Version 06.04. Le Dépôt Légal au Québec : protection des droits et accessibilité. Vue panoramique du Québec



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Version 06.04 Le Dépôt Légal au Québec : protection des droits et accessibilité Vue panoramique du Québec Avant d aborder le sujet précis de ma communication, j ai pensé vous rappeler quelques données qui vous aideront à mieux cerner les réalités québécoises. Rassurez-vous, je ne vous donnerai pas un cours d histoire ni de géographie, mais je crois que les particularités qui fondent le Québec méritent que l on s y attarde un peu. Vous le savez, le Canada, dont le Québec fait partie, c est vaste! C est même le deuxième plus grand pays au monde, juste derrière la Russie et devant les Etats- Unis. Quelques 5,500 km s étendent d un océan à l autre, comme le dit sa devise, de l Atlantique au Pacifique. Le Québec à lui seul représente en surface, 3 fois la France, ou 54 fois la Belgique, selon le point de vue Sur cet immense territoire, on trouve 7 720 000 (sept million sept cent vingt mille) québécois, dont 80 % de francophones et près de la moitié de la population est concentrée dans la grande région de métropolitaine de Montréal. La population globale du Canada est de 33 millions d habitants, et, hors Québec, moins de 5 % seulement sont francophones. Bref profil socio culturel des Québécois Les Québécois passent environ 3 heures par jour devant le téléviseur, dont près de 80 % sont alimentés par le câble ou le satellite. Plus de la moitié de la population a un accès Internet et y passe environ 3 heures par semaine. Enfin, 75 % des Québécois disent aller au cinéma au moins une fois par an et 30 %, plusieurs fois par mois. J ajoute quelques chiffres sur l état de la production cinématographique au Québec qui vous donneront, je pense, quelques éléments pour comprendre l industrie cinématographique dans laquelle nous évoluons.

Quelques données sur l industrie En 2006, 98 longs métrages (de 60 minutes et plus) ont été produits au Québec. Parmi ceux-ci, on compte 54 oeuvres de fiction, et 44 documentaires, le tout produit par 83 maisons de production privées. 33 films ont été destinés à une exploitation en salles, (dont 15 ont fait l objet d une coproduction), et 19 ont été réalisés pour la télévision. Enfin, 46 films étaient destinés aux circuits parallèles (marché de niche) et à une sortie directement en DVD. L avènement de la vidéo numérique de tous formats et la possibilité d effectuer de façon plus simple toute la postproduction ont probablement contribué fortement à l augmentation du nombre de longs métrages dont le premier marché n est ni la salle ni la télévision. Leur croissance s avère d ailleurs exponentielle. Si, l an dernier, ceux-ci représentaient près du quart de la production, ils en approchent la moitié en 2006. Sur les 98 longs métrages tournés, 70 ont utilisé la technologie numérique, dont 16 en haute définition (HD), soit le double de l année précédente. 23 films ont été tournés sur pellicule photographique 35 mm. Enfin, pour l année 2006-2007, la production de longs métrages a totalisée 146,5 M$ pour un devis moyen de production 4,4 M$. Il faut dire que ces sommes proviennent presqu entièrement à la fois des gouvernements canadiens et québécois. Pour ce qui est de l exploitation au Québec, elle représente 24,8 millions d entrées, tandis que les recettes atteignent 165,1 M$. Statistiques sur l industrie du film et de la production télévisuelle indépendante, 2007 www.stat.gouv.qc.ca Je pense que ces chiffres qui forment un peu un inventaire à la Prévert vous donnent une idée des proportions à prendre en considération quand on parle du cinéma et de l audiovisuel québécois. Plan rapproché Le droit d auteur protège l expression d une idée, et non l idée elle-même. Vous le savez aussi bien que moi, la question des droits d auteurs appliqués au cinéma et à l audiovisuel est particulièrement complexe. Le nombre de personnes impliquées dans la création d un film, les auteurs, scénaristes, réalisateurs, compositeurs, comédiens ainsi que les différentes façons de diffuser les œuvres, que ce soit en salle, à la télévision, en vidéo, et sur Internet, et sur toutes les nouvelles plateformes de diffusion de contenu : toutes ces données se transforment en un écheveau souvent difficile à démêler. Pourtant, puisque nous sommes régulièrement confrontés à cet Hydre, nous devons apprendre à l apprivoiser, voire à cohabiter avec lui. Le droit d auteur n est peut-être pas exactement traité de façon identique au Québec 2

et au Canada que dans le reste du monde. J aborderai premièrement brièvement le droit d auteur, sous l angle de son importance dans l économie de la culture, ce qui nous permettra d appréhender de façon concrète les enjeux qu il représente pour la création, mais aussi pour la conservation des œuvres audiovisuelles. Par la suite, je vous propose un survol du cadre légal qui régit le droit d auteur au Canada et au Québec en soulignant les particularités et les différences, ce qui me conduira à vous parler des exemptions à la loi qui nous concernent plus particulièrement dans le traitement des copies des œuvres que nous conservons. Enfin je vous parlerai plus spécifiquement du dépôt légal récemment institué au Québec pour les œuvres audiovisuelles, et je tenterai d esquisser en conclusion quelques préoccupations que nous devons tous partager afin d envisager l avenir. Le droit d auteur : une affaire qui marche! J aimerais tout d abord que nous saisissions l importance de la place qu occupe le droit d auteur, tous secteurs confondus, dans notre monde. Pour vous en convaincre, il est intéressant de savoir qu économiquement, l ensemble des industries liées au droit d'auteur compte pour environ 3 % du produit national brut des pays industrialisés. Le droit d'auteur est ainsi devenu une source de revenu importante pour plusieurs auteurs, artistes interprètes ou exécutants, éditeurs, distributeurs ou producteurs. En effet, l économie du commerce des secteurs cinématographique et télévisuel repose sur les droits d'auteur puisque l'objet même de ce commerce est constitué par la vente des droits de diffusion, de représentation et de distribution. Par ailleurs, culturellement, l'importance du droit d'auteur est primordiale. Toute l'économie de la culture est intimement liée au droit d'auteur et la croissance que connaît aujourd hui le secteur audiovisuel, en particulier, ne pourrait avoir lieu sans la garantie de continuité et la sécurité de distribution que permet le droit d auteur. Le cadre légal Pour commencer, je dois vous dire qu au niveau légal, une distinction vaut la peine d être soulignée : au Québec, le droit est établi par le Code civil du Québec, d inspiration française, alors qu ailleurs au Canada, c est le système du Common Law qui est en vigueur. Vous pourrez constater ce qu entraîne cette différence sur le plan des relations entre les ayants droit et les diffuseurs. Au Canada, c'est l'article 91 de la Loi constitutionnelle de 1867 qui attribue au Parlement fédéral la compétence exclusive de légiférer en matière de droits d'auteur («copyrights»). Il faut voir que la notion de droit d'auteur dont nous parlons est celle qui prévalait, en 1867, à savoir, la conception anglo-saxonne du droit d'auteur. Cette dernière s'attache essentiellement à la protection de l'oeuvre elle-même par 3

opposition à la conception romano-germanique dans les pays d'inspiration civiliste, qui, elle, met l'accent sur la protection de l'auteur, en tant que personne. Le droit d auteur en tant que tel est régi par la Loi sur le droit d Auteur, adoptée en 1924. Même si quelques modifications y ont été apportées au cours des années, sa modernisation n'a vraiment débuté qu en 1988 et ce lent processus est toujours en cours actuellement, supervisé par le ministère du Patrimoine Canadien. Tel que le définit le législateur, les deux principaux objectifs de la loi, sont l encouragement de la créativité et de l innovation et le soutien à la diffusion de l information. Au Québec, la Loi sur le statut professionnel et les conditions d'engagement des Artistes de la scène, du disque et du cinéma (Loi 90), adoptée en 1987, a pour principal but d'adapter le droit du travail au contexte particulier des travailleurs culturels, par la mise en oeuvre de procédures spécifiques de reconnaissance d'associations d'artistes, ainsi que par la création de règles particulières relatives aux négociations d'ententes collectives entre les associations d'artistes et les producteurs ou associations de producteurs. Ces textes de loi reconnaissent à l'artiste, non pas des droits, mais un statut particulier. À la lecture des lois québécoises et de la loi fédérale sur le statut de l'artiste, on constate que deux matières principales sont visées : le droit du travail et le droit des contrats. Elles répondent à une même préoccupation : établir et mettre en oeuvre un régime particulier de relations de travail, adapté au contexte particulier des travailleurs culturels. Lois sur le Statut de l Artiste : une approche constitutionnelle, ou l art de l ubiquité Jacques A. Léger, 1993 La loi québécoise sur le statut de l Artiste, est considérée par les juristes comme une «fiction juridique». Elle est en effet calquée sur le droit du travail et inclut dans la notion d artiste, plusieurs «corps de métiers» qui s apparentent davantage aux «artisans» du cinéma : techniciens, décorateurs, créateurs de costumes, artistes interprètes, etc. ce qui crée une situation où «plusieurs patrons et plusieurs syndicats» se retrouvent parties prenantes des négociations contractuelles pour la production d un film. Par exemple, l APFTQ, qui est l unique association des Producteurs de Films et de Télévision du Québec, (un peu l équivalent de l USPA, l Union Syndicale de la Production Audiovisuelle en France), négocie ses ententes collectives avec 14 associations différentes et veille à son application par ses membres. Au Canada, la notion d auteur est sinon «vide», à tout le moins creuse. En Europe, disons en France pour être plus précis, la notion d auteur des œuvres audiovisuelles englobe exclusivement les scénaristes, réalisateurs, et compositeurs de musique. Au Canada également, mais il peut aussi être admis que «l apport artistique» à la production d un film confère un statut d auteur, ou une partie de ce statut, au créateur de costumes, au décorateur, ou au chef opérateur. Cette évaluation se fait au cas par cas, même si ces questions ne sont que rarement débattues devant une cour de justice au Canada. Pour sa part, le producteur n a en principe, aucun droit 4

d auteur sur l œuvre, ni les artistes interprètes. Le principe directeur est simple : «La loi, les contrats et les usages». Ce qui est probablement un héritage du «Common Law». Les exceptions qui confirment la règle J en arrive à un point qui se rapproche davantage de nos préoccupations, les aspects la loi qui concernent, entre autres, les cinémathèques. De nouvelles modifications apportées en 1997 à la loi canadienne sur le droit d'auteur ont en effet introduit des exemptions spécifiques à l application du droit d auteur. Les établissements éducatifs, les musées, les archives et les bibliothèques bénéficient d'une exception lorsqu'ils réalisent une copie d'une oeuvre pour les fins de la gestion ou de la maintenance de leurs collections propres, correspondant à des critères spécifiquement définis dans la loi, dont : a) reproduction dans les cas où l'original, qui est rare ou non publié, se détériore, s'est abîmé ou a été perdu ou risque de se détériorer, de s'abîmer ou d'être perdu; b) reproduction, pour consultation sur place, dans les cas où l'original ne peut être regardé, écouté ou manipulé en raison de son état, ou doit être conservé dans des conditions atmosphériques particulières; c) reproduction sur un autre support, le support original étant désuet ou faisant appel à une technique non disponible; d) reproduction à des fins internes liées à la tenue de dossier ou au catalogage; ( ) Commission du droit d'auteur du Canada : Loi sur le droit d'auteur Un élément nouveau pour la Cinémathèque québécoise : la gestion du dépôt légal Comme vous pourrez le constater, le fonctionnement de base de notre cinémathèque en ce qui a trait à nos rapports avec les ayants droit comporte probablement plusieurs similitudes avec ce que vous pratiquez déjà. Pourtant, un élément nouveau dans notre paysage audiovisuel a fait son apparition avec l entrée en vigueur du dépôt légal instauré par le gouvernement du Québec le 31 janvier 2006. Laissez-moi vous rappeler brièvement son origine et son fonctionnement. C est en 1975 que le terme dépôt légal apparaît pour la première fois dans les documents légaux au Québec, au sujet de la création éventuelle, par le gouvernement, d une cinémathèque nationale. Ce projet n a jamais vu le jour puisque le milieu cinématographique a milité en faveur du maintien de la cinémathèque existante, la Cinémathèque québécoise, crée en 1963, une corporation privée subventionnée par le ministère de la Culture. En 2003, la ministre de la Culture et des Communications de l époque proposait la création d un dépôt légal pour les œuvres audiovisuelles produites au Québec, et notamment celles qui ont bénéficié d une aide de l État. Ne sont concernées que les oeuvres exclusivement produites dans le secteur privé et indépendant. Les sociétés 5

publiques telles que l'office national du film du Canada, la Société Radio-Canada, Télé-Québec et les productions gouvernementales doivent, en principe, s'assurer de la préservation de leurs éléments suite à des ententes avec les archives nationales du Canada et du Québec. La Cinémathèque étant une corporation privée, ne pouvait être dépositaire du dépôt légal, qui, de droit, appartient à l'état. La solution fut alors de lui confier la gestion et la conservation des éléments déposés tandis que Bibliothèque et Archives nationales du Québec (BAnQ) en serait dépositaire. La Cinémathèque bénéficie d une expertise de plus de quarante ans en matière de conservation et possède des installations performantes et fiables en termes de contrôles climatiques. Il s agit d un premier partenariat public-privé entre BAnQ et la Cinémathèque québécoise. Je dois vous préciser qu il s agit d un dépôt légal de conservation seulement. Il ne prévoit pas l accès aux films comme tel. Le dépôt légal des films au Québec est obligatoire par la loi et concerne les films, les vidéos et les émissions de télévision qui ont reçu un financement direct ou indirect de la part du gouvernement québécois, ce qui représente environ 99% des cas. Pour la production télévisuelle, une sélection est appliquée selon une grille qui distingue, par exemple, les émissions de variétés des documentaires uniques. C est le producteur qui doit déposer une copie neuve du film tirée dans des conditions optimales d étalonnage, au plus tard six mois après la première présentation publique de la version originale du film. Le coût de la copie déposée est admissible dans la demande financement aux organismes gouvernementaux. Pour les préparatifs de la mise en place du dépôt légal, nous avons rencontré, avec BAnQ, les principaux organismes gouvernementaux impliqués dans le financement de la production, la Sodec, Téléfilm Canada et le Conseil des Arts et des Lettres du Québec ainsi que les principales associations de producteurs, de réalisateurs, de scénaristes, de comédiens, de compositeurs de musique, de défenseurs des droits d auteurs. Nous souhaitions les informer, recueillir leurs commentaires et solliciter leur collaboration pour la diffusion de l information sur le projet de licence optionnelle permettant l accessibilité des films déposés. J y reviendrai tout à l heure plus en détail. Je me permets de vous présenter ces associations afin que vous compreniez bien qui étaient les intervenants dans le processus de mise en place du dépôt légal. Les associations : portrait de groupe Société canadienne des auteurs, compositeurs et éditeurs de musique (SOCAN) La Société canadienne des auteurs, compositeurs et éditeurs de musique (SOCAN) est la plus importante société de droits d'exécution qui administre les droits d'exécution publique d'oeuvres musicales pour le compte d'auteurs, compositeurs et éditeurs de musique canadiens, ainsi que des sociétés affiliées qui représentent des auteurs, compositeurs et éditeurs étrangers. 6

Elle intervient notamment, en ce qui nous concerne plus particulièrement ici, lorsque nous recevons dans nos cinémathèques des artistes interprètes qui accompagnent la projection d un film. La SOCAN est la seule société de perception au Canada. Union des Artistes (UDA) L UDA est le syndicat professionnel qui régit les relations entre les comédiens travaillant en français au Québec et ailleurs au Canada et les producteurs. C est cette association qui signe les ententes collectives de travail avec les différents organismes, institutions et entreprises de la scène et de l audiovisuel. Elle représente donc les intérêts des artistes oeuvrant dans les domaines de la publicité, du disque, de la scène, du doublage, du cinéma et de l audiovisuel. La Société des auteurs de radio, télévision et cinéma (SARTEC) Fondée en 1949, la Société des auteurs de radio, télévision et cinéma (SARTEC) est un syndicat professionnel regroupant près de 1 000 membres qui écrivent films, dramatiques, téléromans, séries, téléfilms, documentaires, émissions de variétés, etc. L Association des réalisateurs et réalisatrices du Québec (ARRQ) Fondée en 1973, l ARRQ regroupe les réalisateurs et réalisatrices pigistes travaillant principalement dans les domaines du cinéma et de la télévision. L association s emploie à la défense des intérêts et des droits professionnels, économiques, culturels, sociaux et moraux de ses membres. Elle a pour mandat de représenter les réalisateurs en toute occasion et dans tout dossier. À ce jour, l ARRQ regroupe plus de 550 réalisateurs et réalisatrices œuvrant principalement en langue française au Québec. L Association des producteurs de films et de télévision du Québec (APFTQ) Cette importante association, sans être une société de perception de droits, joue un rôle primordial dans les relations entre ses membres et les créateurs. L APFTQ regroupe en effet la plupart des entreprises québécoises de production indépendante en cinéma et télévision. L'association représente ses membres auprès des gouvernements et organismes et encourage une étroite coopération entre tous les intervenants de l'industrie. Aujourd hui, l APFTQ réunit plus de 130 entreprises produisant des longs métrages destinés aux salles, des émissions de télévision en tout genre (documentaire, dramatique, variétés, animation, magazines, télé-réalité ) ou des films publicitaires. La «licence optionnelle» 7

Une caractéristique intéressante à souligner est que bien que le dépôt légal soit obligatoire, nous proposons une licence optionnelle, évoquée tout à l heure, comparable à certains égards à celle contenue dans le contrat de dépôt volontaire d une œuvre que nous utilisons couramment. Cette licence optionnelle nous permet de proposer la possibilité de la reproduction des films pour fins de conservation, un accès aux copies pour consultation sur place, de représentations publiques dans le cadre de nos missions, et l utilisation d extraits à des fins d auto promotion. Ces propositions, qui ne sont pas à proprement parler dans la loi sur le dépôt légal, sont donc laissés à l appréciation des ayants droits au moment du dépôt. «La reproduction intégrale du film, si elle apparaît nécessaire pour des fins de conservation du film dans les archives de la Cinémathèque québécoise dans le cadre de l exécution de sa mission, y compris la migration sur un autre support lorsque nécessaire aux fins de telle conservation.» (1.1.1) «La reproduction intégrale du film en un nombre raisonnable d exemplaires aux seules fins de consultation dans les locaux de la Cinémathèque québécoise à des fins non commerciales.» (1.1.2) «La reproduction intégrale du film en vue de sa représentation publique à des fins non commerciales dans les locaux de le Cinémathèque québécoise, dans les salles sous son égide ainsi que dans les salles des archives membres de la Fédération International des archives du film (FIAF), sur demande raisonnable de ces dernières à des fins non lucratives, dans le seul cadre de leurs missions respectives» (1.1.3) «La reproduction par tous moyens d un extrait d une durée de moins de deux minutes du film à des fins d auto-publicité de la Cinémathèque québécoise, en lien direct avec la mission de cette dernière.» (1.1.4) La Loi nous permet déjà de faire ces deux opérations, sans nécessairement l autorisation des ayants droits, mais dans un souci de transparence et avec une volonté de saine collaboration avec les ayants droits, nous avons choisi d inclure ces notions dans la licence optionnelle que nous leur proposons. Je tiens à votre disposition des exemplaires de la licence que nous proposons avec BAnQ, en soulignant que le document proposé aux ayants droits comporte donc la mention des deux partenaires, BAnQ et la Cinémathèque québécoise. Ainsi, les clauses de reproductions des films sont comparables, comme le sont nos missions respectives, à ceci près, qu à l article 1.2.1 on peut lire : «La reproduction intégrale du film en un nombre raisonnable d exemplaires aux seules fins de consultation dans les locaux de BAnQ, étant entendu que des mesures de sécurité adéquates ont été prises pour en empêcher la reproduction par les usagers.» 8

Cette spécification est apportée à cause de l affluence aux postes de consultation de la Bibliothèque. Aujourd hui Nous en sommes aujourd hui à proposer cette licence aux ayants droits qui sont soumis au dépôt légal. Le tableau suivant représente le volume des œuvres déposées, qu il s agisse d œuvres uniques ou de productions à épisodes multiples ou séries. Vous pouvez constater que le volume à traiter est considérable pour une équipe modeste comme la nôtre, mais les résultats des propositions faites aux ayants droits, les clauses optionnelles, sont encourageantes. On peut remarquer une assez grande disparité dans les choix que font les ayants droit en choisissant d accorder ou non tel ou tel droit. Nous sommes donc tout à fait dans un rapport de un à un avec chacun et il semble bien que ce soit la seule option possible pour l instant. À ce sujet, je dois vous dire que nous sommes confrontés à un refus de soutenir notre initiative de la part de l APFTQ, dont je vous ai parlé tout à l heure, qui a recommandé à ses membres de ne pas signer notre proposition de licence. À l heure où je vous livre cette communication, nous en sommes réduits aux conjectures, les raisons exactes du rejet de notre initiative ne nous ont pas encore été communiquées clairement. Je pense personnellement que le fait qu il y ait deux demandeurs à la licence trouble les esprits des gens du milieu du cinéma. La Cinémathèque québécoise, son expérience et ses pratiques leur sont familières, mais Bibliothèque et Archives nationales du Québec est une entité gouvernementale avec laquelle le monde du cinéma n avait jusqu ici que peu de rapport. Mais les négociations avec l ensemble de nos partenaires se poursuivent. Nous avons un travail de communication à faire auprès des associations pour arriver à obtenir leur collaboration et établir des partenariats solides et faire valoir auprès de chacun le bien fondé de nos demandes pour la préservation et la mise en valeur de notre patrimoine national. Conclusion Ce qui me conduit à vous proposer en guise de conclusion quelques réflexions sur l évolution de notre travail induite par ce nouveau rôle qui nous est dévolu. À quoi bon conserver l ensemble de la production cinématographique et télévisuelle, si nous ne pouvons pas la montrer? En tant que diffuseurs, notre rôle ne peut se limiter à être le placard où s empilent des œuvres qui ne seraient pas accessibles au public. Je pense qu une cinémathèque doit s inscrire dans la vie culturelle d un pays de façon active et dynamique. Nous devons développer nos outils de communication, 9

aller à la conquête de nouveaux publics, proposer d autre façon de «voir les films». En un mot, notre mission consiste en un véritable travail de fond à forte valeur éducative qui porte sur le cinéma et son histoire, mais aussi sur l éducation à l image, la formation des regards, le développement du sens critique, et même, audelà de l objet cinéma, un rôle social, par la richesse des contenus des films que nous programmons. Je pense que le travail des cinémathèques et archives n est pleinement possible que par une évolution de nos rapports avec l ensemble de la profession et une certaine souplesse de la loi sur le droit d auteur et des pratiques qui puissent rendre les œuvres plus facilement accessibles. Les évolutions technologiques et les nouvelles plateformes de diffusion nous offrent plus que jamais la possibilité d accompagner les films d un ensemble de matériaux qui permettent une meilleure compréhension de l objet film lui-même, mais également de son auteur et de l ensemble du processus créatif mis en œuvre. Dans ce sens, le droit d auteur qui protège les créateurs et leurs œuvres, tant mieux, mais ne doit cependant pas être un frein aux actions de diffusion et d enseignement que nous menons. Je vous remercie. Yolande Racine Directrice générale Cinémathèque québécoise 2008.04.06 10