Document de référence de postvention en milieu scolaire Ventilation & Debriefing
2 Source : Séguin, M., Roy, F., Bouchard, M., Gallagher, R., Raymond, S., Gravel,C., & Boyer, R. (2004). Programme de postvention en milieu scolaire. Québec, Canada : Éditions AQPS. http://www.aqps.info/media/documents/postvention.pdf Rédigé par : Sophie Latouche Donais, ps. éd. Vérification par : Marie Bray, Superviseure de l OPPQ
3 Table des matières Étape 1 : Analyse des faits..p.3 Étape 2 : Évaluation de la réaction de stress.p.36 Étape 3 : Intervention individuelle.p.710
4 Étape 1 : Analyse des faits Analyser la situation (correspond aux étapes I et II du Protocole d intervention en situation de crise). Quelles sont les caractéristiques du jeune suicidé? Quelles sont les circonstances entourant le suicide? Quelles sont les caractéristiques de son entourage? (famille, fratrie, amis). Quelles sont les caractéristiques du milieu scolaire? Étape 2 : Évaluation de la réaction de stress Repérer les jeunes à risque (correspond à l étape III du Protocole d intervention en situation de crise). Le suicide chez un pair peut entraîner : 1) Une réaction de stress a. État de stress temporaire Majorité des élèves, réaction normale, manifestations habituelles du stress, les élèves ont des stratégies pour surmonter la situation. Interventions spécifiques à mettre en place : Annoncer la nouvelle (éviter le descriptif et les détails, informer que les groupes visés), permettre aux élèves de mettre en mots leurs émotions en individuel (ventilation) et identifier des stratégies pour la gestion du stress. b. État de stress aigu Généralement chez les témoins de la scène traumatique. Les symptômes se dissipent généralement assez rapidement. Ressemble au trouble posttraumatique, mais survient dans les jours suivants l événement. Debriefing. c. Trouble de stress posttraumatique Référer à un professionnel du CLSC ou d un hôpital. Interventions : Identifier les réactions de stress. Effectuer une intervention différenciée selon le niveau et les manifestations. Identifier les ressources disponibles, rassurer. Il s agit ici de soutenir les individus qui ont des réactions de stress «normales» et de référer les autres au besoin.
5 2) Un état de crise (rupture de l état d équilibre) Désespoir, désorganisation, manque de moyens pour s en sortir ou encore les moyens mis en place habituellement ne fonctionnent pas. Intervention de la crise: Évaluer la gravité de la crise. Analyser les facteurs de protection et les facteurs de risque. Identifier et s entendre sur un aspect du problème à travailler. Explorer les ressources et les services disponibles. Établir un plan d action. Dire à la personne qu il y a un début et une fin à la crise et qu elle ne durera pas éternellement (se montrer rassurant). *** La crise peut survenir dans les mois suivants le suicide du pair. Il est donc important de demeurer vigilant et observateur tout au long de l année scolaire et non seulement dans les jours ou les semaines qui suivent le suicide. Manifestations possibles de la crise Absentéisme, retards. Agitation. Baisse de motivation, ne plus avoir de buts, perte de confiance envers le futur. Développement de conflits avec les pairs, les adultes de l école, la famille, etc. Adoption de comportements délinquants/mesures disciplinaires fréquentes. Irritabilité, anxiété, colère, agressivité, détachement. Baisse du rendement scolaire. Décrochage scolaire. Autres. Voir autres manifestions Appendice C tiré directement du Programme de postvention en milieu scolaire.
6 Interventions de la crise suicidaire : Évaluer l urgence de la crise; probabilité de passage à l acte dans les prochains 48h. Discerner les facteurs qui peuvent augmenter ou réduire le risque présents chez la personne. Manifestions possibles de la crise suicidaire Douleur psychologique intolérable. Des besoins psychologiques non satisfaits. Un désir que la douleur cesse. Présence de désespoir et manque de soutien. Ambivalence, entre le désir de vivre et de mourir. Communication de l intention de mourir. Fuite. Autres. Facteurs de risque individuels ou biologiques TENTATIVE DE SUICIDE ANTÉRIEURE (récente*) Une vulnérabilité déjà présente chez la personne (santé mentale; dépression ***, antécédents d abus de drogue* ou d alcool*, trouble de la personnalité, trouble de comportement, etc). Impulsivité, agressivité. Problèmes chroniques dans les relations avec les pairs. Une famille dysfonctionnelle, perte d un parent tôt dans la vie. Difficulté au niveau de la capacité à résoudre un problème. Mécanismes d adaptation peu développés. Difficulté à accepter une de ses caractéristiques personnelles (ex. son orientation sexuelle). L identification à la personne décédée par suicide. L actualisation d une situation de crise ou de crise suicidaire. La culpabilité et le désespoir face au suicide d un être cher. Facteurs de risque sociaux et environnementaux Isolement réel ou perçu ou une faible intégration sociale. Abus et négligence dans le milieu familial. Trouble de santé mentale d un parent. Antécédents suicidaires dans la famille. Pauvreté. La crédibilité et le statut de la personne décédée par suicide. Accès facile à un moyen pour mettre fin à ses jours (ex. arme à la maison). Considérer le suicide comme une solution. La glorification accordée au suicide. Le suicide considéré par l entourage comme un comportement admissible.
7 3) Une réaction associée au deuil (pour ceux qui avaient développé une relation d attachement) Le deuil constitue un processus de détachement. «Les interventions de deuil consistent principalement à soutenir l endeuillé, à favoriser l expression de la tristesse, à supporter la reconnaissance de la perte et des sentiments de vide». Les principales caractéristiques du deuil suite à un suicide sont : le choc et le déni, la recherche d un sens, des sentiments de culpabilité et d autoaccusation, des sentiments de honte et de colère, des bris et des distorsions dans les réseaux de communication, des sentiments de rejet et de stigmatisation ainsi qu un risque suicidaire. Étapes : 1 Choc : résistance à la souffrance. 2 Désorganisation : marquée par la souffrance, la douleur, le désespoir. 3 Réorganisation : l acceptation de la perte. Interventions : Ressemble à la technique développée par Mitchell, mais n est pas liée au traumatisme de la scène comme dans le debriefing, mais plutôt aux réactions qui découlent de l annonce de la nouvelle et de la perte. Reconnaissance de la perte. Briser l isolement. Counseling de deuil : s adresse à ceux ayant besoin d aide pour assumer certains éléments du processus de deuil. Il s agit d aider l endeuillé à verbaliser ses réactions affectives, de l aider à développer des stratégies d adaptation, de briser l isolement et d internaliser le lien d attachement. * Ne pas minimaliser ou rationaliser la perte. Le counseling se fait de façon individuelle. Thérapie de deuil : s adresse à ceux qui ont développé un deuil compliqué. Si les difficultés persistent vers une pathologie, l aide d un psychiatre serait requise. La thérapie est dirigée par un psychologue ou un thérapeute expérimenté et se fait de façon individuelle.
8 Étape 3 : Intervention individuelle Postvention Son objectif : Prévenir la contagion. Les niveaux d intervention : 1 er niveau : Les membres de l équipe école (ex. enseignants, animatrice de la vie étudiante, etc). 2 e niveau : L équipe de soutien multidisciplinaire qui a reçu de la formation dans ce domaine ainsi que des professionnels de l externe venant supporter l équipe. 3 e niveau : Des professionnels d un service de santé mentale externe à l école. Ventilation Objectifs et personnes visées: Vise l expression libre des émotions chez la personne (se fait de façon individuelle). Permet aussi de clarifier la situation et d identifier les ressources disponibles. Autres spécificités: Individuel. Animée par un professionnel qualifié. Durée nonspécifique de la rencontre. Démarche : Adopter une attitude réceptive, empathique et compréhensive, afin de créer un climat de confiance propice au partage. S assurer que l individu a les bonnes informations concernant l événement. Expliquer le fonctionnement (respect, aucun jugement). Inviter le jeune à échanger. Expliquer que le fait d en parler amène souvent un certain soulagement. Amorcer la discussion en posant quelques questions : o Comment astu réagi à l annonce de la nouvelle? o Comment te senstu maintenant? o Que partageaistu avec la personne décédée? Normaliser l expression des émotions.
9 Mentionner que tous vivent cet événement à leur façon et qu il faut accepter les différentes réactions des gens qui étaient près et moins près de la victime. Clarifier les fausses croyances, les mythes et les rumeurs exprimées. Parler de façon générale des personnes suicidaires et non de la personne décédée. Donner des exemples de manifestations (physiques, psychologiques et émotionnelles) qui pourraient survenir et des moyens pour diminuer le stress. Faire connaître les ressources disponibles dont au moins une ouverte 24h/24 et 7jours/7.
10 Debriefing Personnes visées : «La technique de debriefing a été conçue pour intervenir précocement auprès de personnes ayant été témoins de scène traumatique en vue d éviter le développement d un état de stress aigu et de trouble de stress posttraumatique» (TSPT). Objectifs : Partager les réactions, comprendre davantage la situation, développer des mécanismes d adaptation (stratégies de coping), prendre connaissance des ressources disponibles et éviter le développement du TSPT. Démarche : Favoriser l expression des sentiments en dirigeant la conversation. Autres spécificités : Animation par un professionnel expérimenté. Conduit dans les 24 à 72 heures suivant l événement. Se fait en individuel. Six phases à la démarche : Favoriser l émergence d un lien de confiance. Poser des questions ouvertes, mais spécifiques pour amener à réfléchir sur un niveau cognitif et émotionnel. 1. Phase d introduction a. Se présenter. b. Présenter les règles : i. Respect de la confidentialité ii. Présenter le fonctionnement de la rencontre (les phases). 2. Phase des faits a. Amener le participant à décrire les faits qui le concerne (l incident, ce qu il faisait lorsque l événement est survenu). b. Ajouter les faits manquants. 3. Phase de la pensée a. Demander au participant de décrire ses premières pensées au moment de l incident. (Permet de révéler des pensées audelà des faits). 4. Phase des réactions a. Encourager le participant à discuter des impacts de l événement sur luimême et sur son entourage.
11 b. Diriger l attention vers les réactions du participant au moment et à la suite de l incident. 5. Phase d enseignement a. Identifier les caractéristiques (physiques, émotionnelles et comportementales) liées au stress. b. Mettre l emphase sur la «normalité» de vivre des expériences stressantes dans la vie. c. Enseigner au participant à reconnaître les sources de stress et à lui montrer des techniques de gestion du stress. 6. Phase de retour a. Temps consacré aux questions, aux encouragements et à l établissement d un plan d action. b. Faire un résumé de la séance de debriefing. c. Informer le participant des ressources qu il peut consulter en cas de besoin.