HOMMES AYANT DES RAPPORTS SEXUELS AVEC DES HOMMES (HSH) L aide à distance au service de leur santé sexuelle Analyse des sollicitations en 2011



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Transcription:

HOMMES AYANT DES RAPPORTS SEXUELS AVEC DES HOMMES (HSH) L aide à distance au service de leur santé sexuelle Analyse des sollicitations en 2011

Sommaire SIS Association... 3 Nature des données... 3 Échanges avec les HSH : les chiffres de 2011... 3 Contexte... 4 Des pratiques et des contextes à risque... 4 Des appels de jeunes et de mineurs particulièrement exposés... 5 Réduction des risques sexuels : un besoin d éclairage permanent... 6 Modes de transmission et échelle des risques... 6 Dépistage du VIH : vous avez dit «test rapide»?... 7 Les traitements contre le VIH comme moyen de prévention... 8 HSH vivant avec le VIH : du diagnostic à la prévention positive... 9 Des diagnostics de séropositivité récents... 9 La prévention positive pour une meilleure qualité de vie sexuelle et globale... 10 De multiples facteurs impactant la santé sexuelle... 12 L orientation sexuelle en question... 12 Homosexualité et séropositivité, la double discrimination... 13 Le mal-être omniprésent... 13 Conclusion... 15 Observatoire SIS Association 2

SIS Association SIS Association est un acteur de l économie sociale et solidaire, agissant pour la promotion de la santé, au sens défini par l OMS. Elle intervient notamment dans le domaine de la santé sexuelle (état de bien-être physique, émotionnel, mental et social associé à la sexualité par une approche positive et respectueuse, et la possibilité d avoir des expériences qui apportent du plaisir sans contrainte, discrimination ou violence). L objectif est d apporter soutien, information et relais aux personnes qui la sollicitent par le biais de ses services. Quelle que soit la sexualité, l association met à disposition de tous et toutes des dispositifs de prévention et d aide à distance en santé, anonymes et confidentiels (téléphone - tous les jours de 8h à 23h - et internet). Les sites internet permettent, selon le dispositif, d échanger par écrit (mail, Live Chat, forum) ou d être rappelé sur le téléphone de son choix. Vous pouvez contacter SIS-ICF (01 44 93 16 38 / sisformationconseil@sis-icf.org) pour toute demande de formation dans les domaines suivants : Santé : Santé sexuelle et prévention, Santé psychologique, Santé et droit ; Ingénierie : Ingénierie pédagogique, Ressources humaines, Accompagnement des équipes ; Solidarité : Relation d aide, Accueil, Stress et mal-être. Nature des données Cette étude a été réalisée à partir des éléments d information recueillis sur les dispositifs Sida Info Service, Hépatites Info Service et Ligne Azur. Après chaque appel, chat ou mail, les écoutants renseignent une fiche informatisée qui synthétise le profil de l usager (âge, sexe, département d appel, etc.) et le contenu de l entretien (pathologies, nature et contexte des prises de risque, thèmes, etc.). Une zone de texte libre permet aux écoutants de retranscrire les témoignages et/ou de laisser un commentaire éclairant les échanges. Ces textes viennent illustrer les données quantitatives. L outil de recueil de données est commun à tous les services, à l exception des mails qui font l objet d une fiche moins détaillée et des posts des forums qui ne sont pas traités statistiquement. Les extraits de messages électroniques sont utilisés dans leur style d origine, sans correction. Les informations recueillies et utilisées respectent l anonymat des usagers de SIS Association. Échanges avec les HSH : les chiffres de 2011 Au total, près de 130 000 échanges ont été menés sur l ensemble des services (hors forums) : près de 12 000 concernent des hommes ayant des relations sexuelles avec des hommes (HSH) dont près de 400 mails. Ont été considérés comme HSH les hommes indiquant au cours des entretiens soit leur homo/bisexualité, soit un partenaire sexuel de même sexe. La problématique qui amène une personne à solliciter un service de SIS ne nécessite pas toujours de préciser son orientation sexuelle ou le sexe de son ou ses partenaire(s). Cette information n est donc pas systématiquement recueillie, notamment parmi les appels de personnes atteintes ou ceux concernant de simples demandes de dépistage ou d informations générales sur une pathologie. De même, les données issues des mails se limitent globalement à l âge, au sexe et à la thématique évoquée, les messages étant souvent assez courts et les situations peu détaillées. À titre indicatif, les entretiens des HSH sont comparés aux autres appels masculins. Les données quantitatives concernent essentiellement le numéro vert Sida Info Service qui concentre 93 % des sollicitations de HSH. Les extraits d entretiens sont issus de tous les services. - 42 % des HSH sollicitent un des dispositifs de SIS Association depuis l Île-de-France vs 39,8 % pour les autres usagers masculins. - Leur moyenne d âge est de 33 ans [EIQ: 26;40] vs 32 ans [EIQ: 25;38]. - Si la grande majorité se présente comme étant homo/bisexuelle, 6,5 % d entre eux se reconnaissent dans l hétérosexualité. Cette diversité se retrouve dans différentes études. Celle menée par SIS Association en 2007 auprès d appelants HSH indiquait notamment que 12,8 % des participants se définissaient comme hétérosexuels 1. 1 de Carvalho E. Enquête auprès d hommes ayant des rapports sexuels avec des hommes (HSH). Paris, 2007, 4 p. Observatoire SIS Association 3

Contexte Les derniers chiffres de l InVS 2 confirment que les HSH demeurent la population la plus concernée par le VIH et pour laquelle l épidémie n est pas en recul : 2 500 ont découvert leur séropositivité en 2010, soit 40 % des découvertes. Ce constat est encore plus alarmant parmi les moins de 25 ans dont la part augmente régulièrement depuis 2003. Il ne peut s agir d un rattrapage des dépistages puisque le taux d incidence est de 1 % par an chez les HSH, soit 200 fois plus élevé que celui de la population française hétérosexuelle 3. Selon l étude Prévagay, chez les HSH fréquentant des établissements gays parisiens ce taux atteint les 3,8 % 4. Du côté des infections sexuellement transmissibles (IST), la même tendance est observée : 83 % des syphilis récentes concernent un HSH et le nombre de diagnostics d infections à gonocoque a enregistré une hausse de 50 % entre 2008 et 2010 dans cette population 5. Si le système d observation de ces infections s est amélioré, des enquêtes 67 confirment que les comportements sexuels à risque de contamination par le VIH ou une IST se maintiennent à un niveau important. Depuis 2005, les traitements anti-vih ont pris une place de plus en plus importante dans la prévention. Du côté des personnes atteintes, sous antirétroviraux avec une charge virale indétectable, le risque de transmission du VIH est très faible voire nul : c est la notion de TasP pour treatment as prevention. Du côté des séronégatifs, ils sont susceptibles d empêcher l infection lors d une exposition au VIH : c est le cas du traitement post-exposition (TPE) méconnu alors qu il est disponible depuis 1998 pour les risques sexuels 8 et de la prophylaxie pré-exposition (PreP) actuellement à l étude en France avec l essai IPERGAY mené par l ANRS 9. Du préservatif comme moyen unique de prévention à la palette d outils aujourd hui disponible, la prévention du VIH et des IST a fait du chemin. Les interrogations des HSH qui sollicitent les services de SIS Association sont le reflet du contexte actuel : à travers leurs témoignages, il s agit de pointer les difficultés liées à leur santé sexuelle et notamment d appropriation des anciens et nouveaux outils de prévention. Des pratiques et des contextes à risque Sur le numéro vert Sida Info Service, près de deux tiers des HSH évoquent une situation sexuelle perçue comme potentiellement à risque vis-à-vis du VIH et des IST (63,2 %), soit près du double des autres appelants masculins (33 %). Ils sont deux fois plus nombreux à faire référence à une pénétration non ou mal protégée : cette pratique est indiquée par un HSH sur cinq (20,3 % contre 11,9 %). De plus, 16,9 % des HSH évoquent une fellation faite non protégée. L étude Baromètre Gay de 2005 10 confirme la tendance à ne pas protéger les fellations : 57 % des personnes pratiquant la fellation avec leur(s) partenaire(s) occasionnel(s) n utilisent jamais de préservatif. De même dans l enquête Presse Gay de 2004, seuls 7% des répondants utilisent systématiquement un préservatif lors de la fellation 11. «une felation avec préservatif? ca sert a rien» 23 ans, LiveChat Sida Info Service «Il appelle pour pousser un "coup de gueule" contre tous ceux qui mettent en garde contre la fellation alors que le risque est infime. "Cela m'a pourri la vie!"» Commentaire de l écoutant et de l appelant, Sida Info Service Les HSH évoquant les fellations faites et les pénétrations, pratiques les plus à risque de transmission du VIH 12 et des IST, sont significativement plus jeunes : ils ont en moyenne 32 ans contre 34 ans pour les autres appelants masculins. Le contexte est déterminant dans une prise de risque : le fait de commencer une nouvelle histoire, le côté inattendu ou non prévu du rapport, la prise de produits psychoactifs, sont autant d éléments évoqués par les appelants qui décrivent un rapport qui ne s est pas déroulé dans les meilleures conditions de safe sex. 2 Cazein F., Le Strat Y. et al. Dépistage du VIH et découvertes de séropositivité, France, 2003-2010. Institut de Veille Sanitaire, Saint-Maurice, BEH n 43-44, 2011, p446-454.. 3 Le Vu S, Le Strat Y, Barin F, Pillonel J, Cazein F, Bousquet V, et al. Population-based HIV-1 incidence in France, 2003-08: a modelling analysis. Lancet Infect Dis. 2010(10):682-7 4 Le Vu S, Velter A, Meyer L, Peytavin G, Guinard J, et al. Biomarker-Based HIV Incidence in a Community Sample of Men Who Have Sex with Men in Paris, France. 2012, PLoS ONE 7(6): e39872. doi:10.1371/journal.pone.0039872 5 Bulletin des réseaux de surveillance des infections sexuellement transmissibles (IST) - Rénago, Rénachla et RésIST Institut de Veille Sanitaire, Saint- Maurice, décembre 2011, 18 p. 6 Velter A., Bouyssou-Michel A., et al. Baromètre gay 2005 : enquête auprès des hommes fréquentant les lieux de rencontre gay franciliens. Institut de Veille Sanitaire, Saint-Maurice, BEH n 25, 2006, p178-180. 7 ANRS, InVS. Rapport de l enquête Presse Gay 2004. Institut de Veille Sanitaire, Saint-Maurice, 2007, 135 p. 8 Un traitement prophylactique était disponible pour les soignants dès 1996 et a été étendu aux expositions non-professionnelles en 1998. 9 http://www.ipergay.fr, Agence nationale de recherches sur le sida et les hépatites virales. 10 Velter A., Bouyssou-Michel A., et al. op. cit. 11 ANRS, InVS. Rapport de l enquête Presse Gay 2004, op. cit. 12 Yeni P. et al. Rapport 2010, Prise en charge médicale des personnes infectées par le VIH. La documentation française, Paris, 2010, 350 p. Observatoire SIS Association 4

«C'est que j'ai fait la connaissance de quelqu'un. Vous savez je suis très précautionneux contre le VIH, je fais vraiment très attention. Et avec cet homme, j'ai vraiment cru qu'on commençait quelque chose de sérieux. Le problème, c'est qu'il n'arrive pas à bander avec le préservatif. Alors on a convenu de se voir vendredi dernier et on l'a fait sans capote. Mais la condition c'est qu'on devait faire un test dès lundi. J avais trouvé un laboratoire qui accepterait de lui faire un test sans ordonnance, et j'avais prévu de lui payer le test, puisque c'est moi qui le demandais. On a eu ce rapport. Et puis lundi dernier, il n'a plus voulu faire le test. En parlant avec lui je me suis aperçu qu'il s'en foutait en fait. J'ai été très déçu.» 35 ans, par téléphone, Sida Info Service «Tout s'est passé dans le feu de l'action, je n'ai pas pensé. Ça faisait longtemps qu'on ne se voyait pas et on s'est retrouvés dans un sauna.» 28 ans, par téléphone, Sida Info Service «[ ] C'est que je suis hétérosexuel. Je suis célibataire et divorcé. Et maintenant j'ai une amie. Mais là, l'autre jour, il y a une semaine, sur une aire d'autoroute, l'occasion a fait le larron. Je suis allé pisser et un homosexuel m'a proposé de me faire une fellation. Et après il m'a demandé de le pénétrer. Je n'avais pas de préservatif. Et je l'ai pénétré, sans capote puisque j'en avais pas...» 57 ans, par téléphone, Sida Info Service Au-delà du contexte, les usagers évoquent des difficultés à utiliser un préservatif pour des raisons de confort ou de perte d érection mais pour certains également une certaine lassitude à devoir se protéger tout le temps et depuis longtemps, voire depuis le début de leur sexualité pour les plus jeunes. «J'ai 45 ans et je crois que maintenant avoir le VIH ne serait plus aussi grave. Je me suis protégé pendant tellement d'années que j'en ai marre de me protéger.» 45 ans, par téléphone, Sida Info Service Si dans les échanges avec un écoutant le point est également fait sur les IST, le VIH reste la pathologie permettant d amorcer les échanges dans 94,9 % des cas. Lorsqu elles sont précisées, les IST évoquées sur Sida Info Service reflètent certaines spécificités du milieu HSH : ils évoquent davantage la syphilis et la blennorragie. En revanche, la lymphogranulomatose vénérienne (LGV) n est évoquée que par deux HSH qui en sont atteints. Pourtant, le nombre de cas augmente en Europe 13, ne diminue pas en France et la coinfection avec le VIH reste élevée 14. Le rôle des IST comme cofacteur de la transmission sexuelle du VIH reste sous-estimé. «J ai comme des petits boutons sur le sexe, je pense que c'est la syphilis. Comment se manifeste cette maladie? Il y a une semaine j'ai sodomisé un amant que j'ai vu une dizaine de fois. Il y a une semaine j'ai fait le con, c'était sans capote. J'arrive pas à le joindre. Où puis-je consulter? Mais la syphilis c'est grave?» 26 ans, par téléphone, Sida Info Service Des appels de jeunes et de mineurs particulièrement exposés Au cours de l année 2011, 1 850 HSH de moins de 25 ans ont utilisé l un des dispositifs de SIS Association, représentant 18,6 % de l ensemble des HSH. Parmi eux, 174 étaient mineurs. Sur le numéro vert Sida Info Service, si les HSH évoquent plus fréquemment un risque sexuel, cette spécificité est encore renforcée parmi les plus jeunes : 68,5 % des moins de 25 ans et 72,8 % des HSH mineurs indiquent une situation sexuelle à risque de transmission du VIH et des autres IST. De plus, les pratiques qu ils citent sont essentiellement celles reconnues comme les plus à risque en cas d exposition au VIH et aux IST : les pénétrations non ou mal protégées concernent deux mineurs sur cinq. HSH < 18 ans (n=125) HSH < 25 ans (n=1 644) HSH (n=10 425) Autres appelants masculins (n=55 925) Situations à risque sexuel évoquées, en %, Sida Info Service 2011 «Mon risque date de six jours Oui, une pénétration sans préservatif, et c'est moi qui recevais. J'étais dans une boite de drague à Paris, j'ai pas calculé. Non, je n'ai pas vu qui c'était. Je flippe. Combien de temps il me reste à vivre?» 14 ans, par téléphone, Sida Info Service Les questions reçues par mail mettent en évidence les mêmes types de prise de risque parmi les internautes mineurs. Pour certains, le fait d être jeune est associé à un manque de connaissance tant au niveau des modes de transmission que dans la prise en charge du risque et notamment du dépistage. 16 21,1 16,9 11,9 20,7 20,3 22,5 41,6 26 24,6 Fellation faite Pénétration Fellation reçue et autres risques sexuels 15,2 13 Eurosurveillance, vol. 17 (2), 2012, http://www.eurosurveillance.org/images/dynamic/ee/v17n02/v17n02.pdf 14 Bulletin des réseaux de surveillance des infections sexuellement transmissibles, op. cit. Observatoire SIS Association 5

«Bonjour, J'ai 15 ans et demi. Il y a 2 ans j'ai effectuer une penetration anale a un graçon sans preservatif et je lui est éjaculer dans l'anus. Je n'avais que 13 ans et je ne conaissait pas le test du VIH. Il y a deux jour j'ai fait les préliminaires avec une fille et je n'ai pas oser lui imposer le preservatif lors de la felation, je lui ait egalement ejaculer dans la bouche; aujourd'hui j'ai tres peur d'avoir été contaminer par le virus du sida et je regrette beaucoup de m'etre laisser faire. Mais l'idée d'etre eventuellement contaminer me stresse enormement et tourmente mes nuits. A votre avis aije été contaminer? Pour etre sur de ne pas avoir le sida aije besoin de faire un depistage? Et si oui pouvez vous m'expliquer la procédure [ ]? Je vous remerci d'avance.» 15 ans, par mail, Sida Info Service «Coucou, Je vis en Guadeloupe et j'ai 16 ans. Je suis inquiet suite a une relation homosexuelle en tant que passif par un homme de 30 ans. Que faire? Ou me faire dépister? Merci» 16 ans, par mail, Sida Info Service La prévention des risques sexuels avec les plus jeunes peut être un thème délicat à aborder, notamment en raison d une hétérogénéité en matière de développement sexuel. Cependant, elle ne doit pas être négligée dans la mesure où la moitié des jeunes hommes connait sa première expérience avant 17 ans 15. Pourtant, en 2005 le Conseil National du Sida constatait sévèrement l absence de l Éducation Nationale dans la prévention 16. Cela est d autant plus préjudiciable que l adolescence est une période d acquisition de comportements de prévention mais aussi d expérimentations : «plus d une personne sur dix qui a eu des pratiques homosexuelles rapporte une telle expérience uniquement avant l âge de 18 ans» 17. Si le constat est mitigé quant à la prévention du VIH et des IST auprès des jeunes dans leur ensemble, pour les jeunes homo/bisexuels ou ayant des expériences homo/bisexuelles c est un constat d échec qui s impose. La difficulté de la prévention ciblant les mineurs réside également dans leurs problèmes d accès au système de soins, notamment lorsqu ils souhaitent préserver leur intimité vis-à-vis de leurs parents. «J'ai été aux urgences et je prends du [nom de traitement] et du [nom de traitement], mais je suis malade, j'ai des nausées et la diarrhée. Ça me fait peur de prendre ça. J'ai vu sur votre site que cette combinaison n'était plus trop donnée. Si mes parents me voient malade ils vont vouloir m'emmener chez le médecin. Il faut que j'aille voir un médecin au CDAG aujourd'hui, est-ce qu'ils vont aussi insister pour que j'en parle à mes parents? Quand ils prennent mon nom, mon adresse, mon tél, etc. ça m'inquiète parce que mes parents ont déjà été assez perturbés quand je leur ai parlé de mon homosexualité. Ma mère m'a dit "je ne veux pas que tu aies des rapports avant tes 18 ans".» 16 ans, par téléphone, Sida Info Service Réduction des risques sexuels : un besoin d éclairage permanent Au niveau individuel, la réduction des risques sexuels (RDRs) consiste en la combinaison de plusieurs techniques qui diminuent la probabilité d être infecté ou de transmettre le VIH : limiter le contact avec les fluides, utiliser un préservatif selon la pratique et/ou le statut sérologique connu ou supposé du partenaire, choisir des partenaires du même statut sérologique que soi, prendre en compte la charge virale du partenaire séropositif, etc. Le concept de RDRs n est pas nouveau et a suscité de nombreux débats entre les associations de lutte contre le sida et parfois en leur sein même 18. Les HSH pratiquent depuis longtemps certaines techniques de réduction des risques sexuels, comme ne pas prendre le sperme en bouche par exemple. Les éléments apportés lorsqu ils sollicitent l expertise d un écoutant après une prise de risque réelle ou crainte permettent de cerner leurs besoins en informations sur les techniques de RDRs. Modes de transmission et échelle des risques Les modes de transmission du VIH et des IST constituent de façon marquée le thème le plus abordé sur Sida Info Service : ils sont évoqués dans la quasi-totalité des mails (91,9 %) et dans trois quarts des appels de HSH (73,5 %). En décrivant leurs pratiques et les mesures préventives qu ils mettent éventuellement en place, c est sur une échelle de risques que les usagers cherchent à se positionner. 15 Enquête sur la sexualité en France, op. cit., p. 124. L entrée dans la sexualité est plus précoce pour les homo/bisexuels qui débutent le plus souvent leur vie sexuelle par un rapport hétérosexuel, le premier rapport avec un homme survenant généralement plus tard. On note toutefoi s que l âge médian au premier rapport homosexuel a baissé : 21 ans chez les 50-69 ans versus 17,7 ans chez les 18-34 ans (p. 144). 16 Conseil national du sida, Rapport sur la politique publique de prévention de l infection à VIH en France métropolitaine et recommandations pour une meilleure application de la politique publique de prévention de l infection à VIH, Paris, 17 novembre 2005, 54 pages. 17 Enquête sur la sexualité en France, op. cit., p. 249. 18 Girard G., Risque du sida et structuration des sociabilités homosexuelles. Analyse sociologique des normes de prévention en France, 1989-2009. Thèse de doctorat en Sociologie de l EHESS, février 2012, http://halshs.archives-ouvertes.fr/shs/tel-00676665/fr/ pp. 145-193. Observatoire SIS Association 6

«Moi, ce que je voudrais savoir, c'est si j'ai une chance sur deux d'être atteint, ou si c'est moins.» 27 ans, par téléphone, Sida Info Service En l absence de réel consensus scientifique, la fellation nécessite une évaluation personnalisée du risque et constitue la moitié des échanges des HSH sur les modes de transmission (52,7 % au téléphone, 46,9 % par mail). Certains éléments de contexte (présence de sperme, multiples partenaires, partenaire en primo infection, etc.) ne permettent pas d exclure totalement le risque d infection par le VIH mais aussi, et surtout, par d autres IST. Le risque lié à cette pratique orale constitue depuis des années un sujet central de débats, de doutes et de confusions parmi les usagers HSH de la ligne qui sont en grande difficulté quant à l évaluation du risque pris. Leurs questions reviennent d autant plus fréquemment que cette pratique est rarement protégée et que le fait de ne pas prendre le sperme en bouche ne suffit pas toujours à les rassurer. «Je suis homosexuel, et je pratique des fellations non protégées. Les pénétrations anales sont protégées, mais pas les fellations. Il y a un mois, j'ai fait un dépistage du VIH. Le résultat est négatif. Il y a des gens qui disent qu'il n'y a pas de risque, d'autres qu'il n'y a pas trop de risques, et d'autres qu'il y a un risque... Mon médecin, lui, à qui j'en ai parlé, m'a dit d'arrêter ça, parce que si je continue, je serai séropositif un jour. Je voulais savoir ce que vous en pensez» 42 ans, par téléphone, Sida Info Service «Bonjour, Je pense avoir pris un risque il y de cela 3 semaines. J'ai pratiqué une fellation à un homme que je ne connaissais pas. Il n'a pas éjaculé dans ma bouche mais il aurait pu quand même avoir un contact avec la muqueuse buccale. Depuis je suis stréssé tout le temps, en effet, j'ai un début d'angine avec mes ganglions qui sont gonflés. J'ai eu quelques coups de fatigue durant ces trois semaines. Est-ce que j'ai vraiment pris un risque? Merci beaucoup pour votre réponse» 18 ans, par mail, Sida Info Service Les risques liés à la pénétration anale sont ensuite les plus évoqués (22,6 %). La majorité semble avoir connaissance des risques pour le récepteur de la pénétration tandis que les interrogations sont nombreuses parmi ceux qui se positionnent stratégiquement en tant qu inserteurs (seropositioning). La confusion est souvent liée au rôle du sperme dans la transmission du VIH, y compris pour celui qui éjacule. Les témoignages oscillent entre connaissances floues, erronées et incomplètes. Il leur est ainsi difficile de mettre en œuvre une réelle stratégie de prévention individuelle. Les autres IST sont spontanément peu interrogées. «Oui, je sais comment ça se transmet, le sida, oui, je sais... C'est par le sperme et le sang mais je ne savais pas que c'était risqué de se faire pénétrer, je l'ai appris à l'hôpital.» 22 ans, par téléphone, Sida Info Service «J étais actif et en plus je n ai pas éjaculé, il y a quand même un risque?» 50 ans, par téléphone, Sida Info Service Après 30 ans d épidémie, certaines images et idées reçues sur les signes visibles du VIH/sida sur une personne atteinte demeurent tenaces. Si parler de son statut sérologique à un partenaire avant un rapport n est pas opportun, le choix d un partenaire supposé séronégatif (seroguessing) ou de faire confiance à quelqu'un qui dit «ne rien avoir» reste souvent basé sur l absence de stigmates de la maladie, la classe sociale ou le milieu culturel. «Quels sont les signes qui suivent une contamination? Le rapport date de vendredi soir. Il a éjaculé en moi. Il m a dit après qu il est séropo. Vous imaginez le choc? Il a 43 ans, il est chef d entreprise, il est très bien physiquement, je n imaginais pas qu un profil comme celui-là pouvait être séropo.» 21 ans, par téléphone, Sida Info Service «Il a eu deux rapports non protégés avec deux partenaires différents. Il pense qu'il n'y a pas trop de problème parce que "ce sont deux jeunes bisexuels et ils sont musulmans. Ils m'ont dit qu'ils n'avaient rien."» 22 ans, commentaire de l écoutant et de l appelant, par téléphone, Sida Info Service Dépistage du VIH : vous avez dit «test rapide»? Allant de pair avec le thème des risques de transmission, le dépistage est évoqué dans plus d un tiers des entretiens (36 %). Les HSH s interrogent principalement sur le délai d attente (56,4 %) et la fiabilité des tests (41%). Si relativement peu font la demande de coordonnées de centres de dépistage (17,2 %), cela ne constitue pas pour autant une preuve de recours moins important au test : en effet, l enquête menée en 2010 par SIS sur le dépistage avait montré que les HSH avaient davantage été dépistés pour le VIH que les autres participants (81,9 % vs 66,2 %) 19. Ainsi, dans leur ensemble ils connaissent mieux les lieux et modalités de dépistage que la population générale. 19 Coudray M., de Carvalho E., Quels usages du dépistage du VIH et des IST en 2010? http://www.sida-info-service.org/?quels-usages-du-depistage-du-vih Observatoire SIS Association 7

«Il y a eu éjaculation. Mon partenaire est séropo et il m'a dit que sa charge virale était indétectable. Quand est-ce je vais pouvoir faire mon test?» 25 ans, par téléphone, Sida Info Service Dans le rapport de 2009, la Haute autorité de santé (HAS) recommandait aux HSH de se faire tester régulièrement en préconisant un dépistage par an pour les HSH multipartenaires 20. La fréquence des tests est parfois interrogée par les HSH usagers des dispositifs de SIS Association. Si pour certains, le dépistage régulier est une composante de leur stratégie préventive, pour d autres il se substitue à toute autre forme de protection. «Il estime le nombre de partenaires à une trentaine par an. Il demande dans ce cas de figure quelle "cadence" de tests est recommandée et s il est nécessaire de faire un point sur les autres IST.» 29 ans, commentaire de l écoutant, Sida Info Service «J'ai de toute façon des rapports sans capote donc je fais des tests régulièrement. Voilà pourquoi je souhaite faire un test : le dernier partenaire m a dit après le rapport, et parce que je lui ai posé la question, qu'il est séropo.» 46 ans, par téléphone, Sida Info Service Depuis fin 2010, les tests rapides à orientation diagnostic (TROD) ont rejoint le panel des possibilités de dépistage du VIH en France 21. A visée communautaire gays et migrants, l année 2011 aura permis leur étendue mais ils restent peu évoqués par les HSH (4 %). Certains rejettent le marquage communautaire des lieux proposant un test rapide. Par ailleurs, la confusion entre la rapidité de la remise des résultats et la possibilité de faire un test rapidement après un risque est fréquente. «Où faire un test rapide sur [ville]? J'ai fait un test au kiosque et ils m'ont dit qu'il était positif. Je suis rentré tout de suite à [ville] pour le dire à mon ami. Il voudrait faire le test le plus rapidement possible. C'est possible un test rapide ce soir?» par téléphone, Sida Info Service «L appelant confond résultat rendu rapidement et délai d'attente après un risque pour évaluer le risque par un test. Il est très étonné car n'avait pas compris cette info... Il dit que ses amis gays n'ont pas compris aussi et que des hommes vont faire le test immédiatement après un risque, que les infos mises en ligne sur internet ou marquées sur des dépliants dans les boîtes gays sont très équivoques et portent à confusion.» 25 ans, commentaire de l écoutant, Sida Info Service «J ai eu des rapports avec un autre homme il y a 1 semaine et il a fait un test et il est séropositif... Où est-ce que je peux faire un test rapide?» 28 ans, par téléphone, Sida Info Service «Je voulais connaitre la fiabilité d un test urinaire que l on peut commander par internet... J ai entendu parler de test rapide mais je veux pas d un lieu dit communautaire, vous pouvez m indiquer une adresse?» 30 ans, par téléphone, Sida Info Service Les traitements contre le VIH comme moyen de prévention Les examens et traitements constituent un quart des échanges avec les HSH (22,5 %). Parmi eux, sept sur dix concernent le traitement post exposition (TPE, 70,8 %). À prendre dans un délai de 48 heures après un risque sexuel, ce traitement réduit la probabilité de transmission du VIH. Sa connaissance semble de plus en plus répandue parmi ce public mais il n est pas rare que ce soit l écoutant qui informe l appelant de son existence ou qui rectifie des informations imprécises voire erronées. Quelques appelants rapportent des dysfonctionnements du système de prise en charge du risque sexuel d exposition au VIH par les urgences. Ils avaient déjà été pointés dans une synthèse des appels reçus à Sida Info Service sur ce thème 22. Dans ces conditions il est important que la communication sur le TPE soit renforcée, comme le recommande le rapport de la Mission RDRs 23. «Je viens d'avoir un rapport non protégé et mon partenaire a éjaculé en moi. Je vous appelle pour savoir quoi faire?» 38 ans, par téléphone, Sida Info Service «Il s'est vu prescrire un TPE aux urgences de [ville] mais pour une période de 24h. Il commence par demander s'il doit ou non manger avec ces médicaments, "ils n'ont pas su me dire aux urgences." On lui a donné uniquement deux prise parce que "ils 20 Haute Autorité de Santé, Dépistage de l infection par le VIH en France, Stratégies et dispositif de dépistage, Synthèse et recommandations, Paris, octobre 2009, 41 p. 21 Arrêté du 17 novembre 2010, http://www.legifrance.gouv.fr/affichtexte.do?cidtexte=jorftext000023093746&datetexte=&categorielien=id 22 de Carvalho E., Corbinaud M., Traitement post-exposition au VIH, Synthèse des appels et échanges sur le forum Sida Info Service 2010, http://www.sidainfo-service.org/?traitements-post-exposition-au-vih 23 Lert F., Pialoux G. Missions RdRs, Prévention et réduction des risques dans les groupes à haut risque vis-à-vis du VIH et des IST. Direction Générale de la Santé, Paris, 2010, 238p. Observatoire SIS Association 8

n'avaient pas plus, ils devaient garder des traitements pour le cas où il y aurait un viol dans la nuit." Il se demande si cela vaut vraiment le coup de prendre le TPE.» Commentaire de l écoutant et de l appelant, par téléphone, Sida Info Service «(appelant sous TPE) Je suis allé sur internet et j'ai lu que ce traitement n'est efficace qu'à 80 %.» par téléphone, Sida Info Service Depuis les déclarations du professeur Hirschel qui avaient fait l effet d une bombe en 2008, la communauté scientifique a admis que les médicaments antirétroviraux (ARV) ont un rôle préventif dans la transmission du VIH. Si l étude HPTN052 24 qui a démontré l intérêt du TasP pour un couple hétérosexuel serait difficilement réalisable aujourd hui auprès des HSH, les preuves que la prévention par le traitement fonctionne aussi dans les rapports homosexuels s accumulent 25. Pourtant, cette donnée est encore trop peu connue, y compris parmi les personnes séropositives. En l absence d un message clair, les informations entendues ou glanées ici et là sont incomplètes et susceptibles de générer des croyances erronées, notamment sur le niveau de protection. «Je voulais évaluer avec vous le risque que j'ai pris ou pas. Il m'a dit après qu'il était séropo. Il m'a dit qu'il était sous traitement. Il m'a dit aussi que dans ces conditions il était difficile qu'il me transmette le virus. Mais alors cela veut dire que je peux avoir un rapport de sodomie sans capote avec une personne séropo sous traitement?» 34 ans, par téléphone, Sida Info Service En ce qui concerne la prophylaxie pré-exposition, le Conseil national du sida (CNS) a rendu un avis 26 en juin 2012 indiquant qu elle se destine aux «personnes en situation de forte exposition au risque» avec pour objectif de compléter la palette des outils de prévention existants aujourd hui, tels qu ils sont notamment décrits dans le rapport de la mission RDRs 27. L intérêt suscité par le TasP, la PreP ou le TPE peut conduire à l automédication. Sans prescription médicale, les personnes se procurent les médicaments auprès de leur partenaire ou d un ami séropositif. «L'appelant nous sollicite pour avoir des éléments d'informations sur le traitement pré-exposition. Il a eu une pénétration anale passive de quelques minutes sans éjaculation et il a pris du [nom du traitement] dans les minutes qui ont suivi ce rapport. Il est allé sur internet et a décidé de prendre du [nom du traitement] en PreP. Il ne souhaite pas bénéficier d'une consultation d'urgence car il a déjà pris plusieurs fois un TPE et trouve le traitement trop difficile au regard des effets secondaires et de ses contraintes professionnelles. "Non, je ne souhaite pas aller en consultation d'urgence... Pour moi, la prise de [nom du traitement] est une manière de gérer ma prévention." L'appelant semble très sûr de lui mais souhaite notre avis sur cette manière de gérer sa prévention, voire un positionnement. "Vous pensez que j'ai raison de faire comme cela, ou pas?"» 30 ans, commentaire de l écoutant et de l appelant, Sida Info Service «Il m'a pénétré je lui ai dit tout de suite d'arrêter. Il s'est donc retiré. Vous pensez quoi du risque? Bon après j'ai fait quelque chose de pas très bien. J ai un pote séropo, j'ai utilisé son traitement pour me faire un TPE sauvage. Je suis sous [traitement]. C est un peu hard, j'ai assez mal au ventre...» 23 ans, par téléphone, Sida Info Service Si ces comportements sont rares, ils indiquent la nécessité de communiquer clairement sur ces anciens et nouveaux outils en répondant à des questions simples (à qui ils s adressent? quand les prendre? où se les procurer?) ou plus épineuses mais que les utilisateurs potentiels ne manqueront pas de poser : quels niveaux de protection offrent-ils? HSH vivant avec le VIH : du diagnostic à la prévention positive Des diagnostics de séropositivité récents Sur Sida Info Service, en cohérence avec la proportion élevée de personnes appelant suite à une prise de risque, quatre HSH sur cinq ne connaissent pas leur sérologie vis-à-vis du VIH. Les HSH vivant avec le VIH sont significativement plus jeunes que les autres appelants masculins séropositifs. Ils ont en moyenne 39 ans et demi contre 41 ans. Un tiers a moins de 35 ans contre moins d un quart pour les autres appelants masculins séropositifs (32,3 % vs. 22,8 %). Ces proportions sont à mettre en parallèle avec les données sur les prises de risque qui sont également évoquées par les plus jeunes. Mais la grande 24 HIV Prevention Trials Network, site de l étude HPTN052 : http://www.hptn.org/research_studies/hptn052.asp 25 http://www.aidsmap.com/plasma-and-rectal-viral-load-correlated-in-hiv-positive-gay-men-supports-use-of-treatment-as-prevention/page/2063383/ 26 http://www.cns.sante.fr/spip.php?article400 [consulté le 29 juin 2012) 27 Lert F., Pialoux G., op. cit. Observatoire SIS Association 9

majorité des plus jeunes HSH se questionnent sur leur statut vis-àvis du VIH, et ce, en cohérence avec la proportion élevée d entretiens sur le dépistage : 86 % des moins de 25 ans et 90,8 % des mineurs sont sérointerrogatifs. PERSONNES SÉROPOSITIVES AU VIH PARMI LES APPELANTS MASCULINS ÉVOQUANT CETTE PATHOLOGIE SIDA INFO SERVICE, 2011 Dit être Dit ne pas être Statut non Ne sait pas atteint atteint évoqué HSH (n=9 812) 7,7 % 2,8 % 81,3 % 8,1 % Autres appelants masculins (n=47 581) 7,4 % 6,2 % 73,0 % 13,3 % Les HSH séropositifs au VIH présentent également un diagnostic significativement plus récent. Près d un sur cinq a été dépisté au cours du mois précédent l appel (17,3 % contre 7,7 % des autres appelants masculins VIH+). La moitié des HSH connaissent leur statut depuis moins de six ans (50,4 % contre 26,9 %). Si on peut y voir une meilleure connaissance du numéro par ce public et en particulier au début du vécu avec le VIH, ces chiffres vont également dans le sens des données épidémiologiques. Parmi les personnes ayant découvert leur séropositivité en 2010, deux sur cinq indiquent avoir été contaminées par des rapports sexuels entre hommes 28. Après avoir reçu un résultat de test positif, les appelants ont parfois besoin d évoquer l origine de leur contamination mais surtout besoin d accompagnement pour assimiler les informations qu ils ont pu recevoir alors qu ils étaient encore «sous le choc» et déconstruire leurs représentations de la maladie basées sur des images anciennes. «Je viens de recevoir un résultat de dépistage, et c est positif... Ma médecin m a appelé et le labo aussi. Le labo a dit qu il fait un second examen pour vérifier ce résulta et ma médecin m a dit que si le second résultat est positif, elle m orientera, et qu on pourra me proposer un traitement qui pourrait éradiquer le virus en trois mois... Enfin c est ce que j ai compris, mais en même temps je croyais que quand on l avait c était à vie... J ai des partenaires hommes multiples. Je protège toujours les rapports, pas les fellations mais les pénétrations anales, oui... Ce qu il y a, c est qu il y a quatre à cinq mois, il y a eu des ruptures de préservatif...» 32 ans, par téléphone, Sida Info Service «Je ne sais pas si c est vous que je dois appeler. J ai fait un test et c est positif. On attend la confirmation mais vu ce qui m est arrivé, je ne pense pas que ce soit un faux positif. J ai toujours fait attention sauf lors de ces rapports, j ai eu un relâchement. Ça a commencé il y a un peu plus d un mois, et j ai eu une grippe courant décembre. Maintenant je me dis que ce n était peut être pas une grippe. J ai peur. J ai des images du sida avec des amaigrissements, les effets secondaires des traitements.» 31 ans, par téléphone, Sida Info Service Parmi les HSH porteurs du VIH, onze indiquent être coinfectés par le VHC et trois par le VHB. Sur Hépatites Info Service, 28,1 % des HSH évoquant le VHC en sont porteurs (9/32) et 29 % en ce qui concerne le VHB (9/31). Les problématiques autour des hépatites nécessitent moins d évoquer l orientation sexuelle et, de ce fait, les effectifs sont sous-estimés. Toutefois, il semble que la proportion d HSH vivant avec une hépatite B est plus élevée que pour les autres appelants masculins d Hépatites Info Service (14,7 %), ce qui est cohérent avec l épidémiologie indiquant l homosexualité comme facteur lié à l hépatite B. En moyenne les HSH vivant avec une hépatite B sont âgés de 43 ans et de 45 ans et demi pour ceux porteurs du VHC. «Je suis contaminé par le VIH. Je l ai découvert il y a moins de deux ans et je devais commencer une trithérapie la semaine prochaine car mes CD4 sont en baisse. Seulement je viens de faire un test pour le VHC car j ai eu une prise de risque au mois d avril dernier et, je viens juste de recevoir les résultats du labo. Il est indiqué que j ai les anticorps mais rien de plus. Quand je pense que mon médecin m a dit qu il fallait que j évite le VHC en étant séropositif, je suis désemparé.» 26 ans, Hépatites Info Service La prévention positive pour une meilleure qualité de vie sexuelle et globale La crainte de stigmatiser les PVVIH en leur faisant porter la responsabilité de la prévention de façon exclusive a longtemps écarté du débat public la notion de prévention positive. Si les actions auprès des personnes atteintes visant à prévenir de nouvelles contaminations existent depuis presque toujours mais de façon timide, la prévention positive englobe aujourd hui beaucoup plus que cela : selon l action T35 du Plan national de lutte contre le VIH/SIDA et les IST 2010-2014 29, il s agit 28 Cazein F., Le Strat Y. et al. op. cit. 29 http://www.sante.gouv.fr/img/pdf/plan_national_lutte_contre_le_vih-sida_et_les_ist_2010-2014.pdf p. 181 Observatoire SIS Association 10

«d accompagner et soutenir la vie psychique, affective et sexuelle des PVVIH». Au-delà donc de la santé sexuelle, la prévention positive repose sur l amélioration de la qualité de vie globale des personnes atteintes, qui inclut la lutte contre les discriminations. Trop de PVVIH mettent encore de côté leur vie sexuelle et/ou affective par crainte d être rejetées. Cette crainte peut aller jusqu à ne pas dévoiler sa séropositivité à un partenaire stable : au poids du secret, vient s ajouter celui de la responsabilité exclusive de la prévention au sein du couple. La culpabilité en cas de rapports non protégés ou de rupture de préservatif est récurrente, qu il s agisse d un partenaire stable ou non. «Je vous appelle parce que des fois mon ami a des tâches rouges dans le cou. Il met de la cortisone et ça part. Je ne lui ai jamais dit que je suis séropositif. J'ai une charge virale indétectable et nous n'avons pas de pénétration. Il me fait des fois des fellations mais je n'éjacule pas dans sa bouche sauf une fois il y a deux mois. Cela fait un an et demi que l'on est ensemble mais je n'arrive pas à lui dire, j'ai peur qu'il le prenne mal. Je prends mes médicaments en cachette deux fois par jour et je me fais envoyer les bilans à une autre adresse. Je le vis comme ça, comme si ça n'existait pas, mais des fois c'est pas facile. Il faut tout contrôler. Mon ami est très maniaque, il est très à cheval sur la propreté, l'hygiène tout ça. Il y a eu pas mal de souci de santé dans sa famille et je sais que c'est le genre de trucs qu'il ne gère pas du tout.» 40 ans, par téléphone, Sida Info Service «J ai besoin de votre aide, de votre avis, je peux? Je suis séropositif. Je suis en fait non progresseur. Il y a 15 jours j ai rencontré un homme et pour la première fois j ai eu un rapport sans capote mais j ai pas éjaculé. Il me connait pas il s est mis de telle façon que j ai pas réfléchi et je l ai pénétré. Je suis mal avec ce que j ai fait. Que lui dire, comment lui dire? J ai très peur, si je lui dis, de sa réaction. En même temps nous sommes deux, ce n est pas un jeune homme. Il doit savoir ce qu il fait, non? Je comprends pas comment j ai pu me laisser aller à un tel comportement, je m en veux. Mon médecin est très rassurant sur les risques que je puisse transmettre le virus. J ai l impression que ce discours que j entends depuis un moment, avec le temps c est comme si j avais plus rien. Donc comme si je pouvais plus transmettre le virus... Je vais certainement le revoir mais je peux pas faire comme si je savais pas. Moi c est comme cela que j ai été contaminé. Il le savait il a même falsifié des tests pour me montrer des résultats négatifs. S il devait être positif, il peut porter plainte contre moi? Vous avez des cas où des plaintes ont été déposées? "50 ans, par téléphone, Sida Info Service Les risques de transmission sont davantage évoqués par les HSH vivant avec le VIH (21,8 %) que les autres appelants masculins séropositifs (13,6 %). Les entretiens commencent fréquemment par une vérification des risques liés à une pratique sexuelle. «Je suis séropo, diagnostiqué en primo-infection il y a 3 mois et sous trithérapie. L'équipe à l'hôpital où je suis suivi me dit de m'abstenir sexuellement le plus possible pendant 6 mois mais je suis sexuellement actif et je ne leur dis pas. Il y a deux situations qui m'inquiètent un peu : un, il y a eu rupture de préservatif pendant une pénétration anale avec un inconnu, je me suis retiré tout de suite ; deux, un garçon hier soir m'a fait des fellations sans préservatif mais sans que j'éjacule dans sa bouche. Je ne veux pas le mettre en danger, je pense que je devrais l'appeler» 38 ans, par téléphone, Sida Info Service «Je suis séropo et hier j'ai eu un rapport avec un garçon. J'ai fait un fist sans protection. Est-ce qu'il a un risque pour lui? Et pour les fellations? Au plus ça va, au plus ça me prend la tête, au plus j'ai peur de contaminer. J'ai des rapports avec des jeunes et vous pouvez pas vous imaginer, ils me demandent pour sucer à fond... Ils veulent recevoir tout dans la bouche et ça, c'est impossible pour moi...» 45 ans, par téléphone, Sida Info Service De nombreux HSH évoquent leurs difficultés à s autoriser à vivre une sexualité ou une relation affective. Une nouvelle rencontre vient parfois remettre en question l auto-interdiction à s investir dans une relation amoureuse : le risque VIH et le risque affectif se mélangent. Certains expriment davantage de difficultés à se protéger lorsqu ils éprouvent des sentiments, le préservatif étant associé aux partenaires occasionnels. «Je voudrais savoir : si une personne séropositive fait une fellation sans préservatif, est-ce que cela peut être contaminant? Je suis séropositif, j ai été dépisté il y a un an et demi. Depuis cette date, je me suis mis en retrait par rapport à ma vie sexuelle et affective Et là je viens de rencontrer un homme, je commence à avoir des sentiments pour cet homme. Je lui ai fait une fellation non protégée et je souhaiterais savoir si je lui ai fait prendre un risque Je ne sais plus, sexuellement je suis perdu... Je lui ai dit que j étais séropositif. Au début, il l a très bien pris. Puis il a commencé à avoir peur. Il a un enfant de 6 ans et me dit "qu on ne sait jamais"... Il va faire le point aujourd hui de son côté. J en avais parlé avec des amis, s il fallait lui dire que j étais séropositif. Ils m ont dit d être honnête et voilà, cela se passe mal. Pourtant j ai le droit d être heureux. Nous devons nous voir ce soir, j en ai très envie mais à la fois je n'en ai pas envie car je vais être mal. Je n ai pas envie de m attacher plus s il refuse de me voir par la suite. J'ai déjà trop souffert. Cela faisait longtemps que je mettais mis à l écart de relations. J ai le droit d être heureux et là cela ne va pas. Je n en ai pas dormi de la nuit. Cela me chagrine. Cela me dégoûte d être malade. Je galère au niveau relationnel» 36 ans, par téléphone, Sida Info Service Observatoire SIS Association 11

«Pour les plans cul ça me dérange pas la capote mais là c'était pas pareil, ça faisait longtemps que j'avais pas ressenti des sentiments et ce qu'on a partagé était très fort... Le premier rapport était protégé mais après il a voulu qu'on recommence sans.» 43 ans, par téléphone, Sida Info Service Par ailleurs, les HSH vivant avec le VIH partagent la même difficulté à gérer un risque faible que celle exprimée par les HSH sérointerrogatifs, la peur de contaminer répondant à celle d être contaminé. Les personnes atteintes expriment un besoin d informations claires et d un espace de dialogue avec les professionnels de santé qui fait encore souvent défaut dans leur prise en charge. «Je déplore que les institutions médicales ne parlent pas d'une seule voix au sujet de la charge virale indétectable, ça désoriente les patients, on ne sait plus à quoi s'en tenir. J'ai un partenaire fixe, et tant que je n'aurai pas l'assurance à 100 %, je ne pourrai pas avoir de rapport non protégé, les conséquences pouvant être irrémédiables.» 28 ans, par téléphone, Sida Info Service Le choix d un partenaire qui est également séropositif (serosorting) et les risques de surcontamination sont parfois évoqués. «Je suis séropo et je voulais savoir ce que je risquais si j'avais des rapports non protégés avec un autre séropo? Moi j'ai une charge virale indétectable, si pour lui c'est la même chose, dans ce cas il n'y a pas de risque de surcontamination?» 50 ans, par téléphone, Sida Info Service La prévention positive doit également s adresser au partenaire séronégatif en l accompagnant et en favorisant la communication au sein du couple : le risque est mieux géré lorsqu il est compris et accepté par les deux partenaires. «J'ai rencontré quelqu'un, on a eu des rapports non protégés. Quand il m'a dit qu'il était séropo, j'ai fait un TPE, ensuite tous les tests et je n'ai rien. Mais on a continué à se voir et il m'a montré ses résultats, m'a expliqué la charge virale indétectable et comme j'ai vu que malgré les rapports non protégés qu'on a eu je n'ai rien attrapé, on ne met plus de préservatif ensemble. Je sais bien que personne ne me dira que je ne prends aucun risque mais c'est en mon âme et conscience que je choisis de faire comme ça.» 36 ans, par téléphone, Sida Info Service «Je sors avec un garçon qui est séropositif depuis plusieurs mois, nous vivons ensemble... Récemment nous avons eu deux rapports, dont un sans préservatif et j'étais actif, l'autre j'étais passif et le préservatif a craqué, je me demande si le risque est important, sachant qu'il est sous trithérapie et qu il a une charge virale indétectable? Qu'est que vous pouvez me dire sur la situation? La question se pose pour nous, de ne plus se protéger, nous avons décidé de rencontrer son médecin VIH et d en discuter avec lui.» 43 ans, par téléphone, Sida Info Service De multiples facteurs impactant la santé sexuelle Au-delà de la sexualité abordée à travers le prisme des IST et des risques de transmission, de nombreux autres aspects participent à la qualité de la santé sexuelle. Selon la définition de l OMS, la «santé sexuelle fait partie intégrante de la santé, du bien-être et de la qualité de vie dans leur ensemble. C est un état de bien-être physique, émotionnel, mental et social en relation avec la sexualité, et non pas simplement l absence de maladies, de dysfonctionnements ou d infirmités.» 30 L orientation sexuelle en question Sur Ligne Azur, service anonyme et confidentiel d aide à distance pour toute personne s interrogeant sur sa santé sexuelle (orientation / attirance, identité et pratiques), six échanges sur dix avec un appelant masculin abordent le thème de la sexualité (59 %). L homosexualité est source de questions pour plus de deux hommes sur cinq (46,9 %). Un sur cinq évoque la bisexualité (22 %). Les appels de jeunes reçus sur Ligne Azur, notamment lors de la campagne du ministère de l Éducation nationale en mai et juin 2011, montrent que leurs questionnements concernant l orientation sexuelle sont source de malêtre, de craintes et de difficultés 31. Leurs témoignages font état d homophobie vécue ou intériorisée dont les corrélations à une prévalence plus élevée du suicide chez les homo/bisexuels masculins, et notamment les jeunes, ainsi qu à des 30 http://www.euro.who.int/fr/what-we-do/health-topics/life-stages/sexual-and-reproductive-health/news/news/2011/06/sexual-health-throughoutlife/definition [consulté le 3 septembre 2012]. 31 SIS Association, Rapport d activité de Ligne Azur 2011. Observatoire SIS Association 12

comportements à risque vis-à-vis du VIH et des IST, sont souvent pointées 32. Ainsi, la prévention des risques sexuels passe aussi par la lutte contre l homophobie. «Je vous appelle car je ne sais pas si je préfère les hommes ou les femmes. J'ai eu des caresses avec des hommes, c'est bon mais il n'y a pas de sentiment. Avec les femmes il y a des sentiments mais la sexualité c'est pas pareil.» 16 ans, par téléphone, Ligne Azur «L'appelant dit n'avoir eu aucune relation sexuelle car il ne sait pas qui il est. Et puis, au fil de l'appel, il dit vouloir être comme les autres, c'est-à-dire un hétéro. Il dit se masturber à partir de photos de garçons, mais qu'en même temps il hait les homosexuels. Même si l'appel n'a pas été très long, l'appelant a pu dire sa souffrance de ne pas s'assumer en tant qu'homo. Il comprend que la haine qu'il éprouve à l'égard des homos est tout simplement liée au fait qu'ils ont su ou pu assumer leur homosexualité, ce qu'il n'est pas encore arrivé à faire. Il dit être jaloux.» 28 ans, commentaire de l écoutant, Ligne Azur «Mais j'ai pas éjaculé donc le risque est moins important pour moi, non? Je pense que je déconne, j'ai déjà eu il y a 4 ans des rapports sans capote et là depuis quelques mois je vois bien que je recommence. Je suis sous alcool chaque fois mais je sais tout de même ce que je fais, l'alcool me permet juste de pouvoir le vivre mais quelques heures plus tard je culpabilise à fond. J'ai déjà vu un psy il y a deux ans mais cela m'a pas fait grand-chose, de toute façon dans ma tête cela ne va pas, j'associe "gay" à "SIDA". Pour moi c'est comme une fatalité, je suis gay donc cela va forcément me tomber dessus... je vois pas comment je pourrais être heureux en tant que gay.». 22 ans, par téléphone, Sida Info Service Parfois, les échanges autour de l orientation sexuelle conduisent à des interrogations sur l identité même de la personne. L identité sexuelle, le plus souvent exprimée comme "suis-je homme ou femme?", fait partie de plus d un tiers des échanges sur Ligne Azur (35,9 %), mettant en évidence la complexité des questionnements de certaines personnes. «Je suis un peu homo. J'aime pas vivre homo. J'aurais préféré être une femme. Elles ont des enfants, avoir un vagin, m'habiller comme une femme... Je me sens mieux...» 38 ans, par téléphone, Ligne Azur Homosexualité et séropositivité, la double discrimination Les aspects psychologiques et relationnels sont présents dans plus de trois appels sur dix de HSH, quel que soit le dispositif sollicité (31,3 %). C est plus de dix points supplémentaires par rapport aux autres appelants masculins (21,4 %), soulignant la fréquence élevée de souffrance dans les appels de HSH. Illustrant ces chiffres, la prévalence de tentatives de suicide est nettement plus élevée chez les hommes homo/bisexuels par rapport aux hétérosexuels (respectivement 12,5 %, 10,1 % et 2,8 %) 33. «L appelant dit qu il n a jamais assumé la sexualité dans sa vie, et encore moins avec les hommes. Il dit qu il sait qu il n a pas pris de risques et qu il est sûr aussi d avoir le sida tellement il a envie de se punir de ses pulsions.» 60 ans, commentaire de l écoutant, Sida Info Service Les échanges avec les PVVIH sont particulièrement concernés par ces aspects psychologiques, présents dans 61,4 % des appels de HSH séropositifs sur Sida Info Service. «Séropo depuis 2003 et coinfecté, il parle longuement de sa solitude et de toutes les violences auxquelles il est confronté (violence homophobe, menace de mort, problème de voisinage). Il demande à être accompagné sur quelques semaines. Il va subir une opération du visage.» 48 ans, commentaire de l écoutant, ligne Sida Info Plus Le mal-être omniprésent Plus de deux appelants HSH sur cinq éprouvent du mal-être (46,4 %). Si la moitié d entre eux présente de l angoisse face à la maladie (55,8 %), un sur cinq évoque de la honte ou de la culpabilité vis-à-vis de sa situation (20,7 %). Plus d un sur dix mettent en évidence des difficultés liées à la sexualité (13,8 %). «Je dors avec ma femme, mais je rêve du corps d'un homme... Cette dichotomie, ça m'emmerde!» 46 ans, par téléphone, Sida Info Service 32 Hefez S., Adolescence et homophobie : regards d un clinicien, pp. 147-156 et Firdion J.-M. et Verdier E., Suicide et tentative de suicide parmi les personnes à orientation homo/bisexuelle, pp. 157-168 in Broqua C. et al. (dir.), Homosexualités au temps du sida. Tensions sociales et identitaires, ANRS Collection Sciences sociales et sida, Paris, 2003. 33 Firdion J-M. et al. Les minorités sexuelles face au risque suicidaire en France. Institut de Veille Sanitaire, Saint-Maurice. BEH n 47-48, 2011, pp. 508-510. Observatoire SIS Association 13

«Je suis marié, deux enfants ados, c est la routine dans ma vie de couple et je ne suis pas très bien dans mes pompes Je viens de rencontrer (4 mois) un homme de 28 ans et depuis je mène une double vie. Je suis amoureux. Mon épouse connaissait ma tendance homo mais je n étais jamais passé à l'acte sexuellement. Je suis sous traitement psy et j ai perdu 13 kilos. C est un grand bouleversement pour moi aussi, je suis vraiment perdu, j ai peur de parler avec ma femme, mes enfants. Je ne peux pas prendre de décision et je ne peux pas continuer cette double vie Que faire?» 42 ans, par téléphone, Ligne Azur Dans l ensemble des entretiens présentant des aspects psychologiques, plus d un quart des HSH mettent en avant des difficultés relationnelles (26,7 %). Parmi eux, les notions de solitude et d isolement reviennent fréquemment (46,9 %). La question de la dicibilité aussi bien de l homosexualité que de la maladie, est également présente dans les échanges avec les HSH, et révélatrice des discriminations encore actuelles de la société sur ces deux sujets. Si l homosexualité semble de mieux en mieux acceptée dans la société française, plus d un quart des hommes la qualifient de contre-nature (26,6 %) 34. Dans une enquête suisse auprès de HSH fréquentant des lieux de rencontre extérieurs, 23 % des HSH ont ressenti de la discrimination au cours des 12 derniers mois 35. «Je suis choqué que le psychiatre de l'hôpital ait écrit "patient homosexuel" sur mon dossier médical.» 42 ans, ligne Sida Info Droit «Je vous téléphone ce soir parce que je vais très mal et il faut que j'en parle à quelqu'un. Ce week-end j'ai même pensé à me suicider. Je suis tout en bas, je n'arrive pas à sortir de cet état de dépression Tout va mal dans ma tête. Je n'ai plus de relation avec ma mère depuis deux ans, elle ne me comprend pas. Je suis gay, alors pour elle c'est de ma faute si j'ai le virus. Nous sommes originaires du Maghreb, alors culturellement parlant je suis le vilain petit canard. Mes frères et sœurs, ne me parlent plus également. Je n'aurais jamais cru avoir autant besoin de ma famille par le passé. En plus mon résultat sanguin n'est pas terrible, et je pense que je suis bon pour le traitement, ça aussi ça me fout la trouille. J'ai peur de l'impact sur le physique, tout le monde va le savoir!» 34 ans, par téléphone, Sida Info Service La question de la dicibilité de l homosexualité est présente dès le plus jeune âge avec des mineurs totalement perdus face à leur homosexualité. Malgré l évolution de la société, la crainte du rejet est marquée même chez les plus jeunes. «Je suis gay et je le sais depuis toujours. [ ] Comment le dire à mes parents et à mes amis? J en ai marre de faire semblant!» 14 ans, par téléphone sur Sida Info Service «Bonjour, J'ai 13 ans et il faut savoir que je me pose des questions sur mon orientation sexuelle car j'ai une attirance assez particulière pour les mecs. Sérieux je ne me voit pas gay mais c'est plus fort que moi c'est comme ça c'est physique j'ai une attirance pour les mecs et je peut pas lutter. Alors que pour les filles RIEN c'est comme ça elles ne m'attirent pas du tout!! Mais c'est encore très flou même si dans ce que j'ai écrit avant, on pourrait croire que je suis sur de ce que je dis mais en fait pas du tout je ne sait pas qui je suis. Qu'en pensez vous? Je ne sais pas si je dois en parler ou pas car j'ai peur d'être rejeté et je ne suis sur de rien...» 13 ans, par mail, Ligne Azur Ces multiples aspects psychologiques et sociaux participent à la santé sexuelle. Les échanges menés avec les HSH montrent que ces aspects ne favorisent pas une santé sexuelle de qualité. Ce dernier témoignage illustre bien la complexité de certaines situations et la complexité de la prévention qui ne peut se résumer à l utilisation de préservatifs. «Il vient de prendre un risque. Il est complètement déboussolé. Surtout qu'il dit "avoir trompé son ami". Il sanglote et pousse même des cris de révolte. Il est très en colère contre lui. Mais il dit aussi que c'est à cause de ses parents qui ne l'ont jamais reconnu. [ ] Il dit qu'ils ont une attitude extrêmement violente à l'égard des homosexuels. Il ne leur a jamais parlé de son orientation sexuelle même s'ils se doutent bien de ce qu'il vit. [ ] Il se demande pourquoi cela lui arrive à lui, car dit-il, c'est parce qu'il n'a jamais été reconnu qu'aujourd'hui il a l'impression d'être addict au plan sexuel. Il dit que s'il n'a pas au moins un rapport par semaine, il n'arrive plus à travailler et dit avoir le pénis qui lui fait mal. Il parle de pulsions irrépressibles qui l'ont amené à des situations inquiétantes pour lui. De plus, il dit savoir qu'il fait mal à son compagnon à chaque fois qu'il va voir ailleurs. Il explique qu'en fait il a besoin de voir d'autres hommes pour essayer de combler un vide qui ne se remplit jamais. Il exprime une réelle souffrance et pense qu'il ne peut rien contre cela. [ ]» 26 ans, commentaire de l écoutant, Sida Info Service 34 Enquête sur la sexualité en France, op. cit. 35 Groupe Sida Genève. Enquête sur la santé des hommes fréquentant des lieux de drague HSH à Genève et dans ses environs. Décembre 2011, 38 p. Disponible sur http://groupesida.ch/ressources/ Observatoire SIS Association 14

Conclusion Les échanges avec les HSH issus des différents dispositifs d aide à distance de SIS Association mettent en évidence une diversité de pratiques sexuelles et préventives mais aussi de contextes qui accompagnent les prises de risque. Il s agit pour chacun de trouver un compromis entre ses envies, ses désirs, et un niveau de risque acceptable. Cela suppose de pouvoir élaborer une stratégie de prévention pour soi à partir d informations fiables sur la multitude d outils aujourd hui disponibles. En cherchant une alternative à une prévention reposant uniquement sur l utilisation du préservatif, finalement, "chacun fait selon sa recette". Si les HSH sont mieux informés que la population générale sur les techniques de RdR, leurs connaissances sont souvent partielles voire erronées. Il leur est alors difficile de se situer sur une échelle des risques, de prendre en charge un risque et de le gérer émotionnellement même lorsqu il est faible. Des campagnes de communication doivent continuer de cibler les HSH et il est nécessaire de trouver des espaces pour atteindre les plus jeunes. En effet, dans leurs entretiens ces derniers indiquent une sexualité à risque dès le début de la vie sexuelle. Quand ils sont en proie à des questionnements sur leur orientation sexuelle ou victimes d homophobie intériorisée et/ou vécue, de nombreux jeunes HSH sont dans l incapacité d acquérir des comportements de prévention dans le respect de leur corps. Les dispositifs de SIS Association offrent un espace pour interroger des sujets intimes sans crainte d être jugé et en toute confidentialité. Le LiveChat de Sida Info Service est un service particulièrement utilisé par les jeunes. Alors qu aujourd hui le TasP et la PreP sont au devant de la scène, le TPE reste méconnu. Si une communication sur les nouveaux outils est incontestable, pour autant il est essentiel de continuer à informer sur les méthodes plus classiques et notamment sur le préservatif. La prévention positive auprès des PVVIH, dans son acception la plus large, doit être renforcée et s adresser également aux partenaires séronégatifs. L accent doit également être mis sur le dépistage du VIH mais aussi de façon urgente sur les autres IST dont le rôle comme cofacteur de la transmission du VIH est largement documenté. Des programmes personnalisés de dépistage des IST basés sur les pratiques et le mode de vie sexuelle, tels qu ils peuvent être promus au centre de santé sexuelle «Le 190» 36, devraient être soutenus et développés. La prévention combinée n est pas une idée nouvelle et ne se limite pas à l utilisation de plusieurs méthodes pour se protéger au niveau individuel. En plus des volets comportemental et biomédical, elle doit s assurer qu au niveau structurel des moyens sont mis en œuvre pour, notamment, lutter contre la discrimination des personnes vivant avec le VIH d une part et l homophobie d autre part. Pour être plus efficace, la lutte contre le VIH/sida et les IST ne doit pas consister en une multitude d actions isolées. La concertation entre les différents institutionnels et associatifs mérite d être améliorée. 36 Pour plus d informations sur «Le 190» et «le check-up sexuel» : http://www.le190.fr/ Observatoire SIS Association 15