N 11/00014 RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

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Transcription:

TRIBUNAL DU TRAVAIL DE NOUMÉA N 11/00014 RÉPUBLIQUE FRANÇAISE Présidente : Mme ANDRE AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS Greffier : Brigitte LAPORTE Jugement du 29 mai 2012 PARTIES EN CAUSE : DEMANDERESSE : Mme X, Nationalité : Française demeurant à NOUMEA comparante par Maître MILLION, avocat au barreau de NOUMEA, désigné au titre de l aide judiciaire totale, suivant décision n 2011/000333 du 27/5/2011. d une part, DÉFENDERESSE : - SOCIETE Y Société à responsabilité limitée, dont le siège social est à Nouméa, représentée par son représentant légal en exercice, la selarl GASTAUD Comparante par la SELARL DUMONS, société d avocats au barreau de NOUMEA, ET EN PRESENCE DE : - LA SELARL Mary-Laure GASTAUD, ès-qualité de représentante des créanciers, dont le siège social est sis à NOUMEA, Immeuble le Fortin - 1 bis Boulevard Extérieur - Auguste Mercier au Quartier Latin, prise en la personne de son représentant légal en exercice,

Appelée en la cause, Concluante en personne, d autre part FAITS, DEMANDES ET MOYENS DE PARTIES Selon contrat à durée indéterminée en date du 31 août 2010, Mme X a été embauchée en qualité de peintre en bâtiment par la société Y à compter du 6 septembre 2010 moyennant un salaire mensuel d'un montant de 180 000 FCFP brut. Elle était victime d'un accident de la circulation le 16 octobre 2010 au volant du fourgon de son employeur et était placée en arrêt maladie jusqu'au 31 octobre 2010. Par courrier recommandé en date du 26 octobre 2010, Mme X adressait à son employeur une lettre par laquelle elle notifiait qu elle prenait acte de la rupture de son contrat du fait du comportement de celui ci. Elle lui reprochait de ne lui avoir réglé que partiellement son salaire du mois de septembre et de ne pas avoir pris en charge ses frais de voyage, celle ci ayant été recrutée par internet de métropole, ce qui la mettait dans une situation financière précaire. Le 2 novembre 2010 à 9 heures, la société Y lui remettait une convocation à un entretien préalable à un licenciement avec mise à pied conservatoire, fixé le 3 novembre. Le 3 décembre, elle était licenciée pour faute grave selon courrier notifié par huissier. Il lui était reproché d'avoir conduit le véhicule de l'entreprise le 16 octobre 2010 en dehors du temps de travail et d'avoir eu un accident de la circulation le rendant épave. Par requête introductive d instance enregistrée le 26 janvier 2011 Mme X a fait convoquer devant ce Tribunal la société Y aux fins suivantes: - dire et juger que la prise d acte de rupture de son contrat de travail s analyse en un licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse - Condamner la défenderesse à payer au titre des dommages et intérêts découlant du licenciement : * 360 000 FCFP pour licenciement sans cause réel et sérieuse, - Condamner la défenderesse à régler au titre des créances salariales : * 90 000 FCFP au titre du préavis, * 192 393 C FCFP au titre de ses frais de voyage

- l'enjoindre à adresser à la CAFAT une attestation de perte de salaire pour la période comprise entre le 16 et le 31 octobre 2010 à compter de la signification du jugement à intervenir. Subsidiairement, -condamner la société Y à lui payer la somme de 180.000 FCFP au titre du salaire du mois de novembre 2010 outre celle de 18.000FCFP a titre des congés payés sur ces salaires. -fixer les Unités de valeur de Maître MILLON, avocat agissant au titre de l'aide judiciaire. A l appui de sa demande, elle expose qu elle a été embauchée alors qu'elle vivait en métropole suite à des pourparlers par mails et qu'elle a signé son contrat de travail dés son arrivée sur le territoire. Elle fait valoir qu'elle était alors dans une situation précaire et que son employeur lui a proposé de lui prêter son fourgon à de fins personnelles jusqu'à ce qu'elle puisse acheter une voiture. Elle fait valoir que cependant l'entreprise connaissait des difficultés financières et que son employeur ne lui a réglé que partiellement son salaire de septembre le 14 octobre 2010 et a refusé de lui payer le complément de salaire au motif qu'elle avait eu un accident ainsi que de lui rembourser son billet d'avion. Elle précise qu'il a refusé par ailleurs d'adresser à la CAFAT l'attestation de perte de travail pour la période du 16 octobre au 31 octobre pendant laquelle est était en arrêt maladie suite à son accident. Elle considère donc que sa prise d'acte aux torts de l'employeur antérieure au licenciement est parfaitement justifiée, celui ci ayant violé ses obligations essentielles lui incombant et qu'elle doit donc avoir les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse. Elle fait valoir que contrairement à ce qu'affirme l'employeur la mise à pied n'avait aucun effet suspensif et sa prise d'acte est parfaitement valable, son contrat étant rompu à compter du 2 novembre 2010. En tout état de cause, elle soutient que son licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse car son employeur lui avait prêté le véhicule tant pour ses besoins professionnelles que personnelles et que l'accident est involontaire. Elle estime donc justifiées ses demandes de dommages-intérêts pour licenciement abusif ainsi que ses demandes d'injonction d'adresser une attestation de perte à la salariée salariales ainsi que celles relatives à l indemnité compensatrice de préavis outre celle concernant le remboursement de son voyage. Elle fait valoir que si néanmoins le tribunal estimait que sa prise d'acte est injustifiée, il y aurait lieu de déclarer le licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse et de faire droit à ses demandes salariales pour la période du 2 novembre au 3 décembre 2010. La Société Y a été placée en règlement judicaire et un plan de continuation a été dressé selon décision en date du 15 décembre 2010.

La liquidation judiciaire a été prononcée selon jugement du tribunal Mixte de Commerce en date du 20 avril 2011. Elle n'a pas conclu ni fait valoir de moyens à l'audience. La société Mary Laure GASTAUD, représentant de la société Y par courrier a indiqué qu'elle n'avait pas de moyens s'opposant aux demandes. MOTIFS DE LA DÉCISION, - Sur la rupture du contrat : Il est de jurisprudence constante que l employeur ne peut licencier après une rupture d acte. La prise d acte emportant rupture immédiate du contrat de travail, le licenciement prononcé ultérieurement est non avenu (CASS SOC 19 janvier 2005,N 03-45.018,bullciv V,N 12) et ce quand bien même la procédure de licenciement aurait été engagée avant la prise d acte (CASS SOC 16 NOV 2005,N 03-45.392). En l espèce il résulte de la lettre de licenciement que l employeur a eu connaissance de la prise d acte de la rupture du contrat de travail par la requérante le 28 octobre et que la procédure de licenciement qui a été engagée le jour de l accusé de réception par l employeur du courrier lui notifiant la rupture du contrat par la salariée, n a abouti que le 3 décembre par la notification du licenciement à la salariée, soit postérieurement à la prise d acte de la salariée. Dés lors le licenciement est non avenu. Il appartient donc au tribunal d apprécier si la prise d acte de la rupture du contrat par la salariée est justifiée. Selon une jurisprudence constante, pour qu une démission ou une prise d acte produise les effets d un licenciement sans cause réelle et sérieuse, il faut que les faits invoqués par le salarié soient non seulement établis mais constituent des manquements suffisamment graves pour caractériser une rupture imputable à l employeur, telle que le non paiement des salaires (soc, 06/07/2004). L employeur pourra en outre être condamné à des dommages et intérêts distincts si les circonstances qui ont contraint le salarié à présenter sa démission caractérisent un abus, tel que mesures vexatoires, discriminatoires ou harcèlement moral. Enfin, l écrit par lequel un salarié prend acte de la rupture du contrat de travail en raison de faits qu il reproche à son employeur ne fixe pas les limites du litige ; dès lors, le juge est tenu d examiner les manquements de l employeur invoqués devant lui par le salarié, y compris en cours d instance, même si celui-ci ne les a pas mentionnés dans cet écrit.

En l espèce, dans son courrier de prise d acte Mme X manifeste de manière non équivoque qu elle est contrainte de démissionner en raison du non paiement de son salaire du mois de septembre et du non remboursement de son billet d avion. Il convient donc au tribunal de vérifier si les faits reprochés à l employeur sont établis. L employeur ne conteste pas dans la lettre de licenciement qu il a réglé le salaire du mois de septembre de la salariée que le 14 octobre et partiellement à cette date ni qu il a refusé de prendre en charge son billet d avion pour venir en métropole. Contrairement à ce que soutient l employeur dans sa lettre il résulte des mails produits par la salariée que si la salariée avait prévu de venir en Nouvelle Calédonie en aout 2010, il l a embauchée alors qu elle était en métropole tel que cela résulte des mails qu elle produit au débat: -ceux du 26 et 30 mars par lequel il lui demande de lui renvoyer son CV et lui dit que son contrat sera d un an et lui demande ses prétentions salariales; -celui en date du 22 juillet par lequel il lui indique que malgré le redressement judiciaire de la société il ne remet pas en cause sa venue, - le mail du premier août par lequel il lui indique qu il l embauchera en CDI pour un salaire d un montant de 180 000FCFP ainsi que les règles d usage des véhicules de l entreprise et sa proposition de lui prêter le fourgon de l entreprise dans l attente qu elle s achète un véhicule. -celui du 31 juillet par lequel elle lui demande une attestation pour établir qu elle travaillera en septembre dans son entreprise. Le fait que le contrat de travail ait été signé à NOUMEA n est pas suffisant pour établir qu elle n a pas été recrutée alors qu elle était encore en métropole, l accord des parties sur les conditions de travail (salaire, type de contrat, utilisation du véhicule ) ayant été parfait avant son arrivée sur le territoire calédonien. Il s ensuit que le non paiement du salaire de septembre dans le délai légal et le refus du remboursement de ses frais de voyage tel que prévu par les dispositions de l article R 121-1 d u code du travail, constituent des manquements suffisamment graves pour l employeur justifiant la prise d acte de rupture du contrat de travail par la salariée.(cass SOCIAL 3 octobre 1995), celle ci produisant les effets d un licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse à compter du 2 novembre 2010. La défenderesse devra donc indemniser la salariée du préjudice dont il est résulté; - Sur le non paiement du salaire d octobre. La défenderesse ne conteste pas que la salariée était en arrêt maladie dûment justifié par les certificats médicaux pendant la période du 16 au 31 octobre 2010. Dans ces conditions, il appartenait à l employeur d adresser à la CAFAT l attestation de perte de salaire réglementaire pour qu elle puisse être indemnisée par la CAFAT selon les règles prescrites par l AIT.

Faute pour l employeur d établir qu il a adressé cette attestation de perte de salaire à la CAFAT, il convient de l enjoindre à effectuer cette démarche dans un délai de 8 jours à compter de la notification de la présente décision.

- Sur la prise en charge des frais de voyage Il résulte des articles 121-1 et suivants du code du travail de Nouvelle Calédonie que lorsque le salarié a été engagé hors, du territoire par un contrat de travail à durée indéterminée les frais de voyage et de transport des bagages pour lui même ainsi que pour son conjoint et ses enfants mineurs vivant habituellement avec lui sont à la charge de l employeur ; Les dispositions de l article R 121-2 prévoit qu en cas de rupture du contrat de travail le salarié bénéficie de cette prise en charge que dans les cas suivants: -Lorsqu il a exercé son activité professionnelle en Nouvelle Calédonie pendant une durée au moins égale à deux années; -Lorsqu il a exercé son activité professionnelle en Nouvelle Calédonie pendant moins de deux années et qu il est licencié pour motif économique ou sans cause réelle et sérieuse. Dans les autres cas de rupture du contrat de travail, le montant des frais de transport allerretour incombant à l employeur est proportionnel au temps de présence du salarié dans l entreprise; -En cas de rupture du contrat du fait de la faute lourde de l employeur; -En cas de force majeure. Il a été établi ci dessus que la salariée avait été recrutée en métropole et que la rupture de son contrat de travail doit s analyser en un licenciement dépourvu d une cause réelle et sérieuse. Dans ces conditions, il sera condamné à lui payer le montant du voyage d un montant de 192.393 FCFP par application des dispositions de l article R 121-1 et R 121-2 du code du travail. - Sur les indemnités demandées et les créances salariales : Sur le préavis : En cas d inexécution par le salarié du préavis, l employeur est tenu au paiement d une indemnité compensatrice lorsque cette inexécution lui est imputable. Tel est bien le cas quand le salarié est contraint à démissionner en raison du comportement fautif de l employeur qui n assure plus le règlement des salaires dans les délais légaux. Par application de l article de l Accord interprofessionnel territorial applicable en Nouvelle- Calédonie, la durée de ce préavis est de 15 jours, compte tenu de l ancienneté de la salariée de moins de 6 mois soit la somme de 90 000FCFP outre celle de 9000 FCFP au titre des congéspayés sur préavis. Sur l indemnité de licenciement sans cause réelle et sérieuse : Lorsque le licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse, les dispositions du code du travail prévoient le versement au salarié d une indemnité égale au préjudice subi lorsque son ancienneté est inférieure à deux années.

Compte-tenu de son ancienneté dans l entreprise de la salariée et du montant de son salaire, il convient de lui allouer à ce titre la somme de 270 000FCFP. - Sur l'exécution provisoire Conformément aux dispositions de l article 886-2 du code de procédure civile de Nouvelle- Calédonie, il convient de rappeler que sont de droit exécutoires à titre provisoire les jugements qui ordonnent le paiement de sommes au titre des rémunérations et indemnités, dans la limite maximum de 9 mois de salaire calculée sur la moyenne des trois derniers mois de salaire. Concernant les autres sommes allouées il y a lieu d appliquer l article 515 du Code de Procédure Civile qui prévoit que le juge peut ordonner l exécution provisoire lorsqu elle est nécessaire et compatible avec la nature de l affaire. Compte tenu de la situation de la salariée, il convient d ordonner l exécution provisoire à hauteur des sommes allouées à titre de dommages-intérêts; - Sur les dépens En matière sociale il n y a pas lieu de statuer sur les dépens, la procédure étant gratuite en application de l article 880-1 du Code de Procédure Civile. D E C I S I O N, LE TRIBUNAL statuant publiquement, par jugement contradictoire et en premier ressort, DIT que la prise d acte de la rupture du contrat de travail produira les effets d un licenciement sans cause réelle et sérieuse ; Fixe la créance de Mme X à l encontre de la société Y, dont le mandataire liquidateur est la SELARL Mary-Laure GASTAUD, aux sommes suivantes : -CENT QUATRE VINGT DOUZE MILLE TROIS CENT QUATRE VINGT TREIZE (192. 393) FCFP au titre du remboursement de ces frais de voyage.

- QUATRE VINGT DIX MILLE (90.000) FCFP au titre de l indemnité compensatrice de préavis ; - DEUX CENT SOIXANTE DIX MILLE (270.000) FCFP à titre des dommages-intérêts pour le licenciement sans cause réelle et sérieuse ; Fixe à la somme de CENT QUATRE VINGT MILLE (180.000) FCFP la moyenne des trois derniers salaires. DIT que ces sommes porteront intérêts au taux légal à compter de la présente décision s agissant des créances indemnitaires et à compter du dépôt de la requête s agissant des créances salariales ; RAPPELLE que l exécution provisoire est de droit dans les conditions prévues par l article 886-2 du Code de Procédure Civile de la NOUVELLE CALEDONIE. ORDONNE l'exécution provisoire de la présente décision à hauteur des sommes octroyées à titre de dommages-intérêts. Dit que la SELARL Mary-Laure GASTAUD devra adresser à la CAFAT l attestation de perte de salaire dans un délai de HUIT (8) jours à compter de la notification du présent jugement. REJETTE toutes autres demandes plus amples ou contraires ; DIT n y avoir lieu à dépens

Jugement signé par le président et le greffier et mis à disposition au greffe de la juridiction LE GREFFIER, LE PRESIDENT,