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AMNESTY INTERNATIONAL Index AI : IOR 40/12/98 ÉFAI DOCUMENT PUBLIC Londres, mai 1998 LA COUR CRIMINELLE INTERNATIONALE Seize principes fondamentaux pour instaurer une cour criminelle internationale juste, équitable et efficace Plus d un demi-siècle après la fin des procès de Nuremberg et de Tokyo, on n a guère vu les ministères publics et autres instances judiciaires nationales traduire en justice les auteurs de crimes de génocide, autres crimes contre l humanité et violations graves du droit humanitaire. La communauté internationale a donc été amenée à reconnaître la nécessité d une cour permanente internationale venant compléter les juridictions pénales nationales, qui enquêterait sur ces trois crimes d une importance centrale et intenterait des poursuites lorsque les ministères publics nationaux ne peuvent ou ne veulent le faire, tout en servant de modèle de justice internationale et de catalyseur pour inciter les ministères publics et les tribunaux nationaux à assumer leur responsabilité fondamentale : traduire en justice les auteurs de tels crimes. Le 15 juin 1998, les gouvernements du monde entier se réuniront à Rome pour une conférence diplomatique de cinq semaines qui doit adopter le statut d une future cour criminelle internationale permanente. Pour que cette cour soit juste, équitable et efficace, certains principes fondamentaux doivent se trouver reflétés dans son statut, ses règles et sa pratique. Cette cour pourrait prendre diverses formes, en s appuyant sur l exemple de nombreux systèmes de justice pénale, mais quelles que soient les solutions adoptées, elles devront être conformes aux 16 principes fondamentaux énoncés ci-dessous.

Bien que ces 16 principes soient issus en grande partie d un travail d élaboration mené par des ONG et des gouvernements africains, ils reflètent des principes qui ont été inscrits dans les déclarations d un nombre croissant de gouvernements, d OIG, d ONG et d experts indépendants de toutes les régions du monde. De fait, nombre de ces principes ont été énoncés sous une forme ou sous une autre dans des déclarations de la Communauté des Caraïbes, de l Assemblée parlementaire du Conseil de l Europe, dans la déclaration de Dakar sur la création de la cour criminelle internationale (adoptée par 25 gouvernements africains ainsi que par des ONG africaines et internationales, le 6 février 1998), dans des textes émanant du Parlement européen, de la Ligue des États arabes, du groupe de Rio (composé d États latino-américains) et de la Communauté de développement de l Afrique australe. Si chacun des principes suivants se trouve clairement reflété dans le statut, les règles et la pratique de la cour, celle-ci pourra compléter efficacement les systèmes nationaux de justice pénale. Mais si l un de ces principes devait être négligé, la cour risquerait de n être qu un remède illusoire et même de faire reculer la cause de la primauté du droit et la justice internationale. Amnesty International fait siens sans aucune réserve tous les principes suivants et appelle tous les gouvernements du monde à s engager publiquement afin que la conférence diplomatique inscrive l ensemble de ces principes, dans leur intégralité, dans le statut de la cour criminelle internationale permanente. Aucun gouvernement souhaitant sérieusement que soit instaurée une cour efficace et indépendante ne devrait pouvoir refuser cet engagement. Seize principes fondamentaux pour instaurer une cour criminelle internationale juste, équitable et efficace 1. La cour devrait être compétente en matière de crime de génocide. Le statut devrait préciser que la cour est compétente pour juger ce crime tel qu il est défini dans la Convention de 1948 sur la prévention et la répression du crime de génocide, en temps de paix comme en temps de conflit armé. 2. La cour devrait être compétente en matière d'autres crimes contre l'humanité. La cour devrait être compétente en matière d'autres crimes contre l'humanité, à savoir les crimes suivants quand ils ont été commis de manière systématique ou à grande échelle (il ne devrait pas être impératif que ces crimes aient été à la fois systématiques et de grande ampleur) : meurtre ; extermination ; disparitions forcées de personnes ; torture ; viol, prostitution forcée et autres violences sexuelles ; expulsion arbitraire hors des frontières nationales et transfert forcé de populations au sein des frontières nationales ; détention arbitraire ; esclavage ; persécutions pour des motifs politiques, raciaux, religieux ou autres ; et autres actes inhumains. La cour devrait être compétente pour connaître de ces crimes, qu ils aient été commis en temps de paix ou en temps de conflit armé. 2

3. La cour devrait être compétente en matière de violations graves du droit humanitaire commises dans le cadre de conflits armés internationaux ou non internationaux. La cour devrait être compétente en matière de violations graves du droit humanitaire commises dans le cadre de conflits armés internationaux, à savoir : toute infraction grave aux Conventions de Genève de 1949, toute infraction ou tout non-respect des garanties fondamentales du Protocole I additionnel aux Conventions de Genève, et toute violation de la Convention de la Haye concernant les lois et coutumes de la guerre sur terre. La cour devrait également être compétente en matière de violations graves du droit humanitaire commises dans le cadre de conflits armés non internationaux, à savoir les violations de l article 3 commun aux Conventions de Genève et du Protocole II additionnel aux Conventions de Genève. Aucun seuil ne devrait être déterminé ; il ne devrait notamment pas être requis que les violations du droit humanitaire dans l un ou l autre des types de conflit fassent partie d un plan, d une politique délibérée ou soient associées à l exécution massive de tels crimes. De la même manière, aucun seuil ne devrait être établi pour les violations de l article 3 commun aux Conventions de Genève. 4. La cour doit garantir la justice pour les femmes. Le statut devrait rendre la cour compétente pour le viol, la prostitution forcée et autres violences sexuelles en tant que crimes contre l humanité, lorsque ces actes sont commis de manière systématique et à grande échelle, et en tant que violations graves du droit humanitaire dans les situations de conflit armé international et non international. Le représentant du ministère public doit enquêter sur ces crimes et sur d autres crimes commis contre les femmes, et tout le personnel de toutes les composantes de la cour doit recevoir une formation adaptée à leur rôle dans la procédure d enquête et les poursuites concernant les crimes commis contre les femmes. La cour doit être à même de prendre des mesures pour protéger les femmes victimes et leur famille contre des représailles ou toute angoisse inutile qu elles pourraient avoir à subir au cours d un procès public, sans porter préjudice au droit des suspects et des accusés à un procès équitable. Le statut doit également encourager la sélection de femmes dans l optique d établir un équilibre entre les sexes dans toutes les composantes de la cour. 5. La cour doit avoir une compétence inhérente (automatique). Le statut doit prévoir qu en ratifiant le statut ou en y adhérant, tous les États reconnaissent à la cour une compétence inhérente (c est-à-dire automatique) sur les trois crimes fondamentaux de génocide, autres crimes contre l humanité et violations graves du droit humanitaire. Aucun autre consentement des États ne doit être requis. Puisqu une telle compétence inhérente est concurrente à celle des États, la cour n exercera sa compétence que lorsque les États ne peuvent ou ne veulent l exercer. 6. La cour doit avoir la même compétence universelle que n'importe lequel de ses États parties pour ce type de crimes. Aux termes du droit international, chacun de ces trois crimes génocide, autres crimes contre l humanité et violations graves du droit humanitaire sont des crimes de compétence universelle. Cela signifie que tout État peut exercer sa compétence sur une personne soupçonnée d avoir commis l un de ces crimes, et traduire en justice quiconque a commis ces crimes quel que soit l endroit où ce crime a été commis. Si la cour doit compléter efficacement les tribunaux nationaux et non être inférieure en force à ces derniers, elle doit avoir la même compétence universelle sur ces crimes que n importe lequel de ses États parties. 7. La cour doit, en toute circonstance, pouvoir déterminer si elle est compétente et si elle peut exercer sa compétence sans ingérence politique quelle qu elle soit. Si la cour doit suppléer efficacement les tribunaux nationaux lorsqu ils ne peuvent ou ne veulent traduire en justice les responsables de ces crimes, elle doit être en mesure de déceler les cas où ils ne peuvent ou ne veulent le faire. Sinon, la cour sera à la merci d États qui ne veulent ou ne peuvent traduire en justice les auteurs des pires crimes qui soient, et qui ne souhaitent pas non plus que d autres tribunaux que les leurs s en chargent. 8. La cour devrait suppléer efficacement les tribunaux nationaux lorsque ces derniers ne peuvent ou ne veulent traduire en justice les responsables 3

de ces crimes graves. Toutes les dispositions du statut envisagé doivent être mesurées à l aune de l efficacité de la cour. Nombre de propositions des États rendraient la cour moins efficace que les tribunaux nationaux des États parties. 9. Un procureur indépendant devrait pouvoir ouvrir des enquêtes de sa propre initiative, sur la base d'informations provenant de n'importe quelle source, à la seule condition qu'un examen judiciaire approprié soit entrepris, et pouvoir présenter à la cour, pour approbation, des mandats de perquisition et d'arrestation et des mises en accusation. Il s agit là de la seule méthode véritablement efficace pour que toutes les affaires qui devraient être soumises à la cour le soient effectivement. Un procureur indépendant devrait pouvoir ouvrir des enquêtes de sa propre initiative sur tout crime relevant de la compétence de la cour, sur la base d'informations provenant de n'importe quelle source, et pouvoir présenter à la cour, pour approbation, des mandats de perquisition et d'arrestation, et des mises en accusation. Le procureur des tribunaux pénaux internationaux pour l ex-yougoslavie et le Rwanda (tribunaux pour l ex-yougoslavie et le Rwanda) peut, de sa propre initiative, ouvrir des enquêtes sur tout crime relevant de la compétence du tribunal et présenter pour approbation des mises en accusation, sans que le Conseil de sécurité ou des États ne puissent au préalable se livrer à une sélection ou à une ingérence, encore que les États soient libres de demander un contrôle juridictionnel des décisions de justice. Il est avantageux de permettre au Conseil de sécurité de transmettre les affaires impliquant des menaces contre la paix et la sécurité internationales ou des violations de celles-ci au procureur pour investigation, conformément au chapitre VII de la Charte des Nations unies, car les demandes et décisions de la cour bénéficieront alors de la force exécutoire du chapitre VII de la Charte, mais les renvois et plaintes des États ne devront que suppléer d autres sources pour le procureur. Le Conseil de sécurité tout comme les États sont des entités politiques et ils jugeront par conséquent les situations en fonction de facteurs politiques et non juridiques. De plus, ni les uns ni les autres ne soumettront vraisemblablement beaucoup de situations. Le Conseil de sécurité n a mis en place que deux tribunaux ad hoc en plus d un demi-siècle, et il est rare que des États portent plainte contre d autres États en ayant recours aux mécanismes prévus précisément à cet effet par les traités internationaux. 10. Aucun organe politique, pas même le Conseil de sécurité ni les États, ne doit pouvoir faire cesser ou même retarder une enquête ou des poursuites, quelles que soient les circonstances. Aucun motif légitime ne permet, que l on se réfère au droit international ou à la moralité, de faire obstruction à la justice en faisant cesser ou en retardant des enquêtes sur le crime de génocide, d autres crimes contre l humanité ou des violations graves du droit humanitaire. En fait, tous les États sont dans l obligation de réprimer ces crimes. La justice ne doit jamais être l enjeu de marchandages lors de négociations de paix. Par conséquent, aucune amnistie ni aucune grâce à l échelon national, eût-elle barré la route à la justice et empêché la vérité d émerger, ne peuvent empêcher la cour internationale de traduire en justice les auteurs de ces crimes. Le Conseil de sécurité n a jamais cherché à empêcher la Cour internationale de justice ou les tribunaux nationaux de juger certaines affaires impliquant des situations auxquelles il s intéressait en vertu des pouvoirs que lui confère le chapitre VII à l égard des menaces contre la paix et la sécurité internationales ou des violations de celles-ci. Tout retard dans les enquêtes appauvrit les souvenirs des témoins et facilite la destruction d éléments de preuve et l intimidation des témoins. 11. Pour veiller à ce que justice soit faite, la cour doit mettre en place des programmes efficaces de protection des victimes et des témoins, et requérir à cet effet l'assistance de tous les États parties, sans porter atteinte aux droits des suspects et des accusés. La cour, en étroite collaboration avec les États, doit être à même de prendre certaines mesures de sécurité pour protéger les témoins, les victimes et leurs familles contre les représailles. Ces mesures ne doivent pas porter atteinte aux droits des suspects et des accusés. 4

12. La cour doit être compétente pour accorder réparation aux victimes et à leurs familles, notamment sous forme de restitution, d'indemnisation et de réadaptation. Comme le reconnaissent de nombreux instruments internationaux, entre autres la Déclaration des principes fondamentaux de justice relatifs aux victimes de la criminalité et aux victimes d abus de pouvoir (ONU, 1948), les victimes de graves violations des droits humains et leur famille ont droit à des réparations, notamment sous forme de restitution, d'indemnisation et de réadaptation. La cour elle-même sera habilitée à accorder de telles réparations puisqu il est peu probable que les tribunaux nationaux, qui n ont pas pu ou pas voulu traduire les responsables en justice, puissent ou veuillent accorder des réparations ou faire appliquer la décision de réparation. 13. Le statut doit garantir aux suspects et aux accusés le droit à un procès équitable, conformément aux normes internationales les plus rigoureuses en la matière, et ce à tous les stades de la procédure. Pour que la cour soit efficace, en particulier dans les situations où se produisent ces crimes, la justice ne doit pas seulement être rendue, mais tous doivent voir qu elle est rendue. C est pourquoi la cour doit se montrer scrupuleuse dans le respect des normes internationales d équité les plus rigoureuses en la matière. Ces normes sont définies entre autres par les articles 9, 10 et 11 de la Déclaration universelle des droits de l homme, par les articles 9, 14 et 15 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques, et par les textes suivants adoptés par les Nations unies : Ensemble de règles minima pour le traitement des détenus ; Ensemble de principes pour la protection de toutes les personnes soumises à une forme quelconque de détention ou d'emprisonnement ; articles 7 et 15 de la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants ; Principes fondamentaux relatifs à l'indépendance de la magistrature ; Principes de base sur le rôle du Barreau ; Principes directeurs applicables au rôle des magistrats du Parquet. 14. Tous les États parties, y compris leurs tribunaux et leurs représentants, doivent coopérer pleinement et sans retard avec la cour à tous les stades de la procédure. De même que les deux tribunaux ad hoc pour l ex-yougoslavie et le Rwanda, la cour sera largement tributaire de la coopération des États, qu il s agisse de mesures librement consenties telles que des visites sur le terrain et des entretiens avec des témoins, ou de procédures obligatoires, par exemple en cas de perquisition, pour obliger quelqu un à témoigner et à produire des documents, ou pour arrêter et transférer des personnes. Par conséquent, tous les États parties doivent coopérer avec la cour et se conformer à ses décisions de la même manière que le pouvoir exécutif coopère avec les tribunaux nationaux et se conforme à leurs décisions. Pour que la cour ne soit pas mise en échec avant de commencer, la coopération doit être entière pendant la période qui précède le moment où la cour détermine si les faits sont de sa compétence et si elle va l exercer. Les États ne peuvent refuser d obéir à des décisions de justice ou à des demandes d information ou de transfert de personnes à la cour pour aucun des motifs habituels de refus dans la coopération entre États. La cour doit être habilitée à déterminer si un État s est réellement conformé aux requêtes et décisions de justice, et c est elle qui doit déterminer si un État ou un particulier peuvent être dispensés de se conformer à une décision ou à une requête. 15. La cour devrait être financée par le budget ordinaire de l'onu, complété, sous réserve de garanties suffisantes pour son indépendance, par le budget du maintien de la paix et par un fonds de contributions volontaires. L expérience des deux tribunaux ad hoc pour l ex-yougoslavie et le Rwanda montre qu une cour internationale doit disposer de ressources financières, humaines et techniques stables et suffisantes pour pouvoir fonctionner efficacement. L indépendance de la cour ne devrait pas être compromise par son mode de financement. Malgré les difficultés actuelles, la meilleure méthode, à long terme, pour financer la cour de façon régulière et sûre, est de passer par le budget ordinaire de l ONU, complété par le budget du maintien de la paix et un fonds de contributions volontaires, à condition qu existent des garanties suffisantes pour l indépendance de la cour. La cour ne doit pas être financée par les États parties ou les États requérants, car cela découragerait les ratifications, paralyserait la cour dès sa création si quelques États riches n en ratifiaient pas le statut, se révélerait peu fiable à long terme et conduirait à la domination des États riches. 5

16. Aucune réserve ne devrait être émise à l'égard du statut. Le statut doit expressément interdire toute réserve. Autoriser des réserves irait à l encontre du but et des objectifs du statut traduire en justice les auteurs des pires crimes qui soient en permettant aux États parties de redéfinir ces crimes, d ajouter des défenses non conformes au droit international, ou de se soustraire à leur obligation de coopérer avec la cour. Cela conduirait également à un système impraticable dans lequel chaque État aurait accepté des obligations différentes à la place d engagements internationaux communs. Ce que vous pouvez faire : Envoyez ce document au chef de votre gouvernement et au ministre des Affaires étrangères. Demandez-leur de s engager publiquement à faire en sorte que chacun de ces 16 principes se reflète réellement dans le statut de la cour criminelle internationale. Envoyez ce document aux membres du Parlement ; demandez que le Parlement adopte une résolution appelant la délégation gouvernementale qui se rendra à la conférence de Rome à faire en sorte que chacun de ces 16 principes se reflète réellement dans le statut de la cour criminelle internationale. Envoyez ce document à des rédacteurs en chef et à des journalistes pour les informer de la position d Amnesty International et leur demander de faire état de la mise en œuvre de ces principes par le gouvernement. La version originale en langue anglaise de ce document a été publiée par Amnesty International, Secrétariat international, 1 Easton Street, Londres WC1X 8DJ, Royaume-Uni, sous le titre The International Criminal Court: 16 Fundamental Principles for a Just, Fair and Effective International Criminal Court. Seule la version anglaise fait foi. La version française a été traduite et diffusée aux sections francophones et au Secrétariat international par LES ÉDITIONS FRANCOPHONES D'AMNESTY INTERNATIONAL - ÉFAI - juin 1998. Pour toute information complémentaire veuillez vous adresser à : 6