D après Enseigner la langue orale en maternelle de Philippe Boisseau : Programmes de 2005 : «Au moment de leur première rentrée, les tout petits ne savent souvent produire que de très courtes suites de mots et ne disposent encore que d un lexique très limité. Lorsqu ils quittent l école maternelle, ils peuvent construire des énoncés complexes et les articuler entre eux pour raconter une histoire, expliquer un phénomène, décrire un objet ; ils sont prêts à apprendre à lire. Ce parcours doit certes beaucoup au développement psychologique extrêmement rapide qui caractérise ces années, mais il doit plus encore à l aide incessante des adultes ou des enfants plus âgés qui entourent l apprenti parleur.» Cet extrait est important car il insiste sur le rôle de l adulte mais aussi parce qu il choisit de mettre l accent sur la construction progressive de la syntaxe. C est la syntaxe qui doit être la priorité des enseignants parce qu elle est souvent difficile à conquérir, elle exige des opérations mentales difficiles. 1.Inégalités linguistiques : On sait qu il y a de grandes disparités entre les élèves: par exemple section de grands : Entre l enfant qui dit «moi, i faire du vélo, i dire ça» et l autre «moi, je veux dire que quand on va aller chez les correspondants, je vais pouvoir faire du vélo parce qu elle me dit qu elle va me prêter le sien, ma correspondante», il y a une énorme différence. - Le premier écart porte sur l emploi des pronoms : l élève 1 emploi i à la place de je. - Le deuxième concerne l emploi des verbes : l élève 1 n emploie qu un verbe à l infinitif. - Le troisième écart est relatif aux complexités qui enchâssent les phrases simples les unes dans les autres : l élève 2 utilise que, parce que, quand Cet écart n a rien d exceptionnel et explique bien des difficultés scolaires. On se doute que ces 2 enfants ne vont pas aborder l apprentisszge de la lecture de la même façon C est pourquoi à la maternelle il faut se mobiliser pour une pédagogie volontariste du langage, appropriée aux élèves les moins avancés Deux conditions essentielles : 1.Constituer des petits groupes de langage (nécessité de s organiser dans la classe, dans l école, ) 2.Veiller à la qualité des interactions maître élèves Les programmes : pour les jeunes enfants «il importe que l adulte verbalise abondamment, sollicite l échange avec l enfant, et interagisse avec lui chaque fois qu il tente de produire un énoncé( reprise de l énoncé, restructuration dans le langage de l adulte)» Pour les plus grands «Le rôle de l adulte consiste à exiger l explicitation nécessaire, à s étonner lorsque la compréhension n est pas possible, à relancer l effort de l enfant, à reformuler dans un langage approprié les essais qui ne parviennent pas à trouver leur forme adéquate.» Conception qui compte plus sur l étayage de l adulte, son action incessante, que sur la situation.
Cf Travaux de Laurence Lentin 1972 : l interaction individualisée adulte-enfant est posée comme clé de l apprentissage. 2.D où l importance de la qualité des interactions de la maîtresse : Dans un petit groupe de langage, un élève raconte Petite poule rousse : «elle fermait bien sa porte, POUR POUR QUI POUR.» puis il abandonne avec «comme ça i pouvait pas rentrer le renard.» Interaction de la M : «Elle fermait bien la porte POUR QU il ne rentre pas, le renard. Et alors?» 1 er commentaire : On remarque que l interaction comprend 2 volets : feed back et relance FB Elle fermait bien la porte pour qu il ne rentre pas, le renard R : Et alors?? La question «et alors?» fait preuve d un souci conversationnel, s efforce d entretenir le récit de l enfant. Intervention qui vise la qualité de l émission de l enfant et également la quantité Les relances peuvent être légères du genre : Ah! ah bon? oui, Tu es sûr?.. 2eme commentaire : -La M modélise légèrement, bien à la portée de la tentative de l enfant. Il a essayé l insertion POUR QUE, on l aide à la réaliser avec une phrase Pr + V. L enfant sera capable de la répéter puis de s en emparer. Si la M avait dit par souci d académisme: «POUR QUE le renard ne rentre pas» (Ici le sujet est un groupe nominal, forme beaucoup moins habituelle pour l élève, l élève ne s en serait pas emparé car ce modèle n est pas à sa portée.. Une forme trop «académique» viendrait brouiller la construction de la syntaxe que l enfant est en train d opérer La forme Pn GV est le matériau de base à partir duquel l enfant va produire toutes les structures de la langue. Il réalise cette construction à travers 3 opérations : la différenciation des pronoms de Pn GV, la différenciation des temps des verbes de Pn GV, la montée en complexité par additions de Pn GV Le meilleur FB possible se situe un peu au delà des possibilités du moment de l enfant(zpd), mais pas trop Donc ne pas chercher à tout prix à atteindre la forme aboutie, la plus correcte possible car elle peut être trop éloignée de leur niveau de perception, de compréhension encore plus de production.
Illustration par la Vidéo Langage et apprentissages à l école maternelle Séquence 1 : l accueil Accueil personnalisé, échanges verbaux individualisés Au début de l année beaucoup de petits ne parlent pas ou peu : c est surtout l adulte qui verbalise en explicitant les situations et les actions. L adulte accueille la parole de l enfant, essaye de la comprendre, part de ce que dit l enfant, l aide dans ses tentatives de verbalisation, reformule de façon complète ce que l enfant a dit de façon partielle en apportant des éléments lexicaux et syntaxiques à sa portée. 3.Priorités de l école maternelle : Aider l enfant à -Différencier et diversifier les pronoms -Construire le système des temps -Complexifier les phrases : enchâssement de phrases simples les unes dans les autres ( parce que, que, quand + prépositions ) Sur cette base, le vocabulaire de l enfant s enrichit, et l articulation se perfectionne(en comparant les mots) Programmation Syntaxe Boisseau propose donc une programmation souple destinée à accompagner en l accélérant la reconstruction de notre langue que font naturellement les enfants. La programmation doit conduire à : -mettre en œuvre des situations permettant l émergence des formes visées -ensuite ( plus difficile) moduler l interaction avec l enfant ou le groupe en particulier quand on renvoie un feed back qui reformule une proposition d enfant -enfin programmer la syntaxe des comptines, albums, qu on souhaite les entendre restituer Cette programmation s intéresse surtout à la syntaxe parce que c est la dimension la plus décisive de l apprentissage et la plus difficile à cerner. La phrase de base est celle qu utilisent massivement les enfants : Pn +GV (60 / des phrases émises par les enfants de 3 à 11 ans) que l on va diversifier. Distribuer tableau ci dessous :
Programmation SYNTAXE d après Philippe Boisseau, Enseigner la langue orale en maternelle, RETZ/ SCEREN 2005 Pronoms Objectif principal de cette section : Diversification des pronoms Il, elle, ils, elles, je, tu, on. Temps Renforcement du système à 3 temps qui émerge nettement dès cet âge : Présent / passé composé / futur aller Je fais / j ai fait / je vais faire Complexités Prépositions Section de Petits Section de Moyens Section de Grands Phrases en rapport avec la découverte de l espace, les activités d EPS : à, au, de, du, dans, sur, sous, pour, avec, Idem Petits en insistant sur je, tu Objectif principal de cette section : -Sortir du système à 3 temps en favorisant l émergence de l imparfait -Travailler la généralisation du système à 3 temps dans l imparfait : Imparfait / plus que parfait / futur aller dans l imparfait On ramassait / on avait pris / on allait mettre Objectif important aussi dès cette section en renforçant et encourageant l émergence de : parce que que / infinitif ( je veux que tu partes / je veux parti r) pour+infinitif qui relatif Devant / derrière, avant / après, contre, chez, avec / sans A côté de, près de / loin de, au dessus de / au dessous de, en haut de / en bas de Idem Petits et Moyens en rajoutant nous, vous. -Renforcer dans le récit de vie de l alternance imparfait / passé composé -favoriser l émergence du conditionnel et du futur simple -travailler la généralisation du système à 3 temps dans le futur : futur / futur antérieur / futur dans le futur je ferai / j aurai fait / je pourrai faire, je devrai faire, il me restera encore à faire. Objectif principal de cette section : -travailler toutes les complexités précédentes ainsi que pour que / pour+infinitif, quand / gérondif, si, comme -favoriser l émergence de questions indirectes en si, ce que, où, qui, ce qui, quand, comment, pourquoi..et des relatives en que et où * Autour de / au milieu de, à l intérieur de, à travers,, entre, à droite de / à gauche de * en s appuyant sur des questions directes intermédiaires, naturelles aux enfants : Où il se cache, le cow-boy? Qu est-ce que tu cachais derrière ton dos? Je me demande où il se cache, le cow-boy. Je sais ce que tu cachais derrière ton dos. Je reconnais la maison où il se cache, le cow-boy. Voilà la marionnette que tu cachais derrière ton dos.
Dans les situations de classe, avoir bien en tête les objectifs syntaxiques. Exemples de situations en EPS : EPS thème qui suscite l intérêt et déclenche aisément la prise de parole (évocation des exploits dont ils sont capables) «Les activités corporelles constituent un support signifiant pour motiver l élève à s exprimer, à communiquer sur ses conduites motrices (performances, résultats, sensations). Cette interaction continuelle entre activité motrice et activité langagière à propos de son vécu est source de progrès pour l élève tant sur le plan de la clarté de l expression que sur celui de l efficacité des conduites motrices» in «Agir dans le monde, l EPS à l école maternelle» Rolland MICHAUD S1 Commentaire produit par l adulte Raconter pour eux ce qu ils font : «Tu arrives sur la petite montagne, est-ce que tu peux te mettre debout pour toucher le plafond?» Raconter à tous ce que fait un enfant : «Regardez Fabien, il se met debout et il va sauter» S2 Commentaire par l enfant(sollicité par l adulte)de l action de ses camarades «Elle monte, elle arrive en haut, elle traverse l échelle à quatre pattes.» «Il met les pieds parce qu il y a les crocodiles. «Elle monte, elle arrive en haut, elle traverse l échelle à quatre pattes.» «Il monte sur le banc pour attraper le foulard.» S3 Injonction Conseil «Sylvie, elle ne sait pas comment faire pour monter sur la montagne. Tu peux lui expliquer?» «Tu mets un pied sur la prise, tu mets la main là» Objectifs syntaxiques dans ces 7 situations Pronoms Tu,Je, Il, elle, Ils, elles, On Temps : Présent Passé composé Futur aller Prépositions PS :A, de, dans, sur, sous, en haut, dessous, devant, contre. MS : au dessus de, près de, loin de, au milieu de, en face de. Complexification PS :Parce que Pour+infinitif Qui relatif MS : Pour que, Que ( je veux que tu m aides.) Quand
«Il faut pas toucher les crocodiles qui sont dans la rivière» S4 Commentaire de ses propres actions par l enfant «Tu nous montres ton parcours? essaie de nous dire tout ce que tu fais.» «Je monte par la petite montagne, je descends par le toboggan vert, je monte sur la tour..» Comme Si conditionnel Où En +gérondif S5 Bilan des activités«qu est ce qu on fait quand on est sur le parcours bleu?» «On monte sur la grande montagne, on marche sur la poutre, on saute sur le trampoline.» «il faut regarder où on met les pieds» «on redescend en passant par le tapis bleu.» S6 Récit des «prouesses» «Qu est-ce que tu as fait?» «J ai marché sur la poutre, je suis monté en haut de l échelle, je me suis mis debout.» S7 Projet «Et la prochaine fois, qu est-ce que tu vas faire?» «Je vais passer le pont de singes, je vais sauter la rivière» Le vocabulaire est aussi bien sûr travaillé : noms, verbes, adjectifs, adverbes Illustration par la vidéo S1 Salle de jeux Il y aussi évidemment d autres situations de classe. Proposition de travailler sur une situation mathématique extraite du livre de Dominique Valentin Situation Pronoms Temps Prépositions Complexités Lexique