Magloire Blanchette : l incendiaire du 3 septembre 1876

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Transcription:

Magloire Blanchette : l incendiaire du 3 septembre 1876 par Anne-Sophie Robert, membre du Centre d histoire de Saint-Hyacinthe Un beau dimanche de la fin de l été 1876, les habitants de Saint-Hyacinthe voient les troisquarts de leur ville partir en fumée. On dit que le feu aurait éclaté dans une étable située dans une cour de la rue Cascades, près du coin de la rue Saint-Hyacinthe, aujourd hui Hôtel-Dieu. Un certain Magloire Blanchette, sellier de métier, est immédiatement soupçonné. Magloire Blanchette est né à La Présentation le 13 novembre 1838. Il est le fils de J. Eusèbe Blanchette et de Félicité Roberge. Il se marie à Clothilde Lagrandeur à Saint-Aimé, le 8 janvier 1862. Quatre enfants naissent de cette union, dont deux à Saint-Aimé, soit Clothilde en 1862 et Magloire en 1864 et deux autres à Saint-Hyacinthe, Aurore en 1871 et Auguste-Edmond en 1873. Magloire Blanchette aurait donc installé sa petite famille à Saint-Hyacinthe entre 1864 et 1871. À Saint-Hyacinthe, il pratique le métier de sellier et possède une boutique où il fait la fabrication et la vente de harnais, selles, brides et fouets. Cette boutique a pignon sur la rue Cascades, dans un bâtiment appartenant à Camille Lussier. Magloire Blanchette occupe les deux étages du côté gauche de la maison, alors que les deux étages du côté droit sont occupés par Olivier Brodeur. À côté de cette maison se trouve l imprimerie du Courrier de Saint-Hyacinthe. Le jour du feu, Magloire Blanchette héberge sa mère depuis quatre semaines et son jeune frère Hugues depuis deux semaines. Le dimanche 3 septembre 1876, Magloire Blanchette quitte Saint-Hyacinthe vers 6 heures du matin pour une promenade à Saint-Hugues avec sa femme et ses enfants. La température est belle et il souffle une légère brise. L incendie éclate vers 14 heures dans une étable attenante à la maison louée par Magloire Blanchette. Dès que l alarme est sonnée, l aqueduc qui avait fermé l eau pour effectuer quelques réparations la remet en marche, mais il est déjà trop tard. Le vent qui s est levé en aprèsmidi porte les flammèches vers les bâtiments autour, agrandissant sans cesse l étendue de l incendie. Vers 16 heures, une pompe à vapeur arrive d urgence de Montréal. Dans la soirée, les flammes ont terminé leur course folle, faute de bois à brûler. Mgr Charles-Philippe Choquette, alors collégien, témoigne du désastre dans son Histoire de Saint-Hyacinthe : à 9 h., les flammes avaient cessé, laissant partout des charbons incandescents.

Vu de l œil-de-boeuf du fronton de l évêché, le théâtre de l incendie présentait l aspect d un brasier continu depuis la rue St-Hyacinthe jusqu aux limites est de la ville. Le feu a presque tout détruit sur son passage, du côté est de la rue Saint-Joseph à la rue Saint-Casimir (de Vaudreuil) et du côté sud de la rue Girouard jusqu à la rivière Yamaska. Quelques résidences de la rue Girouard, presque toutes les maisons de la basse-ville, le marché, des commerces, des manufactures et divers bureaux gouvernementaux sont disparus sous les cendres. Seulement 24 maisons, dans le périmètre de l incendie, sont épargnées. L imprimerie du Courrier de Saint-Hyacinthe est également détruite par les flammes. Ce qui n empêchera pas le journal de publier, tout de même, une feuille transmettant les dernières nouvelles aux citoyens de la ville, du 5 septembre au 4 novembre 1876. Magloire Blanchette est arrêté ainsi que son frère Hugues, considéré comme un témoin important. Cinq jours plus tard, l enquête débute au palais de justice de Saint-Hyacinthe, devant son honneur M. Lanctôt, magistrat du district, ainsi qu une foule de citoyens venue voir l accusé que tous connaissent dans la ville. Un résumé de l interrogatoire des trois principaux témoins est publié dans le Courrier de Saint-Hyacinthe du 9 septembre 1876, qui rapporte que : Magloire Blanchette est à la barre. La salle est remplie d une foule frémissante. Les constables sont à leur poste de même que MM. les officiers de la cour. Le constable Louis Lacaillade, Olivier Leboeuf, apprenti sellier et Hugues Blanchette, frère de l accusé, Magloire Blanchette, témoignent. Louis Lacaillade affirme que lorsqu il est arrivé sur les lieux de l incendie les flammes sortaient du grenier d une remise en bois située dans la cour de la propriété occupée par l accusé et dont le propriétaire est Camille Lussier. Olivier Leboeuf, demeurant à Brigham et ayant travaillé pour Blanchette comme apprenti en juillet 1876, rapporte que Blanchette lui a demandé de mettre le feu à sa boutique en échange de 100,00 $. Leboeuf affirme qu il a refusé et qu il a quitté son emploi chez Blanchette peu de temps après cette proposition et d autres qui ont suivi. Après avoir longuement hésité à répondre, Hugues Blanchette affirme que son frère, Magloire, lui a demandé à plusieurs reprises de mettre le feu dans le grenier de l étable pour 27,00 $ et un habillement complet. Pourquoi Magloire Blanchette harcèle-t-il son entourage pour que quelqu un mette le feu chez lui? On apprend beaucoup de détails à la lecture du procès qui a été transcrit par le juge Sicotte dans un grand cahier, dont a hérité Mgr Charles-Philippe Choquette et qui fait maintenant partie des archives du Centre d histoire de Saint-Hyacinthe. Le Courrier de Saint-Hyacinthe a également publié une retranscription de ce procès dans son édition du 28 janvier 1877. En tout, 39 témoins sont appelés à la barre. L histoire des assurances est dévoilée ainsi que toutes les manigances de Magloire Blanchette pour les toucher. M. Bartelle, de la compagnie d assurance La Citoyenne dit que l accusé a assuré son cuir pour 300,00 $ et ses effets de travail pour 100,00 $, le 28 juin 1876 pour 12 mois. M. Adam, agent d assurance pour la compagnie Stadacona, affirme pour sa part que l accusé a appliqué pour une assurance de 400,00 $ sur son ménage et de 200,00 $ sur son stock le 21 août 1875. Cette police, renouvelée le 21 août 1876, était effective le 3 septembre 1876.

Six témoins confirment que Magloire Blanchette avait des problèmes financiers. Camille Lussier, le propriétaire du logement de l accusé, rapporte qu il ne payait pas bien à tous les mois et que d ailleurs il lui devait 40,00 $ de loyer, information validée par le frère de l accusé, Alphonse Blanchette, qui raconte que son frère Magloire lui avait dit qu il avait une dette de 40,00 $. Ensuite, le témoin J.L. Bombardier explique qu il a rencontré Magloire Blanchette vers le mois de mars à Saint-Joachim de Shefford où il était en tournée pour vendre des harnais et qu il lui aurait confié que les affaires n allaient pas bien, car il avait de la difficulté à vendre ses produits et que le meilleur moyen pour se clairer était de mettre le feu à son stock, car il s était fait assurer. Magloire Blanchette a d ailleurs fait la même confidence à Joseph Lusignan et à Pierre Lamoureux. Louis Hébert, pour sa part, affirme qu il a rencontré Magloire Blanchette chez son père, environ un mois et demi avant le feu et que l accusé lui a dit : le temps va mal, si ça continue on va mettre le feu à la business. Le témoin ajoute : Monsieur Blanchette avait l habitude de parler trop, malheureusement, je ne l ai pas pris au sérieux, il se plaignait presque toujours. Le procès permet également de savoir que l idée de passer au feu mijotait réellement dans la tête de Magloire Blanchette, car il a proposé à trois personnes de mettre le feu chez lui. Le premier témoin qui en parle est Olivier Leboeuf. Il a été au service de l accusé environ deux mois durant l été 1876. Blanchette lui a demandé de mettre le feu dans le grenier de l étable la veille des courses, en échange de quoi il lui donnerait 100,00 $. Le jour des courses, il a demandé à nouveau à son employé de mettre le feu parce qu il y avait beaucoup de monde en ville et que personne ne le soupçonnerait. Leboeuf a refusé de nouveau et a quitté son emploi. Il affirme également qu ils étaient seuls lorsque son patron lui a fait ces propositions et qu il avait l air sérieux. Le deuxième témoin à qui Magloire Blanchette propose de mettre le feu est Joseph Lusignan qui a travaillé pour l accusé durant environ un an. Son patron lui a demandé à plusieurs reprises de mettre le feu dans le grenier de l étable, où il y avait beaucoup de paille, en échange de 20,00 $ la première fois, d un surtout et d un pantalon la deuxième fois, de 12,00 $ la troisième fois! Devant le refus de Lusignan, Blanchette a dit qu il demanderait à son frère et qu il viendrait peut-être à bout de lui. Lusignan ajoute qu il avait l air sérieux à toutes ses propositions. Finalement, Magloire Blanchette fait sa proposition à plusieurs reprises à son jeune frère Hugues dans la semaine précédant le 3 septembre. Le samedi 2 septembre, il le sollicite encore en lui disant que c est le bon moment, car il y a beaucoup de monde dans la ville et qu on ne le soupçonnerait pas. Il lui offre 27,00 $ et un habillement complet. Cependant, l accusé change d idée lorsqu il apprend de la bouche de Louis Simonneau, employé de la compagnie de l aqueduc, que celle-ci couperait l eau le dimanche toute la journée pour effectuer des réparations. Il dit alors à Hugues que ce serait encore mieux d attendre le dimanche pour mettre le feu et qu en plus il ne serait pas là, donc que personne ne le soupçonnerait. L accusé avait prévu faire une promenade à Saint-Hugues, avec sa famille, le dimanche 3 septembre. Plusieurs personnes l ont vu partir. D autres l ont rencontré à Saint-Hugues ce jourlà, dont M. Dandenneau à qui Magloire Blanchette a confié qu il était inquiet pour sa maison parce qu il avait peur du feu.

Sur la route de Saint-Hugues, Frédéric Saint-Germain a rencontré l accusé qui s en revenait vers Saint-Hyacinthe. Saint-Germain raconte : il m a demandé si c était vrai que St-Hyacinthe était brûlé je lui ai dit que oui, je lui ai alors demandé son nom et il m a dit qu il était Magl. Blanchette, il m a demandé s il était brûlé et je lui ai dit qu il était le premier qui avait brûlé et que les trois-quarts de la ville étaient brûlés, je n ai remarqué en lui aucune marque de surprise, il n a rien dit de plus Un autre témoignage important est celui de la mère de l accusé, Félicité Roberge. Elle raconte que le jour du feu, elle a préparé le déjeuner avant que Magloire ne quitte la maison, pour Saint-Hugues, avec sa femme et ses enfants. Vers 7 h 30, parce qu elle s ennuyait à la maison, elle est partie avec son fils Hugues pour la messe qui ne commençait qu à 9 h 30. Elle est revenue à la maison vers 12 h 15 et Hugues, qui était parti se promener avec des amis pendant la messe, vers 12 h 45. Elle raconte aussi qu après le dîner, ils ont joué aux cartes et jure que son fils est resté assis en face d elle durant tout ce temps. Vers deux heures, elle est sortie pour aller aux vêpres et a entendu M. Brodeur, le voisin, crier au feu. Elle a alors vu le grenier de l étable en feu. Durant l incendie, vers 17 ou 18 heures, elle est allée chez madame Provost mais elle n a pas dit où Magloire, son fils, était parti parce qu il était en mauvaise affaire. Elle affirme également que durant le feu, elle a dit aux gens venus l aider de ne pas sauver les meubles, mais, pas parce qu ils étaient assurés. Selon son témoignage, elle n était pas au courant que Magloire avait proposé de l argent et des vêtements à Hugues s il mettait le feu. Elle ajoute également qu un jour en revenant de Montréal, Magloire avait chassé des enfants qui jouaient dans la cour et avait reproché à sa mère de ne pas faire attention. Le Courrier de Saint-Hyacinthe rapporte qu à la fin du procès l avocat de la défense, Me Mathieu, tente de démontrer dans son réquisitoire que Magloire Blanchette est non coupable. Ensuite de quoi, Me Tellier démontre le contraire. Après deux heures de huis-clos, le jury rapporte le verdict : l accusé Magloire Blanchette est déclaré coupable du crime d incendie. Le lundi 22 janvier 1877, à 10 heures, devant une salle remplie, le juge prononce sa sentence qui se termine ainsi : la loi considère l incendiat comme un des crimes les plus graves. Elle permet de le punir par la condamnation au pénitencier, pour la vie, mais la durée de l incarcération est laissée à la discrétion du juge. La preuve a fait voir que dans l intérêt de vos enfants, il était mieux que leur direction future fut contrôlée par d autres parents afin de les préparer convenablement à remplir les devoirs des carrières qu ils choisiront. Pour ces considérations, vous êtes condamné au pénitencier pour sept ans. Malgré la condamnation et les témoignages, nous ne saurons probablement jamais qui a véritablement mis le feu à l étable. Est-ce Hugues qui réussit à se rendre dans l étable de la cour durant un moment d inattention de sa mère se préparant à se rendre aux vêpres? Est-ce que ce sont des enfants jouant souvent dans la cour à qui Magloire Blanchette aurait promis une récompense? Ou une autre personne qui ne fut pas appelée à témoigner?

Magloire Blanchette fut probablement incarcéré au pénitencier Saint-Vincent-de-Paul qui était la prison provinciale depuis 1873. Monseigneur Charles-Philippe Choquette raconte dans son Histoire de Saint-Hyacinthe publiée en 1930 : poursuivi par la réprobation publique, le condamné Blanchette, sorti du bagne, traîna une misérable existence à l étranger et décéda, diton, il y a une dizaine d années, [vers 1920] à North Bay, Ont. Est-ce que Mgr Choquette dit vrai? Il est très difficile de retracer Magloire Blanchette à partir du moment où il purgea sa peine. Nul doute cependant qu il ne refit pas sa vie à Saint-Hyacinthe.