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Transcription:

Un regard sur la Politique québécoise de gestion des matières résiduelles 1998-2008 1 Karel Ménard Directeur général, Front commun québécois pour une gestion écologique des déchets (FCQGED) La protection de l environnement est sans doute l un des sujets les plus médiatiques de ces dernières années. Il ne se passe pas un jour, pas une semaine, sans qu une nouvelle soit directement reliée à la détérioration du seul habitat dont nous disposons. Lorsque l on demande aux gens quelle est la principale menace à notre environnement, les changements climatiques, bien sûr, arrivent au premier rang. Mais lorsqu il est question de trouver des solutions concrètes à l échelle individuelle pour remédier aux problèmes environnementaux, le recyclage des déchets domestiques semble toutefois être la réponse la plus courante. Le recyclage. La gestion de nos ordures. Cette activité est presque devenue le baromètre que nous utilisons subjectivement afin de juger de notre performance, de notre implication, sur le plan environnemental. Par un petit geste simple, nous apportons ce qui est pour nous notre contribution à l amélioration de notre environnement. Mais qu en est-il réellement de notre performance collective en matière de recyclage qui, parfois, peut avoir des traits de ressemblance avec un système d indulgences? Nos poubelles : une priorité La gestion des matières résiduelles est certainement le seul dossier environnemental qui soit resté sans défaillir à l agenda de nos gouvernements ces 20 dernières années. Déjà, en 1989, le Québec se dotait d une politique 2 qui avait pour principal objectif de réduire de 50 % les déchets qui auraient été éliminés à l an 2000, et ce, par rapport à l année de référence de 1988. Par ricochet, donc, cette politique avait pour but la réduction à la source de nos déchets ou leur détournement de l élimination. La politique de 1989 ne s est cependant pas traduite en actions concrètes. Cet échec, renforcé notamment par l arrivée dans le paysage québécois de multinationales de l enfouissement et la gestion chaotique des déchets sur le territoire métropolitain, a provoqué une mobilisation La gestion des déchets est le seul dossier environnemental qui soit resté à l agenda de nos gouvernements ces 20 dernières années. des groupes environnementaux à travers la province. Ceux-ci réclamaient une commission d enquête sur la gestion des déchets au Québec, un peu à l image de la commission Charbonneau sur les déchets dangereux de 1989 3. À la fin de 1995, le gouvernement en place reconnaissait le bien-fondé d une telle démarche et mandatait le Bureau d audiences publiques sur l environnement (BAPE) afin que celui-ci dresse un bilan de la situation, mais 239 Que bec 2008-2009*.indd 239 17/11/08 09:50:43

L état du Québec 2009 Centre de récupération des matières recyclables, Montréal. surtout qu il fournisse des recommandations sur la gestion de nos déchets solides 4. En 1997, le BAPE rendait public son rapport 5 qui a servi de base à un plan d action gouvernemental 6. Celui-ci a pris toute sa mesure lorsqu il est devenu une politique, enchâssée en tant que telle dans la Loi sur la qualité de l environnement (LQE), en septembre 2000 7. C est donc par le biais de la LQE que nous avons l obligation de mettre en valeur une fraction des matières résiduelles que nous générons. Ainsi, la Politique fixe des objectifs de mise en valeur pour les trois principaux secteurs qui produisent des déchets. Le secteur résidentiel de même que celui de la construction, rénovation et démolition (CRD) doivent tous les deux atteindre un taux de valorisation de leurs résidus de 60 % tandis que le secteur des industries, commerces et institutions (ICI) doit atteindre les 80 %. Chacun de ces trois secteurs est également soumis à des taux de mise en valeur spécifiques pour les différentes catégories de matières résiduelles qu il génère. Pour le secteur résidentiel, par exemple, les matières visées sont globalement les fibres (papier, carton), les contenants alimentaires, les textiles, les matières putrescibles, les encombrants (comme les électroménagers ou les meubles) et les résidus domestiques dangereux (RDD). Tous secteurs confondus, l objectif global de la politique québécoise est de valoriser environ 65 % des déchets. Il faut toutefois préciser que, le plus souvent, les taux de récupération qu on nous présente sont calculés à partir des matières résiduelles qui offrent un potentiel de récupération, et non à partir de l ensemble des résidus générés. Ainsi, le taux de récupération global de 52 % qu on nous annonce régulièrement est calculé à partir des matières résiduelles qui sont potentiellement recyclables ; le taux de récupération calculé sur la totalité des déchets générés est, quant à lui, de 48 %. Selon la méthode de calcul, on a ou pas! dépassé le seuil psychologique des 50 % en matière de recyclage. 240 Que bec 2008-2009*.indd 240 17/11/08 09:24:29

Environnement Une consommation boulimique Alors que l ancienne politique de 1989 prévoyait un plafond des quantités de résidus à éliminer, la Politique québécoise de gestion des matières résiduelles 1998-2008 vise, quant à elle, un pourcentage de matières résiduelles à recycler ou, plutôt, à mettre en valeur, d ici la fin de 2008. Or, si grâce à nos efforts le pourcentage de matières recyclées augmente, nous éliminons toujours, bon an mal an, sensiblement les mêmes quantités de déchets. Pourquoi? Tout simplement parce que notre consommation ne cesse elle aussi d augmenter. En effet, notre production de déchets a connu une hausse de 56 % de 1996 à 2006. Recycler est une chose, réduire notre con - sommation en est une autre. Par ailleurs, les problèmes environnementaux, économiques et sociaux liés à la présence en régions de mégasites d enfouissement ne se sont pas résorbés par l application de la Politique, au contraire. Non seulement nous aurions été en droit de nous attendre à une diminution globale des quantités éliminées, mais une poignée de sites ont, de plus, vu leurs capacités autorisées grimper en flèche. Ainsi, aujourd hui, sur une soixantaine de lieux d enfouissement en service au Québec, cinq d entre eux se partagent plus de 75 % de tous les déchets enfouis de la province 8. Une approche purement quantitative Bien que le but sous-jacent de toute politique environnementale soit la préservation de notre environnement et de ses ressources et, ultimement, la protection de la santé humaine, les objectifs de la Politique sont formulés de façon strictement quantitative. Bien que l on parle communément de recyclage, la LQE utilise plutôt le terme de valorisation. Au sens de la Loi, la valorisation inclut toute activité dont le recyclage qui vise la transformation d une matière résiduelle (d un déchet) en un produit utile ou en énergie. La LQE ne hiérarchise pas les 3R (réduction, réutilisation et recyclage) comme le fait pourtant la Politique. Il s agit là d une contradiction évidente entre deux textes de loi. Ainsi, que l on recycle, que l on composte ou que l on transforme une matière résiduelle en énergie par un procédé thermique quelconque, cela a la même valeur aux yeux de la Loi et dans les bilans de notre société d État, RECYC- QUÉBEC. Il faudrait pour tant prendre conscience du fait que certaines formes de valorisation ne sont pas sou haitables d un point de vue écologique, car elles détruisent des ressources et ont des impacts négatifs sur l environnement. Recycler est une chose, réduire notre consommation en est une autre. S il est vrai que la majorité des matières résiduelles de nos bacs de récupération est recyclée dans les règles de l art, il peut en être tout autrement pour d autres catégories de matières. Certaines sont utilisées pour leur valeur calorifique par des industries énergivores ou brûlées pour en récupérer le peu de métaux précieux qu elles contiennent, comme c est le cas notamment avec nos rebuts informatiques. On se soucie en fait peu de ce qui arrive à nos matières résiduelles une fois qu elles ont été récupérées et comptabilisées comme Cueillette sélective des déchets recyclables, Montréal. 241 Que bec 2008-2009*.indd 241 17/11/08 09:24:30

L état du Québec 2009 Centre de récupération des matières recyclables, Montréal. telles. Certaines sont même acheminées à l étranger, et ce, sans que nous ayons d assurance sur l innocuité des méthodes de recyclage utilisées. Peut-être faut-il préciser également que la valorisation n est pas, par définition, de l élimination ; l encadrement qui régit cette activité est ainsi beaucoup plus souple, car nous voulons favoriser cette voie. Sommes-nous aussi bons que nous voulons le croire? Tous secteurs confondus, la récupération est passée au Québec de 39 % en 2000 à 52 % en 2006. À deux ans de l échéance de la Politique, l objectif global ne semble pas aussi inatteignable qu il y a 10 ans, quand tout restait à être mis en place. Il serait toutefois pertinent de préciser que l augmentation globale de la récupération au cours de ces récentes années est principalement due au seul secteur de la construction, rénovation et démolition (CRD). En effet, la récupération de matériaux comme le béton, l asphalte, la brique et la pierre a fait un bond de près d un million de tonnes entre 2004 et 2006, soit une hausse de 45 %. Cette hausse est principalement attribuable à l introduction d une norme gouvernementale sur les agrégats ainsi que d une redevance à l élimination. Le secteur CRD a non seulement contribué massivement à l augmentation globale de la récupération, mais il représente également, à lui seul, près de la moitié du tonnage récupéré au Québec. En effet, sur les 6,2 millions de tonnes métriques de résidus mis en valeur en 2006, 2,9 millions provenaient de ce secteur ce qui s explique aisément par la nature des matières résiduelles en cause. La récupération au Québec serait autrement moins performante sans l apport de ce secteur. 242 Que bec 2008-2009*.indd 242 17/11/08 09:24:30

Environnement Pour ce qui est du secteur résidentiel (le recyclage domestique), les dernières données indiquent que les quantités récupérées ont atteint 958 000 tonnes, soit un taux de mise en valeur de 32 %. Ce pourcentage correspond à un peu moins de 15 % de l ensemble des matières recyclées au Québec en 2006. Il faut donc apprendre à relativiser lorsque l on parle d un taux global de récupération. Si le taux de valorisation semble faible eu égard aux objectifs de la Politique (60 %), il faut toutefois préciser que le secteur résidentiel est celui qui accusait le plus grand retard en termes de mise en valeur de ses déchets. En effet, en 2000, lorsque la Politique a été officiellement adoptée, les taux de récupération des secteurs ICI et CRD atteignaient déjà respectivement 48 % et 43 %, alors qu il n était que de 15 % dans le secteur résidentiel. La récupération dans le secteur résidentiel est celle qui a démontré la meilleure progression en doublant presque le tonnage des matières récupérées et mises en valeur entre 2000 et 2006. Cela s explique principalement par l obligation qu ont maintenant les municipalités régionales de comté (MRC) d implanter des plans de gestion des matières résiduelles générées sur leur territoire. À l heure actuelle, toutes les municipalités du Québec sont desservies par la collecte sélective, ce qui était loin d être le cas en 2000. Le défi pour le secteur municipal reste cependant la valorisation des matières organiques (résidus de table et de jardins), qui n était que de 8 % en 2006. Quant aux résidus issus du secteur des industries, commerces et institutions (ICI), leur taux de mise en valeur est sensiblement le même en 2006 qu en 2000, soit moins de 50 %. Vers un échec de la Politique? À moins de circonstances exceptionnelles, il est fort peu probable que le bilan 2008 de la gestion des matières résiduelles au Québec dévoilé par RECYC-QUÉBEC en 2010 annonce que les objectifs de la Politique 1998-2008 sont atteints. Or, malgré certains ratés 9 ou la nécessité de revoir certaines définitions de la LQE, la Politique québécoise de gestion des matières résiduelles 1998-2008 a réussi là où les autres politiques ont échoué. Elle a réussi à susciter l intérêt, voire l engouement, de tous les secteurs d activités concernés. Le recyclage n est plus perçu comme une corvée, comme cela pouvait être le cas auparavant. Certaines entreprises ont même su tirer des avantages économiques de la mise en valeur de leurs résidus. La question n est pas ici de porter des blâmes, mais plutôt de tirer des enseignements pour la mise en œuvre de la Politique 2009-2019. La principale réalisation de la Politique 1998-2008 aura été de mobiliser l ensemble tableau 1 Évolution de la récupération en fonction de l objectif global de la Politique 1998-2008, en tonnes métriques générés (tm) valorisables (tm) éliminés (tm) valorisés (tm) récupérés (%) Objectifs de la Politique (%) 2006 12 952 000 11 992 000 6 717 000 6 235 000 52 65 2004 11 388 000 10 046 000 6 454 000 4 934 000 49 65 2002 11 281 000 10 103 000 6 510 000 4 771 000 47 65 2000 10 721 000 10 892 000 6 908 000 3 813 000 39 65 Source : RECYC-QUÉBEC 243 Que bec 2008-2009*.indd 243 17/11/08 09:24:30

L état du Québec 2009 des intervenants autour de la problématique de la gestion des matières résiduelles au Québec. De cette mobilisation s est dégagé un consensus : la mise en valeur de nos matières résiduelles est non seulement possible, mais aussi souhaitable. Il faut également garder à l esprit le fait que l application de la Politique a mené, directement ou indirectement, à l implantation de nombreuses mesures dans le domaine de la gestion des déchets. Des lois ont été adoptées : celle, par exemple, qui vise à financer 50 % des coûts nets de la collecte sélective municipale par l industrie des contenants, imprimés et emballages ou celle qui impose une redevance à l élimination de quelque 10 $ la tonne afin de financer les programmes de mise en valeur des résidus au sein des municipalités. Divers règlements ont également vu le jour : celui sur l enfouissement et l incinération des matières résiduelles ou ceux visant la récupération de certaines matières résiduelles spécifiques (huiles usées, peintures, pneus). Bientôt, ce sera la mise en valeur des résidus issus des technologies de l information et des communications (TIC) qui fera l objet d une réglementation. Depuis 10 ans, nous avons certes progressé sur le plan de la récupération des déchets au Québec, mais nous devrions maintenant penser au-delà de cette simple activité de récupération et raffiner nos procédés de mise en valeur afin qu ils soient davantage cohérents avec les principes d une gestion des déchets plus respectueuse de l environnement. Se limiter à l utilisation de notre bac de recyclage ne sera ainsi plus suffisant. Si nous sommes, collectivement et individuellement, la cause des détériorations que subit notre environnement, nous faisons surtout partie de la solution. Aucune politique, quelle qu elle soit, ne pourra rien changer si nous ne modifions pas nos habitudes de consommation. Recycler, c est bien ; réduire, c est mieux. Pour lire la Politique québécoise de gestion des matières résiduelles 1998-2008 : www.mddep.gouv.qc.ca/ matieres/mat_res. Notes 1. Toutes les données de cet article sont tirées du Bilan 2006 de la gestion des matières résiduelles au Québec, réalisé par la Société québécoise de récupération et de recyclage (RECYC-QUÉBEC), en 2008. 2. Gouvernement du Québec, Politique de gestion intégrée des déchets solides, 1989. 3. Bureau d audiences publiques sur l environnement, Les déchets dangereux au Québec. Une gestion environnementale, rapport de la Commission d enquête sur les déchets dangereux, 1990. 4. Un «déchet solide» ou une «matière résiduelle» est un produit résiduaire solide par opposition à liquide provenant d activités résidentielles, commerciales, industrielles, institutionnelles ou encore d activités de construction, de rénovation ou de démolition. Sont notamment exclus de cette liste les déchets dangereux, nucléaires ou encore biomédicaux. 5. Bureau d audiences publiques sur l environnement, d hier, ressources de demain, rapport de la Commission sur la gestion des matières résiduelles au Québec, 1997. 6. Gouvernement du Québec, Plan d action québécois sur la gestion des matières résiduelles 1998-2008. J aime mon environnement, je jette autrement, 1998. 7. Gouvernement du Québec, «Politique québécoise de gestion des matières résiduelles 1998-2008», Gazette officielle du Québec, 132 e année, n o 39, septembre 2000. 8. Ces sites sont : Lachenaie, 1,3 million tm/an ; Sainte-Sophie, 1 million tm/an ; Lachute, 0,67 million tm/an ; Saint-Thomas de Joliette, 0,7 million tm/ an et Saint-Nicéphore, 0,6 million tm/an. 9. Consulter à cet effet le chapitre 5 du tome II du Rapport à l Assemblée nationale pour l année 2005-2006, déposé par le Vérificateur général du Québec en décembre 2006. 244 Que bec 2008-2009*.indd 244 17/11/08 09:24:31