TRIBUNAL ADMINISTRATIF DE STRASBOURG N 1606298 Mme Théodora T. épouse M. M. Christophe Michel Rapporteur Mme Aline Evrard Rapporteur public REPUBLIQUE FRANÇAISE AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS Le Tribunal administratif de Strasbourg (3 ème chambre) Audience du 16 mai 2017 Lecture du 30 mai 2017 335-01-03-04 335-05-03 C+ Vu la procédure suivante : Par une requête, enregistrée le 30 novembre 2016, Mme Théodora T. épouse M., représentée par Me Bohner, demande au tribunal : 1 ) d annuler la décision du 30 septembre 2016 par laquelle le préfet du Haut-Rhin a refusé de lui délivrer un titre de séjour ; 2 ) d enjoindre au préfet du Haut-Rhin de lui délivrer une carte de résident ou, subsidiairement, de réexaminer sa situation, dans un délai de 15 jours à compter de la décision à intervenir ; 3 ) de mettre à la charge de l Etat une somme de 1 200 euros au bénéfice de son conseil en application des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991. Mme M. soutient que : - la décision attaquée n est pas suffisamment motivée ; - le préfet a commis une erreur de droit en méconnaissant les dispositions combinées du a) et du b) du 8 de l article L. 314-11 du code de l entrée et du séjour des étrangers et du droit d asile et de l article L. 752-1 du même code qui prévoient la délivrance d une carte de résident au conjoint d un ressortissant étranger ayant obtenu la qualité de réfugié ;
N 1606298 2 - le refus qui lui a été opposé est fondé à tort sur les dispositions de l article L. 411-6 du code de l entrée et du séjour des étrangers et du droit d asile, qui ne sont pas applicables à sa situation ; - la décision attaquée méconnaît l article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et l article 3-1 de la convention internationale des droits de l enfant ; - elle est entachée d une erreur manifeste d'appréciation. Par un mémoire en défense, enregistré le 3 avril 2017, le préfet du Haut-Rhin conclut au rejet de la requête. fondés. Le préfet du Haut-Rhin soutient que les moyens soulevés par Mme M. ne sont pas Par ordonnance du 28 mars 2017, la clôture d instruction a été fixée au 12 avril 2017. Un mémoire présenté pour Mme M. a été enregistré le 3 mai 2017, postérieurement à la clôture d instruction. Mme M. a été admise au bénéfice de l aide juridictionnelle totale par une décision du 16 décembre 2016. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - le code de l entrée et du séjour des étrangers et du droit d asile ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l audience. Ont été entendu au cours de l'audience publique : - le rapport de M. Christophe Michel ; - les conclusions de Mme Aline Evrard, rapporteur public ; - les observations de Me Bohner, avocat de Mme M.. 1. Considérant que Mme M., de nationalité syrienne et libanaise, née en 1971, est entrée en France en dernier lieu le 12 octobre 2015, accompagnée de son époux et de ses trois enfants, en vue de demander l asile ; que M. M. a obtenu le statut de réfugié le 18 avril 2016 ; qu en revanche, la demande d asile de Mme M. a été rejetée le 22 avril 2016 par l Office français de protection des réfugiés et apatrides et le 16 février 2017 par la Cour nationale du droit d asile ; que, par deux courriers des 20 mai et 21 septembre 2016, Mme M. a sollicité la délivrance d un titre de séjour ; qu elle demande l annulation de la décision du 30 septembre 2016 par laquelle le préfet du Haut-Rhin lui a opposé un refus ;
N 1606298 3 Sur les conclusions à fin d annulation : Sans qu il soit besoin d examiner les autres moyens de la requête, 2. Considérant qu aux termes de l article L. 314-11 du code de l entrée et du séjour des étrangers et du droit d asile : «Sauf si la présence de l'étranger constitue une menace pour l'ordre public, la carte de résident est délivrée de plein droit, sous réserve de la régularité du séjour : ( ) 8 A l'étranger reconnu réfugié en application du livre VII ainsi qu'à : a) Son conjoint, son partenaire avec lequel il est lié par une union civile ou son concubin, s'il a été autorisé à séjourner en France au titre de la réunification familiale dans les conditions prévues à l'article L. 752-1» ; qu aux termes de l article L. 752-1 du même code : «I.-Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, le ressortissant étranger qui s'est vu reconnaître la qualité de réfugié ou qui a obtenu le bénéfice de la protection subsidiaire peut demander à bénéficier de son droit à être rejoint, au titre de la réunification familiale : 1 Par son conjoint ou le partenaire avec lequel il est lié par une union civile, âgé d'au moins dix-huit ans, si le mariage ou l'union civile est antérieur à la date d'introduction de sa demande d'asile ; ( ) II.-Les articles L. 411-2 à L. 411-4 et le premier alinéa de l'article L. 411-7 sont applicables. La réunification familiale n'est pas soumise à des conditions de durée préalable de séjour régulier, de ressources ou de logement. Les membres de la famille d'un réfugié ou d'un bénéficiaire de la protection subsidiaire sollicitent, pour entrer en France, un visa d'entrée pour un séjour d'une durée supérieure à trois mois auprès des autorités diplomatiques et consulaires, qui statuent sur cette demande dans les meilleurs délais. ( ) La réunification familiale ne peut être refusée que si le demandeur ne se conforme pas aux principes essentiels qui, conformément aux lois de la République, régissent la vie familiale en France, pays d'accueil. Est exclu de la réunification familiale un membre de la famille dont la présence en France constituerait une menace pour l'ordre public ou lorsqu'il est établi qu'il est instigateur, auteur ou complice des persécutions et atteintes graves qui ont justifié l'octroi d'une protection au titre de l'asile.» ; 3. Considérant que, pour refuser de délivrer à Mme M. un titre de séjour, le préfet du Haut-Rhin ne pouvait sans commettre d erreur de droit, pour refuser de délivrer à Mme M. un titre de séjour, se fonder sur les dispositions de l article L. 411-6 du code de l entrée et du séjour des étrangers et du droit d asile qui prévoient que : «Peut être exclu du regroupement familial : ( ) 3 Un membre de la famille résidant en France» alors qu il résulte explicitement des dispositions précitées de l article L. 752-1 du même code qu elles ne sont pas applicables à la réunification familiale dont bénéficient les ressortissants étrangers ayant obtenu la qualité de réfugié ; qu il s ensuit que Mme M. est fondée à demander l annulation de la décision du 30 septembre 2016 par laquelle le préfet du Haut-Rhin lui a refusé un titre de séjour ; Sur les conclusions à fin d injonction : 4. Considérant qu aux termes de l article L. 911-1 du code de justice administrative : «Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne une mesure d'exécution dans un sens déterminé, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision, cette mesure assortie, le cas échéant, d'un délai d'exécution.» ;
N 1606298 4 5. Considérant qu il résulte de l instruction que la requérante a épousé M. M. le 25 janvier 2004 en Syrie ; que son mariage est ainsi antérieur à la demande d asile de son conjoint, qui a obtenu le statut de réfugié ; que Mme M. se trouve, dès lors, dans la situation décrite par les dispositions du 1 du I de l article L. 752-1 du code de l entrée et du séjour des étrangers et du droit d asile ; que les autorités françaises ayant accepté, le 4 juin 2015, de prendre en charge en qualité de demandeur d asile M. Makhlouf, celui-ci a obtenu le 12 octobre 2015 un sauf-conduit, valable pour lui-même son épouse et leurs trois enfants leur permettant d entrer régulièrement sur le territoire français ; que, dans ces conditions, Mme M. doit être regardée comme ayant été autorisée à séjourner en France au titre de la réunification familiale dans les conditions prévues à l'article L. 752-1 du code de l entrée et du séjour des étrangers et du droit d asile ; qu il s ensuit que l exécution du présent jugement implique nécessairement la délivrance à Mme M. de la carte de résident prévue par les dispositions du a) du 8 de l article L. 214-11 du code de l entrée et du séjour des étrangers et du droit d asile ; que, par suite, il y a lieu d enjoindre au préfet du Haut- Rhin de délivrer à la requérante une carte de résident dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent jugement ; Sur les conclusions tendant à l application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l article 37 de la loi du 10 juillet 1991 : 6. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, et sous réserve que Me Bohner, avocate de Mme M., renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'etat, de condamner l Etat à verser à Me Bohner la somme de 1 000 euros ; D E C I D E : Article 1 : La décision du 30 septembre 2016 par laquelle le préfet du Haut-Rhin a refusé de délivrer un titre de séjour à Mme M. est annulée. Article 2 : Il est enjoint au préfet du Haut-Rhin de délivrer à Mme M. une carte de résident dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent jugement. Article 3 : L Etat versera la somme de 1 000 euros (mille euros) à Me Bohner, en application des dispositions de l article L. 761-1 du code de justice administrative et de l article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l aide juridique, sous réserve que Me Bohner renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l Etat au titre de l aide juridictionnelle. Article 4 : Le présent jugement sera notifié à Mme Théodora T. épouse M. et au préfet du Haut- Rhin. Copie en sera adressée au ministre de l intérieur et au procureur de la République près le tribunal de grande instance de Colmar. Délibéré après l audience du 16 mai 2017, à laquelle siégeaient :
N 1606298 5 Mme Catherine Fischer-Hirtz, président, M. Christophe Michel, premier conseiller, M. Victor Vitale, conseiller. Lu en audience publique, le 30 mai 2017. Le rapporteur, Le président, C. MICHEL C. FISCHER-HIRTZ Le greffier, S. PILLET La République mande et ordonne au préfet du Haut-Rhin en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision. Strasbourg, le Le greffier,