POÉSIE El Mahdi Acherchour Expiatoire à cause du fleuve vous voici au fond d'une larme recommencée la douleur est au coeur des océans au fond de vous-mêmes ne pleurez jamais plus d'une fois une fois c'est tellement beaucoup que c'est à vous d'y être encore plusieurs une fois : malgré les fleuves à cause d'une larme le mot larme vous paraît plein de sens et de sens uniques songez : vous ne serez unique que par plusieurs larmes songez encore une fois à cause du silence les uns parlent un ailleurs maternel d'autres écoutent la peur d'en parler le coeur est au coeur de sa douleur vous cherchez un mot afin d'écouter la Mère son coeur : vous le trouverez dans la peur d'aimer à cause de vous elle est ici au fond d'elle-même c'est ici qu'elle n'a pas caché son vide infanticide vide : plein de sens et de lait vous pleurez comme elle vous tétait pressés et étouffés vous voici au fond de l'autre choisissez le sein au bout duquel vous serez pendus la mort : une fois ici et plusieurs fois cachée à cause de vous elle s'approche et vous vous éloignez à cause d'elle 195
ALGERIE LITTERATURE / ACTION à cause de l'ancêtre le corps symbolise la continuité de l'esprit géniteur arrêtez-le si vous êtes les seuls à continuer seuls seuls : symbolise l'arrêt et la continuité des continuités à cause de vous le symbole ne symbolise plus rien et la stérilité crée vos corps malgré le coeur. Aujourd'hui, je suis avec eux... Y a-t-il un plus après le moins d'hier? Deux êtres se séparent. D'après un marin, La mer qui les sépare doit être un ensemble de marins voyager seul est la finitude des mots Deux êtres se séparent. Deux mers s'aimantent Dans la mémoire des marins : l'une leur paraît mer vivante L'autre est leur propre et défunte apparence couple en accord avec les douleurs océaniques en accord avec le corps avec le coeur ainsi naît l'ancêtre des pôles Deux extrêmes s'éternisent, d'après le Solitaire, La finitude qui les sépare doit être un ensemble de mots. Y a-t-il un tu après mon futur je? Les mots savent qui tu es Ils savent que je ne serai jamais sculpteur. C'est pourquoi notre secret s'immobilise dans les poèmes. Tu seras une pierre, Tu seras précieuse à l'intérieur, A l'extérieur, tout sera chemin hors chemin : Les roues que j'ai laissées vivre loin de moi Se retournent contre toi qui vivais de mon chemin ; Tu marches jour et nuit, roulant soleil et lune ; Avec eux jusqu'au bout ; même séparés, Tous les chemins mènent au sous-sol : au secret? Les mots savent avec qui tu es, Ils savent que je ne serai jamais seul. Y a-t-il cercle plus soudé que celui qui nous brise? Tu seras une flèche, Tu seras ciblée par une ligne aveugle, En dehors de la lumière, tout sera sang brûlé ; 196
Tu marches plus vite que blessure, décochant un désir Tout cru, tout-puissant, Alignés de bout en bout, tous les hommes se prosternent : chaque prière résume un chapitre de blasphèmes chaque mot traversé prolonge la traversée solitaire Les mots savent comme qui tu es, Ils savent que je ne serai jamais comme toi. Y a-t-il miroir plus brisé que celui qui nous encercle? Tu seras belle au beau milieu des contraires, Tu seras la vision qui me ressemble, De près, de loin, la distance sera ton Va et mon Viens ; Mon Sindbad disait : y a-t-il une mer après la mort? Ses fantômes savent que tu es dans ce poème, Ils savent que je ne serai jamais ton désert. Tu seras l'eau qu'il partageait avec sa soif, Tu seras fraîche sur la surface, Au fond, tout sera épave des métaphores. Tu nages, ô nymphe des pôles roulant crânes et obus Guerre mort désaccord et nous nous séparons malgré le soleil de la trêve Les mots savent te traiter même de putain, Ils savent que je ne serai jamais un saint Malgré la lune qui se déshabille derrière l'éclipse. Y a-t-il corps plus noble que celui qui...? Tu seras une pureté, Tu seras mélangée à l'eau que tu es, Après, tout sera mélangé à nous et à l'eau-de-vie après : c'est le début d'un je maudit : Je rêve dans une métaphore disparue à jamais, je me noie dans la peau d'un marin sans nom ; Tu marches sur la blessure, sur le fouet, Tu marches comme si la douleur écrase les pas, Ses mots savent que tu es là-bas, Ils savent que je ne serai jamais ici, Y a-t-il un secret plus général que celui qui se viole? Tu seras une vierge à part, Tu seras la mère de ton sculpteur de rêve La pierre que tu es sera la moitié de son secret : La légèreté? L'oiseau qui fonde son royaume 197
ALGERIE LITTERATURE / ACTION ne sera roi que par ses ailes ruinées il nous chante l'effondrement d'un air connu en pianotant avec nos propres et naissantes ailes si seulement tes doigts libèrent le onzième Commandement les graines que j'ai laissées vivre avec les pierres se noircissent se heurtent à une lueur de marbre La nuit n'a jamais eu autant de rêveurs, Eux qui seront la moitié de ton sculpteur. Les mots savent que tu es un plus, Ils savent que je ne serai jamais avec le moins Hier, aujourd'hui, peut-être demain... qui sait? Peut-être les mots... ils savent qu'ils sont plus ou moins rien. Est-il vrai que l'amour, tout l'amour, Soit dans ces mots : moi et toi? D'après toi, La vérité qui nous sépare doit être un ensemble De tout et de rien. Moi, je n'en sais rien! moi : peut-être tout après Nous, avant, sont nés comme plus-ou-moins : L'envers et le revers du même moi-et-toi, Lequel meurt d'être la même vérité. Y a-t-il un chemin plus court que celui qui se coupe? Las, j'ai placé un mot. D'après eux, même séparés, Aujourd'hui, je suis avec vous... Après, oui après, coupez-moi ces mots! A cause de vos "continue, continue!" Je marche sans pas, sans but, Après, non après, que les mots sachent Que je ne serai ni Jésus, ni chemin, ni moi-même "peut-être"! infini voyage de finir seul à cause de moi, me voici au fond d'une question : Y a-t-il recommencement après chaque négation? La réponse, je la trouverai cachée avec la mort. La réponse : je dois être un ensemble de réponses, Une forêt pleine de sens et de feux. 198
Simple voyage, simple complexe, C'est tellement simple que c'est à moi d'y être plusieurs. 199