Nutrition et cancer du sein P. Bachmann 1,2 1. Unité de nutrition-disspo, CRLCC L Bérard 28, rue Laennec 69373 LYON Cedex 08. 2. Unité Cancer, Environnement et Nutrition, CRLCC L Bérard, EA 4129 'Santé, Individu, Société', Université de Lyon 1 Aucun conflit d intérêt mars 2017
Facteurs nutritionnels Nutrition = Ensemble des processus par lesquels un être vivant transforme des aliments pour assurer son fonctionnement Facteurs de la relation nutrition et cancer Alimentation et boissons (en propre ou comme vecteur) Fonction (activité physique, immunité, croissance, inflammation, réparation tissulaire ) Composition corporelle
Déséquilibre oncogènes, gènes suppresseurs de tumeurs, gènes réparateurs d ADN
Evolution du génome 0,3% / M années chasse œufs fruits racines légumes noix miel Chasseur-cueilleur Néolithique -10000 Emergence d un génome d épargne énergétique
Evolution du génome 0,3% / M années chasse œufs céréales, produits laitiers hydrates de carbone simples, alcool Graisses, huiles fruits racines légumes noix miel viandes rouges volailles, poissons fruits, crudités légumes Chasseur-cueilleur Homme moderne Néolithique -10000 2000 Emergence d un Évolution du génome d épargne génome : 0,003% énergétique
Evolution du génome 0,3% / M années chasse œufs Activité physique céréales, produits laitiers hydrates de carbone simples, alcool Graisses, huiles fruits racines légumes noix miel viandes rouges volailles, poissons fruits, crudités légumes Chasseur-cueilleur Homme moderne Néolithique -10000 1850-2000 Emergence d un Évolution du génome d épargne génome : 0,003% énergétique
Révolution industrielle : Urbanisation Transition nutrit. Raffinage farine pain blanc Approvisionnement en sucre Approvisionnement en viande Élevage «industriel» : pâturage céréales Essor des transports / Industrialisation de la boucherie Disponibilité des lipides (part énergétique x 2) Produits laitiers, fromages, viandes Margarine industrielle Réduction fruits, légumes, céréales,. Augmentation de la consommation d alcool Réduction activité physique, sédentarité
Etude de la relation nutrition cancer Epidémiologie descriptive : f. de confusion Messerli FH, 2012, NEJM
Etude de la relation nutrition cancer Epidémiologie analytique : Etudes cas-témoins et cohortes UE 19 - Oncologie 2014
Etude de la relation nutrition cancer Epidémiologie analytique : essai randomisé Biais de confusion Biais de sélection Observance de l intervention
WCRF/AICR, 2007 Food, Nutrition, Physical Activity, and the Prevention of Cancer : a Global Perspective. Washington DC
Etablir un niveau de preuve Etudes épidémiologiques Qualité Absence d hétérogénéité Concordantes Plausibilité biologique Mécanismes authentifiés Expérimentation animale Confirmation par études d intervention Convaincant Probable Limité Peu probable Recommandations
Recommandations nationales Relations nutrition/cancer Niveaux de preuve + Données d exposition (INPES, InVS, Afssa) Synthèse PNNS 2009 (DGS, INCa, NACRe Convaincant et probable Afssa, INPES, InVS) Martel-Latino P, réseau Nacre
Recommandations nationales Relations convaincantes ou probables conduisant à des recommandations pour la prévention primaire des cancers Facteurs associés à un risque accru Surpoids et obésité Viandes rouges et charcuteries Boissons alcoolisées Sel et aliments salés Compléments alimentaires à base de béta-carotène Facteurs de protection Activité physique Fruits et légumes Allaitement
Surpoids et obésité En 2012 : 15,7 % obèses et 26,3% en surpoids Augmentation régulière du taux d obésité d environ 0,5% / an Obésité, masse grasse abdominale mais aussi taille à l âge adulte, poids de naissance, prise de poids à l âge adulte Discordance pré- et post- ménopause
Réduction pondérale & Kc du sein Étude de la variation pondérale depuis l âge de 18 ans de 87 143 femmes de 30 à 55 ans de la NHS suivies entre1976-2002 Variations pondérales depuis la ménopause chez 49 514 femmes avec suivi max. de 24 ans. HR 1 (IC 95%) 0.85 (0.57-1.27) 0.85 (0.54-1.33) 0.43 (0.21-0.86) Amount of sustained weight loss in post Menop. W who never used PMH Eliassen AH et al, 2006, JAMA, 296:193-201
Obésité et risque de cancer Rapport Alimentation prévention des cancers, 2009, INCA Après la ménopause, 5 kg/m² d augmentation d IMC est associée à une augmentation de 12-13 % de risque de cancer Un gain de 25 kg après l âge de 18 ans augmente le risque de cancer du sein de 45 % en post ménopause Fiche repère surpoids obèsité risque de cancer, 1/2013, INCA
Des mécanismes authentifiés «Diète occidentale» et manque d activité physique Excès adiposité abdominale Excès de production œstrogènes endogènes Excès d inflammation systémique Insulinorésistance Déséquilibre leptine-adiponectine = Croissance tumorale prolifération vasculaire Activité physique effets bénéfiques
Obésité et cancer du sein 15 % CLB 2010 Majed B, et al, 2008, Breast Cancer Res Treat 111; 329-42
Obésité : pronostic cancer du sein Réduction de la survie spécifique (pré- & postm) Réduction survie globale (mortalité + 30 à 50%) Carmichael AR. 2006, Obes Rev., 7(4) ; 333-40 Chlebowski RT, et al. 2002, J Clin Oncol., 20(4) ; 1128-43 Caan BJ et al, 2008, Cancer Causes Control, 19 ; 1319 28 Majed B et al, 2008, Breast Cancer Res Treat, 111 ; 329 42 Risque accru de récidive et de métastases métastases HR = 1,12 ; IC 95 % [1,00-1,26], p < 0,0001* Majed B et al, 2008, Breast Cancer Res Treat, 111 ; 329 42 * Risque accru de second cancer HR 1,43 ; IC 95 % [1,09 1,89], cancers gynécologiques (38,2 %) et digestifs (23,2 %) * Majed B et al, 2008, Breast Cancer Res Treat, 111 ; 329 42 * Dignam JJ, et al, 2003, J Natl Cancer Inst., 95(19) ; 1467-76 Sanchez L, et al, 2008, Eur J Cancer Prev., 17(5) ; 406-13
Prise de poids après cancer du sein Après traitement concerne près 1 / 2 femme (RPC St Paul Vence 2009 : niveau 2) Chimiothérapie associée à un RR de 1,9 du nombre d agents et des doses durée de traitement pré ménopause > post-ménopause, L hormonothérapie également incriminée La prise de poids est en moyenne de l ordre de 3 kg mais des chiffres plus importants ne sont pas rares : > 5 kg chez une patiente / 3
Prise de poids après cancer du sein Impact négatif sur la qualité de vie, image et estime de soi, sexualité, Majore le risque de maladies chroniques (CV, diabète, problèmes orthopédiques, ) Altère le pronostique de la maladie cancéreuse
Prise de poids : mortalité accrue (niveau 2) Conclusions 1. Proposer une consultation de diététique afin de les faire bénéficier de conseils alimentaires personnalisés (niveau 1, grade A) 2. Recommander d éviter toute prise de poids supplémentaire (niveau 1, grade A) 3. Recommander d adapter l alimentation en privilégiant les aliments à faible densité énergétique (fruits et légumes) et en limitant les aliments gras et sucrés (niveau 1, grade A) 4. Recommander d augmenter de façon progressive l activité physique (suivre au moins les recommandations pour la population générale) (niveau 1, grade A) 5. En cas d obésité, orienter vers un programme de réduction pondérale (niveau 1, grade A)
Prise de poids et traitement Recommandations 1. Surveiller la courbe pondérale en cours de traitement : mesurer le poids (et calculer l IMC) dès le diagnostic et à chaque hospitalisation ou consultation et le porter chaque fois dans le dossier du patient (accord professionnel) 2. Maintenir le poids pendant le traitement et après traitement : ceci passe notamment par une activité physique adaptée et une prise en charge diététique paraissant d une façon générale souhaitable. Ceci passe notamment par : une activité physique adaptée des conseils pour suivre les recommandations nutritionnelles pour la population générale (PNNS) une consultation diététique en cas de surpoids, d obésité, de variations de poids ou de perturbations de la prise alimentaire, et le suivi des recommandations sur l alimentation après la maladie (niveau 2 grade B)
Essais randomisés Women s Intervention Nutrition Study (WINS) 2437 femmes ; 58,6 ans (1994-2000) ; 975 randomisées intervention pour réduction lipides quotidiens à < 15% AET (initial 29,6%) sans objectif de réduction de poids Women s Healthy Eating and Living (WHEL) 3088 femmes ; 53,3 ans (1995-2000) pour 5 portions de légumes et 3 de fruits, 16 ounces de jus de légumes, 30 gr de fibres, et 15-20% AET en lipides /jour Chlebowski RT et al, 2006, J Natl Cancer Inst, 98: 1767 76 Pierce JP. et al, 2007, JAMA, 298(3); 289-98
Comparaison études d intervention Patientes WIN S Post ménopausiques 50% st. I ; 10% IIB IIIA WHEL S Pré et post ménopaus. 33% st.i ; 25% IIB IIIA Inclusion < 1 an après diagnostic < 4 ans après diagnostic Délai moyen inclusion diagnostic 7 mois 24 mois Fruits et légumes Non Oui lipides alimentaires baseline versus à 1 ans / à 6 ans Variations poids (Kg) baseline /à 6 ans Résultat 29,6 ± 7,1 % / 20,3 ± 7,8 % / 23,0 ± 9,2 % 72,7 ± 15,9 / 69,4 ± 13,9 RFS 0,76 (0,6-0,98 ; p = 0,034) 28,5 ± 0,18 % / 22,7 ± 0,20 % / 28,9 ± 0,25 % 73,5 ± 0,42 / 74,1 ± 0,54 DFS 0,99 (0,83 1,17 ; p = 0,63) Chlebowski RT et al, 2006, J Natl Cancer Inst, 98: 1767 76 Pierce JP. et al, 2007, JAMA, 298(3); 289-98
Patientes contrôles de WHEL st. 16 % obèses 30 % obèses HR 0.56; 95% CI, 0.31 to 0.98 Pierce JP. et al, 2007, J Clin Oncol 25;2345-51
Boissons alcoolisées Alcool => classé comme cancérogène pour l homme : Seconde cause de cancer évitable après le tabac Risque augmente avec la quantité totale consommée (exemple : Sein : + 10 % par verre/j) Dose (10 gr) Recommandations : Limiter sa consommation autant que possible 1 à 2 verres par jour maximum En cas de difficulté à limiter la consommation d alcool, envisager un accompagnement et éventuellement une prise en charge.
Alcool et risque de cancer Martel P. et al, 11/2007, rapport Nacre www.e-cancer.fr Corrao G, et al, 2004, Prev Med, 38 ; 613-9
11576 cancers 334 850 femmes de 30-70 ans EPIC (suivi moy.11 ans) Pour 10 gr HR augmenté de 4.2% (IC 95% : 2.7%-5.8%) Romieu I. et al, 2015, Int J Cancer, in Press
Alcool peu de données après Recommandations (cf. INCa/NACRe, 2007; INCa/NACRe/DGS, 2009) Informer les patientes que la consommation d alcool est déconseillée, quel que soit le type de boisson (vin, bière, spiritueux) (niveau 2, grade A) Ne pas inciter les patientes abstinentes à une consommation régulière, même modérée, car toute consommation d alcool régulière est à risque (niveau 1, grade A) En cas de consommation d alcool, inciter les patientes à limiter la consommation autant que possible, tant en termes de quantités consommées que de fréquence de consommation (niveau 1, grade A) En cas de difficulté à limiter la consommation d alcool, envisager un accompagnement et éventuellement une prise en charge (accord professionnel)
Compléments alimentaires Les études sont insuffisantes pour évaluer l effet spécifique d une combinaison de micronutriments et/ou antioxydants pendant le traitement du cancer du sein. Il convient donc de s appuyer sur les recommandations pour la population générale et de rappeler les conclusions présentées lors des RPC Nice-Saint-Paul de Vence 2009 : Pas de prescription sauf en cas de déficience avérée Informer les patientes qu il est conseillé de satisfaire les besoins nutritionnels par une alimentation équilibrée et diversifiée sans recourir aux compléments alimentaires Niveau1, Grade A (population générale) Accord professionnel pour cancer sein
Nutrinet Santé 1081 sujets sur 1374 cancers incidents 68 % femmes ; âge 60,1± 10,9 ans 43 % cancers du sein 55,1 % consomment des CA après le diagnostic 14,3 % commencent après (3,9% arrêté après) 1/3 n en a pas parlé à son médecin 1/5 association délétère Moitié des cas pour lutter contre le cancer Pouchieu C et al, Touvier M, 2015, Br J Nutr. 113(8):1319-29
Vitamine D Incidence élevée des carences après cancer du sein (cf. population générale) Bénéfice sur la réduction du risque d ostéoporose En particulier chez les patients sous inhibiteurs de l aromatase (+++ avant mise sous biphosphonates) Effet carcinologique suggéré par 1 étude retrouvant 1 augmentation de risque de rechute et de décès par cancer du sein chez les patientes carencées (Goodwin 2009) Pas de lien de causalité démontré Effet possible sur les arthralgies survenant sous IA (2 études non randomisées, niveau 4)
Qualité de la diète & survie 117 études de cohorte (41 Kc sein) : 209 597 survivants comparaison des catégories + élevées au + faibles de consommation ou de qualité de la diète. Fruits-légumes élevés survie globale, alcool survie globale (RR 1,08; IC 95% 1,02 1.16) Indices qualité > diète saine Total (95% CI) Après diagnostic Total (95% CI) 100.0% 0.79 [0.71, 0.89] Cancer du sein Total (95% CI) 100.0% 0.74 [0.60 0.90] Diète occidentale Total (95% CI) Après diagnostic Total (95% CI) 100.0% 1.51 [1.24, 1.85] Cancer du sein Total (95% CI) 100.0% 1.44 [1.17 1.77] Schwedhelm C. et al, 2016 Nutrition Reviews, 74(12):737 48
Autres aliments : soja Recommandations (AFSSA / AFSSAPS 2005) Informer les patientes que les aliments à base de soja peuvent être consommés sans excès par les adultes, dans le cadre d une alimentation équilibrée et diversifiée (niveau 2, grade B) Informer les patientes qu un apport élevé en phyto-œstrogènes (supérieur 1 mg/kg/j) à partir d aliments à base de soja ou de compléments alimentaires n est pas recommandé (accord professionnel)
Activité physique Activité physique (AP) : Tout mouvement corporel qui produit une augmentation marquée de la dépense énergétique par rapport à la dépense de repos Ensemble des activités de la vie quotidienne Sédentarité : AP d intensité faible ou nulle et un excès d activités au cours desquelles la dépense énergétique est proche de la dépense de repos
Prévention du cancer du sein Cancer du sein : si AP dans la vie (surtout entre 12 et 22 ans) : réduction du risque de 25 % + effet dose réponse chez femmes ménopausées : réduction du risque de 20 à 80 % ; chez les femmes non ménopausées : diminution de 15 à 20 % environ 3 à 4h/semaine d AP d intensité modérée à intense seraient nécessaires pour une diminution statistiquement significative du risque de cancer du sein.
Après cancer L AP après traitement du cancer du sein et du côlon diminuerait significativement la mortalité globale, la mortalité par cancer, le nombre de récidives du cancer de 50-60 %. (Bénéfices probables pour autres cancers) Cancer du sein (Ibrahim et al, 2010) : activité physique associée à une diminution du taux de mortalité de 34 % du taux de rechute de 24 %
Après cancer Les bénéfices seraient effectifs pour la pratique de l équivalent de 30 min de marche à bon pas 4 à 5 fois/semaine quelque soit le niveau d AP avant diagnostic.
Recommandations nationales Relations convaincantes ou probables conduisant à des recommandations pour la prévention primaire des cancers Facteurs associés à un risque accru Surpoids et obésité Viandes rouges et charcuteries Boissons alcoolisées Sel et aliments salés Compléments alimentaires à base de béta-carotène Facteurs de protection Activité physique Fruits et légumes Allaitement
En savoir plus http://www.e-cancer.fr/comprendreprevenir-depister/reduire-les-risques-decancer/alimentation