CINQUIÈME SECTION DÉCISION

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Transcription:

CINQUIÈME SECTION DÉCISION Requête n o 27338/11 Christian GRAY contre la France La Cour européenne des droits de l homme (cinquième section), siégeant le 3 septembre 2013 en une Chambre composée de : Mark Villiger, président, Angelika Nußberger, Boštjan M. Zupančič, Ganna Yudkivska, André Potocki, Paul Lemmens, Aleš Pejchal, juges, et de Claudia Westerdiek, greffière de section, Vu la requête susmentionnée introduite le 30 mars 2011, Après en avoir délibéré, rend la décision suivante : EN FAIT 1. Le requérant, M. Christian Gray, est un ressortissant britannique né en 1953 et résidant à Monaco. Il a été représenté devant la Cour par M e P. Depret, avocat à Beausoleil. A. Les circonstances de l espèce 2. Les faits de la cause, tels qu ils ont été exposés par le requérant, peuvent se résumer comme suit. 3. Jusqu au 28 février 1997, le requérant fut président directeur général de la société anonyme D. A cette date, il démissionna de ce poste et signa une clause de garantie l engageant à «indemniser, défendre et dégager la

2 DÉCISION GRAY c. FRANCE responsabilité de D. (...) en cas de revendications, prétentions, actions en dommages et intérêts ou autres, responsabilités, coûts et frais que D. (...) peut encourir en relation avec les opérations de l activité diversifiée Fruits». 1. La procédure en France 4. Le 2 avril 2001, le tribunal de commerce de Paris condamna la S.A. D. à payer à la société W. une somme de 19 665,82 euros (EUR). 5. Le 14 septembre 2005, la cour d appel de Paris confirma la condamnation de la société anonyme D., devenue C., au paiement de 19 665,82 EUR, avec intérêts au taux légal à compter du 28 février 2000, et la condamna également, in solidum avec M e S., en qualité de liquidateur de la SARL G. & Cie, à verser à la société W. la somme de 492 188 EUR, avec intérêts à compter du 29 décembre 1998, à titre d indemnité de préavis à la suite d une rupture brutale des relations contractuelles. La cour d appel condamna enfin le requérant à garantir la société C., des condamnations prononcées à son encontre au titre de l indemnité de préavis et des dépens. 6. Le 19 mars 2007, le requérant se pourvut en cassation. 7. Le 27 mars 2008, sur requête de la société C., le conseiller délégué par le premier président de la Cour de cassation rendit une ordonnance radiant du rôle l affaire inscrite à la suite de la déclaration de pourvoi formée par le requérant, en application de l article 1009-1 du code de procédure civile. Ce magistrat jugea qu il ressortait des documents versés par l intéressé que celui-ci ne justifiait d aucune diligence propre à faire conclure à sa volonté de déférer à la décision attaquée et ne démontrait ni une impossibilité d exécution ni une situation de fait personnelle de nature à faire craindre ou présumer des conséquences manifestement excessives en cas d exécution. 8. Le 1 er avril 2010, le requérant demanda la réinscription de l instance au rôle de la Cour de cassation. 9. Le 30 septembre 2010, le conseiller délégué rejeta cette requête, au motif que l argumentation développée était étrangère aux exigences posées par l article 1009-3 du code de procédure civile, aux termes duquel la réinscription de l affaire au rôle de la Cour de cassation est accordée sur justification de l exécution de la décision attaquée. 2. La procédure à Monaco 10. Le 21 décembre 2006, en vertu d une ordonnance du président du tribunal de première instance de Monaco du 19 décembre 2006, la société C. régularisa une saisie-arrêt à l encontre du requérant, bloquant les sommes détenues auprès d un établissement bancaire monégasque. La banque indiqua détenir au nom de l intéressé un compte à vue, ainsi qu un compte à

DÉCISION GRAY c. FRANCE 3 terme à préavis, pour un total créditeur de 543 062,37 EUR, après déduction d un encours de factures de sa carte Visa pour une valeur de 8 907,94 EUR. 11. Le 29 mai 2008, le tribunal de première instance débouta la société C. de sa demande d exequatur de l arrêt de la cour d appel de Paris du 14 septembre 2005. Le 28 juillet 2008, la société C. releva appel de cette décision. 12. Le 28 avril 2009, par trois arrêts distincts, la cour d appel de Monaco confirma le jugement du 29 mai 2008, débouta la société C. de sa demande de validité de la saisie-arrêt du 21 septembre 2006, et prononça la mainlevée de cette mesure d exécution. Le 17 juin 2009, la société C. se pourvut en révision contre l arrêt confirmant le rejet de sa demande d exéquatur. 13. Le 25 mai 2009, en vertu d une ordonnance du président de tribunal de première instance de Monaco du 8 mai 2009, la société C. fit procéder à une nouvelle saisie-arrêt à l encontre du requérant, accompagnée d une assignation au fond en validité de celle-ci, auprès du même établissement bancaire. Ce dernier indiqua détenir une somme de 547 364,45 EUR faisant l objet d une précédente saisie-arrêt à hauteur de 50 000 EUR, suivant ordonnance du président du tribunal de première instance de Monaco en date du 4 mai 2007, signifiée le 7 mai 2007. 14. Le 19 mars 2010, la Cour de révision déclara irrecevable le pourvoi formé le 17 juin 2009 par la société C. B. Le droit interne pertinent 15. Les dispositions pertinentes du code de procédure civile se lisent comme suit : Article 386 «L instance est périmée lorsque aucune des parties n accomplit de diligences pendant deux ans». Article 1009-1 «Hors les matières où le pourvoi empêche l exécution de la décision attaquée, le premier président ou son délégué décide, à la demande du défendeur et après avoir recueilli l avis du procureur général et les observations des parties, le retrait du rôle d une affaire lorsque le demandeur ne justifie pas avoir exécuté la décision frappée de pourvoi, à moins qu il ne lui apparaisse que l exécution serait de nature à entraîner des conséquences manifestement excessives. La demande du défendeur doit, à peine d irrecevabilité prononcée d office, être présentée avant l expiration des délais prescrits aux articles 982 et 991. La décision de retrait du rôle n emporte pas suspension des délais impartis au demandeur au pourvoi par les articles 978 et 989.» Article 1009-2 «Le délai de péremption court à compter de la notification de la décision ordonnant le retrait du rôle. Il est interrompu par un acte manifestant sans équivoque la volonté d exécuter.»

4 DÉCISION GRAY c. FRANCE Article 1009-3 «Le premier président ou son délégué autorise, sauf s il constate la péremption, la réinscription de l affaire au rôle de la cour sur justification de l exécution de la décision attaquée. Les délais impartis au défendeur par les articles 982 et 991 courent à compter de la notification de la réinscription de l affaire au rôle.» GRIEF 16. Invoquant l article 6 de la Convention, le requérant allègue que l ordonnance du 30 septembre 2010, refusant de remettre son pourvoi au rôle de la Cour de cassation dont il avait été radié par ordonnance du 27 mars 2008, a constitué une entrave disproportionnée à son droit d accès à cette juridiction. Il estime que cette décision n a pas tenu compte de l insuffisance de ses ressources financières et juge ses conséquences manifestement excessives. Il fait valoir que les sommes faisant l objet de saisies-arrêts étaient indisponibles et qu il n en détenait pas d autres pour exécuter la condamnation de la cour d appel. Il indique également ne pas pouvoir travailler et ne bénéficier d aucune indemnisation. Il verse à cet égard divers certificats constatant chez lui un état dépressif, un courrier de l Assedic de l Ouest francilien, daté du 31 décembre 2003, rejetant sa demande d allocation d aide au retour à l emploi, ainsi que plusieurs attestations d employeurs indiquant avoir rejeté sa candidature à un poste dans leur entreprise. EN DROIT 17. Le requérant se plaint d une violation de son droit d accès à la Cour de cassation, en raison du refus de réinscription de son pourvoi au rôle, dont il avait été radié par application de l article 1009-1 du code de procédure civile. Il invoque l article 6 1 de la Convention dont les dispositions pertinentes se lisent comme suit : «Toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement (...) par un tribunal (...) qui décidera (...) des contestations sur ses droits et obligations de caractère civil (...)» 18. La Cour rappelle tout d abord qu elle a déjà examiné la question de savoir si une mesure de retrait prononcée en application de l article 1009-1 du code de procédure civile était susceptible de restreindre l accès à un tribunal ouvert à un individu d une manière ou à un point tel que le droit s en trouve atteint dans sa substance même, dans l affaire Annoni di Gussola et autres c. France (n os 31819/96 et 33293/96, 53,

DÉCISION GRAY c. FRANCE 5 CEDH 2000-XI). Dans cet arrêt, après avoir jugé légitimes les buts poursuivis par l obligation d exécution visée à l article 1009-1 précité ( 50), la Cour a apprécié, à la lumière des «conséquences manifestement excessives» dégagées par le premier président de la Cour de cassation, si les mesures de retrait s analysaient en une entrave proportionnée au droit d accès à cette juridiction. À cet égard, elle a retenu les situations matérielles respectives des requérants, le montant des condamnations et l effectivité de leur examen par le premier président dans son appréciation des possibilités d exécution de l arrêt frappé de pourvoi. 19. Si, dans l arrêt précité, la Cour a noté de façon évidente qu aucun début d exécution n était envisageable de la part des intéressés, il lui appartient maintenant, dans le cas d espèce, de rechercher si le requérant se trouvait dans une situation telle qu elle excluait l exécution de la condamnation financière mise à sa charge. Cet examen ne doit pas se limiter au moment de la demande de retrait du pourvoi, mais s étendre également à toute l instance (Pages c. France, n o 50343/99, 31, 25 septembre 2003). 20. A cet égard, la Cour observe d emblée qu il ressort de l ordonnance du 27 mars 2008 radiant l instance du rôle de la Cour de cassation, que le requérant n a pas démontré au conseiller délégué par le premier président de cette juridiction qu il lui était impossible d exécuter la décision de la cour d appel ou qu une telle exécution risquait d entraîner pour lui des conséquences manifestement excessives au vu de sa situation personnelle. Elle note au demeurant que les pièces produites devant elle ne permettent pas d avantage d évaluer l état des ressources de l intéressé ou l étendue réelle de son patrimoine. 21. La Cour observe par ailleurs que le requérant n invoque pas avoir été bénéficiaire de l aide juridictionnelle. Elle relève également qu il disposait d un patrimoine conséquent, constitué a minima par les sommes détenues sur le compte ayant fait l objet des saisies-arrêts successives. Sur ce point, la Cour note que si une saisie-arrêt avait été signifiée à l établissement bancaire concerné, le 7 mai 2007, à l initiative d un tiers étranger à la procédure litigieuse, celle-ci ne portait que sur une partie des valeurs détenues au nom de l intéressé (voir paragraphe 13 ci-dessus). S agissant des autres saisies-arrêts effectuées sur ce compte, la Cour constate que, leur bénéficiaire n étant autre que la partie défenderesse au pourvoi, elles ne constituaient pas un obstacle à l exécution de la décision attaquée par le requérant. Partant, compte tenu de sa situation financière, ce dernier ne se trouvait pas dans l impossibilité d exécuter la condamnation mise à sa charge, ce qui a pu conduire le délégué du premier président de la Cour de cassation, dans un premier temps, à juger que le requérant ne justifiait d aucune diligence propre à faire conclure à sa volonté de déférer à la décision des juges du fond, ni d une impossibilité à le faire, puis, après cette radiation, à rejeter la demande de réinscription au rôle, en l absence d exécution.

6 DÉCISION GRAY c. FRANCE 22. En conséquence, au vu de ce qui précède, la Cour considère que la décision de retrait du pourvoi du requérant du rôle de la Cour de cassation, ainsi que l ordonnance refusant de l y réinscrire, n ont pas constitué une mesure disproportionnée au regard du but visé et que l accès effectif de l intéressé à cette juridiction ne s en est pas trouvé entravé au point de porter atteinte à la substance même de son droit à un tribunal. 23. En conclusion, il s ensuit que la requête doit être rejetée comme étant manifestement mal fondée, par application de l article 35 3 (a) et 4 de la Convention. Par ces motifs, la Cour, à l unanimité, Déclare la requête irrecevable. Claudia Westerdiek Greffière Mark Villiger Président