LES PRIORITES EN MATIERE DE DROITS DE L HOMME POUR LE NOUVEAU GOUVERNEMENT GAMBIEN

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Index: AFR 27/6123/2017 28 Avril 2017 LES PRIORITES EN MATIERE DE DROITS DE L HOMME POUR LE NOUVEAU GOUVERNEMENT GAMBIEN 1. GARANTIR LA LIBERTE D'EXPRESSION a) Abroger de toute urgence les lois attentatoires à la liberté d'expression et mettre la législation nationale en la matière en conformité avec les obligations internationales et régionales de la Gambie. Plusieurs dispositions du Code pénal sont concernées, notamment celles sur la sédition (article 52), la diffamation (article 178), le fait de «diffuser des informations mensongères» (articles 59 et 181A) et le fait de communiquer de fausses informations à un fonctionnaire (article 114), ainsi que la Loi de 2013 sur l information et la communication, telle qu amendée, qui met en place une censure des opinions exprimées sur Internet (article 173A). b) Abroger les vastes pouvoirs conférés aux agences nationales de sécurité pour «surveiller, intercepter et stocker les communications» en vertu de la Loi de 2009 sur l information et la communication (article 138) et introduire les garanties nécessaires, comme celle du placement sous contrôle judiciaire et la possibilité de contester la légalité de ces dispositions devant un tribunal ; et faire respecter de façon générale les droits à la vie privée et à la liberté d expression. c) Veiller à ce que les groupes d opposition et les voix dissidentes aient accès en toute égalité aux médias publics. 2. GARANTIR LA LIBERTE DE REUNION a) Abroger les lois restreignant la liberté d association et de réunion et mettre la législation nationale en conformité avec les obligations internationales et régionales en matière de droits humains, en faisant notamment disparaître l infraction pour organisation d une manifestation sans autorisation Loi relative à l ordre public (article 5(5) (a) et (b)) et l infraction de réunion illégale article 69 du Code pénal. b) Donner publiquement pour consigne aux forces de sécurité d éviter le recours à la force pour disperser des rassemblements pacifiques, même lorsque la police estime que les organisateurs n ont pas respecté les dispositions de la Loi relative à l ordre public les obligeant à obtenir une autorisation préalable. Lorsqu elles ne peuvent faire autrement que de recourir à la force, les forces de sécurité doivent exercer 1

celle-ci avec le plus de retenue possible. 3. METTRE UN TERME AUX ARRESTATIONS ARBITRAIRES, AUX DETENTIONS ET A LA TORTURE a) Ordonner publiquement à la police, à l armée et à l Agence nationale de renseignement (NIA) de mettre fin aux arrestations et aux détentions illégales, à la détention au secret et aux disparitions forcées et notamment de cesser de prolonger la garde à vue au-delà du délai de 72 heures prévu par la Constitution gambienne. b) Veiller à faire de la torture une infraction à part entière sanctionnée par la législation nationale, en adoptant une définition de la torture reprenant tous les éléments contenus dans l article 1 de la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants. Faire en sorte que les infractions de ce type fassent l objet d enquêtes adéquates et soient passibles de sanctions appropriées, prenant en compte leur gravité. c) Modifier le Code de procédure pénale en ce qui concerne les éléments recevables dans le cadre d une procédure judiciaire, afin d exclure explicitement tout élément extorqué sous la torture. d) Examiner tous les dossiers des personnes actuellement détenues et remettre en liberté celles dont la détention n est pas légale. e) Améliorer les conditions de vie dans les lieux de détention, comme les prisons de Mile 2 et de Janjanbureh, et réformer la législation dans ce domaine, pour la rendre conforme aux normes internationales, et en particulier avec l Ensemble de règles minima de l ONU pour le traitement des détenus (Règles Nelson Mandela) et avec les Règles de l ONU concernant le traitement des femmes détenues et les mesures non privatives de liberté pour les femmes délinquantes (Règles de Bangkok). f) Mettre en œuvre, à chaque fois que cela est possible, des mesures de substitution à l emprisonnement des femmes délinquantes, en particulier lorsque celles-ci sont enceintes ou ont des personnes à charge, en veillant à ce que les femmes détenues soient à l abri de la violence basées sur le genre sous toutes ses formes. g) Former les agents de l application des lois, les militaires et les autorités pénitentiaires aux dispositions du droit international relatif aux droits humains, pour que les procédures nationales soient conformes à ce dernier et que des mesures préventives visant à faire disparaître la torture et les autres mauvais traitements soient intégrées dans les méthodes de travail respectives de ces agents. h) Permettre à des observateurs indépendants nationaux et internationaux en matière de droits humains, et notamment au Comité international de la Croix-Rouge, d avoir accès aux centres de détention. i) Fermer les centres de détention qui ne sont pas officiellement reconnus et enquêter sur les atteintes aux droits humains qui ont pu être commises par le passé dans ces centres. j) Étant donné l ampleur des violations des droits humains mettant en cause l Agence nationale de renseignement (NIA), réformer celle-ci, en veillant à ce que ses activités soient conformes aux normes internationales en matière de droits humains, notamment concernant la transparence et l obligation de rendre des comptes. 2

k) Désarmer et dissoudre la milice des Jungulers et les autres groupes paramilitaires plus ou moins officiels. l) Mettre en place une commission indépendante chargée d enquêter sur les plaintes contre la police, afin de renforcer les conditions d application de l obligation incombant à ladite police de rendre des comptes. 4. RENFORCER LA JUSTICE a) Prendre toutes les mesures nécessaires, y compris en mettant en place des programmes d assistance technique et de formation, pour garantir l indépendance et l impartialité de l appareil judiciaire, conformément aux normes internationales telles que les Principes fondamentaux relatifs à l'indépendance de la magistrature [ONU]. b) Réformer et améliorer l Agence nationale d aide juridique (NALA), afin qu elle puisse fonctionner en toute indépendance, aux termes d un solide mandat, en veillant à ce que des juristes et des spécialistes des questions juridiques en nombre suffisant puissent fournir les services indispensables aux personnes, et en particulier à celles qui appartiennent aux catégories les plus vulnérables et les plus défavorisées de la société, à tous les stades de la procédure pénale. Apporter le soutien nécessaire aux organisations de la société civile qui fournissent une aide et des conseils juridiques, comme le Barreau de Gambie ou l Association des femmes juristes de Gambie, dans le souci de renforcer et d améliorer l accès à la justice. c) Donner davantage de moyens au parquet, en veillant notamment à ce qu il dispose des ressources financières et humaines indispensables au déroulement de procès équitables. d) Élaborer une politique judiciaire globale permettant d identifier et d éliminer les obstacles auxquels sont confrontées les femmes et les filles en matière d accès à la justice, fournir les moyens nécessaires, notamment dans le domaine de l aide juridique, et mettre en place un mécanisme de suivi de la mise en œuvre de cette politique. e) Accélérer l entrée en fonction de la Commission nationale des droits humains et veiller à ce qu elle puisse fonctionner de façon efficace et indépendante avec des ressources suffisantes et conformément aux Principes concernant le statut et le fonctionnement des institutions nationales (Principes de Paris). 5. PRENDRE DES MESURES POUR ABOLIR LA PEINE DE MORT a) Mettre en place de toute urgence un moratoire officiel sur les exécutions et ratifier le deuxième Protocole facultatif se rapportant au Pacte international relatif aux droits civils et politiques, visant à abolir la peine de mort. b) Commuer en peines d'emprisonnement toutes les peines capitales déjà prononcées. c) En attendant d avoir totalement aboli la peine de mort, abroger toute disposition de la loi prévoyant l imposition obligatoire de celle-ci. 3

d) Abolir en droit la peine de mort pour tous les crimes. 6. PROTEGER ET PROMOUVOIR LES DROITS DES FEMMES ET DES FILLES a) Harmoniser la législation nationale, et notamment la Constitution, la Loi sur les femmes et les lois régissant les relations personnelles (charia et droit coutumier), en abrogeant toutes les dispositions discriminatoires, dans le souci de garantir aux femmes et aux filles les mêmes droits qu aux hommes dans tous les domaines. b) Abroger l article 33 (5) (c) de la Constitution, qui dispose que la prohibition de la discrimination ne s applique pas en matière d adoption, de mariage, de divorce, de funérailles et de transmission de biens après la mort. c) Appliquer réellement l article 15 (1) de la Loi sur les femmes et développer considérablement le recours à des mesures spéciales provisoires, comme la mise en place de quotas, pour que les femmes soient également représentées dans la vie politique et publique, ainsi que dans tous les autres secteurs pertinents dans lesquels elles sont sous-représentées ou défavorisées, tels que l éducation, la santé ou l emploi. d) Appliquer réellement la Loi sur la violence domestique et la Loi sur les infractions à caractère sexuel, en adoptant la réglementation et les lignes directrices nécessaires, en renforçant les mécanismes de signalement, en dégageant les ressources appropriées et en donnant plus de poids au Comité consultatif sur les victimes de la violence. e) Veiller à ce que les travailleuses et travailleurs de sexe aient accès, sur un même pied d égalité, à la justice, aux soins de santé et aux autres services publics, et bénéficient de la même protection devant la loi que les autres catégories de la population, et notamment à des garanties juridiques les protégeant de l exploitation et des actes de harcèlement et de violence. f) Amender la législation afin de décriminaliser l avortement, en faisant disparaître toutes les mesures punitives encourues aussi bien par les femmes et les filles que par les professionnels de santé ; étendre les motifs justifiant un recours légal à l ING, en y incluant le viol, l inceste et les malformations fœtales graves et fatales ; et veiller à ce que les personnes concernées puissent avoir accès sans entraves à des services d IVG sans danger et à un suivi après l intervention. 7. GARANTIR LA NON-DISCRIMINATION a) Adopter un ensemble de lois contre les discriminations couvrant l ensemble du spectre des discriminations possibles, interdisant notamment toute discrimination en raison de la religion, du genre, du handicap, de l orientation sexuelle ou de l origine ethnique ou tribale de la personne, et abroger toutes les lois discriminatoires. b) Veiller à ce que nul ne puisse être victime de harcèlement ou de violence émanant d agents de l État ou d acteurs non étatiques, quel que soit sa religion, son genre, son handicap, son orientation sexuelle ou son appartenance ethnique ou tribale. 4

8. PROTEGER ET PROMOUVOIR LES DROITS ECONOMIQUES, SOCIAUX ET CULTURELS a) Élaborer des plans nationaux destinés à faire des droits à l'éducation, à la santé, à l alimentation, à l eau, au logement et à l assainissement une réalité pour tous, en dégageant les moyens nécessaires, et veiller à ce que chacun puisse avoir une jouissance élémentaire de ces droits. b) Formuler et mettre en place une politique d emploi destinée à résoudre le problème du chômage et du sous-emploi, en particulier chez les femmes et chez les jeunes. c) Prendre des mesures pour que chacun, homme ou femme, en particulier dans les campagnes, ait accès à une information, à des produits et à des services de qualité en matière de santé, notamment en accordant des moyens supplémentaires au secteur de la santé, en formant des spécialistes chargés d étendre à tous les prestations de santé et en veillant à ce que les centres médicaux disposent de matériels et de fournitures appropriés et de qualité. d) Réduire le taux élevé de mortalité maternelle et infantile, notamment en permettant l accès à des services complets de santé sexuelle, reproductive et infantile et en veillant à ce qu aucun accouchement ne se fasse sans assistance obstétrique qualifiée. 9. RESPECTER SCRUPULEUSEMENT TOUTES LES OBLIGATIONS INTERNATIONALES ET REGIONALES RELATIVES AUX DROITS HUMAINS a) Respecter les jugements et les décisions de la Cour de justice de la Communauté économique des États d Afrique de l Ouest (CEDEAO) concernant les cas de Deyda Hydara, Ebrima Manneh et Musa Saidykhan. b) Mettre pleinement en œuvre les recommandations formulées par d autres États membres des Nations unies lors de l Examen périodique universel de la Gambie et acceptées par cette dernière en 2015. Envisager d accepter les recommandations qui avaient été rejetées par le gouvernement précédent. c) Mettre pleinement et concrètement en œuvre les recommandations formulées par le rapporteur spécial sur la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants [ONU] et le rapporteur spécial sur les exécutions extrajudiciaires [ONU]. d) Ratifier les principaux traités relatifs aux droits humains, et notamment la Convention contre la torture et autres peines et traitements cruels, inhumains ou dégradants et son Protocole facultatif, la Convention internationale pour la protection de toutes les personnes contre les disparitions forcées, la Charte africaine de la démocratie, des élections et de la gouvernance, le Protocole facultatif se rapportant au Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels et le Protocole facultatif à la Convention sur l'élimination de toutes les formes de discrimination à l'égard des femmes, ainsi que les traités similaires. e) Faire une déclaration au titre de l article 34(6) du Protocole relatif à la Charte africaine des droits de l homme et des peuples, portant création d une Cour africaine des droits de l homme et des peuples, qui permettrait aux particuliers et aux ONG de saisir directement la Cour. 5

f) Adresser une invitation permanente à toutes les procédures spéciales thématiques du Conseil des droits de l homme des Nations unies et à la Commission africaine des droits de l homme et des peuples (CADHP). g) Avant de décider de signer ou de ratifier le Protocole de Malabo, bien prendre en compte et analyser les implications institutionnelles et juridiques d une telle démarche, et soutenir les amendements visant à faire en sorte que les dispositions en matière d immunité soient conformes aux normes internationales (46A bis), que les définitions des actes relevant du terrorisme soient plus précises (28G) et que l ensemble des organisations de la société civile et des particuliers puissent saisir la Cour (30F). 10. EN FINIR AVEC L IMPUNITE DONT JOUISSENT LES AUTEURS D ATTEINTES AUX DROITS HUMAINS a) Enquêter sur les violations des droits humains commises et poursuivre en justice les représentants des pouvoirs publics et les membres des services de sécurité et des groupes paramilitaires soupçonnés d être impliqués, conformément aux normes internationales en matière de procès équitable. Il convient de définir une stratégie du parquet, sous l autorité du ministère de la Justice, après consultation des divers groupes de victimes et de la société civile, et en s appuyant sur les expériences d autres pays, afin de déterminer sur quels types d infractions et d individus les enquêtes devront porter en priorité. b) Ordonner publiquement à toutes les forces de sécurité de relever de ses fonctions tout agent soupçonné d être impliqué dans des violations des droits humains, notamment en cas de recours excessif à la force, d arrestation arbitraire et de torture, jusqu à ce que les allégations le concernant puissent faire l objet d une enquête indépendante, approfondie, impartiale et transparente. c) Veiller au respect des normes internationales relatives aux procès équitables dans le cadre de toutes les poursuites engagées, en cours ou à venir. Les droits de la défense doivent par exemple être renforcés et des programmes de protection des témoins, comprenant notamment des mesures particulières en faveur des victimes de violence sexuelle, doivent être mis en place. Ne pas hésiter à demander une assistance technique internationale, notamment dans le domaine de l expertise médicolégale. d) Veiller à ce que la Commission Vérité et Réconciliation envisagée soit constituée de manière appropriée, accessible et véritablement opérationnelle, en sollicitant une assistance pour examiner, le cas échéant, les différents modèles qui ont fait leurs preuves à l étranger. La manière dont cette Commission travaillera, parallèlement aux procédures judiciaires engagées, doit notamment être précisée. Certains points pratiques, tels que le partage des informations, les exhumations, les rencontres avec les détenus, les communications communes, la résolution des litiges par des tiers indépendants ou encore les manifestations de sensibilisation, doivent être clairement définis. e) Conformément à la législation internationale, il ne peut y avoir d amnistie ni de grâce de la part de la Commission envisagée pour les atteintes graves au droit international. 6

f) Faire disparaître l article 69 de la Constitution (Immunité concernant les procédures civiles et pénales) et abroger la Loi de 2001 sur l immunité (amendée), qui sont contraires aux obligations de la Gambie aux termes du droit international relatif aux droits humains. g) Garantir la participation des victimes à tout processus judiciaire ou propre à la Commission Vérité et Réconciliation et solliciter l avis des groupes de victimes concernant les formes que pourraient prendre les réparations. Celles-ci peuvent consister en une indemnisation adaptée à chaque situation, en des mesures de réadaptation médicale et psychologique, en la mise en place de monuments à la mémoire de victimes et/ou en des excuses publiques aux personnes qui ont été victimes d atteintes à leurs droits fondamentaux. h) Élaborer une stratégie de sensibilisation et de communication claire et dialoguer avec la société civile et les groupes de victimes, pour que la population soit pleinement consciente des processus engagés dans le cadre d une justice de transition et comprenne bien la stratégie du gouvernement et ses limites. 7