Les compétences professionnelles des éducatrices : le point de vue des intervenantes et des parents



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Transcription:

Les compétences professionnelles des éducatrices : le point de vue des intervenantes et des parents Serge J. Larivée,Université de Montréal et Bernard Terrisse, Université du Québec à Montréal Résumé La société québécoise, à l instar de plusieurs autres, vit des transformations importantes de ses structures. Ces changements ont, entre autres conséquences, modifié les relations entre les familles et les services éducatifs offerts aux enfants d âge préscolaire et, plus spécifiquement, augmenté certaines attentes des parents envers ces services. Par exemple, plusieurs parents ne souhaitent plus seulement que les milieux de garde assurent la sécurité de leur enfant, mais qu ils favorisent aussi son développement, voire sa préparation à la scolarisation. Cela implique alors des modifications aux rôles des éducatrices, qui doivent donc détenir d autres types de compétences. Dès lors, quelques questions s imposent. Les compétences attendues par les éducatrices et par les parents sont-elles similaires? Répondent-elles davantage à des besoins de santé et de garde physique ou plutôt à des besoins éducatifs liés au développement de l enfant? Alors que la collaboration entre les intervenantes et les parents semble plus que jamais incontournable, mais que leurs rôles et leurs responsabilités ne sont pas clairement définis, y a-t-il des convergences entre les attentes des éducatrices et des parents et celles proposées par le ministère de l Éducation du Québec (2000) dans son nouveau programme de formation? C est au regard des résultats d une recherche sur les compétences professionnelles des éducatrices que cet article tente de répondre à ces questions. Au fil des ans, les attentes des parents envers les intervenants éducatifs auprès du jeune enfant ont évolué. Leur degré d instruction ayant en général augmenté (Institut de la statistique du Québec, 2001), ils perçoivent mieux l importance de l éducation pour leur enfant. Ils désirent que celui-ci soit stimulé dès le plus jeune âge et qu il réalise des activités qui favoriseront son développement et qui le prépareront à l école (Liu et al., 2001). Aussi, bien que la famille demeure la première responsable de l éducation de l enfant (Conseil supérieur de l éducation,

64 Les compétences professionnelles des éducatrices : 1996; ministère de l Emploi, de la solidarité sociale et de la famille [MESSF], 1997; Organisation de coopération et de développement économique, 2001), le jeune enfant expérimente souvent plusieurs types d activités ou fréquente divers milieux éducatifs à l extérieur de la famille avant son entrée à la maternelle alors qu autrefois, celle-ci correspondait à la première séparation importante entre l enfant et son milieu familial. En outre, les milieux de garde constituent de plus en plus le premier lieu «d intégration sociale» des enfants (Conseil de la famille et de l enfance, 2003). Par ailleurs, les familles d aujourd hui sont davantage hétérogènes aux plans ethnique, culturel, économique et structurel (familles monoparentales, reconstituées, homoparentales, etc.). Ces nouvelles réalités complexifient les rôles et les responsabilités des parents, ce qui oblige les milieux éducatifs à revoir leur organisation et leurs interventions afin de les adapter autant aux besoins des enfants qu à ceux des parents. Le ministère de l Éducation du Québec [MÉQ] a favorisé la tenue, au printemps 1995, des États généraux sur l éducation (MÉQ, 1996). Il s agissait d une vaste opération de consultation auprès des groupes sociaux intéressés aux résultats de l éducation. Celle-ci visait alors à adapter le système éducatif québécois au contexte social contemporain afin d augmenter la réussite scolaire d un plus grand nombre d élèves. Ce long processus a, entre autres, permis d identifier sept lignes d action. L une d elles, qui concerne les services à la petite enfance, a conduit à des modifications importantes dans l organisation des services de garde. À titre d exemple, des mesures ont été mises en place pour en favoriser l accès et l inclusion pour les enfants handicapés, pour les rendre plus accessibles aux enfants de familles à faible revenu en implantant des services de garde éducatifs à contribution réduite, pour maintenir le soutien aux compétences parentales et favoriser le partenariat avec les familles. Parallèlement à ces actions, le Programme éducatif des CPE (MESSF, 1997) a été implanté. Celui-ci, qui est obligatoire pour tous les milieux de garde, est venu officialiser le caractère éducatif de ce type de service. Pour concrétiser ces changements, le MÉQ et le MESSF ont misé sur l un des éléments reconnu comme étant déterminant, soit l augmentation de la qualité des services par le recours à des intervenantes compétentes (Palacio-Quintin et Coderre, 1999; Whitebook, Howes et Phillips, 1989). Il a d abord haussé les exigences de qualification des intervenantes en milieu de garde. Ainsi, avant ces nouvelles orientations (MESSF, 1997; MÉQ, 2000), les normes relatives à la formation du personnel précisaient qu une éducatrice sur trois seulement devait détenir une formation reconnue alors que, maintenant, deux sur trois doivent posséder une telle formation. Il a ensuite révisé le programme de formation en Techniques d éducation à l enfance [TÉE], habituellement suivi par les éducatrices, qui repose désormais sur une approche par compétences [APC] plutôt que sur une approche par objectifs.

le point de vue des intervenantes et des parents 65 Le choix d adopter une APC pour l élaboration du nouveau programme n est pas unique au Québec. Ces dernières années, plusieurs pays ont entrepris des réformes de leurs programmes de formation qui s inscrivent dans une APC. L implantation de tels programmes nécessite toutefois une appropriation du concept de compétence. Or, dans la littérature scientifique comme dans les écrits ministériels, le concept de compétence prend diverses formes. D une façon générale, les chercheurs s entendent pour dire que la compétence fait appel aux connaissances ou savoirs, aux habiletés ou savoir-faire ainsi qu aux attitudes ou savoir-être nécessaires à un individu pour remplir adéquatement une tâche (Altet, 2001; Laliberté et Dorais, 1999; Lasnier, 2000; Perrenoud, 1997; Tremblay, 1995). Cependant, certains chercheurs voient une différence entre connaissance et savoir, habileté et savoir-faire, attitude et savoir-être, tandis que d autres les traitent sur un pied d égalité. Pour notre part, dans le contexte d une définition d un intervenant compétent, nous faisons une distinction entre les connaissances, les habiletés et les attitudes d une part, et les savoirs, savoir-faire et savoir-être à partir de leur niveau de complexité. Les premières, plus spécifiques et personnelles à l individu, sont à la base de toutes compétences. Les deuxièmes prennent forme par la mobilisation des connaissances, des habiletés et des attitudes en contexte d action professionnelle. Ainsi, les savoirs, savoir-faire et savoir-être n existeraient que par leur sollicitation, leur intégration et leur interaction, dans différents contextes, conjuguées à un processus réflexif continu. En outre, pour être compétent, il faut détenir un ensemble de ressources riches et variées, savoir mobiliser ces ressources, adapter ses actions au contexte d intervention, démontrer une certaine stabilité d action et s inscrire dans un processus de développement personnel et professionnel (Laliberté et Dorais, 1999; Le Boterf, 1994). Il apparaît donc que le contexte socio-éducatif a évolué : les besoins et les attentes des parents ont changé, les éducatrices doivent détenir de nouvelles compétences exigées par le MESSF et le MÉQ propose un nouveau cadre éducatif d intervention pour les milieux de garde. Alors qu une approche écologique, communautaire et concertée est reconnue comme étant à privilégier (Bronfenbrenner, 1979; Eurydice, 1995; MÉQ, 2000; MESSF, 1997, 2000), trois questions se posent : 1- Les compétences (et les composantes des compétences) attendues pour les éducatrices par elles-mêmes et par les parents répondent-elles davantage à des besoins de santé et de garde physique qu à des besoins éducatifs liés au développement de l enfant? 2- La nature des compétences (et des composantes des compétences) attendues par les éducatrices et par les parents favorise-t-elle l établissement de liens de collaboration entre eux?

66 Les compétences professionnelles des éducatrices : 3- Y a-t-il des convergences entre les attentes des éducatrices ainsi que des parents et celles du MÉQ et du MESSF? Nous tenterons dans cet article de répondre à ces questions en s appuyant sur les résultats de notre recherche. Celle-ci, qui s inscrivait dans un contexte plus large, s intéressait à l identification des compétences professionnelles des éducatrices et des enseignantes intervenant auprès des jeunes enfants d âge préscolaire (4 à 6 ans) de divers milieux socio-économiques, tel qu attendues par les intervenantes et par les parents. Elle visait également à vérifier l adéquation existant entre ces compétences et celles définies par le MÉQ (2000, 2001). Cependant, nous limiterons ici notre analyse aux compétences attendues des seules éducatrices. Méthodologie Nous présentons, ici, seulement la démarche méthodologique poursuivie pour le volet de la recherche qui concerne les compétences attendues des éducatrices. L échantillon La collecte de données a été réalisée auprès de deux types de répondants : d une part, des éducatrices des centres de la petite enfance [CPE] et des garderies en milieu familial [GMF] intervenant auprès d enfants de 4 ou 5 ans, d autre part des parents d enfants âgés de 4 ou 5 ans fréquentant ces milieux de garde. Ceux-ci ont été recrutés, entre juillet 2001 et août 2002, par le biais des directions des regroupements des CPE des régions administratives de la province de Québec. Au départ, la constitution d un échantillon probabiliste, stratifié et par grappes, selon les 17 régions administratives du Québec, était visée. Cependant, compte tenu de plusieurs éléments contextuels, nous avons finalement eu recours à un échantillon de convenance basé sur la participation volontaire du plus grand nombre de répondants parmi ceux contactés (cf. tableau 1). Ceci limite ainsi la portée des résultats. Tableau 1. Échantillon des répondants Catégories de répondants CPE GMF Éducatrices 77 30 (N = 107) Parents d enfants de 4 ans ou 5 ans 57 10 (N= 67)

le point de vue des intervenantes et des parents 67 L échantillon des éducatrices est constitué de 107 répondantes réparties dans diverses régions administratives du Québec. Deux sous-échantillons ont été constitués. Le premier est formé de 77 éducatrices oeuvrant dans les CPE (19 interviennent exclusivement auprès d enfants de 4 à 6 ans et 58 auprès d enfants d âges variés, dont des enfants de 4 à 6 ans). Le deuxième est constitué de 30 éducatrices, oeuvrant dans les GMF (travaillant auprès d enfants d âges variés, dont des enfants de 4 à 6 ans). L échantillon des parents est constitué de 67 répondants répartis dans diverses régions administratives du Québec. Deux sous-échantillons de parents ont été formés. Le premier est composé de 57 parents ayant au moins un enfant âgé de 4 à 6 ans fréquentant un CPE alors que le deuxième est formé de 10 parents ayant au moins un enfant âgé de 4 à 6 ans fréquentant une GMF. Les instruments de mesure utilisés Nous avons eu recours à deux types de questionnaires d enquête; l un pour les intervenantes, l autre pour les parents. Chacun d eux était accompagné d un questionnaire d identification personnelle permettant de recueillir des informations sur les caractéristiques sociodémographiques et socioprofessionnelles des répondants. Pour les éducatrices, il s agissait d une version abrégée du Questionnaire sur la formation professionnelle des enseignants [QFPE] (Terrisse, Lefebvre et Larose, 1998). Pour les parents, nous avons utilisé une forme abrégée du Questionnaire sur l environnement familial [QEF] de Terrisse et Larose (1999). Ceux-ci ont été administrés en respectant les règles déontologiques d usage, notamment l anonymat des participants et la confidentialité des informations. - Le questionnaire d enquête pour les éducatrices Nous avons utilisé les trois premiers blocs de questions de l instrument intitulé Questionnaire sur les compétences socio-éducatives attendues des intervenantes de première ligne auprès des jeunes enfants version des intervenantes. Celui-ci a été élaboré et validé dans le cadre d une recherche, subventionnée par le Conseil de recherches en sciences humaines du Canada [CRSHC] et menée par le Groupe de recherche en adaptation scolaire et sociale [GREASS] : Les compétences socio-éducatives des intervenantes et des intervenants de première ligne auprès de jeunes enfants et de leur famille (Terrisse, Larose et Bédard, 2001a). Cependant, pour cet article, nous avons seulement analysé les résultats des deux premiers blocs de questions.

68 Les compétences professionnelles des éducatrices : Le premier bloc présente dix énoncés de compétences professionnelles qu une éducatrice auprès du jeune enfant devrait développer durant sa carrière. Les répondantes doivent alors indiquer le degré d importance de chacun des énoncés ainsi que les composantes (en termes de connaissances, d habiletés et d attitudes) qui devraient s y rattacher (question ouverte). Le deuxième bloc comporte une série de 28 énoncés qui représentent des composantes de la compétence d une éducatrice auprès du jeune enfant. Les répondantes sont invitées à identifier le niveau d importance de chacune des composantes et d indiquer celles qu elles considèrent essentielles pour l intervention auprès des enfants en milieu défavorisé. Ces énoncés sont plus spécifiques et davantage de l ordre de la pratique que les énoncés du premier bloc. - Le questionnaire d enquête pour les parents Afin de respecter la spécificité de chacun des deux groupes de répondants, le questionnaire des parents était distinct de celui des éducatrices. Nous avons eu recours à l instrument intitulé Questionnaire sur les compétences socioéducatives attendues des intervenantes de première ligne auprès des jeunes enfants version des parents (Terrisse et al., 2001b). Celui-ci a été élaboré et validé dans le cadre de la recherche du GREASS citée précédemment. Le questionnaire comporte 18 catégories de questions portant sur des aspects du développement et de l encadrement de l enfant. Pour chacune des catégories, le répondant est invité à donner son avis (peu important, important, très important, ne s applique pas) sur trois énoncés : le premier traite des attitudes de l éducatrice envers l enfant, le deuxième met en évidence les connaissances de l éducatrice partagées avec les parents et le troisième concerne les habiletés éducatives de l éducatrice auprès de l enfant. Les types d analyses Pour répondre aux objectifs visés, des analyses univariées (moyennes, pourcentages, etc.), bivariées (cœfficients de vraisemblance) et multivariées (analyses factorielles, en grappe et lexicométriques) ont été effectuées. Ces analyses ont pris en compte diverses variables : le type de milieu de garde (CPE ou GMF) où intervient l éducatrice, les caractéristiques socioéconomiques des milieux d intervention, l expérience professionnelle des éducatrices, l âge des enfants, le type de milieu de garde (CPE ou GMF) fréquenté par les enfants et les caractéristiques socioéconomiques des parents. Cependant, compte tenu

le point de vue des intervenantes et des parents 69 du nombre de variables d analyse et de la quantité de données recueillies, nous ne pouvons, dans cet article, discuter de l ensemble des résultats. Nous mettons donc en évidence, selon la catégorie de répondants, les compétences, les composantes ou les domaines d intervention priorisés ainsi que les résultats des variables ayant des différences statistiques significatives. Analyse des résultats Nous présentons les principaux résultats de la recherche qui permettront de répondre aux trois questions posées dans cet article. Nous débutons par ceux des éducatrices pour terminer par ceux des parents. Le lecteur peut consulter la thèse de doctorat de Larivée (2004) pour connaître les résultats détaillés de la recherche. Les compétences attendues d après les éducatrices - Les compétences attendues Les résultats des éducatrices au premier bloc de questions ont mis en évidence leur priorité à propos de dix compétences (cf. tableau 2). Il apparaît que neuf de ces dernières ont été jugées «très importantes» ou «essentielles» par 66,7% et plus des répondantes. Les items 1, 3, 4, 9 et 10 se démarquent comme étant les plus importants. L item 8 est le seul qui a été rejeté. Tableau 2. Les compétences, classées selon l ordre de priorité des éducatrices Compétences Moy. É.-T. 3. Acquérir des savoirs concernant le développement global du 4,72 0,48 jeune enfant, les réalités familiales actuelles ainsi que les facteurs d influence environnementaux. 10. Agir de façon éthique et responsable dans l exercice de ses 4,55 0,64 fonctions et tenant compte de façon spécifique de «codes de déontologie» (réglementation) particuliers à certains ordres professionnels ou de politiques propres à l établissement. 1. Être une intervenante professionnelle ouverte au monde auprès 4,42 0,67 du jeune enfant.

70 Les compétences professionnelles des éducatrices : Tableau 2. (SUITE) Compétences Moy. É.-T. 4. Prendre en considération, lors de l intervention, les «facteurs 4,32 0,82 environnementaux» (origine ethnique, culture, langue maternelle, scolarité des parents, etc.) qui affectent la communication chez le jeune enfant. 9. Avoir des attitudes adaptées dans le cadre de ses interactions 4,31 0,77 avec les parents et les jeunes enfants ainsi qu avec les autres «acteurs» (intervenantes) du milieu. 5. Susciter et soutenir l engagement durable de la famille dans 4,15 0,85 un «projet éducatif» (démarche éducative) à long terme. 6. «Piloter» (planifier, animer, gérer et évaluer) diverses activités 4,13 0,88 socio-éducatives auprès des jeunes enfants en tenant compte de leurs besoins, de leurs intérêts et des caractéristiques de leurs milieux. 7. Créer des «contextes» (activités éducatives) et utiliser des 4,10 1,0 instruments permettant l évaluation des caractéristiques individuelles, familiales ou environnementales qui influencent le développement global ainsi que l adaptation sociale et scolaire du jeune enfant. 2. S engager dans une démarche individuelle et collective de 4,06 0,81 développement personnel et professionnel. 8. Appliquer une «démarche intellectuelle» (méthodologie) 3,71 1,06 rigoureuse dans le but d identifier et de prendre en considération l influence de l ensemble des facteurs affectant le jeune enfant.

le point de vue des intervenantes et des parents 71 Pour l analyse des composantes spécifiées par les répondantes (réponses ouvertes du premier bloc de questions), nous avons eu recours à la lexicométrie ou analyse statistique de données textuelles (Lebart, Salem et Berry, 1998). Un des intérêts de l analyse lexicométrique est qu elle permet de cibler les formes lexicales les plus significatives du corpus sur la base du calcul des fréquences (Moscarola, Papatsiba et Baulac, 2002). À partir de la liste fréquentielle des unités des formes graphiques (sujets/mots) issues des «textes-réponses» des répondantes, nous avons donc effectué des analyses factorielles des correspondances. Ce type d analyse, utilisé dans d autres recherches portant sur l analyse du discours (Larose, Audette et Roy, 1997), était particulièrement pertinent dans le cadre de notre recherche de type exploratoire (Eklund, 1994) et visait à mettre en évidence les convergences et les divergences entre les attentes des éducatrices. En outre, les résultats de l analyse lexicométrique montrent différentes priorités. Dans un premier temps, ils mettent en relief des connaissances en lien avec la profession (connaissance du programme d intervention, des approches, des lois et règlements, des mandats, des étapes de planification et d évaluation), avec les enfants (connaissance des étapes de développement, des réalités et des besoins de l enfant), avec les parents (connaissance des stratégies d intervention auprès des parents, de leurs réalités et de leurs besoins) et avec le milieu (connaissance des caractéristiques, des besoins et des ressources des milieux). Dans un deuxième temps, ils mettent en évidence des attitudes générales de l intervenante (ouverture, compréhension, écoute, discrétion, diplomatie, justice, etc.) ou des attitudes envers les enfants (prise en compte du bien-être, des besoins et des spécificités de l enfant) et envers les parents (collaboration, confiance et estime de soi parentale). Dans un troisième temps, ils identifient des habiletés concernant la profession (animation, communication, méthodologie, travail en équipe, etc.), les enfants (planification, évaluation, encadrement, compréhension, adaptation aux besoins, etc.), les parents (compréhension, soutien, collaboration, adaptation aux besoins, etc.) ainsi que le milieu (adaptation aux réalités et réseau de relations professionnelles). - Les composantes des compétences attendues D une manière générale, les items correspondaient aux attentes des éducatrices puisqu elles les ont tous retenus à 66,7 % et plus (cf. tableau 3 à la page suivante).

72 Les compétences professionnelles des éducatrices : Tableau 3. Les composantes des compétences, classées selon l ordre de priorité des éducatrice Composantes Moy. É.-T. 10. Connaître les différents aspects du développement du jeune 4,77 0,47 enfant, de la naissance à 6 ans : cognitif, langagier, socio-affectif et psychomoteur. 18. Être à l écoute, empathique, savoir établir un lien de confiance 4,74 0,50 avec l enfant, sa famille ainsi qu avec les autres intervenantes. 22. Respecter et préserver le caractère de l information qui concerne 4,60 0,60 l enfant et sa famille. 6. Assurer un soutien à l enfant et à la famille durant l intervention 4,58 0,53 éducative. 12. Donner à l enfant et à ses parents des «rétroactions» (retours) 4,53 0,70 claires et systématiques par rapport à la progression ou aux apprentissages de ce dernier. 5. Planifier, adapter ou créer différentes activités éducatives qui 4,52 0,65 répondent aux besoins particuliers des enfants ou des parents. 17. Être ouverte à la différence sur le plan des valeurs et des agirs de 4,51 0,56 l enfant et de sa famille. 8. Être capable de remettre en question ses valeurs, attitudes et 4,51 0,61 pratiques professionnelles. 14. Appliquer une démarche appropriée de résolution de problèmes 4,47 0,61 ou de conflits. 15. Connaître les divers programmes, approches et stratégies 4,46 0,68 d intervention socio-éducative spécifiques aux enfants, de la naissance à 6 ans.

le point de vue des intervenantes et des parents 73 Tableau 3. (SUITE) 20. Établir une relation de collaboration dans une perspective de 4,44 0,70 partenariat avec la famille ainsi que les autres intervenantes. 25. Utiliser un langage clair, une syntaxe correcte et un vocabulaire 4,43 0,65 précis lors des interventions professionnelles. 23. Etre en mesure d assurer la responsabilité de son intervention 4,42 0,60 et de ses conséquences à long terme. 27. Faciliter la communication entre l enfant, sa famille et les diverses 4,41 0,67 intervenantes avec lesquelles ils doivent interagir. 28. Partager ou échanger avec les autres professionnelles 4,40 0,65 concernées, des informations au regard de l évolution de l enfant ou du parent. 1. Soutenir les parents dans un processus «d appropriation» 4,37 0,68 (d apprentissage) des savoirs au regard de l enfant, des pratiques et des ressources éducatives. 7. Auto-évaluer ses propres capacités ou réalisations sur le plan de 4,33 0,78 l intervention professionnelle. 19. Réagir de façon ferme et nuancée par rapport aux attitudes et 4,26 0,84 conduites agressives manifestées par les enfants ou les parents. 24. Mettre à jour de façon régulière ses connaissances sur le plan 4,19 0,71 légal, réglementaire ou institutionnel en ce qu elles sont pertinentes à l intervention professionnelle auprès de l enfant et de sa famille. 16. Faire preuve de pensée critique et «réflexive» (autocritique). 4,17 0,82 26. Contextualiser son langage oral et écrit selon les divers types de 4,15 0,84 locuteurs ainsi que leurs milieux d origine ethnique ou social.

74 Les compétences professionnelles des éducatrices : Tableau 3. (SUITE) Composantes Moy. É.-T. 2. S intéresser aux dynamiques sociales et culturelles qui 4,13 0,73 caractérisent l environnement du jeune enfant et de la famille auprès duquel l intervenante est appelée à intervenir. 11. Identifier les structures, les principales caractéristiques des 4,10 0,80 «dynamiques familiales» (profil familial) actuelles et les types d interactions qui se déroulent dans la famille. 9. Travailler en équipe multidisciplinaire et dans une «perspective 4,10 0,84 interdisciplinaire» (intégration par l intervenante des savoirs collectifs). 13. Identifier l effet des conditions «sociodémographiques» 4,07 0,86 (conditions de vie) et socioculturelles de l environnement familial en tant que facteurs de risque ou de protection sur le développement de l enfant. 3. Mettre à contribution les ressources qu offrent les réseaux formels 4,04 0,82 et «informels» (parenté et amis) auxquels l enfant et sa famille peuvent avoir accès. 4. S informer de façon continue des développements d ordre 4,04 0,84 théorique ou instrumental propres à son univers d intervention professionnelle. 21. Tenir compte des savoirs informels propres aux cultures 3,97 0,75 environnementales des enfants et des parents.

le point de vue des intervenantes et des parents 75 Les items jugés moins importants par les éducatrices concernent le développement personnel et professionnel (items 4, 16, 24), les caractéristiques socioculturelles des familles (items 2, 11, 13, 21 et 26) et le travail en réseau (items 3 et 9). Cependant, même si ces items se situent à un niveau moins élevé dans l échelle des priorités des répondantes, ils sont jugés comme «très importants» ou «essentiels». Enfin, dix des quatorze premiers items sont considérés comme étant «essentiels» à l intervention en milieu défavorisé. En ce qui concerne l expérience professionnelle, il apparaît que les éducatrices qui ont plus de 5 ans d expérience sont significativement plus nombreuses à juger «essentiel» de partager ou d échanger des informations sur l enfant ou les parents avec les autres professionnelles concernées [item 28; L 2 =7,377 (2); p<0,05]. Les éducatrices qui débutent dans la profession (5 ans et moins d expérience) sont significativement plus nombreuses à trouver «essentiel» à l intervention en milieu défavorisé le respect et la préservation du caractère de l information qui concerne l enfant et sa famille [item 22; L 2 =4,975 (1); p<0,05]. Les compétences attendues d après les parents Les résultats des parents d enfants fréquentant ces milieux de garde (CPE ou GMF) sont présentés selon les domaines d intervention et les types de composantes (connaissances, attitudes et habiletés). L analyse de leurs réponses a permis d identifier leurs attentes envers les compétences des éducatrices sur deux plans principaux : des domaines d intervention (les dix-huit catégories) et des composantes des compétences (connaissances, attitudes et habiletés). Sur les cinquante-quatre items, treize n ont pas été retenus (items 5, 8, 11, 14, 17, 26, 29, 32, 35, 38, 48, 53 et 54) parce qu ils n ont pas été jugés comme étant «importants» ou «très importants» par plus des deux tiers des répondants (66,7 % et plus). Sur les dix-huit catégories, cinq sont jugées «très importantes», douze sont estimées «importantes» et une seule est considérée comme «peu importante» (celle de la préscolarisation). Les parents ayant des enfants âgés de 5 ans accordaient cependant plus d importance à cette dernière catégorie que ceux ayant des enfants âgés de 4 ans. Ces résultats montrent donc l intérêt général accordé par ces parents aux divers domaines d intervention (cf. tableaux 4, 5 et 6, pages suivantes).

76 Les compétences professionnelles des éducatrices : Tableau 4. Classement des composantes des compétences de type «connaissances» attendues chez les éducatrices, selon l ordre de priorité des parents Item no./catégorie/énoncé Moy. É.-T. 41. Le maternage : soit attentive aux besoins de mon enfant 2,91 0,34 2. La santé : m informe des problèmes de santé qu elle pourrait 2,88 0,33 observer chez mon enfant 50. La gestion des comportements : sache contrôler ses émotions 2,82 0,39 quand mon enfant a des comportements inappropriés 44. La collaboration : écoute mon point de vue sur les besoins 2,67 0,47 éducatifs de mon enfant 47. Le soutien : m informe des ressources auxquelles je pourrais 2,02 0,73 m adresser pour obtenir des services pour mon enfant et ma famille 20. La socialisation : me conseille sur les façons d amener mon 1,98 0,71 enfant à partager et à collaborer avec d autres enfants 29. L expression des sentiments et des émotions : me suggère 1,88 0,77 des moyens d aider mon enfant à exprimer ses sentiments et à contrôler ses émotions 23. Le jeu : me suggère une variété de jeux intéressants permettant 1,86 0,65 à mon enfant de faire divers apprentissages 32. Le développement intellectuel : me conseille sur des activités 1,81 0,76 à faire à la maison qui stimulent intellectuellement mon enfant, encouragent sa créativité et développent son jugement critique 14. L exercice physique : me suggère des activités qui permettent 1,80 0,73 à mon enfant de développer ses habiletés physiques

le point de vue des intervenantes et des parents 77 Tableau 4. (SUITE) Item no./catégorie/énoncé Moy. É.-T. 38. L autonomie : me conseille sur des façons de développer 1,78 0,73 l autonomie chez mon enfant à la maison 26. L intégration des règles/discipline : me conseille sur la façon 1,77 0,76 d amener mon enfant à respecter les règles de vie à la maison et à m obéir 35. La communication verbale : me conseille sur les façons de 1,76 0,76 développer un langage clair, un vocabulaire précis ainsi que des phrases correctes chez mon enfant et à écouter ce que disent les autres 11. La sécurité : m informe des diverses mesures à prendre afin 1,73 0,77 que notre environnement familial soit le plus sécuritaire possible 53. La préscolarisation : me conseille des activités de lecture, 1,70 0,80 d écriture et de calcul me permettant de préparer mon enfant à son entrée à l école 17. La propreté : m informe sur les conditions nécessaires à 1,68 0,77 l apprentissage de la propreté chez mon enfant et sur les règles d hygiène 5. L alimentation : me conseille sur les caractéristiques d une 1,61 0,70 alimentation équilibrée pour mon enfant 8. Le sommeil/repos : me conseille sur les besoins de repos et 1,60 0,81 de sommeil de mon enfant

78 Les compétences professionnelles des éducatrices : Tableau 5. Classement des composantes des compétences de type «attitudes» attendues chez les éducatrices, selon l ordre de priorité des parents Item no./catégorie/énoncé Moy. É.-T. 10. La sécurité : veille à ce que mon enfant soit toujours dans un 2,96 0,21 environnement sécuritaire et sache intervenir adéquatement en cas d accident 40. Le maternage : veille à ce que mon enfant se sente en sécurité 2,88 0,33 et à l aise avec elle 19. La socialisation : favorise des activités qui mettent l accent sur 2,88 0,33 le partage et la collaboration entre les enfants 37. L autonomie : veille à créer des situations qui développent 2,87 0,34 l autonomie chez mon enfant (habillage, déplacements, hygiène, alimentation, jeux et activités collectives) 13. L exercice physique : favorise les activités de plein air et intérieures 2,85 0,36 permettant à mon enfant de développer ses habiletés physiques 49. La gestion des comportements : utilise un langage clair, un 2,82 0,42 vocabulaire précis et des phrases correctes lorsqu elle s adresse à mon enfant 1. La santé : soit attentive aux conditions favorisant une bonne 2,81 0,40 santé chez mon enfant 34. La communication verbale : favorise des activités qui aident 2,81 0,43 mon enfant à développer un langage clair, un vocabulaire précis ainsi que des phrases correctes et à écouter ce que disent les autres 16. La propreté : veille à la propreté de mon enfant en assumant les 2,80 0,40 soins quotidiens nécessaires

le point de vue des intervenantes et des parents 79 Tableau 5. (SUITE) Item no./catégorie/énoncé Moy. É.-T. 25. L intégration des règles/discipline : veille à ce que mon enfant respecte les règles de vie dans un groupe et à ce qu il soit obéissant 2,80 0,40 31. Le développement intellectuel : favorise des activités qui 2,79 0,48 stimulent intellectuellement mon enfant, encouragent sa créativité et développent son jugement critique 22. Le jeu : organise différents jeux intéressants et incite mon enfant 2,79 0,41 à y participer 28. L expression des sentiments et des émotions : veille à ce que 2,78 0,42 mon enfant exprime aisément ses sentiments et contrôle adéquatement ses émotions 4. L alimentation : veille à ce que mon enfant mange bien, en 2,66 0,48 quantité suffisante et à des heures régulières 43. La collaboration : soit disponible pour me rencontrer 2,58 0,55 7. Le sommeil/repos : fasse respecter un rythme de repos et de 2,57 0,60 sommeil adéquat à mon enfant 46. Le soutien : tienne compte des conditions de vie de notre famille 2,27 0,73 52. La préscolarisation : veille à préparer mon enfant à son entrée 2,12 0,85 à l école en l initiant à la lecture, à l orthographe et au calcul

80 Les compétences professionnelles des éducatrices : Tableau 6. Classement des composantes des compétences de type «habiletés» attendues chez les éducatrices, selon l ordre de priorité des parents Item no./catégorie/énoncé Moy. É.-T. 51. La gestion des comportements : n exprime pas de préjugés à 2,86 0,41 l égard de mon enfant 42. Le maternage : exprime des sentiments chaleureux à mon enfant 2,81 0,43 21. La socialisation : explique à mon enfant pourquoi il est 2,73 0,51 important de partager et de collaborer avec ses camarades 36. La communication verbale : apprenne à mon enfant à utiliser un 2,72 0,45 langage clair, un vocabulaire précis ainsi que des phrases correctes et à écouter ce qui disent les autres 12. La sécurité : explique à mon enfant quelles sont les conduites 2,69 0,50 sécuritaires lui permettant de prévenir les dangers 27. L intégration des règles/discipline : explique à mon enfant 2,67 0,48 l importance de respecter des règles de vie en groupe et d obéir aux adultes qui sont responsables de lui 18. La propreté : explique à mon enfant quelles sont les règles de 2,65 0,51 propreté et d hygiène qu il doit respecter et lui en fasse comprendre leur importance 30. L expression des sentiments et des émotions : explique à mon 2,63 0,60 enfant pourquoi il est important d exprimer ce qu il ressent et de contrôler ses émotions 15. L exercice physique : apprenne à mon enfant différents jeux 2,61 0,55 pour développer ses habiletés physiques et lui en explique l intérêt

le point de vue des intervenantes et des parents 81 Tableau 6. (SUITE) Item no./catégorie/énoncé Moy. É.-T. 24. Le jeu : explique à mon enfant la nécessité des règles dans les 2,59 0,61 jeux et leur importance 39. L autonomie : explique à mon enfant l intérêt de devenir 2,54 0,59 autonome dans toutes les activités de la vie quotidienne 33. Le développement intellectuel : explique à mon enfant comment 2,53 0,63 exercer son raisonnement, sa créativité et son jugement critique 45. La collaboration : respecte les valeurs et les règles en usage 2,52 0,59 dans notre famille 3. La santé : explique à mon enfant quelles sont les habitudes à 2,46 0,59 développer pour être en bonne santé 6. L alimentation : explique à mon enfant quelles sont les habitudes 2,27 0,66 à développer pour avoir une alimentation équilibrée 9. Le sommeil/repos : explique à mon enfant quelles sont les 2,06 0,81 habitudes de repos et de sommeil à respecter pour maintenir un bon équilibre de vie 48. Le soutien : me conseille pour effectuer les démarches nécessaires 1,92 0,79 pour obtenir des services pour mon enfant et ma famille 54. La préscolarisation : apprenne à mon enfant les bases de la lecture, 1,83 0,83 de l écriture et du calcul pour le préparer à son entrée à l école Enfin, l analyse des résultats montre des différences statistiques significatives positives envers les parents des enfants qui fréquentent les CPE. Ceux-ci considèrent plus important que ceux ayant des enfants en GMF de se faire conseiller sur certains aspects du développement de leur enfant, tels le

82 Les compétences professionnelles des éducatrices : partage et la collaboration avec d autres enfants (item 20; L 2 =6,923 (2); p<0,05), le respect des règles de vie à la maison (item 26; L 2 =7,192 (2); p<0,05) et le développement intellectuel, la créativité et le jugement critique de l enfant (item 32; L 2 =13,620 (2); p<0,01). Il leur paraît important également que leur enfant évolue dans un environnement sécuritaire (item 10; L 2 =4,424 (1); p<0,05) et qu il ne soit pas l objet de préjugés de la part de l intervenante (item 51; L 2 =8,328 (3); p<0,05). Discussion des résultats La discussion des résultats porte sur les éléments de réponse aux trois questions identifiées antérieurement. Elle les aborde selon l ordre de leur présentation. 1. Les compétences attendues selon les types de besoins priorisés (santé et garde physique ou éducatifs) En ce qui a trait aux compétences, l identification de l item 3 comme étant le plus important montre l intérêt marqué des éducatrices envers leur mandat éducatif. Deux autres items priorisés par les intervenantes (items 4 et 9) sont complémentaires et montrent la place qu occupent les relations interpersonnelles. Pour être compétente, l éducatrice doit prendre en considération les différentes réalités des enfants et des familles, telles la langue parlée, l origine ethnique, la culture, etc. (item 4) et avoir des attitudes adaptées au regard de celles-ci (item 9). L importance accordée par les éducatrices à ces deux compétences indique qu avant de prioriser des compétences liées à l intervention directe auprès de l enfant (items 6 et 7), il leur paraît nécessaire de connaître les enfants auprès desquels elles interviennent et de s adapter à leurs particularités. Ces compétences témoignent des réalités actuelles et des orientations des milieux de garde qui placent l enfant au centre de leurs préoccupations, tout en favorisant le développement des relations avec les parents (MESSF, 1997). Lorsque nous observons les composantes retenues par les éducatrices, les plus importantes concernent les connaissances sur les aspects du développement de l enfant. Les autres composantes priorisées mettent surtout en valeur, comme le soulignent le MÉQ (1998) ainsi que Cloutier et Tessier (1981), des attitudes et des habiletés en lien avec l enfant, sa famille et les autres intervenantes, telles : la communication; le respect, l écoute, l empathie et l ouverture aux différences;

le point de vue des intervenantes et des parents 83 le soutien et la collaboration; l éthique professionnelle (confidentialité, analyse critique); les activités éducatives (planification et adaptation) et les apprentissages (rétroactions). L analyse des résultats, selon le type de composantes (connaissances, attitudes et habiletés) et le type de personnes concernées (l enfant, la famille, l intervenante, les collègues ou plusieurs de ceux-ci à la fois), montre que chacune des catégories y est représentée. Cependant, si nous portons une attention particulière aux premiers items, qui sont considérés comme «essentiels», nous constatons qu ils concernent particulièrement des habiletés à l intervention auprès de l enfant et de la famille. Cela confirme, comme l ont montré Rodd (1999) et Singer (1996), que les éducatrices privilégient les composantes qui touchent l intervention au quotidien auprès de l enfant et de sa famille. Ce constat est également apparu lors de l analyse lexicométrique des composantes identifiées par les éducatrices aux questions ouvertes du premier bloc. Pour les parents, les catégories priorisées indiquent qu ils accordent, dans un premier temps, une grande importance au bien-être de leur enfant. Ils désirent que les éducatrices prennent soin de celui-ci comme si c était le leur (maternage), qu elles adoptent un langage et des comportements appropriés envers lui (gestion des comportements), qu elles veillent à sa santé (santé), qu elles favorisent son développement social (socialisation) et qu elles soient ouvertes et respectueuses des valeurs (collaboration) des parents. Ces attentes ont également été soulignées dans les recherches de Basile et Henry (1996), Dunn et Tabor (2000) et Rodd (1999). Dans un deuxième temps, ils privilégient les catégories qui concernent le développement global de l enfant. Cependant, malgré l adoption d un programme éducatif pour les milieux de garde (MESSF, 1997) visant, entre autres, la préparation et la continuité avec la classe maternelle, il apparaît que ces parents perçoivent le recours à des activités de préscolarisation comme étant peu important puisque deux des trois items de cette catégorie ont été rejetés. Ils concernent les connaissances à partager avec les parents et les habiletés à développer chez l enfant. Cela ne correspond pas aux attentes identifiées par les parents dans la recherche de Liu et al. (2001). Ceux-ci privilégiaient l organisation d activités éducatives et préparatoires à la scolarisation plutôt que la simple garde physique des enfants. La différence observée entre les résultats des parents ayant des enfants âgés de 4 ans comparativement à ceux ayant des enfants âgés de 5 ans à l égard des activités de préscolarisation est intéressante.

84 Les compétences professionnelles des éducatrices : Il semble que ces derniers, dont les enfants s apprêtent à fréquenter un milieu scolaire (la maternelle), sont plus ouverts à ces activités. Celles-ci représentent possiblement davantage leurs attentes face à cette réalité imminente. D autres recherches (Cloutier et Tessier, 1981; Singer, 1996) indiquent cependant que les parents désirent d abord un milieu de garde sécuritaire où l enfant est traité avec affection et où il est facile d échanger avec l intervenante. La difficulté pour les parents de trouver une place dans un service de garde pour leur enfant influence certainement leurs perceptions. Dans un tel contexte, les parents ne peuvent se permettre d avoir des attentes trop élevées. Leur premier but n est donc pas de trouver un milieu de garde de très grande qualité, mais d en trouver un qui leur permette de concilier leurs contraintes familiales et professionnelles (lieu, heures d ouverture et de fermeture, etc.). En outre, les parents visent, dans un premier temps, à bénéficier d un milieu de garde qui veillera au bien-être et à la sécurité de leur enfant. Dans un deuxième temps, ils souhaitent que ce dernier bénéficie d un encadrement et d interventions qui favoriseront son développement. Ultimement, les parents sont conscients que, si certains types d apprentissage ne sont pas réellement abordés, notamment ceux en lien avec la préparation à la scolarisation, ils le seront lorsque l enfant fréquentera la maternelle. Nous pensons donc que si les parents n avaient pas à se soucier du nombre de places disponibles, ils porteraient une attention accrue à la qualité des services et, par conséquent, aux compétences éducatives des intervenantes. Les résultats indiquent des spécificités selon le type de milieu de garde. Les attentes des parents ayant des enfants en CPE sont plus élevées à certains égards que celles des parents ayant des enfants en GMF. Les parents dont les enfants fréquentent une GMF désirent, sans doute plus que ceux qui les confient aux CPE, retrouver un climat plus familial qu institutionnel. En outre, ils perçoivent plus l éducatrice en GMF comme une mère de famille qui veille à la sécurité et aux soins physiques des enfants que comme une professionnelle de la garde et de l éducation de l enfant. Cela peut donc remettre en question la reconnaissance sociale du statut professionnel des éducatrices. En résumé, les éducatrices accordent de l importance à la garde et à la sécurité de l enfant, mais également à son développement alors que les attentes des parents correspondent d abord au premier objectif des services de garde, soit l encadrement physique et sécuritaire de l enfant. Certes, le développement et l éducation de leur enfant les préoccupent, mais la préparation à la scolarisation ne fait pas partie de leurs priorités.

le point de vue des intervenantes et des parents 85 2. La nature des compétences attendues par les éducatrices ainsi que par les parents et l établissement de liens de collaboration Alors que les chercheurs privilégient de plus en plus une approche de type écologique, communautaire et concertée (Bronfenbrenner, 1979; Eurydice, 1995), tenant compte des interrelations entre les divers systèmes (onto-micro-mésoexo-macrosystèmes), les résultats indiquent que les éducatrices accordent principalement de l importance à l enfant ainsi qu à ses parents (microsystème). Ceci ne nous surprend pas puisque l intervention auprès de l enfant, en collaboration avec les parents, constitue leur première fonction. Les interrelations avec les autres systèmes, notamment l école et la communauté, sont également prises en considération, mais en second lieu. En outre, nous constatons que les éducatrices montrent une ouverture à une approche de type écologique, mais que celle-ci n est pas totalement intégrée à leur pratique (Terrisse, Larose, Lefebvre et Larivée, 1999). Quant aux parents, ils ont rejeté onze des dix-huit items de type «connaissances». Contrairement aux items de type «attitudes» et «habiletés», qui sont principalement orientés vers l enfant, ceux-ci appartiennent surtout au domaine privé familial. Ils concernent principalement des composantes qui visent à informer ou à conseiller le parent sur divers aspects du développement de l enfant. Les résultats montrent que les parents consultés insistent d abord sur la relation intervenante-enfant, tel que l avaient déjà souligné Pianta et Kraft-Sayre (1999), mais qu ils considèrent comme moins important de bénéficier du soutien de l éducatrice pour favoriser l éducation et le développement de leur enfant à la maison. Ce constat met en évidence deux aspects particuliers quant aux attentes des parents. Le premier est qu ils ne semblent pas ressentir le besoin d être soutenus dans leur tâche d éducateurs, tel que le montrent les items du questionnaire d enquête. Le deuxième est un questionnement sur leur réelle ouverture à établir des relations de collaboration avec les intervenantes ou, plus particulièrement, sur le type de collaboration souhaitée. En outre, cela nous mène à nous interroger sur les rôles respectifs des éducatrices et des parents et, plus précisément, à identifier des moyens à mettre en place pour favoriser le développement de liens collaboratifs. Par ailleurs, attendu que le niveau de scolarité des parents de l échantillon est plutôt élevé comparativement à la moyenne québécoise (ISQ, 2001), nous pensons qu ils se sentent davantage confiants dans leur rôle éducatif et qu ils sont mieux outillés pour favoriser le développement et l éducation de leur enfant. C est pourquoi ils n éprouvent pas le besoin de bénéficier de l aide de l éducatrice.

86 Les compétences professionnelles des éducatrices : En réponse à la deuxième question de recherche, il apparaît que le développement de liens de collaboration entre les éducatrices et les parents est réaliste et attendu. Toutefois, à la lumière des réponses des parents, il semble important de préciser les rôles respectifs et les moyens à mettre en place pour y parvenir afin de favoriser l établissement d une telle relation. 3. Les convergences et les divergences entre les attentes des éducatrices et des parents et celles du MÉQ et du MESSF Pour évaluer de la convergence entre les attentes des éducatrices et des parents et celles du MÉQ (2000) et du MESSF (1997), nous avons procédé en plusieurs étapes. Dans un premier temps, nous avons repris tous les items retenus dans cette recherche qui concernaient les compétences et les composantes des compétences des éducatrices. Dans un deuxième temps, nous les avons comparés aux compétences définies par le MÉQ (2000) ainsi qu aux orientations, aux principes et aux objectifs du Programme éducatif des CPE (MESSF, 1997) afin d identifier les items convergents. Dans un troisième temps, nous avons vérifié s il y avait des items divergents, soit des compétences ou des composantes des compétences qui n avaient pas de lien avec les attentes du MÉQ (2000) ou du MESSF (1997). En ce qui a trait à la convergence des attentes, une seule compétence (organiser un service de garde à l enfance) n est concernée par aucun des items retenus par les éducatrices ou les parents. Celle-ci a une portée plus large que les autres et n est pas spécifique aux tâches quotidiennes de l intervenante. Elle est toutefois importante dans le contexte où la formation prépare également les futures éducatrices à mettre en place un service de garde. L analyse des items montre que deux types de compétences et de composantes (cf. tableau 7) attendues par les éducatrices divergent par rapport aux attentes des ministères : celles liées au développement professionnel et celles liées à la collaboration avec le milieu (autre que le milieu immédiat d intervention). La lecture du Programme éducatif des CPE (MESSF, 1997) et des compétences du programme de formation des éducatrices (MÉQ, 2000) ne montre pas de contradiction avec ces types de compétences et de composantes, mais ces aspects ne sont pas mis en valeur. En outre, ceux-ci, qui représentent des priorités pour les éducatrices, mériteraient d être davantage spécifiés et intégrés aux compétences attendues.