NOTE A MONSIEUR LE BATONNIER ORDRE DES AVOCATS AU BARREAU DE PARIS SUR LE TITRE EXECUTOIRE EUROPEEN Préliminaire 1. Le règlement communautaire N 44/2001 du Conseil du 22 décembre 2000 qui a remplacé la Convention de Bruxelles de 1968 concerne la compétence judiciaire, la reconnaissance et l'exécution des décisions en matière civile et commerciale et contient des règles relatives à l'exécution dans un autre état membre. Ce règlement est entré en vigueur le 1 er mars 2002. Les dispositions du règlement sont directement applicables, chacun pouvant s'en prévaloir devant un Tribunal sauf au Danemark toujours régi par la Convention de Bruxelles. Ce règlement entraîne la reconnaissance de plein droit des décisions civiles et commerciales dans l'union Européenne avec une procédure quasi automatique destinée à rendre exécutoire les décisions de justice dans les états membres. En sont exclues les décisions de caractère extra patrimonial et celles sur l'insolvabilité objet de règlements communautaires différents. La Cour de justice des communautés européennes a également exclu tout ce qui est administratif y compris les contrats administratifs. Il s'agit bien entendu des décisions postérieures au 1 er mars 2002 date d'application du règlement. L'exequatur est simplifiée et des voies de recours sont prévues, le contrôle étant purement formel et pouvant s'exercer tant sur la compétence internationale du Juge de l'étranger que sur la contrariété à l'ordre public du fond du droit (voir NOTE séparée sur ce règlement). 2. Le règlement 805-2004 du 21 avril 2004 a créé le titre exécutoire européen pour les créances incontestées : - son entrée en vigueur a été fixée au 21 janvier 2005, - son entrée en application a été fixée au 21 octobre 2005. La définition donnée par Monsieur le Professeur NORMAND est la suivante : 1
"Il s'agit de tout titre judiciaire ou notarié qui, exécutoire dans l'etat membre d'origine, serait par là même de plein droit exécutoire dans l'ensemble des Etats membres de l'union." Le passeport de circulation du titre est donné par l'etat d'origine et non plus par l'etat requis comme c'est le cas pour les autres matières. Le contrôle à priori se fait dans le cadre d'une procédure de proximité entre le créancier et la juridiction requise. Le règlement comprend 8 chapitres en 33 articles et 6 annexes qui sont les modèles des différents certificats des titres exécutoires européens. I CHAMP D'APPLICATION A Champ d'application matérielle Aux termes de l'article 2 il s'agit de toutes les décisions en matière civi le et commerciale comme pour le Traité de Bruxelles. Article 4 : la "créance" est un droit à une somme d'argent déterminée qui est devenue liquide et exigible ou dont la date d'échéance est indiquée. Cela exclut les obligations de faire. "Acte" : il s'agit d'une décision d'une juridiction d'un Etat membre hors du Danemark. "Acte authentique" : cela désigne la signature et le contenu de l'acte authentique émis par l'autorité publique ou déléguée pour ce faire. "Transaction" : il s'agit de la transaction judiciaire conclue devant ou homologuée par une juridiction. B Champ d'application spatial Ce sont les 24 Etats membres constituant l'union Européenne hormis le Danemark. Le règlement concerne tout acte visé par celui-ci élaboré dans l'un des 24 Etats membres d'origine et exécuté dans l'un des 23 autres Etats membre. 2
C Champ d'application temporel Le règlement, compte tenu de son entrée en vigueur au 21 janvier 2005, s'applique à toutes les décisions ou actes qui ont été prononcés ou rendus à compter du 21 janvier 2005. Mais le titre exécutoire européen ne peut être obtenu que depuis le 21 octobre 2005. II CONDITIONS D'OBTENTION Il s'agit des créances incontestées pécuniaires, liquides et exigibles. A Créances incontestées Le caractère incontestable procède de l'absence de contestation du débiteur sur la nature et le montant de la créance mais ces créances sont de deux types. 1. Les créances du premier type définies aux articles 3.1 a) & d) Les créances sont l'objet d'une reconnaissance expresse du débiteur : article 3.1a) : au cours d'une procédure judiciaire ou d'une transaction article 3.1d) : ou dans un acte authentique (par exemple des loyers si le bai l est notarié?) 2. Les créances du second type article 3.1 b) & c) Il s'agit de créances réputées incontestées en dépit du silence du débiteur. La reconnaissance vaut malgré le silence. article 3.1b) : il s'agit d'une créance à laquelle le débiteur ne s'est jamais opposé même s'il a connu une difficulté matérielle à l'exécuter article 3.1c) : il s'agit d'une créance reconnue tacitement par le débiteur qui ne comparaît pas ou ne se fait pas représenter à une audience relative à cette créance alors qu'il l'avait contestée dans une audience antérieure (opposition après un jugement par défaut, opposition à une injonction de payer etc ). Attention : cette définition ne recouvre pas les référés provision sauf si le débiteur n'a pas contesté ou comparu. 3
B Les créances contestables mais assimilées aux créances incontestées article 3.2) : il s'agit des décisions rendues à la suite de recours contre une décision certifiée comme titre exécutoire européen. III MODALITES D'OBTENTION La certification doit être demandée par le créancier et n'est donc pas automatique. Le processus est beaucoup plus simple pour les transactions et les actes authentiques que pour les décisions de justice. A Les décisions 1. Qui délivre le certificat? C'est l'autorité judiciaire qui effectue le contrôle de la décision c'est-à-dire la juridiction d'origine qui a rendu celle-ci. Aucune difficulté si la juridiction qui prononce la condamnation délivre en même temps le certificat de titre exécutoire européen. Par contre il s'agit d'une décision de fond déjà existante l'annexe IV.3 du règlement prévoit que la juridiction qui délivre le certificat doit être différente de celle qui a rendu la décision. Il apparaît d'ailleurs que cela est conforme à l'article 6-1 de la Convention Européenne des Droits de l'homme. 2. Quelle est la forme de la décision? Le formulaire type du certificat de titre exécutoire européen figure à l'annexe I dans la langue du pays d'origine de la décision. Mais ce certificat étant le même dans toute l'union Européenne et sous forme de cases à cocher, il peut être immédiatement compréhensible dans tous les autres pays. Ce certificat, et une annexe est prévue à cet égard, peut être partiel, l'exécution ne s'appliquant alors qu'à une partie de la décision d'origine. 4
3. Quelles sont les conditions de délivrance? a) La décisi on doit être exécutoire dans l'etat d'origine. b) La décision doit avoir été rendue dans le respect des règles de compétence essentielles existantes dans l'union Européenne et issues soit de la Convention de Bruxelles, soit du règlement communautaire N 44/2001 du 22 décembre 2000. La décision doit avoir été rendue dans le respect des règles de procédure minimale mais uniquement quand la créance est considérée comme incontestée du fait du silence du débiteur telle que prévue aux articles 3.1b) et 3.1c) du règlement. Les règles sont prévues aux articles 13 à 17 du chapitre 3 du règlement. article 13 : la signification de la décision à exécuter doit être assortie de la preuve de sa réception. article 14 : la signification peut ne pas être assortie de la preuve de la réception à condition que l'adresse du débiteur soit connue avec certitude, que l'acte soit réceptionné par un tiers, qu'il soit signé par le significateur et qu'il comporte la date et le lieu de celui qui a reçu l'acte avec le débiteur ou pour son compte. mais l'article 18 prévoit des moyens de remédier au non respect de ces règles de procédure minimales par la non sanction de leur irrespect si le débiteur pouvait contester la créance et ne l'a pas fait. B Les transactions et les actes authentiques (cf annexe II) 1. Qui délivre le titre exécutoire européen? a) C'est le Juge qui a homologué ou devant lequel la transaction est intervenue. b) C'est le Président de la Chambre des Notaires du ressort de l'office dont émane l'acte. Cela vaut pour la France mais chaq ue Etat a désigné l'autorité chargée de la délivrance de ce titre. 5
2. Quelles conditions? Les conditions sont identiques à celles exigées pour les décisions. Il y a un contrôle formel allégé. IV LES EFFETS A Le principe Le créancier qui a obtenu un titre exécutoire européen pourra s'adresser directement aux autorités chargées de l'exécution dans l'etat d'exécution sans avoir la nécessité d'obtenir un exequatur. Tout contrôle est supprimé tout au moins dans la limite de la force exécutoire de l'acte d'origine et notamment, si des conditions de délai figurent dans celui -ci, il faut les respecter. La reconnaissance de la décision prend un caractère incontestable d'autorité de chose jugée. B Les procédures Les procédures d'exécution sont celles de l'etat d'exécution : aux termes de l'article 20-1 alinéa 2, il est prévu que la décision certifiée sera exécutée dans les mêmes conditions qu'une décision de l'etat d'exécution. Les formalités à fournir sont prévues à cet article 20.2 c'est : l'expédition de la décision, le certificat du titre exécutoire européen, la traduction ou la transcription de la décision et du certificat, le mot "transcription" voulant dire pour la Grèce tenir compte d'un alphabet différent. 6
V LES RECOURS Trois types de recours : contre le certificat, contre la décision certifiée, contre l'exécution. A Recours contre le certificat 1. Recours dans le pays d'exécution Aux termes de l'article 21-2 il n'y a pas de recours. 2. Dans le pays d'origine Le règlement prévoit aux articles 10.10 et 10.14 deux recours : article 10.1a) : il est possible de solliciter la rectification d'une erreur matérielle du titre sur demande adressée à la juridiction d'origine. article 10.1b) : il est possible de demander le retrait du certificat de titre exécutoire européen à la juridiction d'origine. Ce retrait est possible si le titre a été délivré indûment par rapport aux conditions prévues par le règlement européen, ces conditions étant : - le caractère exécutoire de la décision, - la compétence internationale du Juge - le respect des règles de procédure minimale. La France a notifié à la Commission que la rectification et le retrait sont portés devant les juridictions de l'etat d'origine et que le Greffier en Chef serait chargé de vérifier les conditions. Si la rectification et le retrait sont refusés le recours existe devant le Président de la juridiction qui a délivré le certificat et pour les actes authentiques le Président de la Chambre des Notaires. La délivrance du titre exécutoire européen n'est pas susceptible d'autre recours. NOTA BENE : Le recours contre le refus de délivrance n'est pas prévu par le règlement communautaire mais la doctrine est divisée : une partie est contre tout recours et une partie pour un recours organisé par les Etats membres. 7
B Recours contre la décision assortie du certificat du titre exécutoire Européen 1. Dans l'etat d'exécution Il n'y a aucun recours. 2. Dans l'etat d'origine Le recours est sous entendu par l'article 3.2) selon les voies édictées par l'etat d'origine. A ce moment-là un certificat de remplacement prévu à l'annexe III pourra être remis mais le premier certificat produira ses effets en attendant. C Recours contre l'exécution du titre exécutoire européen dans l'etat d'exécution 1. Refus d'exécution par les autorités de l'etat d'exécution Cela est possible dans le cas où la décision serait inconciliable avec une autre décision antérieure. Le Juge de l'exécution refusera alors l'exécution du titre exécutoire européen. a. le refus est automatique quand la décision antérieure contraire émane d'une juridiction de l'etat d'exécution. b. le refus peut être dû à la méconnaissance des règles de reconnaissance des décisions selon le règlement communautaire Bruxelles I précité N 44-2001 du 22 décembre 2000 si la décision émane d'une juridiction de l'etat membre d'origine. 3. La suspension de la limitation de l'exécution (article 23) a. lorsque le débiteur a formé un recours à l'encontre d'une décision certifié en tant que titre exécutoire europ éen. b. lorsqu'il a demandé la rectification et le retrait d'un certificat du titre exécutoire Européen. 8
Le débiteur peut alors : - demander la limitation de la procédure d'exécution et des mesures conservatoires, - demander que l'exécution soit subordonnée à la constitution d'une sûreté qu'elle détermine, - demander dans des circonstances exceptionnelles la suspension de la procédure d'exécution. PROPOS CONCLUSIFS Aux termes de l'article 27 du règlement l'utilisation du titre exécutoire européen n'est nullement exclusive de la voie de l'exequatur prévue par le règlement communautaire du 22 décembre 2000. Mais le titre exécutoire européen est valable dans tous les Etats membres et permet de faire l'économie du respect de l'ordre public sur le fond et il est plus rapide. PJ: REGLEMENT N 805/2004 DU PARLEMENT EUROPEEN ET DU CONSEIL DU 21.04.2004 PORTANT CREATION D'UN TITRE EXECUTOIRE EUROPEEN POUR LES CREANCES INCONTESTEES. Alain PROVANSAL Avocat au Barreau de MARSEILLE Membre du Conseil d'administration de DROIT & PROCEDURE 9