peut appliquer sans prudence l appellation attribut à toutes les constructions que la copule rend prédicatives : le chien est dehors. La rencontre est à midi (GMF, 239)» 8. Ces exemples montrent que les compléments ne sont pas des attributs. Mais si ELUERD parle de prudence en ce qui concerne l appellation attribut des compléments du verbe être prédicatif à la lumière des exemples qu il donne, il ne nous dit pas non plus quelle doit être la dénomination des compléments de ce verbe être prédicatif. Si les compléments du verbe ne sont pas des attributs du sujet,- ce qui est vrai-, si l on ne peut pas non plus les qualifier de compléments d objet, quel statut ont-ils dans la structure de la phrase? Quelle est la fonction qu ils occupent? Au regard des deux exemples proposés par ELUERD, l analyse sémantique des énoncés montre que dehors est un complément locatif, dans la phrase 15 : le chien est dehors, et le syntagme prépositionnel à midi est un complément circonstanciel de temps dans la phrase 16 : La rencontre est à midi, puisqu il indique le temps. II1-Analyse en constituants immédiats et la représentation arborescente des phrases ayant pour prédicat être L analyse en constituants immédiats de ces phrases données en exemple par ELUERD nous donne ce qui suit : P15 : le chien est dehors. P16 : La rencontre est à midi. 7 Jean DUBOIS et coll. LAROUSSE Le dictionnaire linguistique et des sciences du langage. Paris, Larousse dictionnaire, 2012 P.238. 8 ELUERD, Roland. Grammaire descriptive de la langue française. Paris, Armand colin, 2004, 2005 P.136. 60

P15 P16 SN SV SN SV Dét N V Adv Dét N V SP Pré N Le chien est dehors. La rencontre est à midi. La représentation arborescente des phrases montre que les compléments sont reliés aux verbes être prédicatif, bien qu ils ne soient pas des attributs du sujet. II2- Analyse selon le test d effacement La suppression des compléments des phrases15 et 16 entraine une incomplétude sémantique de ces phrases. L effacement des compléments donne : P15 : *le chien est. P16 :*La rencontre est. Par ailleurs, l opération de déplacement ne peut se faire aisément comme cela peut se réaliser pour P8 et P4. On peut donc dire que les compléments sont essentiels tant au niveau formel que sémantique. Et puisque sémantiquement ces compléments ont cette particularité d exprimer les circonstances de la prédication, il est logique de les classer dans la catégorie des compléments circonstanciels. Cependant, quel est leur statut syntaxique? Si nous admettons que P15 et P16 sont des phrases incomplètes tant au sémantique que syntaxique, nous sommes obligée d admettre aussi que ces compléments sont essentiels aussi bien pour la complétude sémantique que la complétude syntaxique des phrases. Sur cette base, on peut objectivement conclure qu il s agit de compléments circonstanciels essentiels (CCE). 61

Ainsi, pour les phrases P15 : le chien est dehors (dehors est le complément circonstanciel essentiel de lieu) et P16 : La rencontre est à midi (à midi est le complément circonstanciel essentiel de temps). Ce sont donc des compléments circonstanciels essentiels (CCE), car dans ces phrases, il y a une relation de dépendance entre le verbe et son complément. Par ailleurs, Harald Weinrich, en développant sa théorie de la valence verbale, indique que la signification d un verbe à valence sujet (S) peut «être exprimée de façon exhaustive par l instruction de constater une détermination par prédication. Cette instruction prédicative est le trait sémantique fondamental inscrit dans le sémantisme de tous les verbes monovalents» 9. Dans cette logique, il montre que : «Dans la signification lexicale du verbe être, la valence S est pure c est-à-dire qu elle apparaît sans le concours d autres traits lexicaux. Ce verbe signifie «constatation» pure et simple : il n est rien qu un verbe prédicatif («copule»). Dans les textes, toutefois, il est la plupart du temps élargi par le contexte [ ] Par exemple : /j ai été partout/, /je suis contre le tourisme/. Dans ces exemples la prédication est à chaque fois spécifiée par le contexte» 10 Si ces exemples montrent bien que le verbe être prédicatif a une valence sujet (S), il est important de noter que l application du test d effacement des prédicants ne permet pas de saisir la complétude sémantique des phrases. C est d ailleurs pour cette raison que l auteur souligne que «la prédication est à chaque fois spécifiée par le contexte». En effet, si l on est obligé de spécifier le contexte de prédication du verbe être prédicatif, cela subodore que seul le complément donne un sens à la prédication, d où cette relation de dépendance qui fait qu il est difficile de dire avec certitude que le verbe être prédicatif a une valence S. En effet, en appliquant le test d effacement, j ai été n a pas le sens que j ai été partout, puisque j ai été peut être considéré comme la forme composée de la conjugaison du verbe être. Ainsi, même si ELUERD précise que la prédication dans les exemples cités est toujours spécifiée par le contexte dans son développement, il ne détermine pas non plus comment qualifier le complément qui spécifie la prédication. Enfin, pour conclure notre analyse, examinons les phrases qui suivent : 9 WEINRICH, Harald. Grammaire textuelle du français. Paris, les éditions Didier, 1989, P. 85-86 10 WEINRICH, Harald. Op cit, P. 85-86 62

P17 : Les enfants sont là. P18 : Les enfants sont dans la cour. P19 : Les enfants sont à Paris. Ces trois phrases ont les mêmes constituants sur le plan syntaxique. P17 SN +SV (SV V + Adv) P18 SN +SV (SV V + SP) P19 SN +SV (SV V +SP) Du point de vue sémantique, les compléments indiquent des lieux; on pourrait donc dire que ce sont des compléments circonstanciels de lieu, ce qui est vrai. Cependant, en appliquant le test d effacement, plus conforme pour l opération d identification du complément circonstanciel, il n est pas possible de saisir la différence sémantique des différentes phrases. En effet, les phrases P17, P18 et P19 ont pour prédicat commun le verbe être copule considéré comme un verbe monovalent, puisque ses compléments ne font que spécifier le contexte, et donc les circonstances exprimées par la prédication. Et pourtant, la signification de la prédication est gouvernée par les compléments. L application du test d effacement donne : *P17 Les enfants sont. *P18 Les enfants sont. *P19 Les enfants sont. Le constat est que ces phrases sont incomplètes et ne signifient rien. Pour les différencier, il faut absolument leur adjoindre leurs compléments, auquel cas le verbe être reste indéterminé. Il est impossible de savoir s il s agit du verbe être, verbe d état qui appelle un attribut du sujet comme : P20 : Les enfants sont tristes ; ou de l auxiliaire être conjugué au présent à la troisième personne du pluriel : Je suis, tu es, il est, les enfants sont, ou du verbe être prédicatif : P19 Les enfants sont à Paris. 63

Dès lors, à l exception du verbe être prédicatif monovalent qui exprime «l existence pure» comme dans la phrase P21 : Dieu dit : que la lumière soit! Et la lumière fut. (Genèse chp1 verset 3) ; nous notons que le verbe être prédicatif, quand il signifie «constatation», ne peut être considéré comme un verbe à valence sujet ou un verbe monovalent, puisqu il est toujours subordonné à une complémentation pour signifier. Ainsi, l analyse en constituants immédiats des phrases contenant le verbe être prédicatif montre que les mots ou groupes de mots déjà classés dans la catégorie structurale des compléments circonstanciels ne sont pas tant indépendants du syntagme verbal. Mieux, ils se définissent par rapport au syntagme verbal et complètent le sémantismes du verbe. Dès lors, les compléments circonstanciels qui décrivent les circonstances de prédication de la copule être, peuvent porter aussi le qualificatif de compléments essentiels ; alors ils devraient être dits: «compléments circonstanciels essentiels». Conclusion L analyse a montré que le complément du verbe être prédicatif décrit effectivement les circonstances de la prédication. Cependant, le test d effacement et l analyse en constituants immédiats par la représentation arborescente ont permis de démontrer que ce complément est un constituant obligatoire de la phrase pour sa complétude sémantique; il est relié au verbe ; il est un constituant immédiat du syntagme verbal. En effet, même si le complément du verbe être décrit les circonstances de la prédication, le test d effacement met en évidence son essentialité pour une complétude sémantique de la phrase. Ainsi, koffi est à la maison, *koffi est (phrase incomplète sémantiquement) nous amène à dire que à la maison est: «complément circonstanciel essentiel». Quant aux adverbes de mots reliés au verbe, l on peut les classer dans les compléments circonstanciels, car ils ne sont pas essentiels même quand ils sont reliés au verbe : Koffi travaille bien on peut effacer bien et la phrase aura un sens, même si l effacement de l adverbe de modalisation supprime aussi la nuance qualitative qu il apporte à la phrase. 64

Bibliographie ABEILLE A. Les Nouvelles Syntaxes, Grammaires d'unification et analyse du français. Paris, Armand Colin 1993, 328P. BORILLO Andrée. TAMINE Joëlle. SOUBLIN Françoise. Exercice de syntaxe transformationnelle du français. Paris, Armand Colin 1974, 172 P. CHARAUDEAU Patrick. Grammaire du sens et de l expression. Paris, Hachette 2010, 927 P. ELUERD Roland. Grammaire descriptive de la langue française. Paris, Armand Colin 2005, 247 P. DUBOIS Jean, LAGANE René. La nouvelle grammaire du français. Paris, Larousse 1975, 266 P. NIQUE Christian. Grammaire générative : hypothèses et argumentations. Paris, Armand Colin 1998, 207 P. RECANATI François. Les énoncés performatifs. Paris, les éditions de minuit 1986, 287 P. RIEGEL Martin, PELLAT Jean-Christophe, RIOUL René. Grammaire méthodique du français. Paris, PUF, 3 ème édition 2004, 2 ème tirage juin 2005, 646 P. WAGNER Robert Léon, PINCHON Jacqueline. Grammaire du français, classique et moderne. Edition revue et corrigée, Paris, HACHETTE 1991, 687 P. WEINRICH Harald. Grammaire textuelle du français. Paris, Editions Didier 2010, 671 P. 65