Durée : 2 heures Coefficient : 2 Chapitre 3 : Guerres mondiales et espoirs de paix Sujet n 2 Analyse d un document en histoire (les éléments surlignés pouvaient servir de base à votre analyse) Consigne : Après avoir situé le document dans son contexte, montrez son apport pour la connaissance de la politique nazie d asservissement et d extermination. Discours de Himmler devant des dignitaires nazis, Posen, octobre 1943 Un principe doit servir de règle absolue aux SS : nous devons être honnêtes, corrects, loyaux et bons camarades envers les gens de notre sang, à l exclusion de tous les autres. Ce qui arrive aux Russes ou aux Tchèques ne m intéresse absolument pas. Le sang de bonne qualité, de même nature que le nôtre, que les autres nations peuvent nous offrir, nous le prendrons, et, si besoin est, nous leur enlèverons leurs enfants et les élèverons chez nous. Il m est totalement indifférent de savoir si les autres peuples vivent prospères, ou crèvent de faim. Cela ne m intéresse que dans la mesure où ces peuples nous sont nécessaires comme esclaves de notre culture. Que dix mille femmes russes crèvent en creusant un fossé anti chars, cela m est totalement indifférent, pourvu que le fossé soit creusé pour l Allemagne. [ ] Je désire aussi vous parler en toute franchise d un sujet particulièrement grave, devant vous publiquement. Entre nous, il est possible d en parler, mais nous n en parlerons jamais en public. [ ] Je parle de l évacuation de Juifs, de l extermination du peuple juif. C est une des choses qu il est aisé d exprimer : «Le peuple juif est en train d être exterminé», déclare chaque membre du Parti, «Effectivement, c est une partie de nos plans, l élimination des Juifs, l extermination nous l accomplissons.» [ ] La plupart d entre vous savent ce que c est que de voir un monceau de cent cadavres ou de cinq cents, ou de mille. Être passés par là, et en même temps, sous réserve des exceptions dues à la faiblesse humaine, être resté soi même, voilà ce qui nous a endurcis. C est là une page de gloire de notre histoire, une page non écrite et qui ne sera jamais écrite. [ ] Nous avions le droit moral, nous avions le devoir envers notre peuple, de tuer ce peuple qui voulait nous tuer. Retranscription du discours à Posen 1 (enregistrement original conservé aux US National Archives). 1. Posen : nom allemand de la ville de Poznan en Pologne A ne pas oublier : «Dans le cadre de la solution finale, les Juifs doivent être envoyés, de manière appropriée, au travail à l Est, sous une direction administrative adéquate. En grandes colonnes de travailleurs, les hommes d un côté, les femmes de l autre, les Juifs aptes au travail seront emmenés dans ces territoires tout en construisant des routes, ce qui conduira sans aucun doute à l élimination naturelle d une grande partie d entre eux. Au cas où il y aurait un résidu final, comme il s agira certainement de la partie la plus résistante, il devra être traité comme il convient, car il représente le résultat d une sélection naturelle et, en tant que tel, si on le libérait, il faudrait le considérer comme le germe d une reconstitution de la juiverie. (Cf. les leçons de l Histoire.) [ ]. Les Juifs évacués seront d abord emmenés au fur et à mesure dans les dits ghettos de transit, pour être ensuite transportés plus loin à l Est.» Extrait de la page 5 du protocole de la conférence de Wannsee organisée le 20 janvier 1942 par Reinhard Heydrich, l'adjoint d'heinrich Himmler et le directeur de l'office central de sécurité du Reich (Reichssicherheitshauptamt). Quinze hauts fonctionnaires du Parti nazi et de l'administration allemande se réunissaient dans une villa réquisitionnée par l'office central de sécurité du Reich, dans la banlieue de Berlin, au bord du lac de Wannsee. Elle démontre très clairement l intention de commettre le génocide des Juifs d Europe sous le nom de la «Solution finale». Page 1 sur 5
Les clés du sujet 1) Lire la consigne Proposition de corrigé La consigne vous invite d abord à replacer le document dans son contexte historique ; pour ce faire, il faut tenir compte du déroulement de la Seconde Guerre mondiale et de la mise œuvre par l Allemagne nazie de la Solution finale. Ensuite, vous devez rappeler les grandes lignes de la politique qui conduit les nazis à soumettre les populations européennes à leur domination (asservissement) et à anéantir les Juifs et Tziganes de toute l Europe (extermination). Vous veillerez à utiliser un vocabulaire extrêmement précis. 2) Observer le document Le document proposé est un extrait d un discours prononcé par Heinrich Himmler, proche collaborateur d Hitler, entré au NSDAP dès 1923 et chef des SS 1 ; à partir de 1939, ceux ci sont chargés du contrôle des territoires occupés par la Wehrmacht, de la surveillance des camps de concentration puis de la mise en œuvre de la Solution finale. Il s adresse à des hauts responsables nazis réunis dans la ville polonaise de Poznan en octobre 1943. À cette date, les nazis ont mis en œuvre depuis près de deux ans la Solution finale, planifiée lors de la conférence de Wannsee en janvier 1942 ; au même moment, les armées allemandes qui occupent encore une grande partie de l Europe reculent peu à peu face à l offensive soviétique consécutive à la bataille de Stalingrad (février 1943). Dans ce discours, Himmler rappelle d abord les principes justifiant l asservissement des peuples européens au service de l Allemagne ; puis il explique à son auditoire la raison d être de la Solution finale. 3) Définir les axes de l analyse La présentation du contexte historique doit être faite dans l introduction, au cours de la présentation détaillée du document. Ensuite, vous pouvez construire votre analyse en deux parties : l une consacrée aux fondements idéologiques de la politique nazie ; l autre aux modalités de cette dernière. Les titres en couleurs et les éléments en gras servent à guider la lecture et ne doivent en aucun cas figurer sur la copie. 1 Schutzstaffel (de l'allemand «escadron de protection» de genre féminin en allemand) ou la SS est une des principales organisations du régime nazi. Fondée en 1925, initialement chargée de la protection rapprochée d'adolf Hitler, la SS devient au fil des années un État dans l'état, accumulant les compétences et les missions et passant d'un groupuscule à une énorme organisation. Au fil des années ses domaines d'activité se multiplient. Elle a une fonction politique, notamment au travers de Allgemeine SS, répressive avec le RSHA et le contrôle des camps de concentration, idéologique et racial, via le Lebensborn et l'ahnenerbe, militaire, après la création de la Waffen SS, et devient également un empire économique. Elle est aussi le principal organisateur et exécutant de la destruction des Juifs d'europe, que cela soit lors des opérations mobiles de tuerie perpétrées en Pologne et en Union soviétique par les Einsatzgruppen, puis par la mise en place des camps d'extermination. Entièrement dévouée à Hitler, elle est dirigée pendant la quasi totalité de son existence par Heinrich Himmler. Traversée par de profondes rivalités internes, en conflit permanent avec d'autres organismes (notamment la Wehrmacht) ou diverses personnalités du troisième Reich, dotée d'une organisation complexe, mouvante, accumulant les doubles emplois et les contradictions, elle n'en est pas moins l'un des instruments les plus efficaces et les plus meurtriers de la terreur nazie. Lors du procès de Nuremberg, elle est déclarée organisation criminelle. (Source : wikipedia.fr) Page 2 sur 5
Introduction [Accroche] Les victoires allemandes du début de la Seconde Guerre mondiale (1939 1942) permettent à l Allemagne nazie de contrôler une grande partie du continent européen, Royaume Uni et URSS mis à part. Cette domination rend alors possible la mise en œuvre des théories racistes développées par Hitler dans Mein Kampf (1925). [Présentation du document] Le document proposé en est un bon exemple. Il s agit d un discours [Nature] prononcé par Heinrich Himmler, grand dignitaire du parti nazi allemand, chef des SS, (Sections Spéciales), qui est une organisation militaire chargée par Hitler, le Führer, de mener à son terme la Solution finale qui prévoit l'extermination des Juifs [Auteur]. En effet, depuis 1933, le parti nazi est au pouvoir en Allemagne. Après avoir exclu les Juifs de la société allemande (lois de Nuremberg de 1935), les avoir placés dans des camps de concentration aux côtés d'autres dissidents (communistes, homosexuels,...), Hitler décide de les exterminer. Le discours prononcé par Himmler est privé, secret car il précise : «nous n'en parlerons jamais en public». Il a été prononcé devant des dignitaires nazis dans la ville de Posen dans la Pologne occupée en octobre 1943 [Destinataires et date]. A cette date, l Allemagne nazie domine et occupe une grande partie de l Europe, dont une partie de la Pologne, depuis septembre 1939, même si la domination nazie sur l Europe commence à être remise en cause par la contre offensive soviétique qui a suivi la victoire de Stalingrad (février 1943). Néanmoins, la «Solution finale» (c est à dire l extermination des populations juives d Europe), décidée lors de la conférence de Wannsee (janvier 1942), se poursuit dans les centres d extermination polonais comme Auschwitz Birkenau [Contexte historique]. Dans ce texte, Himmler justifie et rappelle la politique d asservissement et d extermination menée par les nazis à l égard des populations européennes. [Résumé]. Dans quelle mesure ce discours rend il compte de la politique nazie d'asservissement et d'extermination? [Problématique] [Annonce du plan] Nous analyserons le document selon deux axes : le premier sera consacré aux principes idéologiques justifiant cette politique ; le second aux modalités de celle ci. I. Les fondements idéologiques de la politique nazie Ces fondements peuvent être résumés par le slogan : «Ein Volk, ein Reich, ein Führer» («un peuple, un empire, un guide»). Dans ce discours, Himmler reprend de manière très claire la conception raciale et biologique de l humanité selon le nazisme qui est une idéologie raciste fondée sur l'exclusion, l'asservissement et l'extermination des peuples considérés comme inférieurs. Ce discours démontre donc, dans un premier temps, que l'idéologie nazie est une idéologie profondément raciste. En effet, l'idéologie nazie n'admet pas l'égalité des peuples. Ainsi, les nazis pensent que les Allemands constituent une communauté raciale descendante des Aryens et unie par le même sang («envers les gens de notre sang» ligne 2). Dans une logique de hiérarchie des races, ils croient à la supériorité des Allemands («le sang de bonne qualité, de même nature que le nôtre» ligne 3) destinés à réduire en esclavage les peuples considérés comme inférieurs («ces peuples nous sont nécessaires comme esclaves de notre culture» lignes 6 7), notamment les populations slaves («Russes» et «Tchèques», lignes 2 3) dont le sort lui est indifférent et dont l Allemagne peut tirer profit. En effet, il s agit de réduire ces populations à une situation d esclavage au service de l Allemagne (fin du premier paragraphe). Ils sont enfin convaincus de la nécessité de préserver la pureté de la race aryenne face aux tentatives de corruption des Juifs («ce peuple qui voulait nous tuer» lignes 18 19). Page 3 sur 5
Dans un second temps, Himmler détaille les «plans» des S.S. («c est une partie de nos plans», ligne 13). Les nazis ont aussi le projet de constituer une Grande Allemagne suffisamment riche pour faire vivre sa population : cela justifie la conquête et l exploitation d un «espace vital» ou lebensraum par l asservissement des peuples jugés comme «inférieurs» («Que dix mille femmes russes crèvent en creusant un fossé anti chars, cela m'est totalement indifférent, pourvu que le fossé soit creusé pour l'allemagne», lignes 7 8). Enfin, un chef suprême doit conduire les Allemands dans la mise en œuvre de ce projet. Il s agit d Adolf Hitler qui a forgé l idéologie et fixé les grandes orientations, laissant à de hauts dignitaires, comme Himmler, le soin de l exécution II. Les modalités de la politique nazie d asservissement et d extermination L acteur principal de cette politique est le corps des SS, dirigé par Himmler. Depuis 1939, ils sont chargés du contrôle des territoires occupés par l armée allemande (Europe orientale en particulier), du fonctionnement des camps de concentration et des centres d extermination, et participent aux combats sur le front soviétique. Recrutés parmi des «Aryens», ils sont soumis à une discipline rigoureuse («Un principe tous les autres», lignes 1 et 2) et doivent faire preuve d une cruauté inouïe, présentée par leur chef comme du courage («La plupart endurcis» lignes 14 à 16). Les nazis mènent une politique d asservissement des populations de l Europe orientale, considérée comme simple réservoir de ressources naturelles et de main d œuvre : ils pillent, prélèvent de lourdes taxes, pratiquent le travail forcé («Que dix mille femmes russes crèvent en creusant un fossé anti chars, cela m'est totalement indifférent, pourvu que le fossé soit creusé pour l'allemagne», lignes 7 8), notamment dans les camps de concentration où notamment les détenus de toute nationalité opposés à l Allemagne, meurent de faim et d épuisement pour permettre au régime nazi de soutenir et de poursuivre l effort de guerre. C est la mort lente provoquée où le sort des prisonniers ne respecte aucun droit de la guerre (Dachau, Mauthausen, Buchenwald ). Ces populations sont ainsi plongées dans le dénuement («ou crèvent de faim»). Selon lui les nations, les «races supérieures» doivent par tous les moyens assurer leur pérennité («si besoin, nous leur enlèverons leurs enfants et les élèveront chez nous» lignes 4 5 ; «Que dix mille femmes russes crèvent en creusant un fossé anti chars, cela m'est totalement indifférent, pourvu que le fossé soit creusé pour l'allemagne», lignes 7 8). Cette phrase traduit bien le fait que ces peuples sont les esclaves des Nazis. Ils sont considérés comme des choses, comme des objets au service du Reich, et non plus comme des êtres humains qu'il convient de respecter. Le vocabulaire employé par Himmler et la violence de ses propos montrent combien les Nazis sont xénophobes mais également antisémites. Enfin, Himmler poursuit son discours en évoquant directement la politique d'extermination du peuple juif (ou «Solution finale») mise en place depuis 1942, lors de la Conférence de Wannsee dans la 2 ème partie du texte. Il en donne l explication à la fin de l extrait en faisant de l extermination des Juifs une nécessité pour les Nazis car ces derniers voulaient les «tuer». Il confirme par ces mots le génocide juif : «le peuple juif est en train d'être exterminé» (ligne 12). Dans la hiérarchie établie par Hitler, dans Mein Kampf, les Juifs sont décrits comme des sous hommes, dangereux qui menaceraient la race aryenne. Himmler, dans son discours, fait donc l'apologie de l'extermination des Juifs. Selon lui, c'est «une page de gloire de l'histoire [allemande]», qu'il faut toutefois garder secrète : «une page non écrite, et qui ne sera jamais écrite» (lignes 17 18). Les Juifs sont, en effet, dès la prise de pouvoir par les Nazis en 1933, considérés comme un groupe ethnique et social à part, ce qui justifie dans un premier temps leur exclusion en Allemagne et dans les territoires conquis par cette dernière. L année 1943 voit la poursuite de leur extermination planifiée et concertée à l échelle du continent européen, phénomène Page 4 sur 5
qualifié en 1945 de génocide. Himmler mentionne alors explicitement que cette extermination fait partie du programme nazi «c est une partie de nos plans» (ligne 13), ce qui effectivement le cas avec l édification, notamment en Pologne, de centres de mise à mort (ou camps d extermination), où sont déporté les Juifs et les Tziganes de toute l Europe pour y être exterminés par gazage dans le cadre de la «Solution finale». L édification de ces camps marque une étape supplémentaire dans leur anéantissement par l organisation d une véritable mort de masse et industrielle comme nous le rappelle l expression «monceau de cent cadavres, ou de cinq cents, ou de mille» (lignes 14 & 15) : Auschwitz (où les SS gazaient plusieurs milliers de personnes par jour comme par exemple les Juifs du ghetto de Cracovie), Treblinka (où sont gazés ceux du ghetto de Varsovie). Cette extermination est réalisée en 1942 1943 et au début de l année 1944 avant la percée des troupes soviétiques sur le front de l Est. Le côté systématique de cette extermination à laquelle fait référence Himmler («un monceau de cent cadavres ou de cinq cents, ou de mille») engendre ainsi plus de 5 millions de Juifs européens morts lors de ce génocide. Cette extermination doit être, selon Himmler, réalisée dans la plus grande discrétion possible (ce qui contraste avec les premières formes d extermination par fusillade menées par les Einsatzgruppen sur le front de l Est dès 1941). Dans une forme d obsession du secret («Entre nous il est possible d en parler, mais nous n en parlerons jamais en public» ligne 10), Himmler utilise ainsi un langage codé («évacuation», ligne 11 signifiant «déportation»). Le but est, à travers cette extermination, de faire triompher l idéologie nazie. Conclusion [Bilan] Ce discours permet donc de connaître précisément les «plans» c est à dire l'idéologie antisémite et xénophobe menée par les Nazis. L intérêt de ce document est de nous rappeler que la politique menée en Europe par les nazis répond d abord à des motivations idéologiques, telles qu elles ont été exposées par Hitler dans Mein Kampf ; il revient aussi sur les principales modalités de son application. [Critique externe du document] Cependant, émanant du responsable de cette politique cherchant à motiver ses subordonnés, il ne révèle pas les obstacles à la mise en œuvre de cette politique, comme les mouvements de résistance à l asservissement (action des partisans communistes en URSS) ou à l extermination (révolte du ghetto de Varsovie en avril mai 1943). Par ailleurs, dans une logique du secret, il reste très allusif sur les étapes de la Solution finale. En effet, les Nazis ont cherché à dissimuler l'extermination des populations juives. A la libération, ils ont cherché à détruire les preuves de l'existence des camps, en enterrant à la hâte les cadavres dans des charniers ou en conduisant des «marches de la mort» pour exterminer les derniers survivants. Cette «page non écrite» (ligne 17) a pu donner lieu à des attitudes négationnistes, après la guerre. Il est donc du ressort des historiens d'écrire cette page de l'histoire pour que le travail de mémoire puisse avoir lieu. Page 5 sur 5