L indemnité forfaitaire pour préjudice non pécuniaire : cinq ans après son entrée en vigueur!



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Transcription:

L indemnité forfaitaire pour préjudice non pécuniaire : cinq ans après son entrée en vigueur! Par André Laporte* Introduction...1 1. Champ d application...2 2. Catégories de victimes...7 3. Règles d application...9 3.1. Victime présentant des séquelles permanentes...9 3.1.1. Évaluation médicale...9 3.1.2. Données objectives...12 3.1.3. Détermination de la classe de gravité...15 3.1.4. Évaluation globale pondérée...19 3.1.5. Analogie...21 3.1.6. Seuil minimal d indemnisation...22 3.1.7. Aggravation...23 3.1.8. Lésion entraînant l application d unités fonctionnelles multiples...24 3.2. Victime présentant des séquelles temporaires...25 3.3. Victime décédée...26 Conclusion...28 Annexe 1...30 * L AUTEUR EST MEMBRE DU CABINET D AVOCATS LAPORTE & LAVALLÉE.

Introduction La notion de préjudice non pécuniaire au sens de la Loi sur l assurance automobile peut être définie comme l ensemble des désagréments, incluant la perte de jouissance de la vie, les douleurs, les souffrances psychiques et autres inconvénients affectant la qualité de vie de la personne accidentée, de façon temporaire ou permanente, en raison de blessures ou du décès subis suite à un accident d automobile 1. Depuis l entrée en vigueur du Règlement sur l indemnité forfaitaire pour préjudice non pécuniaire le 1 er janvier 2000 2, comment le Tribunal administratif du Québec 3 a-t-il appliqué et interprété ce règlement? Nous vous proposons, dans le cadre de la présente conférence, plus particulièrement, d examiner certains des principes soutenant la détermination des indemnités pour préjudice non pécuniaire en regard des dispositions législatives applicables et d analyser la jurisprudence dégagée par le Tribunal sur le sujet. Nous nous attarderons, plus spécialement, au cas de la victime présentant des séquelles permanentes suite à un accident d automobile. 1 Loi sur l assurance automobile, L.R.Q., c. A-25, art.73. 2 Règlement sur l indemnité forfaitaire pour préjudice non pécuniaire, R.R.Q., c. A-25, r. 5.4, art.1. 3 Ci-après appelé «le Tribunal».

1. Champ d application Les dispositions législatives relatives au préjudice non pécuniaire se retrouvent, plus spécifiquement, aux articles 73 à 76 de la Loi sur l assurance automobile 4, aux articles 23 5 et 44 6 de la Loi modifiant la Loi sur l assurance automobile et d autres dispositions législatives, ainsi qu aux articles 1 à 9 du Règlement sur l indemnité forfaitaire pour préjudice non pécuniaire 7. Le Règlement s applique aux accidents survenus à compter du 1 er janvier 2000 8. Ainsi, les accidents survenus avant cette date demeurent régis par les dispositions qui leurs étaient applicables en fonction de la date de l accident 9. Cependant, le Règlement peut également s appliquer, sous certaines conditions, aux rechutes d un accident dont l origine remonte à avant le 1 er janvier 2000. En effet, l article 57 de Loi sur l assurance automobile prévoit ce qui suit : «57. Si la victime subit une rechute de son préjudice corporel dans les deux ans qui suivent la fin de la dernière période d'incapacité pour laquelle elle a eu droit à une indemnité de remplacement du revenu ou, si elle n'a pas eu droit à une telle indemnité, dans les deux ans de l'accident, elle est 4 Loi sur l assurance automobile, précitée, note 1. 5 Loi modifiant la Loi sur l assurance automobile et d autres dispositions législatives, L.Q. 1989, c. 15; disposition transitoire applicable aux accidents survenus avant le 1 er janvier 1990. 6 Loi modifiant la Loi sur l assurance automobile et d autres dispositions législatives, L.Q. 1999, c. 22; disposition transitoire applicable aux accidents survenus entre le 1 er janvier 1990 et le 31 décembre 1999. 7 Règlement sur l indemnité forfaitaire pour préjudice non pécuniaire, précité, note 2; ci-après, dans le texte, appelé «le Règlement». 8 Id. 9 Loi modifiant la Loi sur l assurance automobile et d autres dispositions législatives, précitée, note 6. Page 2

indemnisée, à compter de la date de la rechute, comme si son incapacité lui résultant de l'accident n'avait pas été interrompue. [ ] Si la victime subit une rechute plus de deux ans après le moment indiqué au premier alinéa, elle est indemnisée comme si cette rechute était un nouvel accident.» Ainsi, une victime qui subit une rechute plus de deux ans après la fin de la dernière période d indemnité de remplacement du revenu doit être indemnisée comme s il s agissait d un nouveau fait accidentel. Conséquemment, si cette rechute survient après le 1 er janvier 2000, l aggravation de l atteinte, le cas échéant, peut faire l objet d une évaluation en fonction des nouvelles règles du Règlement. Dans l affaire L.-J. D. c. Société de l assurance automobile du Québec 10, la victime subit un accident d automobile en février 1983, au cours duquel elle se blesse à l œil droit. En juin 1983, des indemnités de l ordre de 6% lui sont accordées pour une perte de vision à l œil droit et ce, conformément au barème en vigueur avant le 1 er janvier 1990. En février 1994, une greffe de la cornée est pratiquée et des indemnités pour séquelles sont versées à la victime en raison de cette rechute. En octobre 2000, elle subit l ablation de l œil droit. En juin 2001, l agent d indemnisation de la Société de l assurance automobile du Québec 11 lui octroie une indemnité pour séquelles de l ordre de 30% basée sur le barème en vigueur au moment de l accident d automobile. 10 L.-J. D. c. Société de l assurance automobile du Québec, T.A.Q., SAS-Q-086195-0204/ SAS-Q-050581-9906, 8 avril 2003, membres Leblanc et Fortier. 11 Ci-après appelée «la Société». Page 3

Le Tribunal est finalement saisi du dossier et se voit attribuer la tâche de déterminer quel est le règlement applicable en regard des séquelles pour l ablation de l œil. La plaidoirie du représentant de la Société se résume essentiellement à la position adoptée par l organisme via une directive du vice-président de la Société 12. Cette directive mentionne, entre autres, ce qui suit : «Dans le cadre de travaux en cours sur la rechute de plus de deux ans, nous constatons que la gestion de l indemnité pour préjudice non pécuniaire (atteinte permanente) dans les cas de rechutes de plus de deux ans doit être revue. ( ) Accident depuis le 1 er janvier 1990 Le préjudice non pécuniaire doit être évalué globalement comme si l accident et la rechute de plus de deux ans n étaient qu un seul et même événement. Le préjudice non pécuniaire doit être évalué dans le dossier d origine. Par conséquent, le préjudice non pécuniaire, relié à la rechute de plus de deux ans, est soumis au barème en vigueur à la date de l accident et il est soumis à la méthode des résidus successifs. Si une personne accidentée a subi plusieurs rechutes de plus de deux ans, tous les préjudices non pécuniaires des diverses rechutes sont évalués globalement dans le dossier de l accident. Accident avant le 1er janvier 1990 et rechute de plus de deux ans après cette date La seule exception touche la personne accidentée après le 1 er janvier 1990 qui subit une rechute de plus de deux ans à compter de cette date. Dans ce cas, la première rechute de plus de deux ans est traitée comme un nouvel accident. Si la personne accidentée subit une rechute de plus de deux ans à compter de ce «nouvel accident», les préjudices non pécuniaires de la nouvelle rechute de plus de deux ans sont traités dans le dossier «nouvel accident», le premier dossier nouvelle loi. 12 Directive du 14 décembre 2000 adressée à différentes directions et services de la Société de l assurance automobile du Québec. Page 4

L accident et rechute de plus de deux ans après le 1 er janvier 2000 Je vous rappelle que le nouveau Règlement sur les préjudices non pécuniaires (2000) ne s applique qu aux accidents survenus après le 1er janvier 2000 et jamais dans le cas de la rechute du préjudice corporel d un accident survenu avant cette date. ( )» [notre emphase] La Société, dans cette directive, bien que catégorique dans ses propos, n y précise, toutefois, pas sur quelles dispositions législatives elle s appuie pour en arriver à une telle conclusion. Dans l affaire L.-J. D. c. Société de l assurance automobile du Québec, le Tribunal, quant à lui, reconnaît que les séquelles de l énucléation de l œil droit survenue en octobre 2000 doivent être déterminées en considérant l intervention comme un nouvel accident au sens du troisième alinéa de l article 57 de la Loi sur l assurance automobile. Le Tribunal s exprime ainsi : «[25] Le requérant ayant subi l énucléation de l œil droit en octobre 2000, il entre dans la catégorie décrite au troisième alinéa. Il n est pas contesté que l intervention chirurgicale constitue une rechute. Il est clair aussi que cette rechute survient plus de deux ans après l accident original (en 1983) et plus de deux ans après la fin de la dernière période d incapacité pour laquelle il a eu droit à une indemnité de remplacement. [26] L intervention chirurgicale d octobre 2000 constitue donc un nouvel accident survenu après le 1 er janvier 2000. Or, l article 44 de la Loi modifiant la Loi sur l assurance automobile et d autres dispositions législatives (L.Q. 1999, c. 22) précise que : «( ) les dispositions réglementaires prises en application des paragraphes 12 o, 19 o et 36 o de l article 195 de la Loi sur l assurance automobile tels qu édictés par l article 38 de la présente loi sont applicables aux accidents ou aux décès, selon le cas qui surviendront à compter du 1er janvier 2000; les accidents et les décès survenus avant cette date demeurent régis par les dispositions qui leur étaient alors applicables.» [27] Il n y a rien dans la loi qui permette de faire une différence, comme le fait l intimée, entre la première rechute et des rechutes subséquentes.» Page 5

Dans une autre affaire, soit L. M. c. Société de l assurance automobile du Québec du Québec 13, le Tribunal s est vu confier à nouveau la tâche de décider comment établir les séquelles dans le cas d un individu, victime à l origine d un accident d automobile en 1988, qui voit sa condition se détériorer vers 2002 sans qu entre temps il y ait eu cessation du versement d indemnités. Le Tribunal tranche, ainsi, la question : «[15] Pour répondre à la question litigieuse, le Tribunal doit déterminer quel est le barème applicable aux séquelles reconnues par l'intimée initialement le 26 avril 2002, décision confirmée en révision le 28 février 2003. ( ) [19] En 1989, la loi est modifiée. L article 23 du chapitre 15 de la Loi modifiant la Loi sur l assurance automobile et d autres dispositions législatives, édicte que : ( ) «23.Le titre I et le titre II de la Loi sur l assurance automobile en vigueur le 31 décembre 1989, à l exception de l article 45 demeurent en vigueur et continuent de s appliquer aux personnes qui subissent un dommage corporel avant le 1 er janvier 1990. Toutefois, une personne visée au premier alinéa qui, à compter du 1er janvier 1990, subit une rechute plus de deux ans après la fin de la dernière période d incapacité pour laquelle elle a eu droit à une indemnité de remplacement du revenu ou, si elle n a pas eu droit à une telle indemnité, plus de deux ans après la date de son accident est assujettie aux dispositions de la Loi sur l'assurance automobile édictées par la présente loi et indemnisée comme si cette rechute était un nouvel accident.» (Le caractère gras est du Tribunal.) 13 L. M. c. Société de l assurance automobile du Québec du Québec, T.A.Q., SAS-Q-097143-0304, 10 mai 2004, membres Fournier et Grenier. Page 6

[21] L intimée maintient ainsi son refus de l indemniser en vertu du barème applicable en 2002 s appuyant notamment sur les dispositions législatives et réglementaires ci-dessus mentionnées. [22] À notre avis, cette décision est bien fondée. [23] En effet, l exception prévue à l article 23 des dispositions transitoires précitées ne peut s appliquer au requérant. Même si l on reconnaît la rechute, au sens médical, la détérioration progressive de la condition de ses épaules et de son poignet gauche de 1998 à 2003 à cause de la sur utilisation de béquilles et de canne, cette rechute ne correspond pas légalement à «un nouvel accident» au sens du deuxième alinéa de l article 23. [24] En effet, à la date où les médecins reconnaissent l existence de séquelles aux épaules et au poignet gauche résultant des blessures subies en 1988, le requérant est toujours en incapacité permanente, et ce, depuis 1993. Son indemnité de remplacement du revenu n a jamais cessé. Ainsi, sa situation ne remplit pas les conditions prévues au deuxième alinéa de l article 23. Il ne peut donc être indemnisé comme si la rechute était un nouvel accident.» Ainsi, il appert, selon la jurisprudence du Tribunal, que pour qu une rechute d un accident d origine survenu avant le 1 er janvier 2000 soit indemnisable selon le nouveau règlement, il est nécessaire que la victime subisse une détérioration de son état médical après le 1 er janvier 2000 et plus de deux ans après la fin de la dernière période d incapacité pour laquelle elle a eu droit à une indemnité de remplacement du revenu ou, si elle n a pas eu droit à une telle indemnité, plus de deux ans après la date de l accident d origine. 2. Catégories de victimes Le Règlement est divisé en différentes sections selon que la victime présente ou non des séquelles permanentes ou qu elle décède 14. 14 Règlement sur l indemnité forfaitaire pour préjudice non pécuniaire, précité, note 2, art.2. Page 7

Dans le cas d une victime présentant des séquelles permanentes, l indemnité forfaitaire pour préjudice non pécuniaire est déterminée suivant les dispositions de la section II du Règlement lorsque la gravité des séquelles permanentes, d ordre fonctionnel ou esthétique, affectant une victime correspond ou est comparable à une situation décrite dans l une des classes de gravité prévues dans le Répertoire des séquelles permanentes d ordre fonctionnel ou esthétique, Répertoire situé à l annexe I du Règlement. Dans le cas d une victime présentant des séquelles uniquement temporaires, l indemnité forfaitaire est déterminée suivant les dispositions de la section III du Règlement lorsqu une victime n est affectée par aucune séquelle permanente, d ordre fonctionnel ou esthétique, ou que la gravité des séquelles l affectant est insuffisante ou se situe sous le seuil minimal pour donner droit à une indemnité forfaitaire déterminée en application des dispositions de la section II du Règlement. Finalement, pour ce qui est d une victime qui décède, l indemnité forfaitaire est déterminée suivant les dispositions de la section IV du Règlement. Ainsi, le Règlement prévoit trois types ou catégories de victimes : la victime présentant des séquelles permanentes, celle souffrant uniquement de séquelles temporaires et, finalement, celle qui décède des suites de ses blessures. Chacune de ces victimes se verra indemniser selon des critères et Page 8

des méthodes distinctes en vertu du Règlement 15. Pour un aperçu schématique de la démarche à suivre pour évaluer le préjudice non pécuniaire en fonction de la catégorie de victime impliquée, nous référons le lecteur à l annexe 1 jointe au présent texte. À ce stade-ci, il nous apparaît opportun de nous attarder à certaines des règles gouvernant la détermination de l indemnité forfaitaire pour préjudice non pécuniaire et ce, bien entendu, compte tenu de la jurisprudence émanant du Tribunal depuis l entrée en vigueur du Règlement. 3. Règles d application 3.1. Victime présentant des séquelles permanentes 3.1.1. Évaluation médicale L évaluation médicale des séquelles permanentes doit être effectuée après la consolidation et la stabilisation de l ensemble des blessures 16. Une blessure est considérée consolidée ou stabilisée aux fins de l indemnisation lorsque son évolution a atteint un niveau stationnaire, c est-à-dire que les examens réalisés et les connaissances médicales reconnues ne permettent pas de prévoir, à court ou à moyen terme, une amélioration ou une détérioration notable de l état de santé de la victime 17. Seules 15 Concernant les méthodes d évaluation des indemnités, nous référons le lecteur au texte d une précédente conférence : André LAPORTE, «La nouvelle indemnité forfaitaire pour préjudicie non pécuniaire», dans Service de la formation permanente Barreau du Québec, Développements récents en matière d accidents d automobile, Cowansville, Édition Yvon Blais, 2001, p.107. 16 H. A. c. Société de l assurance automobile du Québec, T.A.Q., SAS-M-076010-0205, 12 mars 2004, membres Brunet et Brisson; M. L. c. Société de l assurance automobile du Québec, T.A.Q., SAS-Q-104183-0401, 5 juillet 2004, membres Auger et Brassard; P. D. c. Société de l assurance automobile du Québec, T.A.Q., SAS-Q-100119-0308, 13 janvier 2005, membres Brodeur et Bisson-Jolin. 17 Règlement sur l indemnité forfaitaire pour préjudice non pécuniaire, précité, note 2, art. 3. Page 9

les séquelles de nature permanente, après la stabilisation des blessures, pourront faire l objet d une indemnisation en vertu de la section II du Règlement. De plus, pour faire l objet d une telle compensation, il est essentiel que ces séquelles correspondent ou soient comparables à une situation décrite dans l une des classes de gravité prévues dans le «Répertoire des séquelles permanentes d ordre fonctionnel ou esthétique» qui constitue l annexe I du Règlement. Ce répertoire des séquelles est divisé en 24 unités fonctionnelles, représentant chacune une fonction ou un regroupement de fonctions du corps humain. Nous y retrouvons les fonctions et les regroupements de fonctions suivants : 1. la fonction psychique; 2. l état de conscience; 3. l aspect cognitif du langage; 4. les fonctions de l appareil visuel; 5. les fonctions de l appareil auditif; 6. le goût et l odorat; 7. la sensibilité cutanée; 8. les troubles de l équilibre; 9. la phonation; 10. la mimique; 11. le déplacement et le maintien de la tête; 12. le déplacement et le maintien du tronc; 13. le déplacement et le maintien du membre supérieur; 14. la dextérité manuelle; 15. la locomotion; 16. la protection assurée par le crâne; 17. la protection assurée par la cage thoracique et la paroi abdominale; 18. la respiration rhinopharyngée; 19. les fonctions digestives; 20. la fonction cardiorespiratoire; 21. les fonctions urinaires; 22. les fonctions génitosexuelles; 23. les fonctions endocrinienne, hématologique, immunitaire et métabolique; 24. la paraplégie et la tétraplég Page 10

De plus, ce répertoire compte, également, huit unités esthétiques représentant une région anatomique bien précise du corps humain. Chacune des unités fonctionnelles ou esthétiques décrites pour l ensemble du corps humain réfère l évaluateur à diverses classes de gravité. À chaque classe de gravité correspond une valeur sous forme de pourcentage représentant l ordre de grandeur estimé de l impact des séquelles sur l état fonctionnel ou esthétique d une victime dans sa vie quotidienne. Aussi, la détermination de l indemnité à laquelle peut prétendre une victime ayant subi des séquelles permanentes n est pas une mince tâche. L évaluateur doit tenir compte des règles générales prévues au Règlement, des règles particulières énoncées pour chacune des unités fonctionnelles et esthétiques à l annexe I du Règlement, en plus de devoir analyser l état de la victime en fonction des situations décrites dans chacune des classes de gravité. À ce sujet, l article 4 du Règlement prévoit ce qui suit : «4. L'évaluation des séquelles permanentes des unités fonctionnelles ou esthétiques doit permettre d'établir, selon le cas, les limitations fonctionnelles, les restrictions fonctionnelles et les altérations esthétiques affectant la victime, ainsi que l'importance de ces séquelles par rapport aux situations décrites dans les classes de gravité prévues dans l'annexe I. Les aggravations pouvant survenir à long terme ne doivent pas être prises en considération; le cas échéant, une nouvelle évaluation déterminera l'accroissement du préjudice. L'évaluation des séquelles permanentes doit être réalisée selon les règles prescrites à l'annexe I et le résultat doit pouvoir être expliqué par les connaissances médicales reconnues, appuyées par des données objectives retrouvées à l'examen clinique.» Page 11

Une revue de l ensemble de la jurisprudence émanant du Tribunal, suite à l entrée en vigueur du Règlement, nous a permis de constater que ce Tribunal accorde une grande importance à la qualité de l évaluation médicale des séquelles permanentes 18. Plus particulièrement, le descriptif des limitations ou restrictions fonctionnelles correspondant aux différentes classes de gravité revêt une importance capitale. À titre d exemple, dans l affaire C. G. c. Société de l assurance automobile du Québec 19, le Tribunal mentionne ce qui suit : «[103] Or, le Dr Bergeron attribue une classe de gravité 1 (2 %) pour un diagnostic d'entorse cervicale, mais alloue une classe de gravité 3 de l'irsst, ce qui correspond à peu près aux classes de gravité 2 et 3 du Règlement sur l'indemnité forfaitaire pour préjudice non pécuniaire. [104] À cet effet, il n'appartient pas au Tribunal de départager quelle classe de gravité l'expert de la requérante a choisie de lui attribuer. Il relève plutôt du procureur de la requérante de faire préciser son expert. [105] Cependant, le Tribunal peut déterminer en regard de la preuve qui lui est soumise quelle classe de gravité s applique selon les pointages et des limitations fonctionnelles émis par les experts.» 3.1.2. Données objectives Rappelons, d abord, que l article 4 du Règlement, précédemment cité, stipule que le résultat de l évaluation des séquelles permanentes doit pouvoir être expliqué par les connaissances médicales reconnues, appuyées par des données objectives retrouvées à l examen clinique. Or, l analyse de la jurisprudence du Tribunal nous a révélé que tous n appliquent pas cette règle avec la même rigueur. Certains, effectivement, exigent une objectivation des restrictions fonctionnelles à partir de la preuve 18 F. B. c. Société de l assurance automobile du Québec, T.A.Q., SAS-Q-080773-0110, 27 mai 2003, membres Labourdette et Lamonde. 19 C. G. c. Société de l assurance automobile du Québec, T.A.Q., SAS-Q-079219-0109/ SAS-Q-097437-0304/ SAS- Q-098897-0306/ SAS-Q-100681-0309/ SAS-Q-103775-0312, 25 novembre 2004, membres Hamel et Brisson. Page 12

médicale 20, alors que d autres se réfèrent davantage au témoignage de la victime ou aux données subjectives rapportées 21. ainsi: Dans l affaire A. B. c. Société de l assurance automobile du Québec 22, le Tribunal s exprime «[65] Sans nier que le requérant puisse éprouver des douleurs et un engourdissement, force est de constater que cet état n a été objectivé ni cliniquement, ni confirmé par l investigation paraclinique, d où le refus d accorder une indemnité pour un préjudice non pécuniaire, temporaire et permanent.» Par contre, dans l affaire C. T. c. Société de l assurance automobile du Québec 23, le Tribunal mentionne ce qui suit : «[57] Les Docteurs Dufour et Lavigne ont exprimé l opinion que la requérante souffrait d une séquelle permanente et ce, même si les différents tests étaient normaux. On a parlé de vertiges subjectifs mais non moins réels. Il n y a aucune opinion médicale contraire à celles des Docteurs Dufour et Lavigne. De toute évidence, il s agit d un trouble relativement bénin, mais la requérante témoigne de sa survenance fréquente, ce qui l incommode certainement dans les activités de la vie quotidienne. [58] À la lecture du règlement, le Tribunal considère que la requérante ne se situe pas dans une classe de gravité 2 ni dans la classe sous le seuil minimal. 20 A. B. c. Société de l assurance automobile du Québec, T.A.Q., SAS-Q-086453-0204, 18 décembre 2003, membres Grenier et Fournier; G. P. c. Société de l assurance automobile du Québec, T.A.Q., SAS-Q-099123-0306/ SAS-Q- 099125-0306, 4 novembre 2004, membres Nadeau et Lessard. 21 M.-A. G. c. Société de l assurance automobile du Québec, T.A.Q., SAS-M-095962-0408, 25 mai 2005, membres Brunet et Brisson; R. R. c. Société de l assurance automobile du Québec, T.A.Q., SAS-Q-093023-0211, 5 juin 2003, membres Brunet et Ouellette; J.-G. P. c. Société de l assurance automobile du Québec, T.A.Q., SAS-Q-091973-0210, 7 avril 2004, membres Larochelle et Ouellette; G. O. c. Société de l assurance automobile du Québec, T.A.Q., SAS-Q-102983-0311, 22 novembre 2004, membres Nadeau et Bisson-Jolin. 22 A. B. c. Société de l assurance automobile du Québec, T.A.Q., SAS-Q-086453-0204, 18 décembre 2003, membres Grenier et Fournier. 23 C. T. c. Société de l assurance automobile du Québec, T.A.Q., SAS-M-097501-0304, 5 octobre 2004, membres Brunet et Leydet. Page 13

C est la classe de gravité 1 qui vaut 2% qui correspond le mieux à sa situation.» [emphase du Tribunal] Il est intéressant, également, de mentionner les propos du Tribunal dans l affaire R. R. c. Société de l assurance automobile du Québec 24 qui affirme ce qui suit : «[28] ( ) Le Tribunal a bien pris note du texte réglementaire. Il a également pris connaissance du dossier, des constatations des médecins et des physiothérapeutes et également du témoignage de la requérante. Ce témoignage est particulièrement important dans l application de ce nouveau règlement car, comme on peut le constater à la lecture de celuici, plusieurs constatations échappent complètement au domaine de l expertise médicale. Il est assez difficile, dans une expertise, d évaluer la capacité de course d une personne, sa façon de négocier les dénivellations et les escaliers, et quoi encore.» [notre emphase] Dans le même sens, le Tribunal, dans l affaire J.-G. P. c. Société de l assurance automobile du Québec 25, indique, dans les motifs de sa décision, ce qui suit : «[21] Le répertoire des séquelles permanentes d ordre fonctionnelle (sic) sur la locomotion prévoit que l étude fonctionnelle prévaut de beaucoup sur les pertes d amplitude aux diverses articulations (qui n y sont même pas considérées) et que donc la gravité de l atteinte s évalue à partir des limitations et contraintes. ( ) [23] Le docteur Bonin constate une boiterie, des difficultés à se dévêtir et à se vêtir, une douleur à la mobilisation passive de la hanche droite en rotation interne et externe de même qu à l abduction, une sensibilité à la palpation des grands trochanters et des douleurs inguinales à la mobilisation de la hanche droite. Il n y a donc, selon lui, que des plaintes subjectives dont il faut faire abstraction lors de l évaluation des capacités de travail. 24 R. R. c. Société de l assurance automobile du Québec, T.A.Q., SAS-Q-093023-0211, 5 juin 2003, membres Brunet et Ouellette. 25 J.-G. P. c. Société de l assurance automobile du Québec, T.A.Q., SAS-Q-091973-0210, 7 avril 2004, membres Larochelle et Ouellette. Page 14

[24] Cette Interprétation est totalement étrangère et ignorante du Règlement sur l indemnité forfaitaire pour préjudice non pécuniaire au chapitre locomotion. Elle ne saurait être retenue.» [notre emphase] Par ailleurs, dans l affaire L. L. c. Société de l assurance automobile du Québec 26, le Tribunal précise ce qui suit : «[63] Ce faisant, le Tribunal se doit de considérer que les restrictions fonctionnelles telles que rapportés dans le cas sous étude, relevant en l'espèce d'une évaluation subjective, doivent trouver assise dans la preuve soumise. Un témoignage seul ne saurait suffire.» [notre emphase] Ainsi, bien que l évaluation des séquelles demeure d abord une démarche objective de nature médicale, le Tribunal semble attribuer une valeur indéniable à la description par la victime elle-même de ses restrictions ou limitations fonctionnelles 27. Toutefois, le témoignage seul de la victime demeure insuffisant pour faire la preuve de telles séquelles 28. 3.1.3. Détermination de la classe de gravité L article 5 du Règlement précise que: «5. La classe de gravité de l'unité fonctionnelle ou esthétique atteinte est déterminée par la situation ayant l'impact le plus important parmi les situations qui correspondent au résultat de l'évaluation des séquelles permanentes. 26 L. L. c. Société de l assurance automobile du Québec, T.A.Q., SAS-Q-084123-0201, 23 décembre 2003, membres Marcil et Labrosse. 27 L. D. c. Société de l assurance automobile du Québec, T.A.Q., SAS-Q-103993-0312, 1 er avril 2005, membres Bégin et Proulx; V. P. c. Société de l assurance automobile du Québec, T.A.Q., SAS-Q-099607-0307, 4 octobre 2004, membres Fortier et Cloutier. 28 D. K. c. Société de l assurance automobile du Québec, T.A.Q., SAS-Q-086133-0204/ SAS-Q-089237-0207, 18 février 2003, membres Leydet et Labourdette; L. L. c. Société de l assurance automobile du Québec, précitée, note 26. Page 15

Lorsque l'évaluation des séquelles permanentes révèle des situations qui ne sont décrites dans aucune classe de gravité, celles-ci sont alors assimilées à des situations analogues qui y sont décrites et dont la gravité est équivalente, en termes de conséquences dans la vie quotidienne telles la perte de jouissance de la vie, la souffrance psychique, la douleur et les autres inconvénients. On ne peut déterminer qu'une seule classe de gravité pour chaque unité atteinte et le pourcentage correspondant à cette classe ne peut être accordé qu'une seule fois.» Selon cette disposition, une fois l évaluation des séquelles terminée, il s agit de comparer le résultat de cette évaluation avec les situations décrites dans chacune des classes de gravité pour déterminer celle qui devra être retenue. Parmi les situations ainsi décrites, c est celle ayant l impact le plus important qui déterminera la classe de gravité à retenir. Dans l affaire L. D. c. Société de l assurance automobile du Québec 29, le Tribunal semble accorder une importance primordiale à la règle de la situation ayant l impact le plus important : «[32] Tous les spécialistes ayant examiné le requérant décrivent un examen physique du genou droit similaire, soit des crépitements à la rotule, une amplitude complète et symétrique, une bonne stabilité ligamentaire et l absence de synovite. Il ne semble y avoir aucune atrophie du quadriceps. [33] Les restrictions fonctionnelles recommandées varient cependant quelque peu : -Drs Belzile et Montminy recommandent d éviter de monter et descendre des escaliers et échelles à répétition; -Le chirurgien-orhopédiste traitant, Dr Jean Lamontagne, et Dr Montminy estiment que le requérant doit éviter de travailler en position accroupie de façon prolongée; -Dr Carbonneau ne se prononce pas sur les restrictions fonctionnelles; 29 L.D. c. Société de l assurance automobile du Québec, précitée, note 27. Page 16

-Drs Lamontagne, Montminy et Carbonneau suggèrent une réorientation professionnelle, estimant que le requérant ne peut reprendre son travail antérieur. -Seul Dr Belzile l estime apte à occuper son emploi antérieur de préparateur de voitures pour la peinture. [34] Dans les faits, le requérant est actuellement en réadaptation. Selon ses dires, qui ne sont pas contredits, il poursuit dans ce cadre des démarches de formation pour un emploi éventuel de chauffeur d autobus scolaire, qui respecterait ses restrictions fonctionnelles. Les limitations émises par Dr Lamontagne sont prises en compte par l intimée dans le processus de réadaptation actuel. [35] De tous ces faits, le Tribunal estime qu il doit retenir, parmi les classes de gravité, et tel que le prévoit l article 5 du Règlement sur l indemnité forfaitaire pour préjudice non pécuniaire, le fait que les conséquences dans la vie quotidienne du requérant sont comparables à la situation suivante : -la capacité de négocier les dénivellations, les escaliers et les terrains accidentés est moins efficace, mais demeure possible. -les mouvements complexes tels l agenouillement ou l accroupissement sont moins efficaces. [36] En effet, malgré une amplitude articulaire complète et l absence de synovite ou d instabilité à son genou droit, le Tribunal est d avis que la situation du requérant correspond davantage à un état de gravité 2, puisque le Règlement stipule qu on doit tenir compte dans la détermination de la classe de gravité de la situation ayant l impact le plus important parmi les situations décrites dans le barème. [37] Des restrictions fonctionnelles recommandant d éviter l agenouillement ou l accroupissement prolongé ont été émises par le chirurgien-orthopédiste du requérant. Il devient donc clair que l activité «mouvements complexes tels l agenouillement ou l accroupissement» est moins efficace, et justifie ainsi une classe de gravité 2 pour la locomotion.» [notre emphase] Page 17

Par ailleurs, pour retenir une classe de gravité en particulier, il n est pas nécessaire de retrouver à l évaluation toutes les situations qui y sont décrites. Le fait de retenir une classe de gravité n implique pas que tout son contenu, limitations ou contraintes, s applique à la victime 30. D autre part, en regard de certaines unités fonctionnelles, il existe des règles d évaluation particulières. Il s agit, entre autres, des unités déplacement et maintien de la tête, déplacement et de maintien du tronc, déplacement et maintien du membre supérieur et dextérité manuelle. Pour chacune de ces unités les règles d évaluation prévoient que la classe de gravité est déterminée par la situation ayant l impact le plus important, soit le résultat de l évaluation globale pondérée ou une autre situation décrite telle la présence de restrictions fonctionnelles. Ainsi, lors de l évaluation des unités fonctionnelles déplacement et maintien de la tête, déplacement et de maintien du tronc, déplacement et maintien du membre supérieur et dextérité manuelle, l évaluateur devra déterminer la classe de gravité tant en fonction de la méthode dite de l évaluation globale pondérée (nous y reviendrons dans la prochaine sous-section) qu en fonction de la présence ou non de restrictions fonctionnelles. L évaluateur, par la suite, et, éventuellement, le Tribunal devront choisir parmi ces modes d évaluation celui ayant l impact fonctionnel le plus important pour la victime 31. 30 C. A. c. Société de l assurance automobile du Québec, T.A.Q., SAS-M-081640-0301, 11 mars 2005, membres Hamel et Labrosse ; F. V. c. Société de l assurance automobile du Québec, T.A.Q., SAS-Q-075469-0105/ SAS-Q- 082777-0112, 11 mars 2005, membres Hamel et Labrosse. 31 N. A. c. Société de l assurance automobile du Québec, T.A.Q., SAS-Q-084339-0202/ SAS-Q-085973-0203/ SAS- Q-088771-0207, 2 septembre 2003, membres Brunet et Ouellette; F. C. c. Société de l assurance automobile du Québec, T.A.Q., SAS-M-066646-0104/ SAS-M-081306-0301, 23 juin 2003, membres Gouin et Parent; M. D. c. Société de l assurance automobile du Québec, T.A.Q., SAS-Q-100187-0308, 25 mars 2004, membres Hamel et Saucier; F. V. c. Société de l assurance automobile du Québec, précitée, note 30. Page 18

3.1.4. Évaluation globale pondérée L évaluation globale pondérée est réalisée en présence d une diminution de la mobilité active 32. La mobilité est dite active lorsque la victime peut effectuer les mouvements sans l assistance de l évaluateur. Selon les règles d évaluation retrouvées à l annexe I du Règlement, la diminution de la mobilité active est évaluée en mesurant les amplitudes maximales des mouvements actifs obtenues avec effort optimum de la personne évaluée. Le résultat obtenu doit être consistant avec l ensemble des données cliniques retrouvées à l examen. En présence d une discordance ne pouvant être expliquée conformément aux connaissances médicales reconnues, la mesure du mouvement passif est alors retenue 33. En ce qui concerne l évaluation des mouvements actifs versus les mouvements passifs, dans l affaire D. L. c. Société de l assurance automobile du Québec du Québec 34, le Tribunal mentionne ce qui suit: «[57] Le nouveau barème prévoit que les mouvements actifs doivent être considérés plutôt que les mouvements passifs. ( ) [59] Même s il [Dr Nadeau] rapporte des signes de non organicité ou une discordance entre les symptômes et les signes cliniques objectivables, cela ne signifie pas pour autant que la requérante n a pas de limitation des mouvements actifs et qu elle ne perçoit pas la douleur qui la rend dysfonctionnelle. 32 Voir, à cet effet, la règle d évaluation 3, pour l unité fonctionnelle déplacement et maintien de la tête, la règle d évaluation 4 pour l unité fonctionnelle déplacement et maintien du tronc, la règle d évaluation 6 pour l unité fonctionnelle déplacement et maintien du membre supérieur, la règle d évaluation 6 pour l unité fonctionnelle dextérité manuelle. 33 Id. 34 D. L. c. Société de l assurance automobile du Québec du Québec, T.A.Q., SAS-Q-099239-0307/ SAS-Q-099241-0307, 16 juin 2004, membres Grenier et Brassard. Page 19

[60] Le nouveau barème prévoit non seulement une indemnité pour une perte de mouvements, mais il faut également considérer les contraintes et inconvénients requérant la nécessité médicale, sur une base régulière et permanente, d éviter des activités exigeant le maintien prolongé du tronc en position immobile que ce soit, au niveau cervical ou lombaire, comme c est le cas de la requérante.» Malgré cette décision du Tribunal, qui nous apparaît d ailleurs conforme aux règles d évaluation prévues à l annexe I du Règlement, il arrive que dans certains cas le Tribunal conclut bien rapidement à la présence de discordance et s autorise ainsi à référer aux mouvements passifs 35. Nous avons, également, constaté, dans le cadre de notre pratique, que certains des experts retenus par la Société avaient une propension évidente à invoquer des signes de non organicité lors de l évaluation médicale d une victime. Or, il nous apparaît que le Tribunal ne devrait jamais se suffire de cette seule affirmation ou conclusion. Il devrait y avoir une certaine démonstration sur le plan médical, par l expert, afin de justifier sa prétention. En l absence d une telle démonstration, nous croyons que le Tribunal devrait s abstenir de référer aux mouvements passifs et ce, conformément aux règles d évaluation prévues à l annexe I du Règlement. À ce sujet, soulignons que d un point de vue purement légaliste, nous croyons que la formulation même des règles d évaluation fait en sorte que c est à la Société que revient le fardeau de démontrer, devant le Tribunal, la présence, d une part, d une discordance et, d autre part, de l impossibilité d expliquer cette discordance par les connaissances médicales reconnues. Compte tenu de la règle générale du mouvement actif, il s opère, selon nous, un renversement du fardeau de preuve 35 D. T. c. Société de l assurance automobile du Québec du Québec, T.A.Q., SAS-Q-109839-0407, 10 mai 2005, membres Nadeau,et Lafontaine. Page 20

à la charge de la Société lorsqu elle désire que les amplitudes de mouvements passifs soient retenues. Ce n est qu une fois cette preuve offerte par la Société que le Tribunal, à notre avis, pourrait avoir recours aux amplitudes de mouvements obtenus de façon passive dans le cadre de l évaluation globale pondérée. D autre part, les règles d évaluation prévues à l annexe I du Règlement nous apprennent également que les limites de la normale des amplitudes de mouvements sont obtenues par comparaison avec le mouvement équivalent controlatéral. À défaut ou si le mouvement controlatéral n est pas sain, l évaluateur doit se référer aux données conventionnelles généralement reconnues comme normales pour l âge de la victime. Pour chaque mouvement, l importance de la perte est reportée au tableau prévu pour chaque unité fonctionnelle à laquelle s applique ce mode d évaluation. Pour un mouvement donné, lorsque le résultat se situe entre deux valeurs indiquées, la valeur la plus rapprochée est retenue 36. 3.1.5. Analogie Comme le spécifie l article 5 du Règlement, précédemment cité, il y a lieu de procéder par analogie si l évaluation des séquelles permanentes révèle une situation dont la gravité devrait atteindre ou même dépasser le seuil minimal donnant droit à une indemnité mais qui est non décrite dans aucune des classes de gravité. On parle alors de situations analogues en termes de conséquences dans la vie quotidienne de la victime, telles la perte de jouissance, la souffrance psychique, la douleur et les autres inconvénients. 36 Précités, note 32. Page 21

Nous aurions souhaité retracer une décision analysant une situation non décrite dans les classes de gravité et où le Tribunal se serait vu contraint de procéder par analogie mais, la seule décision faisant allusion à un tel cas, que nous avons pu retrouver, c est l affaire L. D. c. Société de l assurance automobile du Québec 37, où la victime a tenté de faire reconnaître que l enflure qu il présentait au niveau de l une de ses chevilles, étant une situation non-visée par l une des classes de gravité de l unité fonctionnelle de la locomotion, devait être assimilée à la nécessité d une surélévation dans la chaussure permettant de compenser l inégalité des membres inférieurs entre 1 et 3,5 cm. Le Tribunal concluait qu il n y avait tout simplement pas d analogie de situation et que les séquelles présentées par la victime, quoique existantes, ne pouvaient se comparer avec les limitations de la classe de gravité 1. 3.1.6. Seuil minimal d indemnisation Pour chaque unité fonctionnelle retrouvée dans l annexe I du Règlement, la première classe de gravité décrite s intitule «Sous le seuil minimal». Lorsque les conséquences de l accident dans la vie quotidienne de la victime sont décrites dans cette classe de gravité, elle n a droit à aucune indemnité pour séquelles permanentes. Pour avoir droit à une indemnité pour perte de qualité de vie, tant en regard des unités fonctionnelles ou esthétiques, la victime doit présenter non seulement des douleurs, mais une certaine diminution de la mobilité de l articulation, le cas échéant, et/ou des restrictions fonctionnelles générées par sa condition, correspondant au minimum à une classe de gravité 1. Bien que la victime puisse avoir subi une certaine perte de qualité de vie, des douleurs ou même des restrictions fonctionnelles, il 37 L. D. c. Société de l assurance automobile du Québec, T.A.Q., SAS-Q-089663-0208, 18 février 2003, membres Brunet et Ouellette. Page 22

faut que ces limitations, ces restrictions et/ou ces pertes de mobilité soient suffisantes pour correspondre à une classe de gravité 1 et donner droit à une compensation 38. 3.1.7. Aggravation Seule l aggravation réellement reliée à l accident doit être indemnisée. La personne dont la qualité de vie était déjà affectée par des séquelles avant l accident a droit à une indemnité si sa condition s est aggravée. Cette aggravation doit être suffisante pour augmenter la classe de gravité 39. Dans l affaire A. B. c. Société de l assurance automobile du Québec 40, la victime d un accident d automobile était atteinte de façon préexistante d une discopathie multiple au niveau de la colonne. Le Tribunal, cherchant donc à savoir si l aggravation de cette condition pouvait être compensée en vertu du nouveau barème, mentionne ce qui suit: «[49] Soulignons que ces discopathies n empêchaient pas le requérant de travailler au moment de l accident. Il occupait, en outre, un emploi exigeant au plan physique, celui de livreur déménageur, en plus de préparer des salles pour des banquets. [50] Or, les médecins rapportent une symptomatologie douloureuse aux niveaux cervical, dorsal et lombaire et retiennent le diagnostic d entorses ou de contusions. Par ailleurs, à l exception de l entorse cervicale, les conditions 38 N. G. c. Société de l assurance automobile du Québec, T.A.Q., SAS-M-075374-0203, 17 avril 2003, membres Baumier et Vézina; É. L. c. Société de l assurance automobile du Québec, T.A.Q., SAS-Q-096251-0303, 7 avril 2004, membres Dubreuil-Charrois et Fournier. 39 Règlement sur l indemnité forfaitaire pour préjudice non pécuniaire, précité, note 2, art. 5 et 6; Voir, également, à cet effet : D. D. c. Société de l assurance automobile du Québec, T.A.Q., SAS-Q-090233-0209/ SAS-Q-090435-0209, 5 juillet 2004, membres Nadeau et Ouellette; M. G. c. Société de l assurance automobile du Québec, T.A.Q., SAS-Q-089865-0208/ SAS-Q-089867-0208/ SAS-Q-089869-0208, 4 juillet 2003, membres Lessard et Brunet; A. B. c. Société de l assurance automobile du Québec, T.A.Q., SAS-Q-084171-0201, 7 avril 2004, membres Nadeau et LeBlanc; C. M. c. Société de l assurance automobile du Québec, T.A.Q., SAS-M-084534-0305, 25 février 2004, membres Brunet et Joly-Ryan; M. P. c. Société de l assurance automobile du Québec, T.A.Q., SAS-Q-087789-0206, 2 juillet 2004, membres Grenier et Cohen. 40 A. B. c. Société de l assurance automobile du Québec, T.A.Q., SAS-Q-084171-0201, 7 avril 2004, membres Nadeau et LeBlanc. Page 23

n évoluent pas de façon favorable, comme on peut s y attendre dans pareil cas. [51] Dès lors, considérant la présence de discopathies préexistantes, mais asymptomatiques, aux niveaux dorsal et lombaire, le Tribunal conclut que les entorses subies à ces niveaux ont causé une symptomatologie douloureuse pour laquelle le requérant doit être indemnisé. ( ) [59] Quant aux contraintes et inconvénients touchant le déplacement et le maintien du tronc, le Tribunal évalue que leur impact fonctionnel permanent est de gravité 2. Il en arrive à cette conclusion en prenant en considération l ensemble des éléments rapportés par D r Abinader. Le Tribunal note que la perte de près de 50 % de la flexion antérieure et du tiers de l extension situe à 12 le résultat de l évaluation globale pondérée. [60] Il ne peut, par ailleurs, retenir les limitations fonctionnelles établies par D r Abinader, lesquelles sont, de l avis du Tribunal, trop sévères et ne peuvent s expliquer par le tableau clinique décrit. Il estime cependant que le requérant doit éviter les efforts fréquents exigeant une mise en charge importante au niveau du tronc. [61] Le Tribunal constate par ailleurs que, même si le requérant était déjà porteur d une condition arthrosique, aucune limitation fonctionnelle n a été démontrée avant l accident. Il considère donc la condition préexistante comme normale ou sous le seuil minimal.» 3.1.8. Lésion entraînant l application d unités fonctionnelles multiples Une seule lésion accidentelle peut, parfois, entraîner l évaluation de plusieurs unités fonctionnelles. À titre d exemple, un traumatisme crânien peut nécessiter la détermination de séquelles en rapport avec plusieurs unités fonctionnelles, telles la fonction psychique, l aspect cognitif du langage, les fonctions de l appareil auditif dans le cas d acouphène, le goût et l odorat, les troubles de l équilibre en cas de phénomène de vertiges, ainsi que la protection assurée par le crâne. Page 24

En cas de lésion entraînant l application d unités fonctionnelles multiples, l évaluateur et, éventuellement, le Tribunal devront déterminer pour chacune des unités fonctionnelles impliquées, la classe de gravité y correspondant. 3.2. Victime présentant des séquelles temporaires Lorsqu une victime n est affectée par aucune séquelle permanente d ordre fonctionnel ou esthétique, que la gravité des séquelles l affectant est insuffisante ou se situe sous le seuil minimal pour donner droit à une indemnité forfaitaire déterminée en application des dispositions de la section II du Règlement, le préjudice non pécuniaire est évalué selon les blessures répertoriées dans l annexe II du Règlement intitulée «Répertoire des blessures». Ce répertoire précise, pour chaque blessure, une cote de gravité comprise entre 1 et 6. Cette cote représente l ordre de grandeur estimé par la Société de l impact des blessures sur la qualité de vie de la victime. Le cas échéant, on attribue à une blessure qui n est pas répertoriée la cote de gravité correspondant à une blessure analogue d une gravité équivalente 41. Ainsi, le préjudice non pécuniaire en cas de blessures dites temporaires est, en fait, évalué en fonction, d une part, des blessures répertoriées à l annexe II et, d autre part, en fonction de la cote de gravité correspondant à ces blessures. Chaque cote de gravité doit être déterminée comme si la blessure était seule et unique. Ainsi, en présence de plusieurs blessures, nous devons utiliser une méthode de calcul qui permet d évaluer leurs effets combinés. 41 Règlement sur l indemnité forfaitaire pour préjudice non pécuniaire, précité, note 2, art. 8. Page 25

Pour ce faire, il faut suivre les étapes de calcul mentionnées à l article 8 du Règlement. La méthode consiste tout simplement à considérer à la fois la gravité des blessures et les régions du corps qui sont atteintes. Le corps est divisé en 12 régions distinctes, comprenant, entre autres, la face, le thorax, chacun des membres supérieurs et inférieurs, le psychisme, etc. La blessure ayant la cote de gravité la plus élevée sous chacun des titres indiqués à l annexe II, doit être retenue aux fins du calcul du préjudice non pécuniaire. Par la suite, il faut procéder à l addition du carré des cotes les plus élevées parmi celles qui ont été identifiées précédemment, jusqu à concurrence de trois 42. Ainsi, le résultat de l addition du carré des trois cotes les plus élevées, nous permet de déterminer un montant qui, une fois transposé dans le tableau I apparaissant à l article 8 du Règlement, nous permet d identifier la classe de gravité ainsi que le montant d indemnité qui y correspond 43. 3.3. Victime décédée L article 74 de la Loi sur l assurance automobile prévoit qu aucune indemnité n est payable lorsque la victime décède dans les 24 heures suivant l accident. Par contre, si la victime décède plus de 24 heures après l accident, mais dans les 12 mois suivant ce dernier, l indemnité qui peut être payée est celle fixée par le Règlement pour préjudice non pécuniaire en présence de blessures 44. 42 Id., art. 8 (3). 43 Pour l application de ce calcul, voir à cet effet : R. L. c. Société de l assurance automobile du Québec, T.A.Q., SAS-Q-093725-0212, 9 décembre 2003, membres Fortier et Beaurivage; D. K. c. Société de l assurance automobile du Québec, T.A.Q., SAS-Q-086133-0204/ SAS-Q-089237-0207, 18 février 2003, membres Leydet et Labourdette; Y. F. c. Société de l assurance automobile du Québec, T.A.Q., SAS-M-072392-0112, 26 octobre 2004, membres Labrosse et Hamel; J. R. c. Société de l assurance automobile du Québec, T.A.Q., SAS-M-081616-0301/ SAS-M- 081618-0301/ SAS-M-081620-0301/ SAS-M-081622-0301, 4 février 2004, membres Hamel et Labrosse; M. C. c. Société de l assurance automobile du Québec, T.A.Q., SAS-M-067980-0106/ SAS-M-067982-0106, 6 décembre 2002, membres Labrosse et LeBlanc. 44 Règlement sur l indemnité forfaitaire pour préjudice non pécuniaire, précité, note 2, art. 9 (2) (a). Page 26