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TRIBUNAL ADMINISTRATIF DE VERSAILLES yj N 1601148 M. X Mme Florent Magistrat désigné Jugement du 19 février 2016 RÉPUBLIQUE FRANÇAISE AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS Le Tribunal administratif de Versailles Le magistrat désigné 335-03 Vu la procédure suivante : Par une requête et un mémoire complémentaire enregistrés les 17 et 18 février 2016, M. X, retenu au centre de rétention de Palaiseau (91120), représenté par Me de Clerck, demande au tribunal : 1 ) d annuler l arrêté du 17 février 2016 par lequel le préfet de l Essonne a décidé son placement en rétention administrative pour une durée de cinq jours ; 2 ) d enjoindre au préfet de l Essonne de lui délivrer dès notification du jugement à intervenir une autorisation provisoire de séjour, sous astreinte de 152,45 euros par jour de retard et de procéder au réexamen de sa situation. Il soutient que l arrêté attaqué : - a été signé par une autorité incompétente ; - est insuffisamment motivé ; - est illégal en ce qu il se fonde sur un arrêté d expulsion du 18 novembre 2015 luimême entaché d illégalité pour des motifs qui seront développés à l audience ; - est contraire aux articles 3 et 13 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l homme et des libertés fondamentales en ce qu il le prive de la possibilité d un recours suspensif contre la décision de l office français de protection des réfugiés et apatrides lui retirant son statut de réfugié ; - est entaché d un défaut de base légale dès lors que le critère de menace à l ordre public sur lequel il se fonde ne fait pas partie des critères prévus par la loi pouvant justifier une décision de placement en rétention ; - est entaché d une erreur d appréciation dès lors qu il présente des garanties de représentation suffisantes pour une assignation à résidence.

N 1601148 2 Par un mémoire en défense enregistré le 19 février 2016, le préfet de l Essonne conclut au rejet de la requête en faisant valoir qu aucun des moyens contenus dans la requête n est fondé. Vu les autres pièces du dossier ; Vu : - la convention européenne de sauvegarde des droits de l homme et des libertés fondamentales ; - le code de l entrée et du séjour des étrangers et du droit d asile ; - le code de justice administrative ; Le président du tribunal a désigné Mme Florent en application de l article R. 776-15 du code de justice administrative ; Les parties ont été régulièrement averties du jour de l audience ; Après avoir, au cours de l audience publique du 19 février 2016, présenté son rapport, et entendu : - les observations de Me de Clerck, représentant M. X assisté de Mme Y, interprète, qui persiste dans ses précédentes écritures et demande en outre l annulation de l arrêté du 18 février 2016 par lequel le préfet de l Essonne a fixé le pays à destination duquel il sera reconduit ; il soutient par ailleurs que l arrêté d expulsion du 18 novembre 2015 a été pris en méconnaissance de l article L. 521-1 du code de l entrée et du séjour des étrangers et du droit d asile dès lors qu il n a fait l objet que d une condamnation à quinze mois d emprisonnement, au demeurant ramenée le 13 janvier 2016 à dix mois sur décision de la Cour d appel, élément dont le préfet ne fait pas état dans son arrêté, entachant par suite celuici d une erreur de fait ; que les signalements énoncés dans l arrêté d expulsion n ont donné lieu à aucune poursuite et sont trop anciens pour considérer qu il présente une menace grave pour l ordre public ; qu enfin, les faits avancés par le préfet selon lesquels il serait engagé dans les rangs de Daesh ne sont aucunement établis ; qu en effet, s il ne conteste pas avoir été en contact avec des compatriotes qui se sont ensuite engagés en Syrie, il réfute en revanche totalement avoir été en contact avec eux en vue de la participation à une entreprise terroriste ; qu ainsi, les seuls contacts qu il a eu avec ces deux compatriotes et sa présence momentanée en Turquie fin 2014 pour des motifs liés à sa rencontre avec une jeune femme sont insuffisants pour justifier son expulsion ; que l arrêté du 18 novembre 2015 méconnaît encore l article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l homme et des libertés fondamentales dans la mesure où il est arrivé en France à l âge de 14 ans et y a l intégralité de ses attaches puisque sa mère et sa fratrie vivent sur le territoire français sous le statut de réfugié et que son père est décédé en 1995 lors d une opération des forces de sécurité russes ; que l arrêté de placement en rétention est par ailleurs entaché d une erreur d appréciation dans la mesure où il n a jamais utilisé d alias, que sa carte de résident a été saisie lors de son arrestation en mai 2015 et que l administration connaît en conséquence parfaitement son identité ; qu il était domicilié chez sa mère avant son incarcération et que celle-ci est venue le voir régulièrement à la maison d arrêt lorsqu elle a pu enfin obtenir un permis de visite ; qu enfin, le préfet ne pouvait, sans méconnaître les dispositions de l article L. 554-1 du code de l entrée et du séjour des étrangers et du droit d asile ainsi que les articles 3 et 13 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l homme et des libertés fondamentales, le placer en rétention et fixer la Fédération de Russie comme pays de renvoi ; qu ainsi qu en atteste notamment l appel pendant devant la Cour nationale du droit d asile qu il a formé

N 1601148 3 contre la décision de l'office français de protection des réfugiés et apatrides lui retirant le statut de réfugié dont il bénéficiait jusqu alors, il est établi qu il craint pour sa sécurité en cas de retour dans son pays d origine ; qu à cet égard, il convient de préciser que la Cour nationale du droit d asile a reconnu en 2011 qu il avait été victime de menaces personnelles de la part des autorités russes ; qu il ne peut donc être considéré qu il s est vu accorder le statut de réfugié uniquement au titre de l unité de famille ; que le passeport russe qu il avait à son arrivée en Pologne était par ailleurs un faux acheté en Turquie ; qu il n a donc jamais fait acte d allégeance auprès des autorités russes, ce qu il entend prouver devant la Cour nationale du droit d asile ; que par ailleurs, les risques qu il encourt en cas de retour en Fédération de Russie sont toujours réels dans la mesure où sa famille a été reconnue comme étant opposée au régime et que les persécutions dont sont victimes de tels opposants, même présumés, sont unanimement dénoncées par les organisations internationales et les associations de défense des droits de l homme ; - les observations M. X qui, en réponse aux questions qui lui ont été posées sur les motifs de son voyage en Turquie et la détention d un passeport russe à son arrivée en Pologne, a développé un récit corroborant les dires de son avocat ; - le préfet de l Essonne n étant ni présent, ni représenté ; 1. Considérant que M. X, ressortissant russe d origine tchéchène né le, demande au tribunal l annulation des arrêtés des 17 et18 février 2016 par lesquels le préfet de l Essonne a décidé son placement en rétention administrative pour une durée de cinq jours et a fixé le pays à destination duquel il sera reconduit pour l exécution d un arrêté d expulsion pris à son encontre le 18 novembre 2015 ; Sur les conclusions à fin d annulation : 2. Considérant qu aux termes de l article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l homme et des libertés fondamentales : ««1 ) Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2 ) Il ne peut y avoir ingérence d une autorité publique dans l exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d autrui» et qu aux termes de l article L. 521-1 du code de l entrée et du séjour des étrangers et du droit d asile : «Sous réserve des dispositions des articles L. 521-2, L. 521-3 et L. 521-4, l'expulsion peut être prononcée si la présence en France d'un étranger constitue une menace grave pour l'ordre public.» ; 3. Considérant qu il ressort des pièces du dossier que M. X a été condamné le 10 décembre 2013 par le tribunal correctionnel de Nice à quinze mois d emprisonnement pour «filouterie de carburant ou de lubrifiant, usage de fausse plaque ou de fausse inscription apposée sur un véhicule à moteur ou remorque, menace de crime ou délit contre les personnes ou les biens à l encontre d un dépositaire de l autorité publique» ; qu il a par ailleurs fait l objet de deux signalements en 2007 pour «violences en réunion avec arme» et «violences aggravées» ainsi que de trois signalements en 2009 pour «violences et port d arme prohibé», «vols à l étalage» et «conduite sans permis sous l influence de produits stupéfiants» ; qu enfin, le préfet de l Essonne indique dans son arrêté que M. X est connu des services de

N 1601148 4 renseignement français pour ses relations avec la mouvance djihadiste et que la surveillance dont il a fait l objet a permis de confirmer des contacts réguliers avec des individus ayant rallié les rangs de Daesh que le requérant a lui-même rejoint en 2014 en Syrie ; 4. Considérant toutefois que pour étayer les affirmations selon lesquelles M. X serait en relation avec la mouvance djihadiste et aurait rejoint les rangs de Daesh, le préfet de l Essonne s est borné à produire au tribunal un fragment de «note blanche» ne faisant état que de contacts de l intéressé en 2012 et 2013 avec deux individus d origine tchétchène ayant rejoint ultérieurement la Syrie pour combattre dans les rangs de l Etat islamique ; que, bien que détaillé et circonstancié et pouvant à ce titre servir d élément de preuve, force est de constater que ce document est incomplet et ne mentionne aucun élément précis permettant d établir que M. X aurait apporté son soutien à ces individus en vue d une entreprise terroriste, ni même que l intéressé se serait rendu en Syrie ; qu en dépit par ailleurs de la demande faite en ce sens par le tribunal, le préfet n a pas complété sa production en versant au dossier les autres pages de cette «note blanche» ou tout autre élément de preuve permettant d étayer ou de corroborer les informations contenues dans cette note des services de renseignement ; qu enfin le préfet de l Essonne, qui n était ni présent ni représenté à l audience, n a pas répliqué aux arguments de défense du requérant qui nie pour sa part fermement avoir rencontré ces deux compatriotes à des fins terroristes et soutient s être rendu uniquement en Turquie pour des motifs liés à sa rencontre avec une jeune femme, ce que confirme l attestation d un historien d origine Tchétchène et de nationalité française indiquant connaître personnellement la famille X ; que par suite et à défaut de tout autre élément apporté en défense, il y a lieu de considérer que les seules informations contenues dans le fragment de «note blanche» versé par le préfet au dossier, lesquelles avaient au demeurant déjà été considérées comme insuffisantes par la commission d expulsion pour justifier l adoption de l arrêté litigieux lors de sa séance du 13 novembre 2015, ne permettent pas de laisser présumer de façon suffisamment sérieuse la participation de M. X à une entreprise terroriste ; 5. Considérant d autre part qu il ressort des pièces du dossier que le requérant est entré clandestinement en France en novembre 2006 à l âge de 14 ans pour fuir les persécutions dont il faisait l objet avec sa famille de la part des autorités russes ; que ces persécutions, liées aux plaintes réitérées que sa mère avait adressées aux autorités russes suite aux décès de son époux en 1995 lors d une opération des forces de sécurité russes menée dans le cadre de la lutte contre la guérilla tchétchène, ont été jugées fondées par la Cour nationale du droit d asile qui, par décision du 31 mai 2011, a reconnu le statut de réfugié à la mère de M. X en faisant notamment état des mauvais traitements que ce dernier avait subis juste avant le départ de la famille ; que si le statut de réfugié dont bénéficiait le requérant au titre de l unité de famille lui a été retiré le 31 mars 2015 au motif que celui-ci avait été en possession d un passeport russe et n avait pas su convaincre l'office français de protection des réfugiés et apatrides du caractère prétendument faux de ce document d identité, il ressort des pièces du dossier que l appel interjeté par le requérant contre cette décision est actuellement pendant devant la Cour nationale du droit d asile ; qu en outre, plusieurs sources d informations publiques, telles que le rapport de l Organisation suisse d aide aux réfugiés (OSAR) publié en 2013 et intitulé «Tchétchénie : persécution des personnes en contact avec les Moudjahidines» ou encore l étude de l ACAT intitulé «Les multiples visages de la torture, étude du phénomène tortionnaire en Russie» publié la même année font mention des dangers encourus par les membres des familles d anciens combattants ; qu enfin, plusieurs décisions de la Cour européenne des droits de l homme, notamment la décision récente du 9 juillet 2015 R.K c/ France (n 61264/11) indiquent que la situation en République de Tchétchénie ne s est pas

N 1601148 5 stabilisée, des arrestations arbitraires, des disparitions forcées et des enlèvements étant toujours orchestrées par les autorités russes et les forces de Ramzan Kadyrov pour endiguer la rébellion tchétchène ; que dans ces conditions, à défaut d éléments supplémentaires produits permettant d étayer le ralliement de M. X à l Etat islamique, ce dernier, arrivé jeune mineur en France, qui dispose de toutes ses attaches sur le territoire français et encourt un risque personnel sérieux pour sa sécurité en cas de retour en Fédération de Russie, est fondé à soutenir que l arrêté d expulsion, fondé sur une condamnation prononcée en décembre 2013, au demeurant réduite de cinq mois suite à l appel formé par le requérant, des signalements antérieurs de plus de cinq ans à la décision attaquée et n ayant donné lieu à aucune poursuite pénale ainsi que des soupçons de participation à une entreprise terroriste insuffisamment établis, porte une atteinte disproportionnée à son droit au respect de la vie privée et familiale garanti par l article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l homme et des libertés fondamentales ; 6. Considérant qu il résulte de ce qui précède que, sans qu il soit besoin d examiner les autres moyens de la requête, M. X est fondé à exciper de l illégalité de l arrêté d expulsion pris à son encontre le 18 novembre 2015 ; que, par suite, les arrêtés du 17 et du 18 février 2016 plaçant le requérant en rétention administrative et fixant le pays à destination duquel il sera renvoyé en exécution de cet arrêté d expulsion doivent être annulés ; Sur les conclusions à fin d injonction et d astreinte : 7. Considérant que le présent jugement n appelle aucune mesure d exécution ; que, dès lors, les conclusions à fin d injonction et d astreinte présentées par le requérant ne peuvent qu être rejetées ; D E C I D E : Article 1 er : Les arrêtés des 17 et 18 février 2016 portant placement en rétention de M. X et fixant le pays à destination duquel il sera renvoyé sont annulés. Article 2 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté. Article 3 : Le présent jugement sera notifié à M. X et au préfet de l Essonne. Lu en audience publique le 19 février 2016. Le magistrat désigné, Signé J. FLORENT Le greffier, Signé Y. JAMEAU La République mande et ordonne au préfet de l Essonne en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l exécution de la présente décision.